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 L'aprés guerre... La vie des civils... Le déminage - 2

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Paracolo
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Paracolo


Nombre de messages : 19925
Date d'inscription : 08/03/2009

L'aprés guerre... La vie des civils... Le déminage - 2 Empty
MessageSujet: L'aprés guerre... La vie des civils... Le déminage - 2   L'aprés guerre... La vie des civils... Le déminage - 2 Icon_minitimeJeu 4 Nov 2010 - 8:45

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Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes) …

Feuilletant le fascicule dont je vous [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], voilà que je tombe sur ce nom…

Breil est le hameau d’où est originaire feu ma belle mère, et il me revient à la mémoire une histoire que sa mère contait…

Durant l’occupation, des officiers allemands lui avaient demandé, contre rétribution, de laver leur linge…
Au cours d’une de ces prestations, elle avait « récupéré » un pain de savon, denrée rare, s’il en était…

Quelques temps plus tard, alors qu’elle allait se mettre à la besogne passe prés du bassin un de ses officiers-clients, il s’arrête, converse un moment, puis, le regard attiré par le morceau de savon lui en demande la provenance…
Un peu affolée, la bonne dame avoue son chapardage…
Aussitôt l’officier changeant de couleur -parait-il- lui enjoint de s’éloigner et de ne surtout pas toucher au savon…

Il s’agissait en fait d’une mine-piège camouflée dans un beau morceau de ce que l’on avait du mal à trouver et qui à coup sûr attirerait la convoitise…

Hasard du sort, elle eut la vie sauve grâce à un allemand alors que ses deux frères, furent eux, en d’autres endroits et pour d’autres raisons, fusillés…

Il faut croire que ce village, fut l’objet de l’attention particulière de l’occupant, puisqu’il a laissé une trace remarquable dans la mémoire des démineurs dont je vous livre le récit :

« Le col franchi, on avait devant soi un paysage clair, dégagé, merveilleux.

Vers le nord, sous un ciel bleu pâle et très pur, une série de crêtes parallèles s'étendait jusques au fond de l'horizon. Ça et là, une cime coiffée de blanc ... Vers le nord-est, mais beau­coup plus près, le mont Agu imposait son énorme masse re­couverte du vert manteau de la forêt... Entre ces deux axes, une vallée assez resserrée, toute noyée d'ombre ...

La voiture y plongea, littéralement.
Insensiblement, les cimes s'affaissaient; puis s'évanouirent.
Les branches du V de la vallée se rapprochèrent. Le ciel sembla disparaître tandis que la course vers le bas s'accentuait.

Le pont d'un ruisseau franchi, la route crocheta, et nous eûmes devant nous, plein Est, un tableau d'une délicatesse at­tendrissante. Trois cents mètres plus bas - trois cents mètres en altitude - le petit village où nous allions se nichait dans une boucle du petit fleuve, perle rouge sertie dans le blanc et le bleu du cours d'eau et le vert des frondaisons.
La route reprit sa direction première. Le village disparut à nos yeux.

Le cadre s'humanisait.
Une rigole d'eau courait maintenant le long de la route; rapidement entrevue, une maison, aux volets clos semblait-il. Se présentaient ensuite devant nous, comme au déroulement d'un film, des étages de culture étroits soutenus par des murs en pierre sèche d'où saillaient parfois des dalles formant escalier, des prés dont l'herbe était fort haute et de très beaux oliviers, non point taillés en gobelet mais libres, et dont les branches élancées vers le ciel portaient des rameaux chargés de menues olives vertes ...

Un éden de verdure, de fraîcheur et de paix !
Un coude en épingle à cheveux, et la route s'orienta vers le sud.
Nous étions au bas de la vallée. Mais quel bas de vallée !...

D'un coup, la route fut scabreuse : des nids de poule à chaque tour de roue. Malgré la vitesse réduite nous soulevions une poussière dense, ocre, qui prenait à la gorge. Poussière ou­bliée depuis un quart de siècle ! Arbres et buissons étaient poudreux, mais aussi déchiquetés. La guerre nous présentait la plus bénigne de ses faces !

