La bataille de Nghia Lo

Bonjour,




La bataille de Nghia Lo s’inscrit dans le cadre de la bataille du Tonkin de 1951 et en constitue le quatrième volet après Vinh Yen (janvier 1951), Mao Khe(mars-avril 1951) et la bataille du Day (mai-juin 1951).

En octobre 1951, le corps de bataille vietminh a déjà pris forme : le nombre de ses divisions et non plus de brigades est maintenant de six - la 304, 308, 312, 316 et 320. Elles se reconstituent en personnels et en armes lourdes avec des SKZ d’origine chinoise et des mortiers de gros calibre. La division normale comprend trois régiments à quatre bataillons d’infanterie, une compagnie de renseignements, une compagnie du génie avec des groupements de sapeurs d’assaut, qui auront pour mission de désorganiser les défenses adverses, réseaux de barbelés, champs de mines, destruction d’ouvrage comme les blockhaus, des unités de transmissions, téléphonistes ou agents de liaison à pied, et une compagnie de coolies chargée des transports et du ravitaillement en vivres et munitions, et de l’ évacuation des blessés après la bataille. Il faut rajouter à cela un bataillon de DCA doté de 18 mitrailleuses de 12,7m/m.
La section de combat type comprend un groupe feu avec deux fusils mitrailleurs et deux groupes d’assaut ou de choc de neuf hommes chacun, armés de pistolets-mitrailleurs et de grenades, chaque groupe se décomposant en trois cellules de trois hommes, ce qui permet d’après le commandement vietminh de mieux suivre l’instruction des combattants, leurs problèmes de vie éventuels et surtout leur formation politique.

La technique d’assaut est toujours la même, la puissance de l’attaque étant basée sur le principe du fort au faible ; l’encadrement vietminh est de grande valeur et l’on trouve partout la présence des commissaires politiques et l’instruction de la troupe est portée jusqu’à la perfection. Le général Salan qui remplace momentanément le général Jean de Lattre de Tassigny, s’attend à une attaque viet, le haut commandement communiste ayant changé son code de cryptage, cela apparaît aux services d’écoute français comme un signe. D’ailleurs dès le 18 septembre le général Salan est informé d’un ensemble de faits qui laissent prévoir des futures actions de Giap, offensives qui pourraient se situer dans la zone Nord Ouest du Tonkin, c'est-à-dire en pays Thaï.

La division DD 312 a été repérée dans la région de Yen Bay sur la rive droite du fleuve Rouge et possèderaient des moyens de franchissement ; un de ses régiments, le TD 165, serait déjà à pied d’œuvre, près du poste français de Ca Vinh à 40 kilomètres de Nghia lo. Les services d’écoute arrivant à décrypter le nouveau code viet, apprennent que la nouvelle offensive est baptisée par Giap «  Ly Thuong Kiet », et que ce dernier tient par-dessus tout à s’implanter dans la région de Nghia Lo, région aux ressources importantes sur le plan du riz.

D’autre part la conquête du pays Thaï procurerait à Giap un prestige supplémentaire….. Le général de Lattre étant aux Etats-Unis, le général Salan, le tient informé de la situation et de sa décision de défendre Nghia Lo coûte que coûte, et reçoit l’approbation du Haut Commissaire et Commandant en chef en Indochine. Les services de renseignements français estiment que les forces du vietminh qui vont intervenir en Pays Thaï sont constituées pat la Division DD 312 commandée par le colonel Le Trong Tan, qui comprend les TD 141, 209 et 165, soit 12.000 bodoïs, 3000 coolies, 30 canons de 75m/m, 200 bazookas et SKZ et 80 mortiers.  


Nghia lo est une grosse bourgade étendue dans une Cuvette de 4 kilomètres de long sur 10 kilomètres, la ville étant traversée par la route coloniale n°13 et possède un terrain d’aviation. Elle est séparée d’Hanoi par 150 kilomètres de moyenne région.
Le poste militaire lui-même est tenu par le 1er Bataillon Thaï, commandé par le chef de bataillon Girardin, d’un effectif de 1000 hommes avec un encadrement de 18 officiers- 600 tirailleurs et cinq compagnies légères de supplétifs ; on y retrouve des officiers connus comme le capitaine Boileau, Cornu et le lieutenant Bes de Berc. Le poste vient d’être renforcé par deux pièces d’artillerie de 75m/m qui ont été installées sur le poste haut.


Le dispositif s’articule comme suit :
o Le poste bas
o Le poste haut sur un piton.
o Le poste de Son Buc au Sud-est.
o Quelques postes de partisans au Nord et à l’Est, servant de sonnettes.

