18 heures: installés en protection des antennes, les paras de la 2 assistent à un impressionnant rodéo de Bearcats et de B26 qui bombardent au napalm les hauteurs à l'ouest: 20 chasseurs et 12 bombardiers, le Commandement a mis les grands moyens.
L'artillerie prend la suite des avions, et durant les premières heures de la nuit, 105 et 155 bombardent au phosphore les positions viets du Tam Diep.
Les hauts calcaires brûlent à l'horizon proche, et quand le jour du 4 novembre se lève, les avions reviennent, suivis par un nouveau déluge d'obus au phosphore, infernal.
Les bérets rouges, qui n'ont guère dormi, embarquent à 10 h pour No Quan et prennent position 2 kms au nord, autour d'un point d'appui artillerie. De là, ils sont déployés vers l'est à la recherche du contact: ça tire rageusement à proximité,
mais la compagnie fait chou blanc sur son secteur, et revient sur le PC artillerie en début d'après-midi; là, les paras posent des barbelés et vers 18 heures, reprennent enfin la rame vers Lai Cac.
Manque de chance, ils doivent se garer vaille que vaille pour laisser place à une colonne montante.
Ce n'est qu'à 20 heures qu'ils retrouvent leurs positions, et assistent sans dormir aux pilonnages d'artillerie qui font éclater la nuit.
5 novembre 1953: repli de l'opération Mouette; dans le nouveau dispositif, baptisé Goéland, la compagnie Edme est maintenue en réserve divisionnaire et doit par conséquent se déplacer de calcaire en calcaire pour protéger la retraite des colonnes descendantes: tandis que les hauteurs restent pilonnées toute le jour par l'aviation et l'artillerie, les paras passent la journée à crapahuter avec leurs pims sur les lignes de repli sud-est,
et la nuit aux premières places des "sons et lumières".
6 novembre: la 2 remonte au nord-est de Lai Cac, pour une mission de protection d'arrière-garde s'étalant sur 1 km de crêtes:
durant de longues heures, les paras voient défiler en contrebas les interminables colonnes de transports de troupes
surveillées par le Criquet et une noria de chasseurs: le dispositif est impressionnant, mais n'empêche pas les viets de s'avancer au contact: la radio signale des accrochages, une quarantaine de viets au tapis, des prisonniers...
Vers 17 h, tout le monde est passé à l'est, vers la RC1, les paras sont les derniers. Ils quittent leur calcaire et font retraite à leur tour, en direction du dernier peloton de chars;
en face, les B26 pilonnent de plus près; tout-à-coup, l'un d'eux est touché de plein fouet par un coup au but et explose presque au-dessus des bérets-rouges figés de stupeur: aucun parachute n'apparaît sous les nuées...Il faut maintenant avancer le plus vite possible sur la petite route bordée d'herbe à éléphants, dans le rugissement ,la fumée des énormes moteurs et le cliquètement des larges chenilles. La poussière envahit tout, il faut courir, la radio signale que les viets sont tout près.
La nuit vient, les esprits se fixent sur les pas du camarade, un casque, une bande FM...
Voilà, c'est Dong Giao, les blindés accélèrent, s'éloignent, une voix crie: "C'est bon les gars, il n'y a plus personne derrière vous?"
Non, il n'y a plus personne, c'est fini... dans la nuit qui descend, il n'y a plus que les derniers guetteurs
et les images, derrière les yeux des hommes fourbus, toujours les mêmes images
" Ici-bas, chacun souffre.
ô soleil, dans ta course emporté,
tu ne vois de là-haut que des infortunés."