La voiture continuait à avancer, lentement, péniblement.
La gare dépassée, elle s'arrêta : le pont accédant au village était détruit!
Nous descendîmes, et nos yeux se décillèrent tout à fait. La perle entrevue là-haut n'était qu'un pauvre village coupé du monde, désert. abandonné, triste comme un vieux décor de théâtre, et d'autant plus poignant, plus saisissant que tout parais­sait intact, et que l'eau, sur les pierres de son lit, bondissait, claire, aérée et vivante sous des arbres demeurés verts ! ...

Les mots sont incapables de traduire l'angoisse que nous ressentîmes en pénétrant dans le village.
Une angoisse causée par le silence et l'ombre de la rue, par l'humidité des murs, par l'aspect plus triste qu'hostile de ces maisons où nous savions cependant que le danger était à cha­que porte, sous chaque marche, sous le moindre tas, car tout dans le village était miné !
Nos pas résonnaient lugubrement sur l'asphalte ...

Notre mission était simple. Nous voulions savoir, non pas la nature des mines - nous les connaissions depuis long­temps - mais la nature des pièges.
La porte d'une maison s'ouvrait comme une invite.

Nous décidâmes de commencer là.
Lampes de poche allumées, du seuil, nous scrutâmes l'in­térieur. Rien ne paraissait suspect si ce n'est, à trois pas de l'entrée, un tas de fumier trop pailleux avec des bosses insolites.
Un escalier, Nous le grimpâmes. Mais avec quelles pré­cautions ! ...

La cuisine. Au milieu, une table rustique portant encore deux assiettes, une bouteille et trois verres ... A terre, renver­sée, une chaise barrant tout passage direct vers la table, ou la cheminée, ou la fenêtre dont les volets étaient à demi fer­més ...

Sans faire un pas de plus, Jean-François se baissa, éclaira la chaise : l'un des pieds servait d'attache à un fil de fer très fin. Le faisceau de lumière suivit le fil : celui-ci aboutissait à l'allumeur d'une stockmine, elle-même liée, assez haut, à l'un des pieds de la table ...
Il eût suffit de relever la chaise à terre, n'est-ce pas ?

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
stockmine
La journée s'était passée en prospections diverses. Maintenant, sur la petite place qu'ombrageaient de jeunes platanes, nous faisions le bilan de nos investigations.

Quel triste bilan!
Portes, tiroirs et battants de meuble tirant un fil de trac­tion ; volets rabattus heurtant contre le mur l'allumeur d'une mine ; fumier recouvrant des schumines ; carreaux de carrelage enlevés, minés, puis remis et se trouvant exactement placés au point de pose d'un pas partant du seuil ; cordons de chasse d'eau dans les W.C. de l'hôtel ; plaques de béton ou de fonte recouvrant les regards de conduites d'eaux pluviales, les re­gards d'égouts, etc ...

Tout, absolument tout, se prêtait au piège ! Nous étions atterrés.

Dans ce modeste village de montagne et de vallée où, avant guerre, il faisait si bon vivre, l'imagination perverse de l'homme s'était donnée libre cours !...

Et quel cours, orienté vers la destruction d'êtres humains, non pas face à face - combat qui pût être loyal - mais par des moyens qui n'atteindraient leur but que lorsque l'adver­saire, combattant, civil, femme ou enfant, se retrouverait seul ou se croirait à l'abri !...

Et pourquoi tout cela ?
La balle, l'obus et la bombe n'étaient-ils donc pas suffisam­ment meurtriers qu'il ait fallu, à certains, se torturer l'esprit pour trouver de nouvelles façons de détruire, pour inventer des pièges tels qu'aucun des gestes élémentaires de la vie ne se fît sans déclencher la mort ! ...

L'homme !... Le loup de l'homme ! ...
Le découragement et la peur s'infiltraient en nous.
Une peur comparable à celle des premiers hommes quand, démunis de tout, ils avaient tout à craindre autour d'eux.
Peur qui engendrait la haine dans le cœur de quelques-uns et, dans l'âme de quelques autres, une humiliante pitié!
Peur qu'il nous fallait combattre - et dominer - pour ac­complir la tâche qui nous était échue.
Soudain, devant nos yeux incrédules, apparut le seul être vivant de ce village abandonné .