Déjà le 28 septembre un accrochage a lieu dans le secteur de Khau Vac à 10 kilomètres au Nord de Nghia lo, le poste de Sai Luong, situé au Nord-est se replie sur ordre sur le poste principal.
Le 30 septembre, deux régiments viets, identifiés, les TD 141 et TD 209 sont repérés au Nord-Est de Nam Muoï, se dirigeant vers Nghia Lo ; un premier accrochage sérieux se déroule à Ca Vinh, le poste ne pouvant résister se replie également sur la cuvette.
Le 1er octobre le poste de Ban Tu situé à 5 kilomètres au Nord est pris d’assaut par les bodoïs.
Le 2 octobre, sur ordre du général Salan, le 8ème Bataillon de Parachutistes Coloniaux est largué en deux vagues dans la région de Gia Hoï. Commandé par le capitaine Gautier, le bataillon est composé de vingt officiers, cinquante six sous-officiers, deux cent vingt six parachutistes européens et deux cent soixante quatorze parachutistes vietnamiens. La CCB est commandée par le lieutenant Guérault avec les sous-lieutenants Tiger et Renaud, la 15ème compagnie par le lieutenant Dumil de Bénazé, avec les sous-lieutenants Joyeux et Gore, la 16ème compagnie par le lieutenant Gueguen avec les lieutenants Bardet, Gomane et l’aspirant Cherfallot, la CIP par le lieutenant Rioual avec les sous-lieutenants Dufour et l’aspirant Rousseau. L’officier adjoint au capitaine Gautier, étant le lieutenant Allard.


Le 3 octobre vers quatre heures du matin le TD 141 attaque le poste de Nghia lo bas, au cours des combats le Chef de Bataillon Girardin est tué, mais la garnison tient face aux bodoïs, ces derniers n’insistant pas se replient vers 7 heures trente craignant les raids de l’aviation. Mais à sept heures c’est au tour du poste de Son Buc d’être attaqué par le TD 165, mais l’aviation intervenant le poste résiste bien. A huit heures trente, la 16ème compagnie du 8ème BPC, subit un assaut en règle et doit se replier. Le capitaine Gautier met en place un dispositif destiné à couper la piste Gia Hoï-Nghia Lo par un point d’appui organisé par la compagnie du lieutenant Gueguen sur la côté 405 au sud de Gia Hoï, le lieutenant Allard restant au PC pour assurer les liaisons radios. Le bataillon occupe le col de Ban van et oblige ainsi le TD 209 à se détourner de sa mission première, c'est-à-dire l’assaut de Nghia lo.
Le 4 octobre, le général Salan décide de faire parachuter le 2ème Bataillon Etranger de Parachutistes également sur Gia Hoï et les trois compagnies se regroupent près de la côte 405 au Sud du col de Ban Van.


Le BEP est commandé par le capitaine Raffali, la CCB par le lieutenant Longeret, la troisième compagnie par le lieutenant Lemaire, la quatrième par le lieutenant Louis-Calixte et la CIPLE par le lieutenant Hélie de Saint Marc.


Au cours de la nuit la 16ème compagnie du 8ème BPC est relevée par la 15ème compagnie au col de 405, et vers huit heures trente le contact est pris avec la section Thaïe partie en reconnaissance. Mais immédiatement après c’est un accrochage très violent avec les viets, progressant sur la piste et appuyés par des armes lourdes installées sur le versant Nord de la rivière Nam Minh.
Le 5 octobre au matin la compagnie du lieutenant Gueguen se bat au corps à corps et commence à être encerclée par les viets qui manoeuvrent, elle réussit à se dégager non sans pertes, la section de l’adjudant Crepellière étant complètement anéantie succombant sous le nombre.
Le repli s’effectue difficilement et le bilan des pertes est lourd - 30 hommes de la section Crepellière ont disparus, on dénombre 11 blessés dont 3 sous-officiers et trois morts. Finalement la compagnie rejoint Gia Hoï. Pendant ce temps les viets tentent une nouvelle attaque sur le poste de Nghia Lo bas à quatre heures du matin mais ils sont de nouveau repoussés.


Le 2ème BEP rejoint Bac Co à six kilomètres au sud de Gia Hoï et à Bo Sieng afin d’intercepter les unités viets qui progressent sur la piste de Khau Vac -Un vif engagement se produit et le bataillon se place sur les hauteurs dont il prend le contrôle.


Les légionnaires et les vietnamiens de la CIPLE, sous la protection des chasseurs bombardiers effectuant une reconnaissance profonde, retrouve quelques blessés de la section Crepellière abandonnés sur place par les viets.


