A la compagnie de paras indochinois du 10e BPCP

Hanoï, début septembre 1950 : St Michel aura de nouveaux fils...


Ils seront vietnamiens, formés au 10e Bataillon Parachutiste de Chasseurs à Pied, (voir sujet de Manta, ICI ), tout juste arrivé au Tonkin, avec deux compagnies seulement, la 3e étant instruite  à Hanoï...
Les cadres de la Compagnie d'Harcourt, dissoute au sein du 1e BCP, sont reversés, capitaine en tête, à la 10e Compagnie de Parachutistes Indochinois du Bataillon : Sentenac, Collard, Chariot, Mièvre, Nadal, Mercuri et Evrard se retrouvent instructeurs et récupèrent même d'anciens coolies et auxiliaires volontaires du II/1e RCP, avec qui ils ont partagé des moments terribles, à Le My, à Phat Diem...  


Durant trois mois, ils vont former de jeunes lions Tonkinois,


qui lutteront sans faillir contre le viet-minh communiste, jusqu'en 1954, et même bien après...

Octobre : tandis que la CPI fait breveter ses recrues, des paras meurent sur la RC4, balayés par un ennemi bien trop nombreux, et supérieurement armé...


A la radio du bar des sous-offs, les mauvaises nouvelles se suivent, pertes de That Khé, Cao Bang, le 3e BCCP largué en pure perte, puis Lang Son évacué sans combat, laissant un stock énorme de carburant, armes et munitions à l'ennemi, de quoi équiper plusieurs régiments...
Collard et Sentenac enragent de ne pouvoir venir en aide à leurs camarades... mais la compagnie n'est pas suffisamment formée.

La seule bonne nouvelle: le bataillon perçoit la performante MAT 49...


Début novembre, après l'évacuation de Lao Kay, les viets s'infiltrent déjà dans le delta, en quelques jours, le train Hanoï-Haïphong est attaqué à trois reprises, et les postes subissent des attaques quotidiennes...

L'entraînement des 172 hommes de la CIP touche enfin à son terme: le 24 décembre, la compagnie d'Harcourt est opérationnelle.

Le 25 décembre, la CIP est engagée avec le bataillon dans l'opération Bécassine.
C'est une affaire importante, il va falloir faire honneur au beau fanion de la compagnie : 


Outre le 10e BPCP, sont présentes trois unités paras, un bataillon de tirailleurs sénégalais, une compagnie de Légion étrangère et un bataillon de Muongs ; environ 1500 hommes dans le cadre d'un groupement puissant qui doit nettoyer le secteur de Vinh Yen, en contrebas du massif du Tam Dao. Les renseignements concordent, les viets grouillent dans le secteur...



Vu d'avion, le Tam Dao n'est guère impressionnant : un repli dominant le delta... 


Mais sur le terrain, tout change, c'est un belvédère sur les rizières, un massif forestier touffu, et un piémont où voisinent mamelons, clairières et rizières reliés par des pistes étroites et piégeuses.

Les colons lassés de la moiteur d'Hanoï en avaient fait une superbe station climatique de vacances où les familles bénéficiaient d'un air sec et vivifiant...


Ce temps est révolu... Les longues colonnes de GMC et de Dodge quittent Hanoï par la RC2 direction Phuc Yen, direction la bagarre.

un joli reportage ...

Thanks... avec du retard, mais c'est qu'ils sont difficiles à pister, nos chasseurs...

Les bérets-bleu nuit (pas facile de passer à cette couleur pour les anciens du 1e BCP...) dorment quelques km après Phuc Yen, puis en milieu de matinée le 26, débarquent des GMC à quelques km  de Lien Son : c'est là...


Regroupement au pied des bahuts, en chapeau de brousse, puisque l'artillerie n'est pas prévue pour le moment...


