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 Les « Malgré nous » …

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Lothy-SF
Brelan
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Brelan
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MessageSujet: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 11 Fév 2022 - 10:41

Les « Malgré nous » …
 
Nota : sujet partiellement abordé sur le forum [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]


 
 
C’est un petit entrefilet dans un journal qui m’a interpellé
Monsieur………. est décédé le 1er mars 2019 dans sa 92ème année.
Il était un « Malgré nous » ancien de Tambov…
et m’a poussé à écrire ce billet.

(Un billet entre-coupé d'extraits de textes)

Cet homme que je ne connaissais pas, portait mon nom et devait vraisemblablement faire partie de ma famille…
L’Histoire fait parfois de curieux détours.
Mes deux grands pères ont fait la première guerre mondiale sous l’uniforme allemand en 1914-1918. L’un d’abord sur le front russe à Tannenberg puis en France. L’autre était à Verdun…
Mon père a fait la deuxième sous l’uniforme français en 1939. Il s’est enfui en zone occupée avec femme et enfant en 1943 quand il a reçu sa feuille de route pour se rendre sur le front russe. Echappant ainsi au statut de « Malgré nous ». Ce ne fut pas le cas de tout le monde.
Un lointain cousin qui porte mon nom est mort à Minsk sur une voie ferrée le 10 octobre 1943 et cet homme dont j’ai lu le faire part de décès était dans le camp soviétique de Tambov…
Je n’ai pas eu la possibilité de parler à mes deux grands pères à propos de leur guerre sur le front français. Pour l’un ce fut dans l’Aisne comme boulanger. Je pense qu’il n’a jamais participé directement aux combats.
Le deuxième était à Verdun et, d’après ce que l’on m’a raconté, avait échappé de peu à la mort après un combat au corps à corps…
Mon père, blessé sur la Meuse en mai 1940 après avoir fait exploser une péniche pour empêcher le passage aux troupes allemandes, s’est retrouvé prisonnier dans un hôpital à Nancy. « Libéré » en tant que « Mosellan Lorrain » il est rentré chez lui et a travaillé à Metz dans une entreprise encadrée par des allemands jusqu’en 1943.
Avec femme et enfant il a traversé la frontière du côté de Metz. Ce devait être au mois de mai. Mon père et son frère accompagnés d’un ami sont passés en prenant le train. A la frontière de la zone occupée, ils sont passés en choisissant un poste de contrôle tenu par des gendarmes français. En présentant leurs papiers allemands, ils ont fait le salut hitlérien auquel les gendarmes ont répondu en saluant. Il n’y eut aucun problème. S’ils étaient passés par le point de contrôle situé un peu plus loin, tenu par des gens de la gestapo, les choses auraient été différentes…
De son côté, ma mère avec son fils dans les bras était censée ramasser des fraises avec d’autres personnes en compagnie d’un passeur. Le passage de la frontière du côté de Metz s’est fait avec discrétion mais ponctué par mes pleurs…  
Oui, l’Histoire fait parfois des détours curieux…


Les « Malgré nous » …
On en parle à certains moments et puis on range le dossier…
Ces soldats Français qui ont revêtu l’uniforme allemand pendant la première et la seconde guerre mondiale laissent toujours une impression de malaise. Pourquoi ?
Parce que les « choses » n’étaient pas forcément simples à cette époque pour ces Alsaciens et ces Lorrains concernés.
Dans une région française devenue allemande après la défaite de 1870 la paix s’est installée et c’est presque « naturellement » que ses habitants ont porté le casque à pointe…
Avec la défaite de 1940 les conditions n’étaient plus les mêmes. L’Allemagne continuait à faire la guerre. Dans une région annexée au Reich certains ont porté l’uniforme du vainqueur « Malgré eux » et d’autres ont été volontaires. Certains ont même choisi les Waffen SS et d’autres s’y sont retrouvés sans l’avoir demandé. Enfin, quelques-uns ont fui à leurs risques et périls pour échapper à toute incorporation…
Pour essayer de comprendre, il faut approfondir le sujet.
Comme il ne m’est pas indifférent, j’ai tenté de le faire.

J’ai trouvé quelques informations qui permettent d’éclairer un peu les choses.

 
Avant de passer aux textes repris sur des sites, il faut préciser quel était le statut de ces régions « reprises » par l’Allemagne et la position de ses habitants face au « Service militaire ».

Après la défaite de 1870, l’Alsace et la Lorraine sont devenues des territoires allemands et ses habitants des citoyens allemands. Le « service militaire » allait de soi. Mes deux grands pères ont fait leur service sous l’uniforme allemand et en 1914 se sont retrouvés face aux armées russes et françaises.
Par contre, après 1940, les habitants des territoires « annexés » ne sont pas devenus des citoyens du Reich. Comme on pourra le lire plus loin, il faudra un tour de passe-passe juridique pour « naturaliser allemand » la majorité des habitants du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. En aout 1942, en raison du manque d’effectifs, débuta une « incorporation de force » avec des « Malgré nous ».

 
 
***********************

Commençons par le début, c’est-à-dire par la grande guerre.
(Comme on peut le lire sur le site cairn.info. Le Mouvement Social 2015/2 (n° 251))


« En 1914, l’Alsace-Lorraine est allemande depuis quarante-trois ans. À l’entrée en guerre, les hommes appelés à prendre les armes pour la défense du Reich sont ainsi, dans leur écrasante majorité, nés allemands. Ils ne connaissent de la France que ce que certains de leurs parents ou grands-parents ont voulu leur transmettre, un lien affectif que l’école et l’armée se sont employés à contrarier tout au long de leur apprentissage scolaire puis militaire.
Si la mobilisation se déroule globalement sans encombre, une minorité parvient à s’enfuir vers la France et manque à l’appel. On estime que 17 500 Alsaciens-Lorrains se sont engagés volontairement dans l’armée française au cours de la guerre, parmi lesquels quelque 12 000, qui se trouvaient en France depuis plus ou moins longtemps au moment de l’entrée en guerre, choisissent d’y rester et de s’engager, tandis qu’environ 3 000 auraient fui la mobilisation allemande quand celle-ci s’est précisée. Le reste est constitué des prisonniers de guerre et des hommes mobilisables capturés par les troupes françaises lors des offensives en Alsace en août 1914, qui décident également de s’engager plutôt que de rester internés.
Dans l’armée allemande, le chiffre habituellement retenu est celui de 380 000 Alsaciens-Lorrains mobilisés entre 1914 et 1918. En réalité, il comprend aussi les nombreux Allemands installés en Alsace-Lorraine, dont beaucoup quitteront le territoire après 1918. Le nombre des Alsaciens-Lorrains sous uniforme allemand se situerait plutôt autour de 300 000, voire moins.
L’action de ces déserteurs a un impact inversement proportionnel à leur nombre : elle cristallise en effet la méfiance d’une partie des autorités militaires allemandes à l’égard de l’ensemble des Alsaciens-Lorrains. Pour prémunir l’armée contre toute tentative de trahison, ces derniers sont bientôt soumis à des mesures d’exception appliquées à plus ou moins grande échelle
concernant notamment le contrôle postal et loctroi des permissions, lun et lautre rendus plus contraignants, la limitation de laccès à des fonctions et postes stratégiques et, surtout, le transfert dun grand nombre de ces soldats sur le front Est.
De ce point de vue, les Alsaciens-Lorrains ont pu ressentir, à des degrés divers dans le temps mais aussi en fonction de leur sensibilité nationale, le désagréable sentiment d’être traités en soldats de second rang, en dépit d’expériences quotidiennes de la guerre et du combat en tout point comparables à celles de leurs pairs venus d’autres contrées de l’Empire.

En France, le cas de ces déserteurs et des engagés volontaires alsaciens-lorrains ne manque pas d’être utilisé par une propagande qui veut y voir la preuve des profonds sentiments français de l’ensemble de la population d’Alsace-Lorraine dont le retour à la « mère-patrie » est justement devenu l’un des buts de guerre. Celui-ci est finalement atteint et, au sortir de la guerre, les combattants de l’armée allemande vaincue retrouvent leur province natale parée des couleurs tricolores du vainqueur, avant de recouvrir bientôt eux-mêmes la citoyenneté française
L’historiographie récente souligne la complexité de la situation de ces soldats en temps de guerre. Si une partie d’entre eux a revêtu à contrecœur l’uniforme allemand, la majorité semble s’y être conformée avec loyalisme et sens du devoir, sans vraiment se poser la question du sentiment national et du rapport à la France – du moins pas avant les derniers mois de la guerre.
Mais qu’en est-il du souvenir que nos contemporains gardent de ce destin peu commun ?
D’une manière générale, cette mémoire est assez éloignée du tableau issu des recherches des historiens. Le Poilu en bleu-horizon semble s’être imposé comme figure centrale des représentations collectives de la Grande Guerre, en Alsace et en Moselle – héritière de la Lorraine annexée – comme partout ailleurs en France.
Si toutefois on se souvient de l’histoire compliquée des Alsaciens-Lorrains, c’est souvent sous les traits de « malgré-nous » de la première heure, « placés par les vicissitudes de l’histoire entre deux patries et qui se battaient avec un uniforme allemand et un cœur français », comme l’a formulé il y a quelques années Nicolas Sarkozy, alors président de la République, lors des cérémonies commémoratives du 11 novembre 2009
Deux tendances se dessinent ainsi, l’une illustrant la dilution du cas alsacien-lorrain dans une mémoire nationale englobante, l’autre sa singularisation en un modèle de soldat conforme à l’idéal national.

Dans les deux cas, la mémoire régionale s’est accordée avec la mémoire nationale, dans le souvenir d’une guerre justement caractérisée par le heurt entre des nationalismes bien tranchés. »
 
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Et puis, il y eut 1939 et une nouvelle fois une annexion de ces régions.


Depuis la signature de l’armistice, le 22 juin 1940, la France vaincue est en partie occupée, mais le régime de l’Occupation varie d’un territoire à l’autre. Dès juillet 1940, l’Allemagne rétablit la frontière de 1871 et sépare Alsace et Moselle du reste de la France : c’est ce que l’on appelle l’ « annexion de fait ».
En août 1942, les Statthalter (gouverneurs) et Gauleiter (chefs du parti nazi dans la province) de l’Oberrhein (Rhin supérieur) et de la Westmark (Marche de l’Ouest) reçoivent du gouvernement allemand l’ordre d’instituer le service militaire obligatoire dans les territoires annexés.

Les besoins en effectifs de la Wehrmacht sont tels, depuis l’invasion de l’Union soviétique en juin 1941, que le haut commandement accepte puis réclame ces renforts. Un tour de passe-passe juridique – la naturalisation in extremis de la majorité des habitants des anciens départements français du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle – permet de donner à cette mesure une allure légale, alors que le droit international et la loi allemande sur la conscription de 1935 s’y opposaient.
On rappellera que la France n’avait pas cédé les trois départements à l’Allemagne puisque les deux pays n’avaient pas signé de traité de paix et que leurs relations étaient régies par la convention d’armistice de juin 1940.

Josef Bürckel (1895-1944), le Gauleiter de la Westmark, a ainsi supervisé le recensement puis l’incorporation d’environ 30 000 jeunes Lorrains de Moselle, nés entre 1914 et 1927.
 
***

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Brief aus der Heimat (« Lettre du pays ») est un périodique de propagande nazie publié par la direction (Kreisleitung) d’un arrondissement administratif. Cet exemplaire émane de celui de Sarreguemines (Saargemünd).
 Il s’adresse « à nos soldats » et aux hommes appelés au service du travail (R.A.D.-Männer) des secteurs de Bitche, Sarreguemines et Sarralbe, trois chefs-lieux de canton symbolisés par leurs blasons stylisés.
Le service du travail du Reich (Reichsarbeitsdienst ou R.A.D.) concernait les jeunes gens de dix-sept à vingt-cinq ans, garçons et filles, et, pour les garçons, servait de préparation militaire (six puis trois mois). Il avait été instauré en Moselle en avril 1941.
 Publié en mars 1944, le document présenté ici fait office d’avis mortuaire.

(
Tiré du site histoire-image Jean-Éric IUNG, « Les « Malgré-eux » dans l’armée allemande », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11 février 2022. URL : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
  
****

Une approche plus détaillée avec le site cairn.info  

« L’INCORPORATION DE FORCE DES « MALGRÉ-NOUS »
… On assiste à une germanisation forcée, tout à fait systématique en Moselle où Bürckel applique les méthodes qu’il a mises en pratique en Autriche méridionale : expulsions, changement de nom des personnes et des rues, enlèvement des monuments rappelant le souvenir français, implantation des organisations du parti nazi
Pour le moment Keitel, qui est à la tête de l’OKW, n’est pas favorable à l’incorporation des jeunes gens des territoires conquis. Comme beaucoup d’officiers, il nourrit une profonde méfiance à l’égard des Alsaciens-Lorrains, susceptibles de passer à l’ennemi et de rapporter des secrets militaires. Une enquête de 1916 avait révélé que des désertions étaient de 80 fois supérieures dans les rangs des Alsaciens-Lorrains.

 
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Si l’incorporation générale n’est pas envisagée dans la Wehrmacht, les SS, moins regardants, procèdent à des recrutements libres dès août 1940. À la fin de l’année, ils constatent le peu de succès de leur opération en Alsace, SS : 32, Police auxiliaire : 622. La propagande s’en mêle et, à la fin de l’année 1941, on décompte 329 SS et 751 policiers. En mars 1942, un chiffre à peu près analogue est donné pour la Moselle, soit 300 SS
Entre temps la Wehrmacht change d’avis. La région militaire de Stuttgart est chargée du recrutement. Elle promet toutes sortes d’avantages, primes, choix de l’arme, avancement. Là encore le résultat est décevant : 185 volontaires en décembre 1941, 2 100 en juin 1942 en Alsace. Ce chiffre a été d’ailleurs contesté par l’historien Riedweg qui a fait observer qu’il comprend des Allemands d’origine, expulsés en 1919 et revenus en 1940 en Alsace

On n’a pratiquement pas de témoignages sur ces volontaires, sauf Boos qui figure au procès d’Oradour-sur-Glane et Alfred G..., rattrapé par la justice dans l’affaire du maquis des Manisses. L’excuse du premier est son jeune âge et sa volonté de passer coûte que coûte le baccalauréat. Alfred G... a 82 ans en 2004 et dit ne plus se souvenir de son passage dans les Ardennes avec son unité de chars, venant de Parthenay pour se rendre en Lettonie
Mme Anne Herriot, dans un numéro de Saisons d’Alsace, nous dit les difficultés d’entrer en contact avec des survivants volontaires qui resteraient entièrement murés dans leurs convictions

Dans ce contexte, les Gauleiter des deux régions continuent leurs manœuvres en vue du service militaire obligatoire. La première étape est le service du travail obligatoire (Reichsarbeiterdienst – RAD) décrété le 23 avril 1941 en Lorraine, le 8 mai en Alsace et le 29 mai au Luxembourg
Il concerne les jeunes gens et les jeunes filles et ne dure en principe que six mois. Il s’agit d’une vie dans les camps ou de travail dans les fermes et les usines du Reich, quelquefois de service sur l’arrière du front, dans des formations du génie.