Le seul être vivant. Un chat!
Un chat tout noir, pas tellement maigre qui, précautionneux en diable, fit quelques pas vers nous et s'arrêta, hors de portée.
Je revoyais en lui le chat de Rudyard Kipling s'avançant vers la grotte des premiers hommes. Le chat pour qui "se va­laient tous les lieux"

Nous l'appelâmes.
Il redressa la queue, fit vers nous quelques pas, s'arrêta, puis, ayant sans doute considéré que la société des hommes ne pouvait lui apporter que surprises fâcheuses, nous tourna le dos, "et s'en fut", la queue toujours dressée comme un pique-feu véritable ! »

Un saut dans le temps, et dans l’espace va nous amener, mi 45 en Lorraine…Les démineurs sont occupés sur de nombreux chantiers…

« Nous étions à Illange, ce petit village établi sur les hauts de Moselle, et d'où l'on peut apercevoir, vers l'ouest, quand le ciel le permet, chose assez rare dans ce pays aux mille et une usines, la vallée de la Fensch où la minette affleure à flanc de côteau.
Cette commune agricole se tient à l'écart de la route à grande circulation qui débouche, un kilomètre plus loin, sur l'autoroute menant à Metz.
A l'écart, parce que les paisibles tra­vaux des champs et des bois et les déplacements du bétail s'ac­commodent fort mal de l'agitation et du bruit des pays indus­triels.

Un soir, j'eus la visite de Monsieur Muller….
- Je viens vous demander un service, dit-il. Mon père a été tué par une mine en traversant une pâture, et son corps est resté sur le terrain. Chaque jour, en me rendant à mon travail (je suis garde-barrière à Basse-Yutz, de l'autre côté du bois), je passe près de l'endroit. Et chaque jour, je me reproche de ne rien pouvoir faire. L'hiver va prendre fin. Vous êtes là. J'aime­rais que mon père soit enterré au cimetière.

Je réfléchis. Notre chantier actuel pouvait attendre.
- Nous irons demain, répondis-je. Demain, c'est jeudi.
Vous aurez ainsi deux jours pleins devant vous pour l'enterre­ment. Soyez-là à six heures et demie.

Il est sept heures. Le petit jour pointe à peine. Il fait fris­quet.
Conduits par Monsieur Muller dont la musette est rebon­die, Paul, Emile et moi sommes arrivés à la prairie. Une prairie enclavée dans le bois où le haut des premiers arbres empri­sonne de blancs écheveaux de brume ...
A une cinquantaine de mètres du chemin gît la dépouille mortelle du vieux Muller.

Nous nous installons, face au mort que nous atteindrons par le plus court trajet. Nous prenons une bande de terrain assez large. Il faut penser au transport d'un corps roidi et compter une marge de sécurité suffisante. Nous fixons le bout de nos deux tresses blanches et commençons, avec nos baïonnettes, à son­der le sol.

Nous ne sommes que trois aujourd'hui. Je suis au milieu, à ma place de chef d'équipe. Paul est à ma gauche, Milo à ma droite. C'est à eux deux qu'il appartient de dérouler la tresse au fur et à mesure de notre progression…
... Deux heures se sont écoulées.

Nous avons fait une quinzaine de mètres. Pas de mines.
Ça avance. Mais c'est fastidieux, ce travail presque mécanique, machinal, qui consiste à enfoncer dans le sol, tous les 10 cen­timètres environ, à 15 ou 20 cm de profondeur, la pointe d'une baïonnette ! ...
Travail d'autant plus écœurant que, chaque fois que nous redressons nos bustes pour soulager nos reins, nos yeux se portent immanquablement sur le mort !

Dans sa musette, Monsieur Muller a apporté une bouteille de mirabelle, cette eau-de-vie de prune du pays lorrain au par­fum si délicat. Il vient nous en offrir. Nous refusons.
- Je ne voulais pas vous froisser, dit-il. Au village, la coutume veut que la famille du défunt apporte la «goutte au fossoyeur quand il creuse la tombe ...

Il se tait soudain, conscient de sa maladresse, puis rega­gne le bord de la prairie.

Vingt mètres sont faits !
Nous sommes presque à mi-chemin. Aucune mine encore.
Mais le cadavre devient proche. Une odeur fade se perçoit par moments ...