Direction le nord, les premiers contreforts du Tam Dao ; c'est la CIP qui ouvre la marche, les Tonkinois connaissent bien la région et l'ennemi, ils déjouent plusieurs pièges. L'interminable colonne se fond dans un paysage de rizières coupées de mamelons boisés.
Après 3 kilomètres, on passe un large arroyo aux eaux basses, quelques coups de feu retentissent, sans dégât, les guetteurs se sont éclipsés...
Sur la rive opposée, la colonne se scinde en deux : les Muongs et les Sénégalais poursuivent le long de l'eau vers le poste de Lien Son occupé par les rebelles ; chasseurs et légionnaires obliquent à l'ouest, direction une pagode en hauteur,  isolée avant le village : 



Plus tard, des échos de rafales et de cris, des colonnes de fumée noire, montent vers la droite, les Muongs accrochent...
C'est à ce moment que la CIP débouche sur une large rizière donnant sur les premiers contreforts dominés par la pagode...


L'enfer se déchaîne à 200 mètres à peine des premières pentes boisées : rafales, mortiers, hurlements, c'est la fureur.  Les paras du s/lt Trapp éclatent en direction du maquis, zigzaguant au plus près des diguettes, sur ordre, ils tirent tous en même temps, c'est un assaut enragé qui voit les groupes de Nadal et Chariot parvenir les premiers au pied de la pente, tandis que deux autres sections s'élancent à leur tour.
Les viets sont bousculés,rejetés de leur premier point de défense, tandis qu'une autre compagnie de chasseurs  file par la gauche en débordement, les tirs ennemis faiblissent, les ordres de repli sont perçus par les paras tonkinois, qui les traduisent immédiatement et les exploitent par un ratissage de la pente : 29 cadavres de réguliers en uniforme kaki et casque de latanier sont découverts, la CIP n'a qu'un seul blessé léger...

Début d'après-midi : parvenus au sommet de la côte, les paras aperçoivent bien la pagode, mais ils en sont encore séparés par une nouvelle rizière en contrebas. De loin, les viets, qui occupent le lieu de culte, leur envoient quelques coups de feu. Les F.M. répliquent, écornant les murs: les bo-dois n'insistent pas. La section Trapp dévale vers la rizière, se lance sur le plat, attaquant dans la foulée la pente du piton ; bien vite ils escaladent les marches et occupent l'édifice sans encombre.
Ils sont suivis par la section de commandement, et d'Harcourt, qui vient placer son PC dans la salle de prière, tandis que les sections Meugniot et Trapp débordent de part et d'autre du monument.


(la photo ci-dessus représente les "cobras" de la CIP, les lts Compain, Meugniot et Trapp, de gauche à droite)

Le 3e "cobra", Compain, fait traverser sa section, et c'est au moment où ils sont bien engagés sur la rizière et sur les premiers mètres du contrefort que l'enfer s'abat sur les Tonkinois : depuis les  pentes voisines, des tirs nourris et puissants de mitrailleuses déchiquettent littéralement la végétation, les hommes, s'écrasent sur les murs dans un vacarme fracassant, des nuages de poussière, et les hurlements de sirène des blessés...

La rizière est engloutie dans une nappe de feu, des hommes ensanglantés gisent et rampent sur deux cent mètres de boue, tandis que les viets se lancent en vague d'assaut furieuse...
C'est la section Trapp qui encaisse le choc, dans les hurlements déments des combattants poussés au bout d'eux mêmes.
Le sergent infirmier Collard rampe de corps en corps et ramène en blasphémant, au prix d'efforts désespérés, un garçon aux jambes déchiquetées et qui hurle en pleurant...

Les paras se battent comme des diables, ils se précipitent dans les nuages de fumée d'où émergent les silhouettes des lignes d'assaut vietminhs, qui semblent onduler, hésiter, puis refluent vers Lien Son...
Le feu ennemi se meurt en effet, un silence précaire s'établit sur les murs empuantis de poudre et de sang ; la 3e compagnie du bataillon s'engage à son tour sur la rizière...

Le Trapp de qui vous parlez c'est bien le futur commandant de cie de Bruno à DBP?

Oui il s'agit bien du général Hervé Trapp, vous le reconnaîtrez  à sa haute silhouette et son allure, parmi ses glorieux pairs...

marcel a écrit:

un joli reportage ...

 Oui Marcel, un très jolie reportage....

Quand je pense qu'il y a des membres sur le forum qui disent dans un autre sujet sur l'Indo  "...oui, des vidéos, des reportages circulent sur le Net depuis longtemps sur ce conflit et d'autres..."