Cette vie paramilitaire, souvent très dure dans les camps, incite les jeunes gens à fuir vers la Suisse ou « l’intérieur » de la France, car ils sentent bien qu’il ne s’agit que d’une préparation à l’incorporation. Les filières d’évasion fonctionnent bien en Lorraine mais, en Alsace, les Vosges constituent une véritable barrière où les Allemands organisent des rondes très efficaces. Ceux qui rechignent sur place, sont expédiés sur le camp de Schirmeck pour y être exécutés en cas d’utilisation d’armes.





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Le service militaire est promulgué le 25 août 1942 en Alsace et le 29 août en Moselle. Il va concerner 100 000 jeunes gens en Alsace et 30 000 en Moselle. L’ancienne méfiance subsiste et l’on enverra de préférence les nouveaux incorporés sur le front russe (estimation 80 %).

Quand les jeunes gens deviennent opérationnels, Stalingrad est tombée et il faut renforcer le blocus de Leningrad, soit directement, soit en coupant la ligne de ravitaillement de Mourmansk-Leningrad… »
 
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Prisonniers des Russes...


Extrait du document : L'ENROLEMENT DES MOSELLANS DANS LE R.A.D. ET LA WEHRMACHT DE 1940 à 1945 par M. Henri HIEGEL
 
… A partir du 26 août 1943 les Mosellans furent rassemblés avec les Alsaciens et les Luxembourgeois dans le camp de Tambow au sud-est de Moscou.
Ils étaient logés au début dans des trous de terre, surmontés de branchages, puis dans des baraques, creusées à 1 m 50 dans la terre et dont le toit seul dépassait le niveau du sol. En temps de pluie ou de neige l'eau stagnait jusqu' à 10 cm de hauteur. La lumière n'entrait que par de petites lucarnes qu'on ne pouvait ouvrir.
Les baraques abritaient de 120 à 300 prisonniers. Elles étaient tellement insalubres et infestées de poux que les occupants contractaient facilement des maladies de vessie et des pneumonies, la gale et la dysenterie.
Les prisonniers étaient peu et mal nourris : une soupe aux choux, au maïs, aux poissons, à la farine sans graisse ni condiment, une portion de purée de choux, de maïs et de farine, du pain noir peu cuit…
 
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*****

Et l'incorporation dans la Waffen SS ?

C'est également au Gauleiter Wagner que l'on doit l'incorporation des Alsaciens dans la Waffen SS. A la suite d'un accord avec Himmler fin 1943, la moitié de la classe 1926 est incorporée d'office dans les Waffen SS en février 1944.
La proportion sera encore plus importante pour les classes 1908 à 1910 incorporées en avril-mai et la classe 1927 incorporée en novembre.
Le comportement des Alsaciens dans la Wehrmacht, en particulier celui des classes qui ont déjà effectué leur service militaire, n'est vraisemblablement pas étranger aux décisions d'envoyer les nouvelles recrues dans la Waffen SS, où la discipline est plus stricte et les possibilités de déserter restreintes.

Cette tragédie dans la tragédie aura des conséquences particulières pour ceux qui sont incorporés dans la Waffen SS, où les pertes sont beaucoup plus lourdes que dans la Wehrmacht.
De nombreux prisonniers SS sont en effet systématiquement abattus lorsqu'ils tombent aux mains des Russes. D'autres sont abattus sur le front de l'ouest par les Américains.
Il faudra attendre mars 1945 pour que le préfet du Haut-Rhin, Jacques Fonlupt-Esperaber attire l'attention du gouvernement sur cette situation tragique afin que celle-ci soit signalée aux Alliés, qui considèrent tous les SS comme des volontaires fanatiques.
Les survivants vont rester durablement marqués d'avoir fait partie de ce type d'unité dont les membres ont tous été qualifiés collectivement de « criminels de guerre » par le tribunal international de Nuremberg. Ce sera le cas de l’affaire d’Oradour sur Glâne.

(Cairn info)
 
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Au total, le bilan est désastreux. 8 000 morts chez les Lorrains Mosellans, 40 000 non rentrés sur 130 000 chez les Alsaciens. Sur ces 40 000 victimes, 22 000 seraient morts au combat et 18 000 auraient disparu dans des conditions souvent mal élucidées.
 
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Les Malgré nous ?
Des prisonniers de leur vécu. Ils ne parlent pas.

Devant la difficulté de communiquer avec l'entourage et l'incompréhension des autres, quand n'est pas manifestée une certaine indifférence, voire de la désapprobation sinon de la haine… il ne reste que le silence.

Certains, ils n’étaient pas nombreux, ont parait-il participé au débarquement de Provence avec l’Armée de Lattre…

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« Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes… » Hélie Denoix de Saint Marc
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 11 Fév 2022 - 10:55

Citation :
Les Malgré nous ?
Des prisonniers de leur vécu. Ils ne parlent pas.
Devant la difficulté de communiquer avec l'entourage et l'incompréhension des autres, quand n'est pas manifestée une certaine indifférence, voire de la désapprobation sinon de la haine… il ne reste que le silence.

Situation délicate que celle de ces hommes comme écrit dans [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]....  Notre regretté Boss était Lorrain, sa famille a été concernée comme celle de plusieurs autres membres de ce forum Alsaciens notamment.
Leurs descendants se sentent parfois très mal à l'aise ; nous avons eu des questions de plusieurs d'entre eux...

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Le temps qui passe nous rappelle la vérité de cette phrase.
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 11 Fév 2022 - 18:02

@Brelan - Je l’avais déjà dit sur ce forum, comme ta famille, la mienne Alsaco/Lorraine a eu une histoire très compliquée avec des membres fusillés au Mont Valérien (enfin un), d’autre mort devant Leningrad ou d’autre en camps de prisonnier á la frontière germano-polonaise avec un uniforme français sur le dos. Les cicatrices ne se sont jamais refermées après-guerre et la famille a été écartelée, certain ne se sont jamais revus.
Je te conseille vivement de lire le bouquin d’Eugene Riedweg « Les Malgré Nous », qui fait référence sur le sujet.

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J’avais d’ailleurs écrit un petit sujet pour l’ancien forum sur les 1,500 du camp de Tambov et leur incroyable parcours. Il y avait des images et documents, désolé mais il ne me reste que la version texte sans ceux-ci.
 
"Les 1,500"
 
Voici une histoire que peu de gens connaissent puisqu’elle embarrasse beaucoup de monde, l’histoires des „Malgré Nous“, ou MN. Je n’ai pas la prétention de faire un post sur les MN en général, car là je pourrais, et devrais écrire des pages entières, mais simplement évoquer le destin de 1,500 d’entre eux qui vont porter les uniformes Allemands, Soviétique, Anglais et enfin Français. 1,500 homme venant de Moselle ou d’Alsace, 1,500 hommes jamais reconnus dans l’uniformes qu’ils porteront, 1,500 hommes qu’on a mis en avant puis complètement délaissés, oubliés au gré de besoins humains, des tractations politiques, 1,500 hommes qui vont servir de monnaie d’échange et de pion sur l’échiquier stratégique des relations Franco-Russes.
 
Introduction rapide


Tout d’abord, qu’est-ce que les MN ? Ce terme définit les Ressortissants de la zone Moselle-Alsace annexée purement et simplement par l’Allemagne Nazi qui vont être obligés de servir dans l’Armée Allemande (Wehrmacht et Waffen SS).
Le terme apparaît pour la première fois dans l’allocution de  Maître Kalb, un résistant alsacien, qui, sous le pseudo de Jacques d’Alsace, parle, le 19 avril 1943 à la BBC « des «Malgré Eux, victime du silence complice et du lâche abandon de Vichy ». Le terme malgré eux va rapidement être repris par les intéressés lors de leur retour en France deux ans plus tard et transformé en malgré nous.
 
 
Les tractations
Des décembre 1942, de Gaulle projette de former une brigade de combattant sur le front de l’Est à partir de MN qui déserteraient la Wehrmacht ou se rendraient, un peu à l’image de l’escadrille Normandie-Niemen. Roger Garreau, chef de la délégation de la France libre en URSS reçoit donc l’ordre de prendre contact avec les autorités compétentes le 8 mars 1943, au moment où les premiers Alsaciens arrivent sur le front Russe. Cela va se traduire rapidement par des appels des soviétique à la désertion pour les Alsaciens Mosellans présents sur le front de l’Est. Toutefois, le 23 mars, les autorités soviétiques font savoir que les Alsaciens Mosellans pris les armes aux mains se verraient appliquer le régime appliqué à tous les prisonniers de guerre. Ce refus est motivé par le fait que les soviétiques ne veulent pas que d’autre gouvernement, en particulier la Pologne, formule le même genre de demande.

En juin 43 les appels à la désertion portent leur fruit, toutefois, aucune disposition spéciale ne serait appliquée aux déserteurs qui vont se retrouver au milieu de prisonniers de guerre Allemands et subir « les pires brimades ».
 
Malgré cela, l’obstination française va payer, et le 6 août, les Soviétiques admettent qu’il faudrait séparer les Français des prisonniers Allemands et leur accorder un régime de faveur. Cette décision est suivie, en Août 43 par l’accord de Joukov pour la formation d’une brigade d’Alsaciens Mosellans incorporée dans l’armée rouge. Mais voilà, entre temps le CFLN à Alger a changé son fusil d’épaule et demande que les MN soient rapatriés en Afrique du nord afin d’être incorporés. dans l’armée Française. Leur demande se base sur deux arguments
1- Le réciprocité : le gouvernement d’Alger a libéré les ressortissant Soviétique détenus en Afrique du Nord.
2- Il invoque le risque pour les MN combattant sur le front de l’Est d’être fusillés par les Allemands pour désertion en cas de capture.

Ceci va immédiatement refroidir les rapports Franco-soviétique, ce qui va avoir une influence négative sur le sort des Alsaciens Mosellans. Les mises en garde répétées de Roger Garreau et du général Petit, chef de la mission militaire Française en URSS ne changent rien des décisions du CFLN à Alger qui vit dans un autre monde, à des milliers de kilomètres de la situation des prisonniers de guerre dans les camps soviétiques.
 En effet les conditions de détention sont effroyables. On estime que au moins 4,000 MN vont mourir en détention dans les camps soviétiques. Ainsi au camp de Tambov, « le camp Français » (qui comprend 15 nationalités différentes) aussi connu comme le camp N° 188, situé à 430 km au sud est de Moscou, les conditions de détention sont effroyables. Les prisonniers y survivent dans une une effarante promiscuité et dans une hygiène déplorable, à l'abri de baraques creusées à même le sol pour mieux résister au terrible hiver russe où la température descend en dessous de -30 °C. Un peu de soupe claire et environ 600 grammes de pain noir, presque immangeable, constituent la ration journalière estimée à 1340 calories (en comparaison, en 1944, les détenus d'Auschwitz recevaient 2000 calories par jour). On estime qu'environ un homme sur deux mourait à Tambov après une durée moyenne d'internement inférieure à quatre mois.
 
Finalement, après mainte pérégrinations, le gouvernement soviétique va accepter, le 6 mai 1944, de libérer et d’acheminer vers l’Afrique du Nord, 1,500 prisonniers de guerre Français enfermés à Tambov, qui se sont rendus ou ont déserté la Wehrmacht. Le 8, le CFLN est mis au courant. Toutefois, les autorités Françaises ne vont pas se presser, au grand étonnement des soviétiques, à tel point que Garreau est obligé de télégraphier en urgence à Alger afin de demander l’acheminement des 1,500 en Afrique du Nord via l’IRAN et les autorités Britannique….
 
Le retour de 1,500


Le 4 juillet 1944, le général Petit, accompagné de deux officiers Français se rendent au camp de Tambov accompagnés du général Petrov. Pendant 2 jours, ils vont établir la liste de 1,500 autorisés à quitter le camp.

Le 6 juillet, le général Petrov remet officiellement les 1,500 au général Petit. L’accord se termine par cette phrase :
« Les prisonniers interrogés ont déclaré ne pas avoir de plaintes ni de réclamations à formuler »…. !!!!
Le départ a lieu le 7 par chemin de fer. Ceux-ci sont remis au Britanniques à Téhéran où ils seront parqués dans un camp de prisonnier avec mirador et fils de fer barbelé afin qu’ils ne puissent aller se plaindre des mauvais traitement reçus par les « Alliers » soviétiques, ce qui compromettrait les relations Franco-soviétiques ainsi que les chances de survie des MN encore détenus en Union Soviétique.
Les hommes sont ensuite acheminés à Alger où ils sont « Logés »  à la caserne d’Artillerie de Maison Carré. La peur qu’ils révèlent les mauvais traitements infligés par les Alliés soviétiques est telle, que leur arrivée à Alger est escamotée, et aucun civil n’est autorisé à prendre contact avec eux. Il faut savoir qu’à l’époque, l’URSS est l’Allié principal de Gaulle face aux Anglo-américains, il ne faut SURTOUT pas froisser la susceptibilité des soviétiques….

Les 1,500 seront les seuls MN libérés avant la fin des hostilités…..

Entre  Octobre 1942 et Novembre 1944, 129,979 MN vont être incorporés dans la Wehrmacht et les Waffen SS. 22,549 seront tués au combat, 8,762 ne rentreront jamais principalement morts dans les camps de prisonniers Soviétique, 32,000 seront blessés dont 10,000 mutilés. + MN sur 4 payera donc de sa vie son incorporation de force (chiffre du rapport Mutter de 1955). Le dernier MN,  Jean-Jacques Remetter, ne rentrera chez lui qu’en 1955….
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 11 Fév 2022 - 18:31

@ARB 

Dommage que ton travail ait été perdu, nous aurions eu le temps de le récupérer jusqu'à l'été 2020.

Le drame qu'ont vécu vos familles ne se cicatrisera pas avant encore un moment, tant qu'il restera des témoins directs et leurs proches descendants. Après, le temps fera son oeuvre ! 

Par ailleurs beaucoup de français et allemands ignorent cette page de notre histoire, page que l'on a toujours soigneusement cachée.