Ce travail monotone et cette trop lente progression, à ge­noux, buste courbé, avec pour but et pour décor ce mort qui a grandi chaque fois qu'on le revoit, entament notre résistance…

A ma gauche, Paul donne des signes de nervosité. Je consulte ma montre. C'est l'heure de la pause. Nous plantons nos baïonnettes et nous rejoignons Monsieur Muller sur le chemin.
Monsieur Muller « mange un morceau », comme on dit au pays. Levé très tôt, de peur de nous faire attendre, il n'a bu ce matin qu'un peu de café noir. Il est dix heures ; son esto­mac réclame. Nous, nous pouvons tenir grâce au petit déjeuner que nous avait préparé Madame Nau, notre charmante hôtesse, et que nous avons pris avant notre départ.
A nouveau, Monsieur Muller nous tend la bouteille de mi­rabelle. Cette fois, Paul s'en saisit et en boit une lampée. Emile aussi y fait honneur. Pour ma part, je refuse. Je tiens à garder la tête froide.

Nous avons repris notre monotone travail de sondage.
La nervosité de Paul ne fait que croître. Sa baïonnette s'en­fonce sous des angles divers et, trop souvent, il lorgne du côté du mort. Il est blanc comme linge. La sueur perle à son front. Je m'inquiète, car les mines ne doivent plus être très loin.
- Paul, lui dis-je, va te reposer un peu. Puis, pour ménager sa dignité, j'ajoute : La mirabelle ne te vaut rien!

Milo et moi continuons. Nous avons rétréci la largeur de notre passage. Nous l'élargirons au retour, quand nous con­naîtrons la nature des mines et la direction de leurs rangées.

Nos baïonnettes s'enfoncent, s'élèvent et s'enfoncent dans le sol assez mou de la prairie. La présence du mort - il n'est plus qu'à cinq ou six mètres - suggère à nos esprits la com­paraison d'un combat à l'arme blanche ...

Emile serre les dents. Je ne sais comment faire. Si je lui dis de partir, il va s'entêter et vouloir rester. Je le connais. Bon cœur, mais cabochard !

Nous distinguons maintenant les emplacements de mine.
C'est une pose soignée. Les Allemands ont pris leur temps. La couche d'herbe de chaque emplacement, comme une peau, a été découpée puis remise sur la mine. Et la terre enlevée a été transportée ailleurs car rien ne subsiste sur le sol herbeux. Il faut l'œil averti d'un démineur pour déceler la présence de mines.
La forme rectangulaire des emplacements, et leurs dimen­sions, trahissent la nature des engins : ce sont des schumines.

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Schumine

Le vieux Muller est là. Son drame se lit sur le sol. Son pied droit s'est posé sur une mine. L'explosion a arraché sa jambe droite. Il a dû mourir exsangue, après avoir appelé en vain au secours dans cette verte solitude ...

Emile n'en peut plus. Son nez se pince étrangement.
Je propose une deuxième pause. Nous regagnons le chemin
Monsieur Muller et Paul ne sont pas seuls. Des parents du premier sont venus. Auxquels se sont joints quelques curieux, car il est midi passé.

On nous entoure, on veut savoir.
Nous expliquons le fonctionnement de la schumine, petite boîte en bois dont le couvercle, sous une pression de 6 kilos environ chasse la goupille qui maintient armé le percuteur. L'ex­plosion de 200 grammes de mélinite arrache au moins une jambe. Si des secours ne sont pas donnés aussitôt, le blessé meurt, ayant perdu tout son sang.
C'est ce qui est arrivé au vieux Muller.

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La bouteille de mirabelle passe de main en main sauf dans la mienne. Je fume une dernière cigarette puis, seul cette fois - c'est mon rôle de chef d'équipe - je vais affronter les mines et le mort.

J'attaque la première rangée de schumines. Quelle densi­té ! Une mine tous les 40 centimètres et je compte 7 rangées! ... Le vieux Muller a sauté sur une mine de la sixième rangée et il est tombé sur les rangées déjà franchies. II recouvre quelques mines, qui n'ont pas explosé puisque le corps est intact. Qui n'ont pas explosé mais dont la bosse de la goupille a pu tra­verser la tige du percuteur. Il ne faudrait plus maintenant qu'une pression de 500 grammes - trois fois rien - pour déclencher le mécanisme ...