Oui mais... avec Google Earth c'est mieux pour se replonger dans le pays de l'ex Indo, voir ces paysages où tant de braves sont mort pour la France.

Georges à cet immense mérite, du moins, c'est ainsi que je le ressens, de nous faire "toucher" à travers ces images et cartographie d'hier et d'aujourd'hui, ce pays et la région de ces durs combats.

Merci Georges pour ton immense travail de recherche qui n'est pas simple, car moi aussi, je cherche à te suivre à travers tes récits sur Google... 

Merci René... mais en se remuant les neurones pour essayer de partager un peu ce qu'ils ont semé sur cette terre lointaine,  comprendre ce qu'il en reste, là-bas, et ici en France, on fait plus que marcher avec eux par la pensée...
On s'aperçoit que là-bas, et ici, la situation actuelle est très mouvante,  les équilibres fragiles... un rien peut faire bouger des choses... les viets appelaient "universités" leurs divisions... étudions donc  

Oui... Etudions...

Ca me fait penser au très beau film "La 317e section" dans lequel, un commissaire politique Viet dans un village fit une démonstration pour embaucher dans ces "université", la démonstration consister à écraser un œuf dans sa main...

Cep... qu'est ce que qui reste dans la coquille de l'œuf si je l'écrase dans ma main ? Réponse : Le jaune...

Et le blanc Cep ?   

Si seulement nous pourrions avoir la même doctrine en France avec la racaille...

Avec le blanc d'œuf, les vietminh ont trouvé les bons mots... ça a bien fonctionné avec
l'ethnie majoritaire, mais moins bien avec les "minorités" ... trouver les bons mots c'est rusé ...  

georges a écrit:

Avec le blanc d'œuf, les vietminh ont trouvé les bons mots... ça a bien fonctionné avec
l'ethnie majoritaire, mais moins bien avec les "minorités" ... trouver les bons mots c'est rusé ...  

Oui, ça c'est vrai ça...

Trouvez les bons mots comme dans un autre conflit après l'Indo : .... "la valise ou le cercueil" ... c'est efficace... 

Longue est la route des paras...

A la pagode de Lien Son, les gars de la CIP voient bien une section de la 3e compagnie du bataillon s'engager sur la rizière, malgré le risque... et c'est à nouveau le piège, au moins dix armes collectives ennemies dont les rafales meurtrières couchent des silhouettes amies !

Tandis que la section se replie péniblement vers les hauteurs boisées, la CIP se retrouve seule en situation précaire. Dans la salle de prières, deux tués, quatre blessés remontés vaille que vaille par les infirmiers gisent sous morphine ; au-dehors, les hommes creusent en hâte les trous individuels, d'Harcourt a donné les consignes de feu les plus strictes, ne tirer qu'à coup sûr...

La bataille reprend avant 16 heures ; des pitons voisins, des voix d'encouragement à l'accent allemand parviennent parfois : "Tenez bon, les gars...on arrive !"
Les viets semblent pressés d'en finir : leur feu terrifiant oblige les légionnaires à reculer, les murs de la pagode s'effritent sous les impacts groupés, et c'est à nouveau la section Trapp qui reçoit le plus fort de la vague d'assaut. Des tireurs ennemis ont été hissés en hauteur, ils condamnent les angles morts. Trapp est contraint au repli vers le PC, six paras blessés sont éparpillés sur la pente ravagée, parmi eux, le sergent Chariot, durement touché...

Il est 17H 30, l'assaut faiblit, mais les réserves de munitions sont basses : 30 grenades pour toute la CIP, 12 coups de mortier de 60, un peu plus d'un chargeur par MAT, 40 cartouches par fusil, et 300 pour la 7.62...