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 11 Fév 2022 - 18:41

Lothy-SF a écrit:
@ARB 

Dommage que ton travail ait été perdu, nous aurions eu le temps de le récupérer jusqu'à l'été 2020.
Donne-moi la main, je peux remettre les photos scannées.
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 11 Fév 2022 - 19:05

Trop complique Lothy, il faudrait les replacer dans le texte. En voici quelques unes.
La France de 1940-44
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Presentation de serment au Führer à la fin de l’instruction
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Devant l’Acropole en Grèce…
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A Cracovie en Aout 43. On voit clairement leur intention : La desertion.
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Les camps de prisonniers en Union Soviétique
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Le général Petit et le général Petrov arrivent à Tambow
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« Les prisonniers interrogés ont déclaré ne pas avoir de plaintes ni de réclamations à formuler »…. !!!!
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Les 1,500 rassemblés en uniforme soviétique avant le départ
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Les 1,500 en uniforme Britannique à Téhéran, et Français en Algérie…
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 Le dernier MN,  Jean-Jacques Remetter, ne rentrera chez lui qu’en 1955….
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Aujourd’hui, Mémorial des “MN” á Mulhouse
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 11 Fév 2022 - 22:18

Cette histoire de « Malgré nous », n’est pas une histoire que l’on raconte le soir aux enfants…
Il n’y a pas de célébrations de cet évènement.
On reparle des fusillés de la grande guerre pour les réhabiliter et peut-être rajouter leurs noms sur les monuments aux morts. Morts pour la France…
On ne parle pas des « Malgré nous ». Partis chez l’ennemi, morts pour qui, morts pour quoi…
Comme dans le livre 1984 d’Orwell, on refait l’histoire en occultant quelques passages. C’est aussi ces personnages qu’on supprime d’une photo pour respecter les ordres de Staline.
Le silence gêné est tombé sur la mémoire.
C’est bien connu, la France n’a pas perdu la guerre mais seulement une bataille. La France a été « résistante » et seules quelques brebis galeuses ont fait de la collaboration. La France martyrisée, la France libérée…
Alors, vous comprendrez que ces Mosellans et ces Alsaciens ayant revêtu l’uniforme de la Wehrmacht et parfois des Waffen SS étaient mal venus dans le paysage.
Et pour « un Français de l’intérieur » la question était réglée du jour où il a appris qu’à Oradour sur Glane parmi les SS il y avait des Alsaciens.
D’ailleurs ces gens de là-bas qui parlent allemand, pour lesquels on est parti faire la guerre…
Pour ne pas « envenimer » les choses aux yeux des « Français » on a préféré le silence.
C’est effectivement ce que j’ai ressenti comme gamin à l’époque.
Les anciens parlaient de leur guerre (la drôle). Ceux qui revenaient du « front de l’Est avaient le regard vague et ne parlaient pas.
Ma famille n’a pas eu d’ » états d’âme » à propos de la position des uns et des autres. C’est une chance.
Mais, dans cette affaire, j’ai toujours eu le sentiment que la Moselle et l’Alsace faisaient partie d’une France un peu particulière…
Pour le « restant de la France », je crains que notre particularité soit difficile à comprendre.
Mais quelle importance !
Aujourd’hui, « toutes ces histoires » n’intéressent plus personne.

Nota :  ce qui précède n’est qu’une réflexion personnelle et partiale…

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeSam 12 Fév 2022 - 7:04

Les "malgré nous", vaste sujet qui se débattait avec plus ou moins de violence et de courtoisie dans les années 50 dans ma famille, il y eu les "pour" et les"contre", certain parfaitement intégré à Allemagne, né Allemand et désirant le rester, d'autre, le contraire... Je ne vous dis pas l'ambiance, mon père pro-Allemand, son frère pro-Français ... ils avaient 18 mois différence d'âge
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Glard

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 4 Mar 2022 - 9:48

Bel article de Brelan, excellente illustration de ARB.
ça date du 11 Février et je découvre ce jour

Merci à tous les intervenants.
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 4 Mar 2022 - 10:02

Glard a écrit:
Bel article de Brelan, excellente illustration de ARB.
ça date du 11 Février et je découvre ce jour

Notre lettre hebdomadaire démontre une fois de plus son utilité en mettant en lumière des articles oubliés dès le lendemain alors qu'ils méritent d'être lus.

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeJeu 25 Aoû 2022 - 13:57

Sujet douloureux pour ceux en ont été victimes et n'ont pas oublié...

Il y a 80 ans, l’ordonnance Wagner et la tragédie des Malgré-nous


[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]




Le 25 août 1942, le Gauleiter Robert Wagner édicte une ordonnance qui contraint les Alsaciens et les Mosellans âgés de 17 à 37 ans à endosser l’uniforme allemand. Les hommes sont incorporés de force dans la Wehrmacht, l'armée régulière allemande, et même dans la Waffen-SS. Les femmes sont contraintes elles de rejoindre des organisations nazies. Ce sont les « Malgré-nous » et les « Malgré-elles ».

Parmi eux, Eugène Kleinmann.
Né le 28 avril 1926 à Drusenheim (Bas Rhin), Eugène n'a que 16 ans en aout 1942. Il n'est donc pas contraint de rejoindre l'armée allemande. Mais le 5 octobre 1943, ce Français est incorporé de force dans le RAD, le Service du travail du Reich, à Neustift (Autriche). Mais dès le début de l'année 1944, alors qu'il n'a que 17 ans, il est versé dans la Heer, l'armée de terre allemande.
Le 5 janvier 1944, Eugène est envoyé de force dans la Wehrmacht. Il est d'abord stationné en Pologne à partir de février 1944, puis en Lituanie, au sein du Régiment 1050, pendant tout l'été 1944 (il y est blessé d'un shrapnel dans le cou). Finalement, en novembre 1944, il est versé dans la 320 Volksgrenadier Division, qui combat en Pologne puis en Tchécoslovaquie (il y est blessé à nouveau d'un shrapnel dans le bras). Les combats sur le front de l'Est sont terribles et les pertes importantes.
Le 9 mai 1945, avec la fin de la guerre, il est fait prisonnier en Tchécoslovaquie, près de Prague, par l'Armée Rouge. Il est interné dans un camp de prisonnier à Stalingrad, en Russie, entre juin 1945 et mars 1946. Les conditions d'internement sont difficiles et il tombe malade de la malaria. Eugène est finalement rapatrié le même mois : passant par le port d'Odessa (Ukraine), il arrive à Strasbourg le 7 juillet 1946. Il est démobilisé de l'armée allemande le 31 juillet 1946.

 S'il parvient à rentrer sain et sauf dans son Bas Rhin natal après avoir été fait prisonnier durant de longs mois, il restera marqué à jamais. Lui qui n'avait pas voulu combattre y a été obligé. Il est une victime de la guerre. Et sur les 130 000 Alsaciens et Mosellans qui furent incorporés de force, 40 000 ne reviendront jamais du front.

Eugène, aujourd'hui disparu, était le grand-père de Sébastien Schœffter, l'un des abonnés PassionMilitaria.
Source : Archives personnelles (famille Schœffter)

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeJeu 25 Aoû 2022 - 16:58

En relisant cet article, j’ai repensé à l’époque où les « anciens » parlaient de leur « drôle » de guerre mais pas de celle qu’ils avaient faite (pour certains) avec un uniforme Allemand. Je les voyais rester silencieux ou sortir discrètement…
Mon père avait reçu sa « feuille de route » pour rejoindre Königsberg et m’avait dit : « Avec mon allure et mes yeux bleus, j’étais bon pour une unité de SS ». Il avait choisi de fuir avec femme et enfant et la chance avait été avec nous…
Dans ma recherche d’aujourd’hui, je suis tombé sur un vieux monsieur, un Alsacien qui a raconté son histoire. Avec un accent que je connais bien. Ce n'est pas un accent Allemand.
Il avait 16 ans à l’époque. 
Aujourd’hui on peut l’écouter, du moins je le suppose, sans porter de jugement hâtif…
C’est une simple histoire.
Son histoire est celle de beaucoup de ces oubliés de l’Histoire.
 Ceux qui sont morts, le sont pour de bon…



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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeJeu 25 Aoû 2022 - 18:12

Un témoignage  très intéressant.
Merci Brelan pour ce partage.
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeJeu 25 Aoû 2022 - 18:51

Un accent qui m'a été familier durant mon enfance...
Un de mes oncles (mon préféré) était alsacien, s'il perdit ses parents durant la Guerre, il retrouva une des soeurs de sa mère et son époux que l'Histoire avait bien malmenés, que j'ai beaucoup rencontrés.

Nous avons parmi les membres de notre forum quelques enfants de "Malgré-nous".... Malgré le temps, la blessure est toujours sensible, car dans bien des cas, les familles furent déchirées.

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MessageSujet: re : les " Malgrés nous "   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 26 Aoû 2022 - 8:55

TÉMOIGNAGES -

"On nous traite encore de boches", 80 ans après l'incorporation de force des Malgré-nous


Ce 25 août 2022 marque les 80 ans du décret instaurant l'incorporation de force des jeunes Alsaciens-Mosellans dans la Wehrmacht, en 1942. Aujourd'hui encore, ces anciens Malgré-nous doivent affronter les regards suspicieux et les remarques blessantes.
On croirait voir deux vieux amis dans cette petite chambre aux murs pâles de la maison de retraite de Plaine, dans la vallée de la Bruche, dans le Bas-Rhin. "T'as pas été dans la Wehrmacht, toi ?", demande Robert Prince, 97 ans, la télécommande de la télévision en main. "Si si", lui répond mécaniquement Hubert Groshens, 95 ans, qui vit dans une chambre à l'étage.

Il y a 80 ans, tous les deux ont été incorporés de force dans l'armée allemande, après l'annexion de fait de l'Alsace.
Le 25 août 1942, un décret instaure le service militaire obligatoire et l'enrôlement de force dans la Wehrmacht. Plus de 130.000 jeunes hommes seront mobilisés, dont des Mosellans incorporés quatre jours plus tard.

À cette période, Robert Prince a 17 ans. Il vit chez ses parents, à Saulxures, à la limite avec les Vosges, quand il reçoit sa lettre d'incorporation. "Si tu pars, tu reviendras peut-être, mais si tu ne veux pas partir, les parents trinquaient", se souvient le nonagénaire. "Ils les emmenaient dans des camps en Allemagne. C'était ça ou partir. Eh bah on est partis !" Direction l'Allemagne, où il posera des mines sur le front polonais.

Voir la suite ICI
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 26 Aoû 2022 - 9:31

Encore aujourd'hui...

""Mais ça continue encore aujourd'hui", renchérit Robert Prince. "Selon les lieux où l'on va, on est encore traités de boches." Des incultes, peste Robert, qui n'ont jamais étudié l'histoire de l'Alsace."


Mais cela n'est pas étonnant. C'est tellement plus simple de porter des jugements péremptoires à l'image de Facebook...

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 26 Aoû 2022 - 9:33

Si seulement il n'y avait que Facebook !
Nous avions ici un individu qui tenait ce langage....

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 26 Aoû 2022 - 9:49

Oui, c'est une espèce qui prolifère facilement. Il faut beaucoup de "rappels" pour les ralentir mais pour s'en débarrasser c'est disons "plus compliqué"...

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 26 Aoû 2022 - 9:59

J'oserai dire que c'est impossible !
Sachant que le triste individu, largement septuagénaire et para, qui proférait ces propos est d'origine lorraine... mais expatrié durant les années sombres...

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 26 Aoû 2022 - 17:54

J'avais trouvé un article intéressant sur Tambov vu par les Russes et l'évolution des mémoires. J'ai fini par le retrouver....non sans mal.
Je tenais à le partager :
L'auteur Denis Strelkov

En Russie, le camp de Tambov, où furent internés de nombreux Alsaciens et Lorrains pendant la guerre, est un sujet polémique. Son existence, longtemps niée par les autorités, vient contredire une part de l'histoire officielle.
Peu connue en Russie, l’histoire du camp de Tambov et des incorporés de force a fait la Une des journaux locaux en novembre 2017 quand un lycéen, lors d’une conférence consacrée à la Seconde Guerre mondiale, a affirmé que « certains membres de l’armée allemande étaient innocents et ne voulaient pas se battre ». Un coup dur pour le public russe dont le point de vue sur la guerre est formel : tous les soldats incorporés dans l’armée allemande voulaient se battre contre les Russes jusqu'à la mort. Après la publication de son discours, les députés russes ont accusé le lycéen de justification du nazisme, un délit selon le Code pénal russe.


C’est une écrivaine, Lyubov Shenderova-Fock, traductrice en russe du livre du malgré-nous Charles Mitschi,  « Tambov. Chronique de captivité » (Do Bentzinger Éditeur), à qui il revient d’avoir rappelé l’histoire du camp de Tambov et des incorporés de force aux Russes. Pendant la guerre, plusieurs Alsaciens et Lorrains incorporés dans l’armée allemande ont été capturés par l’Union soviétique. Jusqu’en octobre 1945, ils ont été internés dans le camp de Tambov, à 500 kilomètres de Moscou, où ils ont souvent été traités comme des adversaires, et pas comme des alliés. Entre 5 000 et 10 000 Français sont morts là-bas essentiellement de dystrophie alimentaire ou à cause du froid.


Dans plusieurs interviews aux médias russes, Lyubov Shenderova-Fock a raconté l’histoire des malgré-nous. Les réactions des internautes ont été explicites : pour la plupart, les soldats de l’armée allemande ont tous été des envahisseurs et des ennemis, tous ceux qui essayent de traiter cette histoire autrement sont des traîtres et il n’est pas question de faire la différence entre les Alsaciens et les Allemands.
« En Russie, tout comme en Alsace, la Seconde Guerre mondiale a provoqué des traumatismes collectifs », explique la traductrice quelques semaines après le discours. Selon elle, en Russie, tous les points de vue sur la guerre qui diffèrent de la position officielle sont mal accueillis, et le camp de Tambov ne rentre pas dans la glorieuse histoire du pays. « L’État ne parle pas de ces prisonniers de guerre. Pour les dirigeants de l’Union soviétique, l’histoire des Alsaciens était trop complexe pour qu’on puisse en parler. L’État construit son idéologie officielle autour de la Seconde Guerre mondiale, et il paraissait impossible d’y inclure l’histoire du camp de Tambov, car cela posait trop de questions. »

Le camp de Tambov était d’autant plus un sujet tabou en Russie qu’il était pendant des décennies sous l’autorité du NKVD, la police secrète qui a suscité la peur des Soviétiques. Le gouvernement a interdit à certains membres du personnel du camp d’en parler, et d’autres ne voulaient rien dire sur le sujet. Et comme le camp se trouvait à 14 kilomètres de la ville, sur un terrain militaire, même les Tambovites n’en savaient rien. En Russie, le camp et son histoire sont tombés dans l’oubli absolu jusqu’à la chute de l’URSS.



La levée d'un tabou


Avec la chute du mur et l’ouverture des archives, la presse commence à s'intéresser à la véritable histoire de la guerre, loin de celle décrite dans les livres d’histoire soviétiques. C’est un journaliste libéral, Evgenii Pisarev, qui a été le premier à Tambov à publier un article sur l’histoire du camp, qui n’a pas plu à la presse officielle. 
« Même si j’ai grandi à Tambov, je n’ai entendu parler du camp qu’en 1979, pendant ma visite en Allemagne. J’ai essayé de vérifier son existence dans les archives. Puis j’ai publié un article sur le camp dans un petit journal, mais la presse officielle régionale m’a accusé de mensonge, en disant que même si le camp existait, il n’était pas si important que ce que j’ai décrit dans mon article, et que les pertes françaises n’étaient pas si nombreuses. C’est en 1990 que le gouvernement a dû reconnaître l’existence du camp, après une dépêche de l’AFP sur la recherche des Français disparus sur les terres soviétiques » raconte Eugenii Pisarev.