Le mort repose sur le côté droit. Tout en enlevant les schumines de leurs emplacements, je contourne le cadavre et commence le retour. C'est beaucoup plus difficile. A l'aller, il me tournait le dos. A présent, je vois son visage et ses yeux grands ouverts. Ses bras sont à demi repliés comme voulant, dans un geste de défense instinctif, protéger sa face.
Brusquement, une peur incontrôlable me saisit. Ma gorge se noue. Mes mains s'agitent. Mon estomac se serre.

"Cré bon Dieu, je ne vais pas caner, non ?»…Je détourne la tête, relève le buste et respire un bon coup.

La vue des arbres me rassénère. Je suis à genoux; ils sont droits. Je me relève. Je continue mes longues inspirations. Mon émotion s'apaise. Mes yeux se portent vers le chemin: les gens y discutent...
Seuls, Paul, Emile et Monsieur Muller ont leur regard tourné vers moi.
J'ai repris mon sang-froid. Je comprends soudain. Devant ce corps mort qui exaspère les sens surexcités du mien, ce qu'il faut, c'est penser à autre chose. Je me concentre sur la composition d'une schumine. Je me remémore le fonctionnement du ZZ 42. Je revois le croquis de la goupille avec sa bosse carac­téristique. Je pense aux pièges possibles.
Car le danger, le vrai danger, ce n'est pas le mort, ce sont les mines ! ...

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ZügZünder42

J'ai fini l’essentiel de ma tâche. J'ai retiré et neutralisé une centaine de schumines. Ne restent à enlever que celles se trouvant sous le cadavre. Je m'octroie une pause avant la der­nière et difficile épreuve. Je regagne le chemin pour y fumer une cigarette et me détendre au contact de vivants.

J'ai fumé. J'ai même goûté la mirabelle ... sur un sucre !
J'ai pris mes gants de cuir pour ne pas avoir de contact direct avec le mort. Car il va falloir le retourner pour enlever les mi­nes qu'il recouvre. J'aurais pu tirer le corps avec un câble. Je n'ai pas voulu infliger ce spectacle au fils, ni tuer le mort une deuxième fois dans le cas très probable de nouvelles explo­sions…

J'interdis l'accès de la prairie à qui que ce soit. A Paul et à Emile qui voulaient me seconder, à Monsieur Muller à qui il tardait de voir le corps de son père.
- Un seul au risque, leur ai-je dit. C'est la consigne. Je prends le drap que l'on me tend et je file.
Me voici près du mort, derrière son dos. J'étends le drap, plié en deux dans le sens de la longueur. Ceci fait, je reviens devant le mort.
Le moment est crucial…

Il me faut retourner le cadavre sur le drap et la partie dé­minée. Ce qu'il faut surtout éviter, c'est que le corps ne retombe Sur lui-même, sur les mines qu'il recouvre. Si cela se produi­sait, mon nom serait cité dans la chronique mortuaire !
J'attends quelques secondes…

Puis, calmement, je passe ma main gauche sous le bras droit et replié du mort, et ma droite sous le genou sans jambe. Le corps est raide. Cela va m'aider. Je soulève lentement, len­tement ... atteins le point d'équilibre, puis, je pousse. Le vieux Muller s'abat sur le drap!

Aux mines maintenant.
Le mort en cachait sept. Les quatre premières sont d'un enlèvement facile. Par contre, la goupille de la cinquième est aux trois-quarts sortie. Sa bosse est du mauvais côté du per­cuteur. C'est le cas des 500 gr. de pression.
Les deux becs de ma pince entourent délicatement la tige du percuteur. Je serre, puis tire pour tendre davantage le ressort tandis que ma main gauche réenfonce la goupille ...
Un travail à ne pas confier à un cardiaque!

Les deux dernières sont en état. Bagatelle !. ..
J'en ai fini.
Il est exactement 14 h. 36.

J'ai passé sept heures et demie sur ce terrain, sans rien prendre, hormis un sucre à la mirabelle ...
Je me sens un creux énorme à l'estomac ... »

Quittons nous, provisoirement, sur une image de…

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…La belle terre Lorraine en fin 45…


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