"Adolphe", février 1950 avec la compagnie Audema du II/1er RCP

Après 3 mois d'opérations à Phat Diem, la 8e compagnie retrouve Hanoï avec un sentiment d'irréalité: peut-on se réhabituer au monde civilisé ? Sera-t-il possible de vivre à nouveau en France?
Le 13 février 1950 à l'aube, le Bataillon est enfin  engagé dans l'opération Adolphe: il s'agit ici  d'encadrer le repli d'une armée du Kuo Min Tang, depuis Son La en pays Muong, jusqu'à SonTay :


 les Chinois nationalistes vaincus se replient au Tonkin pour gagner progressivement Taïwan.


La colonne de GMC du II/1er RCP quitte la Citadelle en direction de Son Tay, dévastée par les émeutes de 1947, longeant les murs du fort,


puis franchit la Rivière Noire au bac de Trung Hoa


Le paysage change : terre rouge, hauts pitons boisés, mais les paras, secoués par les tournants incessants et les cahots de la route, apprécient peu. C'est une piste de terre qui les conduit jusqu'aux abords de Thanh Son :




Chargés comme des mulets, les bérets-bleus en chapeau de brousse quittent les camions et les abords du fort de Thanh Son pour plonger dans l'arroyo qui marque la limite de la brousse. Il est 15 heures.

Bien qu'ils aient tous laissé un peu de leur âme dans ce pays, heureusement pour la plupart, ils ont pu renouer avec une vie normale, à Hanoï, tout d'abord, puis en France, ou en AFN, selon l'endroit d'où ils venaient....

Merci pour ce supplément d'aventures du II/1er RCP.

Merci Lothy: c'est une recherche problématique, contestable et difficile sur les pas 
de ces garçons de 20 ans; il ne s'agit pas tellement de retrouver leurs itinéraires, 
mais de rejoindre leur élan, leur "actualité"    ... à suivre donc

encore un petit morceau de notre histoire ...

merci

Je connais quelques uns de ces "garçons" de 20 ans, nous en avons quelques uns ici sur PTLH. J'en ai un parmi mes très proches....

Si tu lui posais directement la question, il te répondrait, qu'eux ne s'en posaient aucunes.... Sauf certains jours quand il y avait eu des moments difficiles et qu'ils rentraient moins nombreux qu'ils n'étaient partis.....

Ils ont agi parce qu'ils ont considéré que c'était leur devoir, principalement ceux qui avant l'Indo, avaient participé à la fin de la seconde guerre mondiale....

Lorsque l'on voit la jeunesse actuelle, il est évidemment difficile d'imaginer un "gosse" de 17 ans engagé dans une guerre, puis dans une seconde.... Pourtant ils l'ont fait... Et avec quel brio !

L'ex-sergent René Collard trimbale son lourd matériel d'infirmerie au milieu de la colonne de paras dont les voltigeurs de pointe et les guides muongs tracent péniblement la route au coupe-coupe. La jungle s'est refermée sur eux depuis de longues heures ; la végétation, le relief, les cris stridents des oiseaux s'appesantissent sur les épaules attendries par un mois passé à la Citadelle d'Hanoï.


Le soir venu, la compagnie aménage les trous individuels au sommet d'un piton émergeant de la forêt: les hommes sont bientôt réveillés par une pluie glaciale qui a vite fait de les tremper.
 Au matin du 14 février, on frissonne en repliant les moustiquaires humides. La progression reprend, rythmée par les coups de tranchant dans les impénétrables taillis de bambous, le franchissement d'innombrables torrents  qui semblent dévaler des pentes raides couvertes de brousse. Le soir venu, une vingtaine de kilomètres harassants ont été parcourus, lorsque le bataillon atteint le village de X Long, après une rapide escarmouche qui disperse les guetteurs postés autour des paillotes à pilotis.


En installant les postes pour la nuit, Collard et ses camarades voient s'allumer sur le versant voisin une multitude de feux : les Chinois...