Après la chute de l’Union soviétique, le camp devient un sujet très discuté à Tambov. Pour la petite ville, c’était le seul point de contact avec l’Ouest. Et les responsables régionaux, aussi bien que les habitants, acceptent d’aider les Français qui souhaitent retrouver leurs ancêtres décédés dans le camp. Pour Vladimir Penkov, qui a travaillé dans l’administration régionale à cette époque, l’ouverture des archives de Tambov et l’accueil des délégations étrangères étaient une démonstration de l'esprit d’ouverture de la politique internationale russe. « On a construit plusieurs monuments, y compris un parc français. Tout cela pour montrer que nous n'avons rien à cacher, que même si dans les relations entre nos pays il y avait cet épisode, nous étions prêts à tourner la page. »

En Alsace, avant l’ouverture des archives en Russie et des premières visites des délégations à Tambov, on a aussi peu parlé du camp. Selon les membres de l’association Pèlerinage Tambov, qui rassemble des anciens du camp et leurs descendants, les anciens du camp ne voulaient pas l’évoquer. 
« Ceux qui étaient revenus ont été très mal reçus par les autorités, et on les a culpabilisés, raconte Charles Sandrock, membre de l’association Pèlerinage Tambov.
 Pour l’opinion publique française, les Alsaciens étaient des traîtres. Et puis, ceux qui sont revenus ne voulaient pas en parler, tellement c’était pénible pour eux. Il y a eu des scènes atroces. La libération de la parole n’a commencé que dans les années 1970. » Et si, en Russie, l’association Pèlerinage Tambov est accueillie au niveau officiel, ses membres affirment qu’en France l’affaire de Tambov n’a pas reçu assez d’attention de la part du gouvernement. « Le camp ne fait pas partie des programmes scolaires, les gens n’en parlent pas. Nous sommes peu aidés par le gouvernement, nous recevons peu de subventions. Au niveau officiel français, on parle peu du camp de Tambov. »


Soigner la blessure autrement



Emile Roegel, qui est passé par Tambov à l’âge de vingt ans, admet qu’il n’a pas voulu en parler. « Pour nous, ce n’était pas un sujet tabou, mais les gens voulaient reprendre leur vie.
Après la guerre, j’ai commencé une autre vie, j’ai commencé mes études. » Selon lui, les histoires racontées par les anciens prisonniers après la guerre ont eu un impact sur le Parti communiste français, pas sur les relations officielles avec l’Union soviétique. « Les récits de captivité en Russie n’ont pas été en faveur des communistes » raconte-t- il.
Que doit-il rester de ce camp de Tambov ?
Si pour les Alsaciens, le drame du camp ne doit jamais être oublié, l’artiste tambovite Irina Biriukova est sûre qu’il est l’heure de tourner la page. « Il ne faut pas, sans aucun doute, oublier l’histoire du camp. Mais qu’est-ce qu’on fait avec ce souvenir ? Comment peut-on construire des relations entre Tambov et l’Alsace ? » demande-t-elle.
Pour Irina Biriukova, il faut arrêter d’organiser des conférences quasi-annuelles sur l’histoire du camp. « Pendant ces rencontres, les Russes disent toujours que les prisonniers ont été bien traités, et les ancêtres des prisonniers disent le contraire. Ils ne seront jamais d’accord. Mais si on a des échanges culturels plus profonds, comme des expositions sur Tambov en Alsace et sur l’Alsace à Tambov, cela permettra de soigner cette blessure autrement. »


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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 26 Aoû 2022 - 19:23

"Pendant ces rencontres, les Russes disent toujours que les prisonniers ont été bien traités, et les ancêtres des prisonniers disent le contraire. Ils ne seront jamais d’accord. Mais si on a des échanges culturels plus profonds, comme des expositions sur Tambov en Alsace et sur l’Alsace à Tambov, cela permettra de soigner cette blessure autrement. »


Article intéressant, Glard.
Donner un aperçu du côté « Russe » est quelque chose d’assez rare. Il faut dire qu’ils reviennent de loin pour avoir la possibilité d’aborder tous les sujets… de manière « claire ».
On constate là-bas les mêmes réflexes que chez nous. C’est vraiment plus facile de ne pas soulever les questions qui fâchent…
La bonne nouvelle est que Tambow est évoqué. L’essentiel est en effet de ne pas oublier même si tout n’est pas parfait.
C’est comme PTLH qui assure la mémoire de certains faits ou rappelle le parcours de certains oubliés… Ce n’est peut-être pas parfait mais le souvenir est entretenu. Et je reste persuadé que le flambeau continuera d’éclairer longtemps. Il y a toujours un retour aux sources, il faut parfois du temps. L’essentiel évidemment c’est de ne pas faire disparaître les sources…
 Cela me fait penser à un passage vu sur TF1 (je crois) aujourd'hui. A cause de la sècheresse certains fleuves ou lacs ont laissé apparaitre des « choses » enfouies sous l’eau. Un pont, un Boudha, une inscription gravée dans la pierre… La mémoire, c’est ça : les vestiges du passé qui peuvent remonter. Mais, même si on n'en parle pas il est indispensable de ne pas les avoir détruits…

Pour information : en « tournant » sur internet j’ai trouvé un site Russe qui semble aborder beaucoup de questions de manière « originale ».ICI Ce n’est peut-être pas une référence mais j’y ai trouvé un article concernant les prisonniers de guerre Allemands. (Il n’est pas question de Tambow.)

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« Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes… » Hélie Denoix de Saint Marc
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeVen 26 Aoû 2022 - 19:36

Citation :
Cela me fait penser à un passage vu sur TF1 (je crois) aujourd'hui. A cause de la sècheresse certains fleuves ou lacs ont laissé apparaitre des « choses » enfouies sous l’eau. Un pont, un Boudha, une inscription gravée dans la pierre… La mémoire, c’est ça : les vestiges du passé qui peuvent remonter. Mais, même si on n'en parle pas il est indispensable de ne pas les avoir détruits…


C'est bien sur TF1, j'ai vu également ces images...
Notamment ces vestiges appelés "Pierres de la faim" apparaissant dans le Danube et le Rhin, qui prouvent que les grandes sécheresses ne datent pas d'hier !

Cela ne plaira pas aux écolos, mais en ces temps anciens, on ne connaissait pas le "réchauffement climatique" et tout ce qui le provoque actuellement !

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeMer 26 Oct 2022 - 14:20

Parmi les "Malgré nous", il y eut des femmes...


En 2008, 15000 Alsaciennes et Mosellanes furent officiellement reconnues comme « incorporées de force en Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale ».

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Un premier documentaire réalisé en 1998 retraçait l’histoire de ces femmes « Malgré-elles », et avait initié le combat pour leur reconnaissance.

Le film « Jeunesses volées » revient sur cette période avec une nouvelle approche actualisée. Construit autour de témoignages inédits de survivantes et de paroles d’experts, enrichi par des archives jamais montrées à ce jour, le documentaire propose une vision élargie et contemporaine en intégrant le côté allemand et en donnant la parole aux nouvelles générations.

A voir sur France 3 Grand Est le 27 octobre 2022 à 22h45
Replay : disponible pendant 1 mois après la diffusion.

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeMer 26 Oct 2022 - 15:19

Les « malgré elles » !
Je découvre. Dans le sens où je n'imaginais pas que cela puisse aller aussi loin...
Après « l’annexion » de l’Alsace et de la Moselle tout le monde a été "obligé" de « s’inscrire » à un organisme nazi. Femmes au foyer, jeunes filles, sportifs, musiciens, retraités, club de tir etc. Ce fut le cas dans une partie de ma famille qui était rentrée de Charente où elle avait été hébergée entre 1939 et 1940 pour quitter la commune située en bordure de la frontière. J’avais vu quelques insignes de ces différentes « associations » mélangés avec des boutons de culotte. 
Je n’ai jamais entendu parler d’incorporations de force et de femmes ayant quitté la commune pour travailler dans une usine ou affectées dans l'armée allemande. Mais à l’époque, on ne parlait pas beaucoup de cette période…
Cette émission est donc d’autant plus intéressante.

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeMer 26 Oct 2022 - 15:25

Je viens de trouver cette vidéo :

LES "MALGRE ELLES" A LA CATHEDRALE DE STRASBOURG

Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses femmes d’Alsace, de Moselle, mais aussi du Luxembourg et de Belgique furent enrôlées de force par l’Allemagne nazie. Ces « Malgré-Elles » ont été reconnues tardivement par les Etats et leur souffrance a souvent été placée sous silence. 15000 Alsaciennes et Mosellanes auraient été concernées par ce crime de guerre. Pour rendre hommage à ces « oubliées de l’Histoire », l’association « Avanti… ! » a organisé dimanche à 15h une célébration œcuménique à la cathédrale de Strasbo


Reportage : Marc LARCHET – Pierre NIDERCORN

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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeMer 26 Oct 2022 - 15:59

Sujet rarement abordé.
Merci Lothy, merci aux contributeurs.
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeDim 7 Jan 2024 - 18:29

Au hasard d’un parcours sur internet, je suis tombé sur ce récit d’un ancien « Malgré nous ».
Le texte remonte à 1995. L’auteur, Léon Schreiber, ne m’en voudra pas de l’avoir repris intégralement pour le forum. (Il est extrait du blog de J. A. Sprunck )
  
 
 
Le témoignage d’un « Malgré nous ».
 
Il y a cinquante ans, déjà un demi-siècle, cinquante ans ont passé mais qui se souvient encore de la tragique aventure vécue par ceux, que plus tard, on surnomma les " malgré-nous 
Qui se souvient encore du 18 Octobre 1942, journée cruciale et néfaste pour la classe 1924 d'Alsace et de Moselle ? 
Léon Schreiber de la Région de Sarrebourg raconte avec beaucoup d’émotion sa difficile vie de soldat.  Il a perdu des amis.
 
Pour ma part, jamais je ne pourrai oublier. Nous étions encore des gamins, à peine sortis de l'école où on nous avait appris l'amour de la patrie " LA FRANCE ". Mais hélas cette patrie venait d'être piétinée par les bottes nazies. Nous étions 200 jeunes de la région de SARREBOURG qui venaient d'être incorporés. Adieu ma petite copine d'école, adieu mon premier amour. Les mères pleuraient, les pères serraient les poings. 
L’incorporation
Le train direction SARREGUEMINES devait partir pour midi. Lorsque le sifflet de la locomotive retentit, des dizaines de drapeaux français fleurirent aux fenêtres des wagons, c'est à ce moment que la Marseillaise retentit, entonnée par un des nôtres et reprise par tous les occupants des voitures sous le regard infernal et furieux de la Gestapo. L'arrivée à SARREGUEMINES se fit en chantant " Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine ", mais immédiatement une prompte réaction de la Gestapo freina nos ardeurs. Une dizaine des nôtres, escortés par la Feldgendarmerie menottes aux poignets, ont été conduits vers la sortie de la gare. Nous ne devions jamais les revoir. Entassés dans des wagons à bestiaux, nous fûmes dispersés dans diverses villes d'Allemagne pour y subir une formation militaire. 
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Photo DR
Jeunes recrues « malgré nous » et allemands durant leurs classes
Départ pour le front
Après trois mois d'une pénible instruction, je fus envoyé sur les champs de bataille de la Wehrmacht en RUSSIE et plus précisément à SUMY dans la région de KHARKOV et OREL. C'était en janvier, l'hiver russe était présent dans toute sa rigueur et sa froidure. Pour éviter toute révolte, une trentaine de Lorrains étaient éparpillés, dispersés dans chaque bataillon. 
Oui, ils furent plus de cent trente mille, ils n'avaient pour la plupart guère plus de 17 ans, ces jeunes parias qui craignaient pour leurs parents menacés. Ils partaient vers leur destin, obligés de hurler et de tuer comme des loups. Ils se battirent pour sauver leur peau contre un ennemi qui n'était pas le leur. Ils avaient juste le droit de mourir, non pas pour la FRANCE, encore moins pour l'ALLEMAGNE. Ils mouraient pour éviter la déportation à leurs parents. Quelques-uns parvinrent à déserter, d'autres furent faits prisonniers en faisant la sinistre expérience du camp de TAMBOV. 
 