C'est à ce moment que les paras perçoivent avec soulagement les premiers ronflements des obus de 105 qui viennent percuter les positions ennemies... Mais le piège tient toujours, car les viets mettent en oeuvre un mortier de 81 dont les obus arrosent les abords de la pagode, puis lancent un nouvel assaut juste à la limite des explosions de 105 qui se sont pourtant rapprochées à 100 mètres des paras... Peine perdue, ils sont repoussés, mais la 7.62 n'a presque plus rien...
Dans le répit relatif revenu pour un instant, les hommes regardent fixement la haute silhouette du capitaine d'Harcourt impassible sous les balles qui continuent à claquer par intermittence... Ils attendent...

comme d'hab Georges, tu nous captive, tu nous enchante...
Merci, merci, simplement MERCI

Calmement, le capitaine d'Harcourt explique que l'artillerie va porter tout son effort sur les positions viets et qu'il faudra alors tenter de rejoindre les pentes tenues par la Légion, en face : décrochage dans l'ordre, 1ère section, commandement, 2e et 3e...
Les six derniers blessés, dont Chariot, ramenés entre temps, attendent avec les autres...
Les explosions fracassantes reprennent, la 1ère s'apprête, les malheureux blessés sont chargés à dos d'homme, d'Harcourt donne le signal...

Sitôt les premières sorties de la pagode éventrée, les viets devinent la manoeuvre, leur feu poursuit les silhouettes qui progressent péniblement ... le milieu de la rizière... les légionnaires en face ripostent de toutes leurs armes, obligeant les viets à mollir un peu... d'Harcourt s'élance à son tour sur le billard battu par le feu... maintenant c'est au tour de la 2... l'un des derniers tonkinois de la section est fauché presque instantanément... Collard le traîne en arrière, le pique ... les 105 tombent à présent au ras des murs...

La 3 dégage ... il n'y a plus que quelques paras ... René passe son PM en bandoulière, charge son blessé qui reprend conscience en hurlant, attrape un fusil abandonné, et part en titubant sous le poids écrasant...
C'est un déchaînement de rafales et de mortiers, un hurlement continu dans l'air empuanti, courir, courir.. les poumons brûlent, le ciel s'est obscurci... Le blessé a perdu conscience, sa tête ballote, il se répand, il faut tenir le coup, continuer...

René s'est retourné un instant, il voit les derniers paras quitter la pagode, deux hommes tomber, immédiatement agrippés par les amis, puis le bâtiment est touché de plein fouet par un 105...
En face, les légionnaires font un feu terrible, les viets sont plaqués au sol durant quelques précieux instants... Il faut y arriver... René perçoit les hurlements d'encouragement qui percent par moments...
Trente mètres... les premiers arbres au bas de la pente... Un dernier effort surhumain... Il s'écroule sur les premiers mètres, entre les troncs serrés, le blessé émerge, lui sourit, une pauvre grimace douloureuse et crispée...

Les balles s'enfoncent dans l'écorce, deux légionnaires sont descendus en recueil,  les derniers paras arrivent... sauvés, pour cette fois...


(Sur cette photo, prise quelques semaines plus tard, les cadres de la CIP , avec le Chef de Bataillon Michel : de gauche à droite, Trapp, Tran Van Thu, Lazarus, d'Harcourt,  Compain, et tout-à-fait à droite, Meugniot.)

Eh bien mon neveu... nous avons eu chaud  au cul   

Ce repli m'a donné soif, ouf.... Allez les gars, rdv au bar, une petite binouze nous fera pas de mal après tout ces émotions, nous l'avons bien mérité.   

Georges, STP, va s'y mollo, tu as a faire avec des séniors... qui souhaitent arriver au bout de ton récit  

Pas encore le moment de la binouze pour les gars de la CIP... Unis par le sang, six nouveaux blessés sont remontés par les côtés du chaudron des légionnaires, auprès du médecin du groupement mobile: Houbron, un ancien du II/1e RCP, et cinq vietnamiens... Sentenac et un para tonkinois, partis parmi les derniers, manquent à l'appel...

D'Harcourt ordonne le repli : 4 km de brancardage vers un village plus au sud où ils sont passés le matin même... La compagnie installe ses positions sur la pente, pendant qu'on creuse les trous individuels, le capitaine se fait soigner : une blessure à la jambe, des heures à souffrir sans rien montrer... Les combats ne sont plus que de lointains échos...
Le soir tombe ; les Muongs arrivent ; tout le monde est à bout, le contrecoup... Il paraît qu'à Lien Son, les Sénégalais ont pris possession sans combat du village : il n'y avait personne... bizarre...
un prisonnier a révélé qu'ils sont au moins 4000, en face...

