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Nous avons parlé de
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] des services secrets, ce que l’on sait moins est que les FTP eurent aussi leur « services ».
Je les évoque ici, avec un peu d’amusement… On y retrouve tout de même kyrielle de nom connus…
Le service B... Les « services » FTP
Suite à l'offensive d'Hitler contre l'Union soviétique, le 22 juin 1941, le Parti communiste français participe enfin à la résistance contre l'occupant nazi.
Ancien mutin de la mer Noire et homme d'appareil du Komintern, Charles Tillon se voit confier la direction des groupes armés impulsés par le Parti communiste, les Francs-tireurs et partisans (FTP).
En février 1942, Jacques Duclos, chef du parti clandestin confie à Georges Beyer, le beau-frère de Tillon, le soin de consolider le service de renseignement de cette armée des ombres communistes, car son patron, un Latino-Américain, ancien des Brigades internationales surnommé « Martinet », a mystérieusement disparu...
C'est Marcel Hamon (alias « Dubreuil »), un Breton comme Tillon, qui dirige la coordination de ce 2e bureau, en collationnant les informations, de nature militaire, politique et économique, envoyées par des milliers de correspondants à travers la France.
Dans une villa du Raincy, en région parisienne, il rédige d'une fine écriture le Bulletin de renseignement des FTP que ses secrétaires dactylographient chaque jour.
Beyer (« Bernard »), Hamon et un troisième larron, Victor Gragnon (« Gaspard »), forment le triangle de direction du Service B.
Ce dernier, ancien préparateur en pharmacie effectue les liaisons avec le BCRA gaulliste, via la centrale « FANA » mise en place par le colonel Remy, secondé à Londres par le responsable de la section politique du BCRA, Stéphane Hessel.
Cependant, le Service B est relié au GRU soviétique ainsi qu'à l'Orchestre rouge, par le truchement de Jean Jérôme (de son vrai nom Michel Feintuch qui restera après guerre l'« œil de Moscou » à la direction du parti français).
Le Service B est ainsi un service opérationnel pour la résistance communiste, mais aussi un formidable outil stratégique des Soviétiques dans la France occupée.
Ce service est innervé par des milliers de recrues. Certains sont des militants communistes chevronnés : Jean Nouvel, « Tonton l'épicier » d'Alfortville, chez qui les « femmes de liaison » s'échangent des messages, n'a-t-il pas été un compagnon de Lénine ? D'autres ne savent pas qu'ils appartiennent à un réseau « rouge » et croient opérer pour la France libre : tel est le cas du réseau dirigé en Bretagne-Nord par Jean Le Peuch (dont est membre Marguerite Duthuit, la fille du peintre Matisse), décimé au printemps 1944.
Les anciens d'Espagne sont présents dans la formation du Service B : ainsi, en zone sud, son chef est un architecte, fils d'exilés russes, nommé Boris Guimpel. II s'est illustré à la tête de la 45e division républicaine et a été blessé en Aragon. Basé à Lyon, il a recruté d'autres « internationaux » de l'état-major espagnol ou de la 35e brigade internationale : Tadeuez Oppman (Nice-Marseille), Pierre Katz et Maïa Kutin (Lyon, les Alpes), le capitaine Gomez (Montpellier), Alexandre Bekier (Toulouse, Limoges). Mais ce dispositif sera infiltré, provoquant la chute de la direction sudiste des FTP à Lyon.
Certains viviers sont très professionnels : ancien chimiste, Beyer a recruté des adjoints dans cette filière, tel René Jugeau, fondateur du Service B en Normandie.
Autre ancien étudiant de chimie, Gillo Pontecorvo - futur réalisateur du film La Bataille d'Alger - fait partie du « réseau cinéma ». (On comprend mieux le ton donné au film)
Le Suisse Claude Jaeger n'a pas encore produit son film fétiche La Poupée avec Brigitte Bardot. Mais, membre du PC espagnol, puis italien, il est tour à tour assistant-réalisateur de Marcel L'Herbier, de Marc Allégret et de Louis Daquin.
Au Service B, il est le « colonel Michelin », malheureux contrôleur du réseau Le Peuch détruit en Bretagne, qui deviendra cependant en 1944 chef de la région M des FFI, regroupant les départements de l'Ouest.
Lorsque se profile la Libération, le Service B se mue en 2e bureau FFI à Paris. Au 54, rue de Vaugirard, chez Georgette et Marcel Jouliat, ex-secrétaires de Marcel Hamon, s'activent une dizaine d'agents rédacteurs sous la direction de Simon Teuléry (« Viguié »), militant communiste atypique.
Au sein du Service B, il a opéré avec Charles Chézeau, qui l'a aidé à recruter dans le « monde de l'image » l'acteur Henri Vidal - futur mari de Michèle Morgan - ou Janine Niepce, petite-fille de Nicéphore Niepce, l'inventeur de la photographie.