Sur le front russe
Pour ne pas entrer dans le détail, je voudrais seulement mentionner une bataille, une des plus cruelles parmi plusieurs autres durant ces 22 mois de barbarie. 
Le 08 Août 1943 un peu avant le lever du jour, des tirs de "stalinorgel" et l'artillerie russe s'abattirent pendant deux heures sur nos abris et nos tranchées. Une odeur de soufre et de poudre engorgeait nos voies respiratoires. Je garde un souvenir cauchemardesque de ce bombardement d'une telle intensité que nous ne pouvions même pas porter secours aux blessés qui hurlaient de douleur. 
Après le bombardement, des centaines de soldats russes attaquèrent notre tranchée avec baïonnette au canon. La tuerie fut horrible, un vrai massacre de champ de foire. Les deux camps se livraient un terrible duel où s'opposaient l'artillerie allemande et leurs "Do-Werfer" à l'orgue de Staline et la "ratsch-boum" des Russes. 
Quatre amis Lorrains
Nous étions quatre Lorrains dans le 1er groupe de la 1ère Compagnie du 175ème Bataillon du Génie, soumis à la 6ème armée. Nous étions des camarades, même plus, nous étions comme des frères. 
Roger SCHOUMERS de METZ, s'est abrité dans le même trou d'obus que moi. Subitement, il entra dans une colère terrible en regardant son ceinturon sur lequel était inscrit "GOTT MIT UNS" et lâcha à voix basse << Dieu est-il vraiment encore avec nous ? >>. Quelques instants plus tard, une balle lui traversa la poitrine. A chaque respiration, le sang lui gargouillait hors du nez et de la bouche. Le pauvre Roger a dû mourir dans mes bras. 
La canonnade des deux côtés dura toute la journée. Les obus s'abattaient sur toute la ligne de front mais l'attaque des Bolcheviques avait échoué. Dans la soirée, la plaine devant nous ressemblait à une gigantesque taupinière. D'innombrables soldats blessés ou morts couvraient le champ de bataille. D'une petite forêt implantée non loin de notre position, il ne restait plus que les troncs des arbres, maculés de sang caillé et sur lesquels étaient collés des morceaux d'étoffes et de chair humaine. 
Les blessés hurlèrent jusque tard dans la nuit. Au petit matin l'on percevait encore des gémissements puis ce fut le calme. La mort avait fait son œuvre. 
Durant toute la nuit, des balles traçantes déchiraient le ciel en sifflant. De temps en temps, une fusée éclairante illuminait le champ de bataille. 
Un torrent de feu
A l'aube du 09 Août, des bruits de moteur se firent entendre. Une douzaine de chars T 34 avançaient vers notre position et immédiatement un torrent de feu submergea à nouveau nos tranchées. Le tir des " orgues de Staline " s'abattit une nouvelle fois sur nous, mais le pire restait à venir. En avançant, les chars écrasaient les morts sous leurs chenilles. Une fois que les blindés étaient à notre portée, l'un des nôtres mis son engin anti-char en batterie, visa le premier venu et appuya sur la mise à feu. Immédiatement, une épaisse fumée noire envahit notre tranchée, accompagnée d'une chaleur infernale. Un autre char avançait vers un trou d'obus dans lequel avait pris position un soldat armé d'une "Panzer Faust" qui visa le T 34 et appuya sur la détente. Touché par le projectile, le char prit feu et l'explosion des munitions qui s'y trouvaient arracha la tourelle du blindé. Les deux réservoirs de carburant situés à l'arrière se sont également embrasés, ne laissant à l'équipage aucune chance de s'en sortir. 
La mort de l’infirmier  
A une cinquantaine de mètres de ma position, Klaus l'infirmier allemand tentait de ramener vers l'arrière deux blessés. Un obus tiré par un char est venu frapper de plein fouet la petite équipe. Deux hommes déchiquetés gisaient dans une mare de sang et Klaus, grièvement blessé allait mourir peu après. Pauvre Klaus, nous venions de perdre un homme d'une grande disponibilité et d'une générosité sans limites. Il était toujours notre ami, il avait su témoigner une sympathie bienveillante à notre égard et éprouvait à l'égard des Alsaciens et Mosellans une affection particulière. Seulement voila, la maîtrise, la supériorité des sentiments, même les plus nobles n'avaient plus de valeur ni de prix. 
Sauver sa peau
L'esprit de combativité de tous était à zéro mais celui des Lorrains l'était plus encore. Dans le sauve qui peut général, chacun n'avait qu'une seule idée, qu'un seul but, sauver sa peau. Était-ce condamnable, méprisable, haïssable, était-ce un signe de lâcheté, qui pourra en juger ? 
Dans la bataille que je viens de décrire, notre compagnie a perdu 70 soldats, morts, blessés ou disparus. Parmi eux mon ami Roger de METZ dont je viens de parler, mais également Jean NESIUS de COLMAR, un ami de mon groupe qui a été blessé par un éclat d'obus. Robert de LIXING et Norbert de NILVANGE sont les seuls Lorrains rescapés de ma section. 
Déroute de l’armée allemande
Cette offensive russe entraîna la déroute de l'armée allemande sur tout le front. Je regrette de ne pas pouvoir vous raconter tout ce que l'on a vécu et souffert pendant cette période de repli de SUNNY jusqu'à KIEV où fut livrée la bataille d'UKRAINE durant laquelle mon ami Nicolas de CREUTZWALD fut gravement blessé. Mon stylo ainsi que mes sentiments personnels se rebellent. 
Le harcèlement de l'artillerie sur les troupes allemandes le long de la rive Ouest du fleuve le Dniepr devenait d'heure en heure plus virulent. Des tentatives de franchissement du fleuve par des unités russes échouèrent à plusieurs reprises. De nombreux cadavres de soldats russes, mais également des nôtres, suivirent le courant de l'eau pour un dernier voyage vers la Mer Noire. 
Mission spéciale
Jamais je n'oublierai la nuit du 21 au 22 octobre 1943 où il me fut commandé de participer à une " mission spéciale ". Au milieu du fleuve, à 4 km au Sud de KIEV, se trouvait une île de 1 km de long sur laquelle avaient poussé deux arbres. Des tireurs d'élite russes étaient embusqués dans ces arbres et abattaient les personnels de l'infanterie qui creusaient des tranchés sur la rive du Dniepr. L'unité du génie dont je faisais partie, reçut l'ordre de débarquer sur cette île avec un canot pneumatique durant la nuit du 21 au 22 octobre pour détruire les deux arbres qui s'y trouvaient. Le moment le plus pénible de cette mission fut celui ou nous devions vider nos poches de nos pièces d'identité et de nos effets personnels pour ne garder que notre plaque d'immatriculation accrochée avec une ficelle autour du cou. 
Alors que nous étions arrivés au milieu du fleuve, un tir de "Katiouchka" vint frapper notre canot pneumatique. Six de mes camarades furent emportés par les eaux vers ODESSA dans la Mer Noire. Après avoir lutté un bon moment contre le courant, je parvins à regagner le point de départ à la nage. Est-ce par hasard que je fus l'un des rescapés ? 
On l’a échappé belle
Avant de quitter KIEV, capitale Ukrainienne, l'unité de pionniers dont je faisais partie, reçut pour mission la mise à feu des charges explosives que nous avions placées sous les ponts pour les détruire. Il était grand temps de prendre le large puisqu'à tout moment la ville pouvait tomber aux mains des troupes russes. Après avoir marché comme des forcenés jusqu'à 3 heures du matin, nous avons décidé de nous reposer dans une " panier maison " que nous avons découverte sur notre route. Mais le repos fut de courte durée. A peine étions nous endormis, que notre sommeil fut perturbé par l'arrivée de 3 chars T 34. Sur chaque blindé une dizaine de soldats se tenaient accroupis. Les chars ont emprunté la " Roll Bahn " qui passait juste devant notre maison de repos. Notre surprise fut grande, mais heureusement le lieutenant commandant la section a donné l'ordre de ne pas ouvrir le feu pour ne pas déclencher un combat dans lequel nous n'avions aucune chance de sortir vainqueurs. La chance nous a souri puisque les Russes ne nous ont pas repérés, mais il était désormais hors de question de poursuivre notre retraite sur cet axe.
La difficile marche vers l’ouest
Nous avons donc décidé de couper à travers une large vallée marécageuse dans laquelle nous nous enfoncions jusqu'à la taille. Pour ne rien arranger, les rafales de mitrailleuses sifflaient à nos oreilles et pour m'en sortir, j'ai dû abandonner mon ceinturon auquel étaient attachés ma musette, ma gamelle, et mon bidon. Ce fut une perte cruelle mais pas pour longtemps puisque quelques kilomètres  plus loin, j'ai découvert un soldat mortellement blessé mais qui était encore porteur de son ceinturon avec tous ses attributs. Son ceinturon était juste à ma taille et dans la musette, j'ai même découvert un morceau de pain qui était le bienvenu pour calmer ma faim. 
Comme ceux de mes camarades, mon uniforme et mes sous-vêtements étaient imbibés d'eau et de boue. Dans mes bottes, mes pieds nus étaient meurtris et le froid glacial qui régnait en ce mois de novembre ne faisait qu'aggraver la situation. C'est dans ce contexte que les quelques rescapés de la 1ère compagnie reçurent l'ordre de décrocher vers l'arrière. Robert et moi marchions côte à côte et malgré le froid, la fatigue et la faim, nous nous consolions en nous disant que chaque pas, chaque kilomètre parcouru en direction de l'Ouest, nous rapprochait un peu plus de notre Lorraine. 
Les pauvres pieds
Pour affronter cette longue marche, mon souci principal était de "dégoter" quelque chose de sec pour mes pauvres pieds enflammés. J'ai cherché refuge dans une petite maison et par bonheur dans celle-ci se trouvait une " Madga " ( femme russe ), déjà âgée, qui était vêtue d'une longue robe noirâtre qui pendait jusqu'au sol. Par nécessité, j'ai arraché un bon morceau d'étoffe au bas de sa robe pour remplacer mes pantoufles. La pauvre vieille madga qui ne pouvait bien entendu pas se défendre, hurlait sa colère dans un langage que je ne comprenais pas. Mais au fond, elle avait bon cœur, puisque en voyant mes pieds meurtris, elle cessa de hurler et s'empressa d'aller chercher de la graisse fondue en saindoux qu'elle appliqua sur mes plaies pour calmer la douleur. 
Cette France indigne
Les pertes en homme et en matériel qui ont été infligées à notre compagnie, ont contraint le commandement à nous retirer du front. Nous voilà cantonnés pour quelques jours à l'arrière non pas pour nous reposer, mais pour poser des mines dans le " No Man's land " toutes les nuits. Un soir, je reçus l'ordre de poser une mine d'observation à une centaine de mètres de l'avant-poste. Cette mine était destinée à alerter les sentinelles en cas d'intrusion dans notre dispositif. Norbert, Robert et deux autres soldats de notre groupe dont Georges, un Alsacien de la région de MULHOUSE, furent envoyés en éclaireurs. Devant nos yeux, Georges fut fauché par une rafale de mitrailleuse. Son corps s'agita quelques instants, puis se raidit pour toujours. Il venait tout juste d'être affecté dans notre compagnie depuis une quinzaine de jours pour combler les vides. Norbert, furieux de voir encore tomber un des nôtres se mit dans une colère folle. Il commença à insulter cette France méprisable et indigne qui nous a trahi, qui nous a plongé dans le malheur nous les pauvres sans valeur, sans importance et qui comble de la lâcheté, a abandonné deux de ses plus belles provinces. 
 
Une marche en déroute à - 25°
Au mois de décembre 1943, alors que nous nous trouvions dans la région de UMANN, le temps devenait encore plus hivernal et plus rude. Le thermomètre descendait en dessous de - 25 °, ce qui n'arrangeait pas la situation de l'armée allemande en pleine déroute, suivie par une masse de soldats Russes. L'artillerie ennemie et l'épouvantable "Ratch Boum" continuaient à faire d'énormes dégâts dans nos rangs. Le froid, la faim et la fatigue aggravaient encore notre malheur. Dans ces conditions, il était difficile d'écarter l'idée que la mort serait ressentie comme une délivrance... Mes caleçons devenaient de jour en jour plus courts, au point qu'à la fin, il ne me restait plus qu'un slip. La distribution du courrier était toujours un moment très attendu. Imaginez quelle fut ma joie lorsque je reçus un paquet contenant un pull en laine tout neuf que mes parents avaient dû rayer de leurs cartes d'habillement pour l'acquérir. Je me réjouissais de pouvoir le porter surtout que le froid devenait de plus en plus rude. 
Les poux
Mon plaisir de porter ce pull fut pourtant de courte durée, car quelques jours plus tard, les poux avaient envahi mon trésor, ça me chatouillait et me gratouillait de toutes parts. Je voulais au plus vite me séparer de ce pull si cher. Un soir, ne trouvant pas d'autre solution, j'ai pensé que le froid aurait raison de ces bestioles. J'ai donc enfui mon trésor dans la neige mais comble de malchance, la "Staline Orgel " a bombardé notre campement durant la nuit et au matin, il n'y avait plus ni bestioles ni pull-over. 
Je n'ai pas soufflé mot de cette aventure à mes parents. Ce n'est qu'après mon retour, un soir d'intimité que je leur ai raconté cette histoire de poux et de pull pour lequel ils s'étaient donnés tant de peine afin de me le faire parvenir. 
Je me souviens également du 10 Décembre 1943. Ce fut une journée relativement calme et nous avons tué le temps à discuter entre Lorrains. 
Sortirons-nous un jour vivants de ce merdier ? C'est la question que chacun de nous devinait dans la pensée de l'autre, sans pourtant oser la poser directement. Reverrons-nous les nôtres et la chère Lorraine ? 
Afin de remercier mes parents pour l'indispensable pull qu’ils m’avaient envoyé, je me suis décidé à leur écrire. Bien évidemment, je ne pouvais pas leur dire toute la vérité sans crainte de les effrayer. 
Se prendre pour un vieux guerrier à 19 ans
Mes 19 ans dataient à peine de 6 mois et j'avais l'impression d'être déjà un vieux guerrier. Je devais écrire des lettres à beaucoup de monde, à mes copains de HESSE qui sont malgré-nous comme moi, notamment à Aloyse mon copain d'enfance, à Léon GROSSE et Louis HELWIG, mes copains du football, qui sont malheureusement morts tous les deux en Russie. 
C'est horrible lorsqu'à 19 ans on a le ventre creux et que durant des semaines on n'a pas eu le moindre repas chaud à se mettre sous la dent. Une ration prévue pour 24 Heures était dévorée dès sa réception le soir même. Cela a l'air d'une « contade » mais c'était tellement sérieux que durant les 24 heures qui suivaient nous n'avions plus rien à manger.
Un arbre de Noël sur le front 
Comme toutes les nuits, nous posions des mines de tous calibres dans le " No- Manns-Land " jusqu'au 20 décembre si près de Noël. Oui j'avais l'espoir de vivre encore ce jour de fête. Nous avons eu la chance de pouvoir nous procurer un arbre de Noël pour essayer de commémorer en période de guerre la fête de la paix... 
 Il était beau notre arbre de Noël. Un peu coincé dans le coin de notre abri, décoré avec du papier aluminium, des étoiles découpées dans du carton et quelques flocons de coton hydrophile. 
Quel ne fut pas notre bonheur lorsque l'intendance nous a livré une attribution exceptionnelle de produits alimentaires. C'était notre cadeau de Noël du Führer. Chacun a reçu une tablette de chocolat fourré à la framboise, un paquet de petits beurres, des cigarettes suisses et du cognac des Charentes. 
A peine avais-je dévoré ma tablette de chocolat, que je fus désigné pour participer à une patrouille de reconnaissance qui devait infiltrer les lignes ennemies durant la nuit. Le but de cette mission n'était pas de faire des prisonniers, mais de recueillir le maximum de renseignements sur les positions russes. Le commandement a décidé de mener cette action puisque durant les jours qui précédaient Noël, nous entendions en permanence le ronflement de moteurs de chars et de camions. Suivant la direction du vent, nous pouvions même sentir l'odeur des gaz d'échappement. En réalité, il se préparait bel et bien une offensive russe. 
Un festin pour Noël
Dans une de leurs lettres, mes parents m'avaient annoncé l'envoi de deux colis de 1 Kg. L'un contenant des gants et l'autre un cache-nez. Ils avaient décidé de me faire parvenir un cadeau de Noël " utile ". Mais au moment de la distribution du courrier, mon nom ne fut pas appelé. Je ne recevrai jamais ces colis dont le contenu m'aurait pourtant permis d'affronter le froid dans de meilleures conditions. 
Je garderai toute ma vie le souvenir de ce Noël 1943. Nous avons eu droit à un vrai festin à midi. Une cuisse de poulet, des légumes et comble du bonheur, du pudding en désert. A l'occasion de cette journée de fête, j'aurai bien aimé au moins changer ma chemise puisque Norbert, pour animer un peu les débats, m'a lancé << Léon, ta chemise est Dunkelweiss >> ce qui veut dire en allemand " blanc foncé ". Heureusement qu'il n'a pas parlé de mes caleçons qui n'étaient plus " blancs foncés " mais plutôt " noirs clairs « .
Les attaques continuent 
Le 26 décembre, les artilleries des deux côtés se taquinaient sérieusement, histoire de nous rappeler que nous étions toujours en guerre. 
Le 27 décembre, à 5 heures du matin, l'alerte fut donnée. Tout le monde en position, " l'Ivan " attaque ! 
La stratégie des Allemands était de laisser avancer l'ennemi au maximum afin de le surprendre par un tir serré. Armé de ma MG. 42, capable de tirer 1.000 coups à la minute, je me sentais en sûreté. Soudain j'aperçus des silhouettes blanches se déplacer non loin de nos lignes. Il s'agissait de soldats russes, mais qui ne nous en voulaient pas directement. Je n'ai donc pas ouvert le feu pour ne pas me faire repérer. 
Cette première offensive fut repoussée sans grandes difficultés. Je pense que les Russes voulaient simplement tester nos moyens de défense. 
Les Russes montent à l’assaut
Le 02 janvier 1944, de bon matin, nous avons été réveillés par le ronflement des moteurs de camions et de tanks. Immédiatement l'artillerie ennemie s'est mise en action. Une fois de plus, la " Staline Orgel " déversa ses obus sur nos tranchées. Cette fois c'était pour de bon. Les soldats Russes se ruaient à l'assaut du front sur plusieurs centaines de mètres en lançant leur traditionnel cri de guerre. Le << HOURAI >> qu'ils hurlaient en se jetant vers nos lignes me glaça les os jusqu'à la moelle. 