La nuit est arrivée brusquement ; le sergent Chariot meurt à 20 heures... tremblants de froid et d'épuisement, les hommes essayent de dormir... Vers minuit, le feu reprend, vers Lien Son, les Sénégalais accrochent, à leur tour...


4 heures, René prend son tour, il va mieux, le sommeil lui a fait du bien, il n'a plus peur... à l'horizon, des lueurs rougeoyantes, suivies d'explosions... La lune révèle la rizière en bas, et la silhouette de deux pitons en face ; tout semble calme, mais le tireur FM ne lâche pas le pontet : il y a quelque chose qui remue, plus loin, et une voix étouffée... on ne dirait pas une voix de viet...

- A moi, les gars, je suis un Français, je suis blessé !

Heureusement, on n'a pas tiré: c'est Sentenac, il a réussi à revenir, une chance inouïe, une balle dans le cou, ressortie en plein dos... Dao l'a traîné derrière le seul tronc d'arbre de la rizière, au pied de la pagode, avant d'être tué... Sentenac a fait le mort pendant des heures...

27 décembre 1950, six heures : l'aube s'annonce, les bruits de combat se rapprochent ; peu après, des groupes de Sénégalais arrivent, en débandade, au bout de tout, ils s'abattent dans le village, où ils peuvent, ils se sont fait étriller... près de 300 disparus dans les combats de la nuit...

Le Morane survole les lignes ; peu après, l'artillerie se déchaîne sur les approches de Lien Son... L'ordre de repli général arrive, c'est la CIP qui protégera le mouvement... Pendant toute la matinée, l'artillerie tonne... Lorsque la compagnie part à son tour, les bo-dois sont déjà sur les crêtes d'en face...

Incroyable Sentenac ! Il avait vingt ans !....

Les paras marchent toute la journée, les pauses sont rares et brèves ; à 20 heures, ils parviennent au fort de Phu To, où les attendait une rame de GMC protégée par des automitrailleuses.  Ils embarquent pour Vinh Yen, où le groupement se répartit tous les postes ; la CIP quant à elle, est positionnée directement au fort. L'ambiance est tendue, une forte attaque viet, plusieurs bataillons, est annoncée, ici aussi... La nuit s'écoule, dans le fracas des explosions d'artillerie...

Au matin du 28 décembre, les nouvelles arrivent : 8 postes on été attaqués, deux sont pris... Les colonnes de secours lancées pendant la nuit ramènent des dizaines de blessés... la ronde des Morane sanitaires et des ambulances partant vers Hanoï soulage un peu l'infirmerie centrale, auprès de laquelle une grande tente a été installée et sert de morgue...
C'est le début de la grande offensive vietminh sur le delta...

En début d'après-midi, la CIP est convoyée à Huong Canh, un village  sur la RC 2 en direction de Phuc Yen, dans cette étonnante petite cité fortifiée, les paras ne voient bien sûr qu'une solide position défensive où prendre un peu de repos...


Mais le capitaine d'Harcourt annonce que la compagnie est d'alerte immédiate et doit pouvoir quitter le poste en moins de dix minutes... En effet, un peu avant minuit, l'artillerie commence à tirer au nord du village... Au signal, les paras se hâtent vers les GMC, qui foncent vers Phuc Yen et peu après bifurquent au nord, dans une région de piémont à l'aspect idyllique... En d'autres temps... Blindés et GMC cahotent sur une mauvaise piste, tous feux éteints.


L'artillerie pilonne tout près, en hauteur, un poste brûle... les camions stoppent, les hommes débarquent en jurant, la nuit est glaciale pour ces soldats à bout de forces...

A peine à terre, ils sont accueillis par une fusillade nourrie, les projectiles ricochent sur les tôles, quelques pneus se dégonflent en chuintant...
Devant la riposte des paras et l'appui de la 12.7 du blindé de tête, les viets faiblissent, poursuivis par les  tirs de mieux en mieux ajustés des mortiers de la compagnie. Un appui d'artillerie arrive rapidement, les 105 tombent à quelques dizaines de mètres seulement.