Teuléry dépend du responsable national des FFI, le docteur Robert Aron-Brunetière : avec le responsable du 2e bureau des FFI pour l'Ile-de-France, Antoine Kergall (alias « Larcourt »), il prépare le soulèvement de Paris en août 1944, dirigé par le colonel communiste Henri Tanguy, alias « Rol ».
Fourmillent les informations tactiques sur les mouvements des troupes allemandes, les supplétifs français de la police parisienne, les collabos à capturer ou à abattre...
Un savant les a aussi rejoints : le commandant « Antoine » n'est autre que le futur prix Nobel de physiologie et de médecine, le professeur André
Lwoff.
Bientôt, le docteur Aron-Brunetière installe ce dispositif dans de vastes bureaux boulevard Malesherbes et boulevard Haussmann. Il se transforme enfin en « 5e bureau ».
Toutefois, il sera dissous en septembre 1945 par Jacques Soustelle, patron de la nouvelle DGSS. Ce dernier leur reprocha d'infiltrer les nouveaux services secrets d'après guerre.
Il n'a pas tort : l'un des chefs de l'ex-2e bureau FFI, Georges de Staël (alias « Pages »), continuera à travailler comme agent du GRU soviétique.
Pendant ce temps, Teuléry, devenu chef de la sécurité du ministre de l'Armée de l'air Charles Tillon, sera arrêté en 1949 pour espionnage au profit de la Yougoslavie de Tito…
…Le voici aux premières loges pour apprécier l'infiltration réussie dans les services spéciaux, civils et militaires : les deux inspecteurs de la DST qui l'interrogent sont des « staliniens bon teint », qui lui en font voir de toutes les couleurs, à lui le dissident « titiste ».
A la Libération, les services secrets ont tout d'un vaste capharnaüm : des effectifs pléthoriques (la DGER salariera jusqu'à 10 000 personnes !), cent cinq immeubles réquisitionnés dans tout Paris, un parc automobile impressionnant, des agents qui se mêlent de tout et n'importe quoi, des chefs de mission à tire-larigot.
En janvier 1945, les « Instructions aux agents sur la nature des renseignements à rechercher, la manière de les classer et de les transmettre » montrent un service plus préoccupé de tâter le pouls de la France, comme le font traditionnellement les Renseignements généraux, que d'opérations à l'étranger.
Rendues publiques le 16 mars par le député Pierre Le Brun, secrétaire de la CGT, ces « instructions » déclencheront un beau scandale. Qu'on en juge plutôt ! Le service secret ouvre le courrier, écoute les téléphones.
Ajoutons qu'il se mêle à l'occasion de police criminelle : en octobre 1944, ce sont quatre de ses agents qui ont appréhendé au métro Saint-Mandé-Tourelles le docteur Marcel Petiot, le sérial killer le plus célèbre de ce temps. En sens inverse, certains de ses membres défraient la chronique judiciaire : vol, escroquerie, chantage.
Lyon, « capitale de la Résistance » ou « capitale de la trahison » ?
On a vu Jean Moulin livré à la Gestapo en juin 1943. Le 15 mai 1944, cela recommence : cette fois le comité militaire de zone sud des FTP est à son tour livré à Klaus Barbie.
Par qui ? Par un responsable du Komintern devenu « agent double » nommé Lucien Iltis, alias « Boulanger ».
Qui est cet Iltis dont le seul nom résonne comme un signe de malheur ? Ce fils d'Alsacien, militant du Parti communiste allemand, né à Mannheim en 1903, a été formé à Moscou par l'Armée rouge et s'est retrouvé conseiller du Schutzbund, la milice socialiste autrichienne lors du soulèvement raté de Vienne en 1934.
L'année suivante, le voilà rédacteur en chef de L'Humanité d'Alsace-Lorraine.
Prisonnier en 1940, il est « retourné » par Johannes Leber, de la Gestapo de Strasbourg.
Mais cela, Georges Beyer (l'organisateur du Service B) l'ignore évidemment quand il introduit Iltis dans la direction des FTP de la zone sud, dont l'un des chefs est Boris Guimpel, du même Service B. Chargé des parachutages, « Boulanger » semble un bon résistant, jusqu'au jour où il livre ses camarades au Sicherheitsdienst (SD,service de renseignement de la SS).
La question se pose alors : A-t-il agi pour le compte des nazis ou pour Staline, qui voulait se débarrasser de dirigeants FTP rétifs à sa stratégie ? Une question d'autant plus judicieuse qu'après bien des démêlés judiciaires, Iltis mourra à Francfort-sur-le-Main le 29 septembre 1967, après avoir séjourné en RDA... Nul doute, il a été protégé par les communistes, qui ont étouffé l'affaire Iltis, laquelle mettait en cause Beyer, l'homme clef de leur appareil spécial.
Une affaire toutefois utilisée, en interne, contre le chef des FTP, Charles Tillon, beau-frère dudit Beyer, lorsque sera instruit au sein du PCF, un procès en sorcellerie en 1951 et qui rebondira lors de l'exclusion de Tillon du Parti en 1970 et à l'occasion du procès de Klaus Barbie en 1987.
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