Au lever du jour, le 15 février, le bataillon part à la rencontre des nationalistes, tandis que la compagnie Audema reste en protection à X Long, aménageant  de profondes tranchées au flanc du piton; les paras, couverts de sueur, frissonnent dans le matin humide.
L'après-midi, les reconnaissances font fuir quelques guetteurs viets... mauvais signe.
A la nuit, la pluie revient encore, grésillant sur les toiles de tente qui couvrent les postes des tranchées. L'eau s'infiltre partout, les sentinelles se relaient en chuchotant. Soudain, le vacarme de la fusillade brise net les bruits de la brousse: des balles fichantes  claquent sur la terre meuble, les éclairs des traçantes, les cris, des galopades venues des sommets: les viets tentent de s'infiltrer vers les paillotes, mais ils ne peuvent profiter de leur élan dans la nuit et sont vite repoussés par les rafales nourries venues des positions françaises : aussi brusquement qu'elle a éclaté, l'attaque se replie vers les hauteurs, et le bruit de la pluie recouvre le temps.
Au matin du 16, les sections ne trouvent que des traces furtives, presque diluées, de l'attaque, et des chargeurs vides.
Ce n'est que le 18 que le bataillon rentre sur X Long, précédant la longue cohorte chinoise, qui, toute la journée du 19, défile péniblement devant la compagnie Audema.
Ils sont à bout. Femmes, enfants, porteurs, se succèdent au milieu de soldats tâchant de conserver quelque dignité derrière leur général qui ouvre la marche sur un cheval épuisé.

 





Interminablement ils passent, visiblement affamés, tendant  leurs billets pour
échanger des rations aux paras...

 

René Collard les observe attentivement: puisse-t-il ne jamais connaître leur sort...

La queue de colonne se traîne, convoyant dans la douleur des dizaines de malades... puis c'est le reste du bataillon, avec le capitaine Lorgeoux, qui remplace le capitaine Broizat, malade... Enfin,  la piste est vide, il n'y a  plus que la compagnie Audema pour assurer l'arrière-garde du dispositif, et qui démarre à son tour...Il pleut à nouveau...Le ciel tonkinois déverse ses mille larmes pendant tout le chemin du retour jusqu'à la Rivière Noire...


Plus qu'un mois, et ce sera l'ultime prise d'armes à Hanoï, la croix de guerre  avec palme sur le fanion du Bataillon, puis la dissolution du II/1e RCP... 
soixante-dix morts depuis le 2 octobre 1948, et tant de compagnons partis...
Le lieutenant d'Harcourt prend la tête de la compagnie de marche de 186 volontaires, dont René Collard, qui vont poursuivre l'aventure des bérets-bleus en Cochinchine...
Le 26 mars 1950, ils quittent la Citadelle d'Hanoï... Adieu, Amis, Adieu, Tonkin...

Merci de ces beaux récit bien documentés Georges.

Merci pour ton appréciation Charly; j'ai essayé une "triplette": texte, image et musique, pour donner une "ambiance" ... faire un peu vivre le moment d'Histoire

georges a écrit:

Merci pour ton appréciation Charly; j'ai essayé une "triplette": texte, image et musique, pour donner une "ambiance" ... faire un peu vivre le moment d'Histoire

...et je pense que tu as parfaitement réussi.

Charly, c'est notre "jujubier", à la fois piquant et nourrissant, en l'occurrence Paracolo, qui nous donne l'exemple et le ton pour écrire l'histoire vivante des Paras et animer ce site exceptionnel... on suit  

georges a écrit:

Charly, c'est notre "jujubier", à la fois piquant et nourrissant, en l'occurrence Paracolo, qui nous donne l'exemple et le ton pour écrire l'histoire vivante des Paras et animer ce site exceptionnel... on suit  

Merci... tout simplement ....

georges a écrit:

Charly, c'est notre "jujubier", à la fois piquant et nourrissant, en l'occurrence Paracolo, qui nous donne l'exemple et le ton pour écrire l'histoire vivante des Paras et animer ce site exceptionnel... on suit  

bien vu ...

effectivement, il anime à sa façon et de bien belle manière ce forum

Pour tous les posteurs de PTLH , c'est un honneur de participer et d'accompagner  à notre manière nos Anciens, injustement  méconnus  et même persécutés pendant des décennies jusqu'à maintenant par toutes sortes d'intérêts manipulateurs qui jouent contre la France.