Les viets décrochent enfin dans l'obscurité parcourue d'éclats d'incendie, abandonnant morts et armes neuves, chinoises et russes...

Le fortin attaqué est à moins de 3 kilomètres, il flambe dans la brume qui s'élève au-dessus d'un rach profond, que la compagnie passe grâce aux canots M2 du Génie. (image Commandos Marine) 


Les bérets-bleus l'atteignent en fin de nuit, des survivants hagards, aux yeux fous, sortent en gémissant, s'effondrent inconscients aux pieds des paras ; ils sont couverts d'horribles blessures, balles, éclats, coups de baïonnettes, poignards... les viets se sont acharnés sur eux... c'est un miracle qu'ils soient encore en vie...

29 Décembre : avec le jour, on découvre les cadavres, Viets, Sénégalais, Indochinois fidèles et Français, emmêlés dans les réseaux de barbelés ; la fumée, le sang, la poudre empuantissent le site. 
A 500 mètres, les habitants sortent des paillotes et s'approchent en silence ; une jeune fille en pleurs guide les infirmiers vers sa cagna, et dévoile une cache sous un tas de bois : un Sénégalais blessé, inconscient, qu'elle a traîné jusqu'ici, pendant l'assaut ...
A midi, les paras partent ratisser les collines broussailleuses qui bordent le poste. Ils y découvrent encore une trentaine de blessés tapis dans les paillotes isolées...
Le soir venu, la CIP regagne Huong Canh, malgré la fatigue, les hommes trouvent difficilement le sommeil.

30 Décembre : fin de l'opération Bécassine ; la matinée au nettoyage soigné des armes, et l'après-midi, en GMC, direction le Pont Doumer et la Citadelle, direction la java...
Dans le dancing à côté de l'hôpital Lannessan, le mauvais champagne fait oublier la fatigue intense, les piastres gagnées au prix du sang s'envolent par centaines, on joue la comédie de la bonne année en pensant "reste en vie, surtout..."
Hanoï est en folie...
René va retrouver sa petite congaïe, Minh, sa douceur le rassure et l'apaise; Minh aime le Français qui lui achète de jolies robes, elle espère qu'il la protégera du vietminh, elle et sa famille.

on poursuit la lecture ...

Le Bataillon bénéficie d'une quinzaine de jours de "récupération", début janvier 1951. Dans les popotes, on parle beaucoup de l'arrivée du nouveau général en chef: quelques anciens, qui ont servi sous ses ordres à la 1e Armée, en disent beaucoup de bien...



A Bach-Maï, dans un hangar, les premiers conseillers américains apprennent aux Français à préparer des bidons spéciaux, d'abord les granulés, puis l'essence, et l'activation du mélange avec un tuyau d'air... c'est très artisanal, c'est parfois dangereux:



La production en série du napalm va commencer.

Les paras du 10e BPCP vont être engagés dans l'une des plus grandes batailles de cette guerre, Vinh Yen, et nous essaierons de les suivre, si vous le voulez bien, dans un prochain sujet...

 

Bonjour Georges et merci , oui, on veux bien continuer....

georges a écrit:

29 Décembre :
René va retrouver sa petite congaïe, Minh, sa douceur le rassure et l'apaise; Minh aime le Français qui lui achète de jolies robes, elle espère qu'il la protégera du vietminh, elle et sa famille.

Ah enfin un peu de repos..... Je trouve que René a beaucoup de goût dans son choix... Normal avec un prénom comme ça   

Merci Georges pour ton récit et pour la suite à venir, y a pas à dire, tu as des qualités de conteur. Tu n'as jamais pensé à aller sur une radio locale ou voire nationale et pourquoi pas une chaîne TV, pour animer une émission genre historia ?

Et ceci à la place d'un connard, un certain L.R. qui est en perte de vitesse avec son émission à la con....

Merci les gars, c'est sympa...
René, je me plais bien sur PTLH, je trouve que chacun à sa manière on fait du bon travail et on ne se prend pas la tête... ça va très bien comme ça   

Oh pour moi, ce n'était qu'une simple suggestion...    Au moins sur PTLH, tu es sûr d'avoir un public fidéle