Mais désormais l’ensemble est commandé par le  colonel de Rocquigny qui fait tenir le col de la côte 869 par la CIP du 8ème BPC et envoie des reconnaissances vers Tan Kouen par des éléments du 8°BPC. La 16° compagnie tente de prendre contact avec le 2ème BEP, mais elle est attaquée vers dix huit heures par un bataillon viet au moment où elle arrive à Tan Kouen, les viets montant à l’assaut du PC, le capitaine Gautier est grièvement blessé et la section du lieutenant Truchot encerclée disparaît dans la marée jaune….


La compagnie a de la peine à se dégager, la 15ème compagnie arrive en renfort et le lieutenant Gueguen réussit à rejoindre le col de 869 tenu par la CIP et une compagnie du BEP. Par petits groupes les parachutistes de la 16 rejoignent Gia Hoï où l’évacuation des blessés a commencé.

Le 10ème BPCP est parachuté à son tour sur le poste de Nghia lo, il est commandé par le capitaine Weil, la 1ère compagnie par le lieutenant Compain, la 2 par le lieutenant d’Harcourt, la 3 par le capitaine Vernet et la CCB par le lieutenant Goria. Il est immédiatement dirigé pour dégager le poste de Son Buc tenu par le lieutenant Bès de Berc, mais le bataillon est arrêté par un fort bouchon viet à la côte 165 qui empêche toute nouvelle progression.


Le 7 octobre la 4ème compagnie du lieutenant Louis-Calixte est attaquée dans la nuit à trois reprises, et vers quatre heures du matin elle se replie sur la PC du bataillon qui décroche en direction de Tan Kouen pour rejoindre le 8ème BPC. Le capitaine Raffali se décide alors à repartir vers le Nord par les crêtes où il est de nouveau attaqué, sans succès d’ailleurs. Le 8 octobre, le poste de Son Buc est à nouveau attaqué mais il résiste aux assauts viets au cours de la nuit. Pendant ce temps le 2ème BEP rejoint le 8ème BPC près de la côte 405.

La défaite viet de la première bataille de Nghia lo tient surtout au fait que les unités parachutistes larguées les unes après les autres ont agi sur les arrières et les flancs des unités vietminh : le 11 octobre au matin le poste de Son Buc est enfin dégagé et c’est une constatation la DD 312 commence à se replier, harcelée par les supplétifs et les partisans de Chau Quang Lo, qui attaquent les compagnies de coolies. Le 15 octobre elle a repassé le fleuve Rouge. Il faut aussi admettre que la résistance des postes français a été à la hauteur, puisque les viets ont laissé de nombreux cadavres dans les barbelés des postes et les services de renseignements français ont estimé à près de 2000 tués et 2500 blessés ; plus tard il sera découvert un charnier comportant 500 corps de bodoïs près de Khau Vac.

Du côté du corps expéditionnaire, on dénombre 295 hommes hors de combat - 36 tués - 96 blessés - 163 disparus, 2 officiers ayant été tués, trois disparus et 6 blessés. La manœuvre lancée par le général Salan avec seulement trois bataillons de parachutistes a brisé l’offensive viet en Pays Thaï et obligé une division à la retraite. Certes la première bataille de Nghia Lo a été gagnée, mais Giap en tirera les conclusions et l’avenir sera moins serein lors d'un nouveau déferlement du Viêtminh.


Sources:

• Photos appartenant à Ronan de Bellecombe (pour le 2ème BEP);
  
• ECPAD.
  

Merci Pascal !

Les illustrations sont les bienvenues, car pas mal d'entre elles sont inutilisables ou effacées

Un rappel de cette bataille met en lumière le courage d'un jeune lieutenant du 8e BPC qui refusa de se soumettre : le lieutenant Guy Truchot.
Il mourra en captivité le 17 juin 1952.
On oublie souvent que les Camps Viets n'avaient rien à envier à ceux de l'Allemagne nazie.
Notamment le Camp 113 où sévit l'illustre Boudarel..

Pour Boudarel, honte à l'Université (et à Jussieu tout particulièrement) qui l'a accueilli dans son corps professoral où il a pu exercer jusqu'à la retraite.

Il aurait du y avoir un procès pour haute trahison et si, pour des raisons diplomatiques, ce n'était pas possible, au moins un traitement "homo" de la part du SDECE.
 
Les volontaires pour ce travail n'auraient certainement pas manqués.

J'ai repris dans un sujet qui lui est dédié, l'expression de l'un des nôtres : Boudarel était une ordure rien de plus à ajouter. 
Tous les recours en justice ont été déboutés.... Nous étions sous l'ère Mitterrand !