Avec l'énergie du désespoir, nous résistions. Il fallait coûte que coûte tenir au moins jusqu'au soir. Avec impatience nous attendions la nuit qui mettrait fin à cette tuerie et nous permettrait de quitter nos tranchées. Lorsque l'ordre de se replier au plus vite fut donné, les morts furent enterrés dans un trou d'obus et recouverts de neige. Je me demandais pourquoi cette guerre, pourquoi tant de haine et d’intolérance.
C’est la retraite sous la neige à -35°
Comme d'habitude, ce sont les pionniers du génie qui formèrent l'arrière garde. Vers minuit, dans un grand silence et après un dernier adieu aux chers camarades morts dans les tranchées, nous abandonnâmes à notre tour les positions si chèrement défendues la veille. 
Le moment de la retraite avait bel et bien sonné. Pour fuir " L'IVAN ", nous avons dû marcher péniblement durant des heures dans une épaisse couche de neige qui ne cessait de tomber. Le thermomètre affichait moins 35 degrés mais pour survivre, nous devions marcher malgré le froid et la faim qui nous tenaillaient. La retraite se poursuivait inexorablement et rien ne nous sera épargné. Durant des jours entiers nous n'avons mangé que de la neige. Le moral des trois Lorrains était au plus bas. Vais-je sortir vivant de cet enfer ? Je n'osais plus y croire.
Souffrir de la faim et du froid 
Durant toute la fin du mois de janvier, nous avons souffert de la faim et du froid. A part quelques accrochages avec l'ennemi, février fut consacré à miner les ponts dans le but de les détruire et retarder ainsi l'offensive de l'armée rouge. 
Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous découvrîmes au détour d'une route une grange que nous nommions <> et qui servait à stocker les vivres et les vêtements de l'armée allemande. Bien évidemment l'intendance avait abandonné les lieux laissant sur place de nombreuses victuailles. C'est ainsi que j'ai pu m'approprier un pull-over tout neuf, du chocolat hollandais et des cigarettes suisses. Après avoir rempli toutes les poches et le capuchon de mon manteau de chocolat et de cigarettes, il fallut reprendre la marche. Quel bonheur de pouvoir enfin manger autre chose que de la neige ! Mais notre bonheur fut de courte durée. 


(à suivre)

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« Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes… » Hélie Denoix de Saint Marc
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeDim 7 Jan 2024 - 23:29

Merci de compléter ce sujet particulièrement délicat, mais dont les témoins sont de moins en moins nombreux...

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Le temps qui passe nous rappelle la vérité de cette phrase.
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeLun 8 Jan 2024 - 11:15

... suite.

Marcher dans la raspoutiza
Brusquement la neige s'arrêta de tomber et il se mit à pleuvoir. Les emballages du chocolat et des cigarettes ne résistèrent pas longtemps à l'humidité, rendant rapidement notre butin inconsommable. 
De jour en jour la température augmenta, transformant la route du désespoir en une myriade de rigoles de boue dans lesquelles nos bottes s'enfonçaient rendant encore plus fatigante notre retraite. 
Le repli en direction du Dniestr qui forme la frontière entre l'UKRAINE et la ROUMANIE, dura plus de quatre semaines. Le "glorieux" commandement allemand croyait pouvoir stopper sur ce fleuve l'avancée de l'armée rouge. Pourtant la situation devenait de jour en jour plus précaire et selon certaines rumeurs, l'armée russe était sur le point de nous encercler. 
Encerclé par les Russes
Au mois de mars en ROUMANIE, la rumeur devint réalité. Le 175ème bataillon du génie dont je faisais partie, la 222ème division d'infanterie et une partie d'une division blindée armée de chars Tigre et d'une douzaine de véhicules blindés furent encerclés durant cinq semaines. Pour pouvoir faire face aux attaques ennemies, le ravitaillement et les munitions furent parachutés. Jour après jour, nous devions nous battre comme des lions, rendant oeil pour oeil afin de briser l'encerclement. La bataille fut sans pitié. Les blessés hurlaient leur douleur vers le ciel et de nombreux morts étaient éparpillés dans les alentours. 
Un matin, notre petit groupe prit possession d'une " panier maison " implantée au bord de la route. Derrière cette maison, nous découvrîmes des ruches pleines de miel. L'eau nous montait à la bouche et nous avons englouti tout ce miel à la cuiller sans même le moindre morceau de pain, en prenant soin de remplir également la gamelle en prévision des repas à venir. 
Une gastro malvenue
Le même jour à midi, la cuisine roulante d'une compagnie d'infanterie se proposa de nous préparer une soupe d'orge perlée avec des morceaux de lard. Notre cuisine ayant été anéantie depuis longtemps par un tir de "Ratsch Boum", nous ne pouvions pas laisser passer une telle aubaine. 
Avant que le cuisinier n'organise la distribution de cette fameuse soupe, il fallût bien que je vide ma gamelle du miel qui s'y trouvait. En cette période de pénurie, il n'était pas question de rater un tel festin mais à peine avais-je dévoré la soupe que je fus pris de terribles crampes d'estomac. Ces douleurs me firent craindre le pire et je n'ai même pas eu le temps de sortir que déjà le foie se révolta et rejeta en bloc tout ce que je venais d'avaler. 
Au même moment, je sentis un liquide chaud couler le long de mes cuisses et se perdre dans le fond de mes bottes. Peut-on être plus malheureux ? 
Heureusement un petit ruisseau coulait non loin de là, ce qui m'a permis de rincer à grande eau mes bottes, mon pantalon, ma chemise et ce qu'il restait de mon caleçon. En remettant mes vêtements, je fus même étonné. J'avais à peine plus froid qu'auparavant. 
Les monstruosités de la guerre
Malgré tout, la lutte continuait et les villages abandonnés que nous découvrions témoignaient de récents combats. 
J'étais habitué à voir toutes les monstruosités, mais je ne veux pas vous raconter en détail les horreurs que j'ai pu découvrir dans ces villages abandonnés. Je citerai simplement ces femmes dénudées qui ont été violées avant de mourir étouffées par une pièce de sous- vêtement de soldat introduit dans la bouche où ces soldats que nous avons découverts crucifiés comme Jésus sur la façade d'une "Panier Maison". 
Manifestement, les Russes ont préparé le terrain avec une telle ardeur qu'il ne fait plus aucun doute qu’ils ont décidé d'en finir avec nous comme à STALINGRAD. 
Nous les anciens savions que plus rien maintenant ne pouvait arrêter la marche victorieuse des armée rouge. Les souffrances des survivants, devenaient chaque jour plus lancinantes. Par bonheur nos chars " Tigres ", bien équipés et robustes crachaient leur feu meurtrier tout comme nos véhicules blindés avec leurs mitrailleuses. Les armes de l'infanterie ont fait des ravages dans les rangs ennemis. Les morts se comptaient par centaines. Les terrains de bataille étaient jonchés de cadavres.



Sauvés grâce aux blindés
 Une fois de plus, nous sommes sortis indemnes de cette tourmente. Nos blindés ont réussi à trouer, à percer la défense russe nous permettant de rejoindre les troupes allemandes dans leurs tranchées. 
Nous voilà dans les Carpates, près d'une petite ville nommée TARNOPOL. C'est un petit pays <> grand comme la Lorraine où les maisons sont construites en pierres. Il paraît qu'il y a bien longtemps, des familles lorraines ont trouvé refuge dans ce pays montagneux qui ressemble à nos Vosges. 
Par une belle journée ensoleillée du mois d'avril, j'ai eu l'idée de poser sur le bord de la tranchée mon pull que j'avais récupéré par bonheur. En effet, les puces me chatouillaient de partout. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis mon pull bouger, recouvert par un amas de bestioles ressemblant à des fourmis. Les puces revigorées par le soleil printanier prenaient gentiment un bain de soleil. 
Convoqué chez le capitaine
Les jours de repos que nous passions à l'arrière du front n'étaient entrecoupés que de quelques rafales de mitrailleuse. Le 12 avril au matin, le secrétaire de notre capitaine commandant la compagnie s'est déplacé dans notre tranchée en disant "ordre du capitaine MULLER - le pionnier SCHREIBER doit se présenter au plus vite au poste de commandement". Une telle convocation pouvait présager le meilleur et le pire. Mon cœur battait très fort lorsque je me suis présenté devant mon capitaine en claquent des talons tout en saluant comme un vieux soldat. Repos me dit le capitaine qui était un homme généreux, gentil et de nature très calme. Mon ami de combat, prépare-toi. 
Une bonne nouvelle
Demain matin à neuf heures, nous partons en permission pour 21 jours ! me dit-il. L'annonce de cette nouvelle me coupa le souffle. Est-ce un rêve ? Je n'ai pas eu le temps de demander des explications que déjà j'avais une nouvelle mission. Je serai le garde, le serviteur et le compagnon de mon capitaine pour toute la durée du voyage et à ce titre je devais immédiatement percevoir le ravitaillement pour deux hommes et pour huit jours auprès du maréchal des logis fourrier. Une portion pour le capitaine, une autre pour le soldat. 
A peine étais-je revenu dans l'abri avec mes deux colis, que j'eus la visite de Robert et de Norbert, inquiets de mon absence prolongée. Bien évidemment, je ne pouvais cacher ma joie en leur annonçant la nouvelle de ma permission pour le lendemain matin. Enfin je pourrai revoir notre chère Lorraine. Le contenu de mes deux colis était évidemment d'une importance capitale et nous n'avons pas résisté bien longtemps à l'envie de les ouvrir en cachette. Quelle ne fut pas notre surprise, les deux paquets contenaient chacun une bouteille de champagne. Dans celui du capitaine il y avait en plus des sardines à l'huile, du saucisson, du beurre frais et toutes sortes de bonnes choses. J'étais un peu moins gâté mais je n'avais pas à me plaindre. 
Départ en permission
Pour sceller notre amitié, nous avons immédiatement vidé ma bouteille mais également celle de mon capitaine qui de toute façon ne pouvait pas se douter qu'un tel trésor faisait partie de la ration de guerre. 
Avant d'aller me coucher sur la paille j'ai encore assuré mon dernier tour de garde mais je n'ai pas réussi à trouver le sommeil, tellement j'étais excité par mon départ imminent. A l'aube, Robert, Norbert et les quelques anciens qui avaient survécu, étaient très émus lorsque je les saluais d'une dernière poignée de main. Au revoir Léon, bon voyage, mais n'oublie de pas de revenir si tu veux que nous aussi puissions bénéficier d'une permission... 
Qui aurait cru que je venais de serrer la dernière fois la main de mon ami Robert, mon camarade de lutte. A l'âge de neuf ou dix ans, en vacances à LIXING chez ma marraine, nous étions tous deux enfants de cœur. Ensemble nous jouions aux billes ou à cache-cache dans les carrières de LIXING. 
Enfin le plaisir de la propreté
Deux minutes plus tard, une jeep démarre en trombe pour nous emmener loin du front en direction de Lemberg en POLOGNE où nous fûmes hébergés dans le foyer du soldat. Dès le lendemain, nous avons eu droit à une douche et à une désinfection en règle avant de finir chez le coiffeur. Revêtu d'une chemise, d'un caleçon neuf et enfin libéré de mes puces, je me sentais comme un nouveau-né. Rapidement, l'heure du départ fut fixée et le numéro du train à utiliser me fut communiqué. Toujours avec mon capitaine qui occupait le compartiment à coté du mien, le train express réservé aux permissionnaires s'ébranla, direction "Heimat" en Lorraine. Longtemps j'ai scruté à travers la fenêtre, le regard perdu dans le lointain vers l'est. Vers cette terre d'Ukraine, que si jeune, les hasards de la guerre m'ont fait découvrir. 
Quitter le pays de la souffrance pour son pays natal
Vers ce pays où toujours privé du nécessaire, j'ai souffert dans mon corps et dans mon âme, mais que dans trois semaines, je devrais retrouver. 
Le train nous emporte à travers la POLOGNE par Tarnov et Cracovie. De temps en temps j'allais rendre visite à mon capitaine dans le compartiment à côté, réservé aux officiers, pour lui demander quelque chose à manger. Heureusement, il n'était pas gourmand le pauvre vieux. Il se contentait d'une tartine de beurre avec de la confiture ou encore d'une bouchée de pain avec quelques tranches de saucisson, tandis que je me régalais avec toutes ces bonnes choses. Durant toute la nuit, le train filait à travers l'obscurité en direction de la frontière vers Breslau, Dresden et Leipzig où il fallut changer de train. Nouveau départ en direction de Francfort où mon capitaine m'a quitté, m'autorisant à déroger à mes obligations. Après m'avoir remercié pour les bons soins attribués, il me souhaita un bon voyage et d'agréables journées de repos.
-  Moi aussi mon capitaine, je vous souhaite une agréable permission.
Au revoir mon capitaine. 

Enfin la Lorraine et la famille
Après un dernier contrôle de papiers après Francfort j'arrive enfin à Sarrebruck où par chance, j'ai de suite un train pour Sarreguemines. Me voilà dans mon pays, ma chère Lorraine, ma chère petite patrie. Un dernier changement de train et me voilà à Sarrebourg où me revient le souvenir de cette journée funeste de mon départ le 18 octobre 1942. 
Encore une heure de marche sous un soleil brillant de tous ses éclats. C'est le printemps dans la nature, mais plus encore au fond de mon cœur, et à 14 heures, fatigué par le long voyage mais au-delà heureux, je tombe dans les bras de mes parents qui pleurent de joie. Depuis des semaines sans nouvelles de moi en raison de l'encerclement de mon unité en Roumanie, ils attendaient tous les jours le facteur dans l'espoir d'une lettre. Mais à cette heure de l'après-midi, ils ne s'attendaient pas à tant de bonheur à la fois. 
La joie des retrouvailles
Rapidement j'apprends des nouvelles du pays, mais pas des meilleures. Mes camarades de Hesse incorporés avec moi, mes amis de l'équipe de football ne sont plus de ce monde. Léon GROSSE, Louis HELWIG, R. VOGEL et notre voisin BOURGEOIS sont morts, éparpillés du nord au sud de la Russie, malgré eux, dans leur uniforme infâme sans honneur ni gloire. 
Le jour tombe déjà, j'ai apprécié la joie des retrouvailles de cette première journée passée en famille. Quel bonheur de dormir après une éternité dans un bon lit douillet, ce qui ne m'empêche pas d'avoir une pensée émue pour mes copains au loin qui ne jouissent pas même du même confort et je ne voudrai pas m'endormir avant de remercier le ciel de m'avoir accordé ce bonheur. Durant cette première nuit de sommeil je fis un rêve des plus capricieux. J'étais retourné sur le champ de bataille et c'est trempé de sueur que je me suis réveillé de ce cauchemar. 
Un cas de conscience
Dans ces cas, les jours passent trop vite pour ceux qui se trouvent directement concernés. Au fur et à mesure que le temps s'écoule, un problème crucial reste à résoudre pour moi. La date du départ approchant, il ne me reste plus que quelques jours pour prendre une grave décision. Dire adieu à mes camarades en Russie, n'est-ce pas une lâcheté ? Regagner la FRANCE libre en Charente pour y vivre provisoirement jusqu'à la fin de la guerre comme plusieurs de mes camarades ainsi que mon frère ? Je pense au risque encouru, à la sécurité de mes parents qui auraient inévitablement été déportés. Leur sort dépendait de ma décision. Pouvais-je revendiquer ma liberté en sacrifiant la leur ? Assurément non. Ainsi, le cœur gros, je répondis à l'appel de Robert et de Norbert, mes amis de Russie. L'avenir ne me paraissait jamais aussi chargé que ce jour. Le lendemain matin en ouvrant le journal, les nouvelles du front me font frémir. "Violents combats autour de la ville de Tarnopol dans les Carpates". Où sont mes camarades à l'heure qu'il est ? Je n'ose y penser. 
Je mis à profit l'une de mes dernières journées de permission pour rendre visite à mon oncle et à ma marraine à Lixing ainsi qu'aux parents de Robert qui furent très heureux de me revoir. Ils m'ont préparé un paquet contenant plein de bonnes choses que je devais lui ramener. 
Le retour sur le front
Le 14 mai à trois heures du matin, je fis mes adieux à ma famille. Ma mère est en larmes et j'essaye vainement de la consoler. Mon père qui a fait la guerre 14/18 ne sait quelle contenance prendre en me serrant dans ses bras. 
Après avoir enfilé mes vêtements militaires et mes bottes, ce fut mon ami Jean BOPYLOF qui m'accompagna jusqu'à la gare de Sarrebourg. Après une poignée de main, au revoir et bon courage, me voilà sur le chemin du retour dans ce calvaire de la lointaine Pologne. Direction Sarrebruck, Francfort et Landsberg où je mis à profit les deux heures d'arrêt pour visiter rapidement cette coquette petite ville toute proche de la frontière polonaise. Après m'être dégourdi les jambes, je repris le train en direction de Jitomir en Pologne et de là vers le Sud dans la caisse d'une camionnette pour atteindre le front. Déjà de loin, des fusées éclairantes embrasaient le ciel. Le sillage des orgues de Staline déchirait la nuit dans un grondement sourd tel qu'un orage lointain. L'effet de ces engins devait être terrible pour ceux qui le subissaient. 
Mort de Robert 
Péniblement, je chargeais sur mon épaule les deux précieux paquets qui m'avaient été remis par mes parents et ceux de Robert et après deux heures de marche, tout joyeux j'ai enfin retrouvé ma compagnie qui fut durement maltraitée durant mon absence. 
Mais un retour tragique me guette. Je revois mon ami Norbert et immédiatement la crainte s'installe dans mon esprit. Norbert en me voyant éclata en sanglots. Les larmes coulèrent de ses yeux. <> C'est tout ce qu'il arriva à prononcer les larmes dans la voix. Nous nous regardâmes longuement sans mot dire. Le silence était encore plus pesant que les paroles. 
Notre ami, notre camarade n'est plus de ce monde. Il est parti à jamais et je ne reverrai plus son regard si généreux et si cordial. 
Mort pour rien
Trois pionniers avaient été choisis pour reconnaître un moulin situé dans le "No Mans Land" avec pour mission de le déminer au besoin. Mes deux camarades lorrains avaient été désignés pour accomplir ce travail. Le soldat en faction au poste de garde avancé a été relevé durant le temps de cette mission et le remplaçant n’a pas été informé du retour imminent des trois pionniers. La sentinelle croyant à une attaque ennemie a ouvert le feu avec sa mitrailleuse lorsque les trois hommes se sont présentés. Robert s'écroula affreusement blessé et il succomba sur place dans les bras de Norbert. Le lendemain matin à l'aube, nous nous sommes mis en route pour atteindre le petit cimetière improvisé sur le flan d'une colline bordée d'arbres où reposaient une trentaine de soldats allemands. Chaque tombe était "ornée" d'une croix en bouleau sauf celle de Robert sur laquelle arborait une croix de lorraine, une gerbe en sapin et une plaque métallique, façonnée par son ami Norbert et sur laquelle était inscrit "ROBERT ADAM Mort le 09 Mai 1944. 



Adieu notre ami, nous ne t'oublierons jamais. 
Sa tombe ressemblait à une grande taupinière sous laquelle reposait notre cher camarade non pas dans un cercueil, mais enveloppé dans un morceau de bâche. Les larmes de deux pauvres malheureux lorrains mouillaient la terre d'UKRAINE. 
J'ai longuement tardé avant de présenter mes condoléances à ses parents et à ses sœurs, mais je ne voulais ni dire, ni écrire, ni expliquer les conditions horribles dans lesquelles leur deuxième fils a trouvé la mort et la façon dont il a été enterré. 
Mais ce qui restera de meilleur pour perpétuer notre ami, ce sera sans doute le souvenir de sa générosité et de son courage. Je suis sur qu'il est heureux dans le paradis des braves où il est allé rejoindre toutes les âmes innocentes de nos frères sacrifiés et qu'il réalisera que par sa mort il a rendu éternelle notre œuvre. 
C'est rongé par le chagrin et envahis par une grande tristesse que nous avons regagné notre tranchée non loin d'un petit village appelé Nicolayef. 

à suivre...

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« Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes… » Hélie Denoix de Saint Marc
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MessageSujet: Re: Les « Malgré nous » …   Les « Malgré nous » … Icon_minitimeMar 9 Jan 2024 - 20:12

... suite et fin.

Je suis gravement blessé
Le lendemain soir, l'ordre nous fut donné de nous préparer pour aller poser des mines antichars dans le no mans land à 250 mètres des tranchées russes. A peine étions nous parvenus à atteindre notre secteur de travail que des tirs d'artillerie russe éclatèrent. Un obus est tombé près de moi et immédiatement j'ai senti un choc violent dans le dos. J'ai bien essayé de me relever aussitôt, mais mes jambes se dérobaient sous mon corps. Par miracle, la mine que je portais sous le bras et la douzaine de détonateurs que j'avais dans les poches n'ont pas explosé. 
Un liquide chaud coulait le long de mon bras mais je n'ai même pas eu le temps d'évaluer la gravité de mes blessures que déjà une mitrailleuse russe venait de se mettre en action. Les balles sifflaient à mes oreilles, ce qui m'obligeait à rester allongé. Je parvins tout de même à appeler au secours et ce sont deux soldats de l'infanterie qui m'ont traîné dans leur tranchée pour me mettre à l'abri des tirs. Ces deux soldats m'ont enveloppé dans une couverture, mais je commençais à grelotter et à perdre conscience de temps en temps. Certainement me trouvais-je en état de choc puisque je perdais abondamment mon sang. J'avais le pied gauche déchiqueté et de multiples éclats dans le corps. La souffrance de cette nuit fut affreuse. Heureusement Norbert s'était porté à mes côtés et me tenait la main tout en trouvant les paroles pour me consoler. C'est encore lui qui à quatre heures du matin m'accompagna lorsque je fus chargé sur une charrette tirée par un petit poney qui allait me conduire à l'arrière dans une grange transformée en <>. 
Les premiers soins
Maintenant Norbert était le dernier des nôtres dans ce calvaire. 
Après un dernier mot, une dernière parole, il me quitta et à nouveau les larmes des deux Lorrains coulaient en abondance. 
Toujours enveloppé dans ma couverture, je fus transporté au poste de premier secours où une douzaine d'autres blessés attendaient déjà. Un infirmier s'est avancé vers moi et m'a tendu un gobelet à moitié rempli d'eau et une cigarette. Immédiatement, il constata que j'avais les yeux troubles. Sans attendre, ce colosse d'infirmier me souleva et me porta dans une pièce voisine sur une table d'opération. Sans autre explication il me mit le masque sur le nez pour pratiquer une anesthésie générale. Je me souviens avoir compté jusqu'à trois et me voilà parti dans l'éternel. 
Lorsque je me suis réveillé sur la paillasse d'une couchette, l'infirmier qui se trouvait à côté de moi m'informa que je venais de dormir durant 16 heures. Mes deux jambes et mon bras droit étaient immobilisés dans une gouttière. 
Une fois de plus j'ai eu beaucoup de chance. Malgré les multiples éclats qui avaient pénétré mon corps, aucun organe vital n'a été atteint. Par contre mon pied gauche a du être amputé. 
Il était question de se débarrasser au plus vite de tous les blessés transportables afin de libérer la place pour les nouveaux arrivants. 
L'effet de l'anesthésie ayant disparu, je commençais à souffrir et à avoir de la fièvre, mais je n'osais pas me plaindre. Mes plaies saignaient et suppuraient abondamment au point que mes bandages en papier collaient désagréablement à la peau. 
Enfin un lit
Rapidement un véhicule sanitaire me transporta avec plusieurs autres blessés vers un <> où un véritable lit avec des draps blancs m'attendaient. 
Les infirmiers et de charmantes infirmières s'occupaient de moi avec dévouement. J'étais heureux mais à bout de force vu la quantité de sang que j'avais perdue. Par contre, la température ne cessait d'augmenter atteignant 40 degrés. 
Ne sachant plus comment faire pour réduire la température, le médecin chef qui redoutait la gangrène, décida de m'amputer de la jambe gauche dont les tissus étaient déchiquetés. En apprenant cela, j'ai hurlé de toutes mes forces, le suppliant de me laisser ma jambe. Après un examen approfondi sur la table d'opération, le médecin constata que ma fesse droite était enflée en raison d'une blessure provoquée par un éclat d'obus. Cette blessure infectée était responsable de la température chronique. Après avoir désinfecté cette blessure, le chirurgien renonça à m’amputer, mais durant plusieurs jours du sang s'écoula de cette plaie au point d'imbiber la paillasse de mon lit. Pour calmer la douleur, les infirmiers m'injectaient périodiquement de la morphine. 
Cet éclat d'obus, de la grosseur d'une noix, est toujours solidement incrusté dans ma fesse et cela 50 ans après la date de la blessure. 
Du sang russe
Par chance, un prisonnier de guerre russe, qui occupait les fonctions d'infirmier était du même groupe sanguin que moi. A huit jours d'intervalle, deux transfusions de 750 centilitres me furent administrées, provoquant une chute de la fièvre. Le sang russe qui coule à présent dans mes veines m'a permis de reprendre doucement force et courage. 
Dès que mon état le permit, je fus évacué à bord d'un petit avion sur Milleck puis à bord d'un D 22 jusqu'à Jungbunzlau en TCHECOSLOVAQUIE et pour finir à Vlachim près de Prague. 


Gefalle für Grossdeutschland
Durant toute cette période, je suis resté en correspondance avec Norbert, mon ami de lutte. Les nouvelles qu'il me communiquait n'étaient pas toujours des meilleures. C'est ainsi que j'appris la mort de notre lieutenant et de bien d'autres camarades. Il termina sa lettre par ces mots << et qui me fermera un beau jour les yeux >>. Avait-il un pressentiment ? Ma dernière lettre qui lui était destinée m’a été retournée avec cette mention tragique "GEFALLEN FUR GROSSDEUTSCHLAND". (Mort pout le grande Allemagne)
Pauvre Norbert, le dernier de mes chers reposera aussi sans honneur, sans égards dans cette terre lointaine. 


Enfin à l’hôpital
A Vlachim, une vingtaine de baraques constituaient un hôpital uniquement réservé aux amputés des bras ou des jambes. L'une des baraques était même équipée de tout le matériel nécessaire à la fabrication de prothèses. 
Même si mon état de santé s'était amélioré, j'étais toujours cloué au lit en raison d'une plaie purulente de ma jambe gauche immobilisée dans une gouttière. Le talon du pied gauche me démangeait de plus en plus et cela m'empêchait de dormir. L'infirmier, que je suppliais de me débarrasser de cette sacrée gouttière finit tout de même par s'inquiéter de mon cas. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit dans le coton de la gouttière, un nid de punaises qui avaient déjà passablement attaqué la chair de mon talon ! Dès que ces bestioles furent éloignées la douleur s’estompa.
Un nouvel ami
D'autres blessés arrivaient à l'hôpital et parmi eux se trouvait MANN Joseph, un compatriote Lorrain de Berig-Vintrange que nous avons appelé "Sep". Lui aussi est devenu un excellent ami. Un éclat d'obus lui avait arraché le bras droit. 
Je me remettais lentement de mes blessures et mon état me permettait même de faire quelques pas dans la chambre avec des béquilles. Rapidement notre petite chambrée est devenue un véritable casino où tout le monde jouait au 4/21, au Skat ou encore aux échecs. Pour passer le temps chacun racontait son histoire drôle. 
Plus de nouvelles des parents
Vers le mois de novembre, n'ayant plus de nouvelles de mes parents, je me suis mis à m'inquiéter sérieusement sur leur sort. Les troupes américaines ayant occupé une partie de notre chère Lorraine, le courrier postal ne pouvait plus arriver à destination. C'est dans ces conditions que l'on s'aperçoit combien il est difficile d'être banni dans le lointain sans nouvelles de ses proches. Le courrier devient sacré et a une valeur inestimable pour celui qui le reçoit. 
De nombreux blessés arrivaient régulièrement à l'hôpital et parmi eux se trouvait un Lorrain, Alfred PUFAL de NILVANGE. Le malheureux a eu le bras gauche fracassé par une balle explosive. Son membre était immobilisé dans une gouttière. Lui aussi était content de rencontrer un Lorrain et rapidement il est devenu notre ami. 
De temps en temps, je me sentais pourtant désespérément seul. Loin de ma famille et sans nouvelles d'elle, je me laissais aller à la rêverie en pensant à mes amis de Russie, Roger, Robert, Norbert, mais également à notre infirmier Claus, tous mes camarades enterrés dans cette terre lointaine. 
Une marraine de guerre
Mon voisin de lit était un jeune de mon âge, un vrai "gentleman" de la région de Kitzingen am Main. Il devint également un très bon compagnon. Avec son bras dans le plâtre il me regarda méditer et me voyant plongé dans une affection profonde, il me demanda les raisons de cette tristesse. Je lui ai raconté un peu de ma tourmente et de mon inquiétude vu que je ne pouvais plus correspondre avec ma famille ni avec mes amis. Eh bien me dit-il, pour te distraire, je te donne l'adresse de ma voisine Gertrude. Elle sera heureuse de devenir ta petite marraine de guerre. Je me suis aussitôt mis à écrire une belle lettre à Gertrude où je racontais ma vie militaire, ma tristesse et mon malheur, avant de signer "ton soldat inconnu". 
A peine huit jours plus tard, je reçus déjà une réponse. Dans sa lettre Gertrude trouva les mots consolants, réconfortants, qui m'ont redonné le moral et la joie de vivre. Une correspondance amicale s'instaura entre nous. Elle était contente de pouvoir réconforter un soldat et moi j'avais trouvé quelqu'un pour échanger mes idées. Ainsi elle me raconta les malheurs qui ont frappé sa famille. Son frère aîné était prisonnier en Angleterre, le second a subi une amputation de la jambe droite et le plus jeune a été signalé disparu en Russie. Encore aujourd'hui, après tant d'années, je garde un souvenir remarquable de ses lettres que je relis régulièrement avec émotion. 
Restriction de la nourriture
Les jours et les semaines passaient pourtant assez vite. Bientôt ce sera à nouveau le jour de Noël. Mes pensées retournèrent à l'année 1943, là-bas dans les tranchées avec mes amis qui ne sont plus de ce monde. De petits flocons de neige annonçaient la venue de l'hiver qui heureusement n'était pas très rude. A Noël, pas de festin comme en 1943, pas de cuisses de poulet, pas de pudding en dessert mais nous avons tout de même érigé un arbre de Noël dans notre chambre. 
La nourriture devenait de jour en jour plus restreinte et les casse-croûte plus minces. Comme le dit bien le proverbe " aide toi et dieu t'aidera ", nous avons mis en exergue ces mots. Non loin de notre baraque se trouvait un champ de pommes de terre. Profitant de la douceur de l'hiver, nous avons arraché ces tubercules pour améliorer l'ordinaire mettant ainsi en application un autre proverbe " qui a faim, mange tout pain " et croyez-moi, ces pommes de terre étaient excellentes. 
La guerre se rapprochait rapidement et dangereusement de la frontière. Des fanatiques allemands se trouvant parmi nous, criaient encore " vive notre führer et la grande Allemagne ". Nous les Lorrains, faisions mine de dormir pour ne pas éveiller les soupçons. Le printemps approchait ainsi que le front. Vers la fin du mois de mars, le grondement de la bataille toute proche était perceptible. 


Prisonnier de guerre
Le matin du 8 Mai 1945, soit le jour de l'armistice, des soldats russes accroupis sur des chars ont envahi nos baraquements. Me voilà prisonnier de guerre. 
Les Russes nous ont fouillé de la tête aux pieds à la recherches d'armes. Ils se sont également emparés de nos bijoux, nos bagues, nos montres, notre tabac et le schnaps. 
Droit de parler le français
Oui, j'étais devenu prisonnier de guerre, mais enfin j'avais le droit de parler notre langue française sans craindre les représailles. Un alsacien dans la chambre voisine joua sur son harmonica des airs que tous reprirent en chœur, notamment " Attends moi, mon amour dans ce beau coin de France ". 
Les Russes qui ignoraient tout de notre situation, furent très étonnés d'entendre des soldats allemands parler la langue française. Ce langage n'était d'ailleurs pas sans danger puisque la légion des volontaires français (L.V.F) a combattu sur le front russe aux côtés des armées nazies. 
Seulement une soupe par jour
Ma nouvelle situation a rendu les rations alimentaires encore plus minces. A midi, deux louches de soupe constituaient le seul repas de la journée. Je me souviens des deux petits pois, qui au fond de ma gamelle, se livraient à un étonnant match de boxe. J'avais le ventre creux tout au long de la journée. 
Un matin sur ordre de nos gardiens, nous fûmes rassemblés avec les infirmiers et le médecin chef (Oberstabsartzt) à l'extérieur des baraquements. Tous les hommes valides ont été conduits chez le coiffeur avant d'être évacués dans des camps de prisonniers. Les malades et les mutilés dont je faisais partie ont été transférés sur des camions en direction de Prague. 
En fait tous les soldats allemands ont été transférés pour laisser la place à des blessés russes qui venaient occuper notre demeure. 


Un beau séjour à Vienne
Arrivé à Prague, je fus chargé dans un wagon à bestiaux à destination de Vienne où sur le quai de la gare de marchandises une vielle dame me fit signe de la suivre. Avec mon copain Alfred de Nilvange, nous avons accepté cette invitation et avons accompagné cette brave dame jusque dans sa maison où elle nous avait préparé un énorme plat de "Knötle" qui est une spécialité viennoise. Quel régal après quatre jours de diète et cette brave dame était très heureuse d'avoir rassasié deux pauvres soldats. 
Vienne, capitale de l'Autriche est une charmante ville. Nous avons été installés dans un bâtiment du "Lainzerspital" où un service nous était réservé. Cet hôpital comprenait également une unité de soins et une maison de retraite pour les personnes âgées. 
Nouvelle connaissance
En ce qui concerne la nourriture, je ne vous en donnerai pas la recette. Le pain représentait un évènement. Nous étions devenus des mendiants dans une des plus belles villes d'Europe. C'est ainsi que j'ai pu poursuivre ma convalescence en me promenant avec des béquilles dans le parc en compagnie de mon copain Alfred. C'est également dans ce parc que j'ai fait la connaissance de cette merveilleuse petite viennoise nommée Resele, aux yeux couleur d'azur comme le Danube et à la chevelure blonde comme le soleil. En quelques heures, elle était devenue notre amie. C'est elle qui nous ravitaillait pour améliorer l'ordinaire et qui chantait de belles chansons avec son violon pour nous distraire.... 
Premier contact avec des Français
Un matin, la police auxiliaire française de l'ambassade de France à Vienne est venue recenser ses ressortissants se trouvant par mis les prisonniers. La discrétion était de mise chez les Malgré nous. Etions nous encore des Français après avoir porté l'uniforme Allemand ? 
Les policiers qui manifestement connaissaient parfaitement notre situation, ont rapidement acquis notre confiance lorsqu’ils nous ont expliqué qu'il n'y avait rien à craindre puisque nous avions les mêmes droits que toutes les victimes de guerre. 
Enfin de nouveaux habits et la liberté
Les huit Alsaciens et Lorrains qui se trouvaient mélangés aux Allemands ont immédiatement été relogés dans un pavillon particulier. Le lendemain matin une voiture de la Croix Rouge française nous a livré des vêtements bleus afin que nous puissions quitter définitivement l'uniforme "feldgrau". Non seulement, ils nous ont fourni des habits, mais également du pain à volonté, des sardines, du chocolat, des saucissons, des cigarettes et comble du bonheur, une pièce d'identité provisoire de la police française. Jamais je n'oublierai tous ces égards. Encore merci à tous ces vaillants qui sont devenus nos amis. 
Ma petite amie fut très surprise en me voyant ainsi vêtu. Maintenant avec ma pièce d'identité, je pouvais sans crainte me promener dans cette charmante ville de Vienne. Accompagnés de Resele et de sa copine qui était devenue l'amie d'Alfred, nous avons sillonné les rues de la ville à la recherche de tous les monuments et ouvrages à visiter. 
Le soir, c'était la fête dans notre logement. Enfin nous pouvions chanter des chansons françaises tel que "vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine". Nous étions libres, libres de toutes ces barbaries. Quel merveilleux sentiment... 
Ravitaillés par la Croix rouge
Les vaillants soldats Allemands dans leur baraquement voisin, nous regardaient d'un air médisant, car ils étaient jaloux de notre liberté. 
Nous étions ravitaillés pour la journée tous les matins par la Croix Rouge. Cela a duré ainsi jusqu'au mois d'Août. 
Par une belle matinée, l'ordre est venu du médecin colonel de nous préparer rapidement. Le départ pour la "Heimat" était imminent. Enfin j'allais revoir mon pays natal. 
Adieu beau pays, adieu belle ville de Vienne, adieu ma charmante petite Resele. C'est en nous souhaitant bonne chance pour le restant de notre vie, que les larmes coulèrent à nouveau jusqu'à terre.
Retour à la maison
Les huit Alsaciens et Lorrains que nous étions, ont pris place à bord d'un véhicule de la Croix rouge qui prit la direction de Linz. Après avoir franchi le Danube, nous avons une nouvelle fois été soumis à un contrôle très sévère des soldats russes puis des Américains. Malgré quelques difficultés, tout rentra dans l'ordre et nous avons été autorisés à poursuivre notre route. 
A Linz, ville autrichienne, mais occupée par les Américains, nous avons été logés dans une caserne avec d'autres prisonniers français, principalement des déportés. La nourriture était abondante et je me souviens particulièrement de cet excellent pain de riz blanc comme de la neige. 
Trois jours plus tard, nous avons été chargés sur un camion conduit par un chauffeur noir, ivre comme une barrique. Malgré son état d'ébriété avancé, le brave chauffeur ne pouvait s'empêcher d'ingurgiter de copieuses rasades de "schnaps" tout en conduisant. 
Vu l'état du chauffeur, c'est un miracle que nous ayons pu atteindre l'aéroport de Linz sans incident. 
Enfin la France
Immédiatement nous avons été invités à prendre place à bord d'un avion qui décolla une demi-heure plus tard en direction de Lyon. Enfin la FRANCE ! 
A Lyon, trois semaines de convalescence m'ont été imposées à l'hôpital Edouard Herriot où j'ai pu reprendre des forces grâce aux excellents soins fournis par les infirmières et le personnel soignant. 
Enfin, aux alentours du 15 Septembre 1945, j'ai été autorisé à quitter cet hôpital pour rejoindre ma famille non sans avoir une nouvelle fois été soumis à un contrôle très strict à CHÂLONS-SUR-SAONE. 
Puis enfin à la maison
Quinze mois après mon départ, me voilà à nouveau parmi ma famille. 
Je suis conscient que d'autres malgré-nous ont certainement vécu des situations similaires. Je me demande quel destin m'a protégé dans tout ce malheur. 


Rendre la dignité et la liberté
Honneur à mes camarades Roger, Robert, Norbert qui sont morts pour nous rendre la dignité et la liberté, ma gratitude leur est acquise tout comme à ceux qui ont souffert pour protéger leurs parents, leurs épouses et leurs enfants. 
Plusieurs dizaines de milliers d'entre nous furent blessés, ceux qui en réchappèrent resterons estropiés pour la vie. 
Nous n'avions le choix qu'entre deux maux. Nous avons choisi de partir afin de permettre aux nôtres de rester et de leurs épargner des souffrances inutiles. En raison des menaces qui pesaient sur notre famille, nous l'avons accepté et nous l'avons payé cruellement. 
Aujourd'hui, dans de nombreux villages d'Alsace et de Lorraine, une simple plaque dont le temps et les intempéries ont souvent déjà effacé les noms, rappelle à leurs souvenirs. 


Rendre visite aux parents des amis tombés
Ce furent quarante mille qui grisèrent le long des chemins creux d'Ukraine, dans un trous d'obus du coté de Leningrad, dans la plaine de Koursk, dans les marais de Wolchow, dans les décombres de Charcof et Orel, le long des fleuves Volga, Don, Dniepr et Dniestr dans les Carpates, leurs pauvres carcasses, éparpillées du nord au sud de la Russie, broyés par les obus de la "Stalin-orgel", écrasés sous les chenilles des T 34, éventrés par les partisans, gelés au coin d'un bois ou desséchés au soleil dans un uniforme infamant, malgré eux, sans gloire et sans honneur. 
Personne jamais ne déposera une fleur où reviendra se recueillir à l'endroit où ils sont enterrés. 
Cette lettre écrite à mon ami Norbert qui me fut renvoyées avec ces mots tragiques "GEFALLEN FUR GROSSDEUTSCHLAND" ne me quitta pas jusqu'à la fin de la guerre. 
Après mon retour, lors d'une visite à Nilvange, m'incomba la mission, combien triste et déchirante d'enlever les derniers espoirs aux pauvres parents de mon ami Norbert qui espéraient toujours en son retour. 


Impossible d’oublier
Aujourd'hui encore, je continue à entretenir des relations amicales avec Jean de Colmen et Nicolas de Creutzwald qui avaient partagé avec moi une partie de cette misère. 
J'ai écrit ce texte afin que les générations futures ne connaissent plus jamais de tels maux, indignes de la race humaine et pour donner au mot PAIX une signification véritable 
Quant à moi, jamais je ne pourrai oublier... 
Aujourd'hui, le 08 mai 1995, nous parlons de l'armistice, de la victoire dans notre pays. C'était bien sûr une victoire, mais que pensent les estropiés, les veuves de guerre et les orphelins qui sont encore de ce monde ? 
Cette victoire porte encore aujourd'hui des cicatrices qui me révoltent. Aussi faut-il sensibiliser la jeunesse à ce drame affreux. 
La bataille d'aujourd'hui n'est plus celle de 1945. C'est maintenant à nous tous de faire un effort pour mettre fin à toutes les violences, les injustices quotidiennes de ce monde sans pitié. 
Je terminerai par la lettre d'un Alsacien condamné à mort qui écrivit ces derniers mots à son épouse : 
Ainsi ma chère, je prends congé de toi pour la dernière fois sur cette terre. Pardonne-moi pour ces torts que j'ai pu te faire. J'avais encore un faible espoir mais c'est fini, que dieu m'assiste. Je ne l'ai pas mérité.  
Je vais quitter aujourd'hui, le 30 octobre 1944 cette triste terre où n'existe aucune pitié.
Je te serre encore une fois très fort sur mon cœur. 
Vive la FRANCE. 
Soyez heureux, au revoir au ciel. Ma tombe Pielgimba dans les Carpates. Je meurs pour notre cause. 
Vive l'Alsace. 
 
Léon SCHREIBER " Malgré Lui " 

_________________
« Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes… » Hélie Denoix de Saint Marc
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