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 L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives

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Manta210

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MessageSujet: L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives    L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Icon_minitimeSam 21 Fév 2015 - 11:10

Bonjour,


L’ARMÉE NATIONALE VIETNAMIENNE
ET LE RECOURS AUX FORMATIONS SUPPLÉTIVES  

par le Lieutenant-Colonel Claude Franc

L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Cp_bmp10


Résumé  
Afin de faire évoluer le conflit indochinois d’un conflit post-colonial à un conflit de la guerre froide auquel la France participe dans le cadre de la lutte contre le communisme, les différents gouvernements de la quatrième République entre 1947 et 1954 se sont efforcés de mener une politique de troisième force(1) en s’appuyant sur l’empereur du Vietnam Bao Daï et les nationalistes non communistes. Pour ce faire, le gouvernement a concédé l’indépendance à ses anciennes possessions coloniales sous la forme d’Etats associés au sein de l’Union française dès 1948 par les accords de la baie d’Along, ratifiés un an et demi plus tard par le traité de Pau.  
Les nouveaux États ont été engagés aux côtés de la France dans la lutte contre le Vietminh en mettant sur pied de véritables armées nationales, dont celle du Vietnam. Cette ligne politique a notamment été celle du général de Lattre qui, au cours de son proconsulat comme Haut-Commissaire de France, a intensifié l’effort de guerre vietnamien tout au long de l’année 1951 et a su obtenir le soutien matériel et financier des Etats Unis.  
Néanmoins, la réussite pleine et entière s’est heurtée à plusieurs obstacles de taille : - Le manque de crédibilité de la personnalité choisie pour incarner la troisième force. - L’absence de volonté suffisante de la part des élites vietnamiennes de lutter contre le communisme, d’où une mobilisation et une implication trop restreintes de la part de la population dans la défense de sa propre liberté. - Le manque de conviction de la métropole, dont le gouvernement cherche dès 1952 une porte de sortie à la « sale guerre ».  
En conséquence, le corps expéditionnaire a continué à supporter l’essentiel du poids de la guerre jusqu’à la fin. Néanmoins, le Corps Expéditionnaire Français en Extrême Orient (CEFEO) a été appuyé par un grand nombre d’unités de partisans qui ont assuré, notamment en pays, thaï le contrôle de régions dont la population était soit indéfectiblement ralliée à la France, soit viscéralement anti communiste. Sous cet aspect, l’enrôlement de ces partisans s’est révélé un succès.  
Ces conclusions tirées de l’expérience indochinoise sont elles encore pérennes aujourd’hui dès lors que l’on est confronté à la participation à la mise sur pied d’une armée nationale, comme c’est le cas en Afghanistan avec l’A.N.A. ?

(1) Terme désignant une politique réfutant les deux extrêmes représentés par le simple retour au statu quo ante d’une part et l’alignement sur les thèses défendues par la rébellion d’Ho Chi Minh d’autre part. Cette politique s’appuie sur un troisième levier, un gouvernement nationaliste, d’où sa dénomination.

PREMIERE PARTIE:LE CADRE POLITIQUE

Chapitre I – La marche à la guerre froide : 1946 - 1949
Selon le vieil adage cedant arma togae2, mettre sur pied, former et engager une armée nationale revêt une signification qui relève avant tout du domaine politique. Il est donc indispensable de bien appréhender le contexte politique général franco-vietnamien pour comprendre pourquoi et comment a été levée, entrainée et employée l’armée nationale vietnamienne.  
Dans ce cas précis, le retour aux sources politiques est encore plus indispensable car, même sous l’ère du général de Lattre, la jeune armée nationale vietnamienne n’a cessé de constituer un enjeu entre deux pôles qui ne raisonnaient pas dans le même registre. Si pour la France l’armée vietnamienne représente un appoint – appréciable – au corps expéditionnaire pour valoriser le rapport de forces avec le Vietminh et le faire basculer en sa faveur, Bao Daï, pour sa part, ne se limite pas à ces seules considérations opérationnelles : pour lui, disposer d’un outil militaire opérationnel représente un gage majeur en termes d’exercice de la pleine souveraineté nationale qu’il n’a de cesse de vouloir arracher à la France en lieu et place d’une indépendance limitée par un rattachement du Vietnam à l’Union française. Dans le cas le plus favorable, on peut considérer que les Vietnamiens jouaient double jeu.  
Il convient donc de bien replacer la mise sur pied de l’armée nationale vietnamienne dans l’ensemble de la perspective politique de ce pays depuis le coup de force du Vietminh de décembre 1946 jusqu’aux accords de Genève, tant du point de vue intérieur vietnamien que de celui des relations du pays avec la France et donc des options politiques des gouvernements français successifs, s’agissant du dossier indochinois.  

1.1 – Les conséquences du coup de force vietminh du 19 décembre 1946  
Le coup de force vietminh du 19 décembre 1946 à Hanoï – mis en échec par les Français qui demeurent maîtres de la capitale du Tonkin – marque le début officiel du conflit franco-vietminh3. Aux yeux de tous, bien que le contexte en soit radicalement différent, la guerre dans laquelle la France est entraînée s’inscrit dans la longue suite des guerres coloniales auxquelles elle s’était déjà trouvée confrontée.  
Sur le plan politique, dès le 23 décembre, soit quatre jours après les évènements d’Hanoï, Léon Blum alors président du Conseil définit la politique de son gouvernement lors d’un discours à la Chambre : « Il s’agira de reprendre avec loyauté l’œuvre interrompue, c'est-à-dire l’organisation d’un Viet Nam libre dans une union indochinoise librement associée à l’Union française. Mais, avant tout, doit être rétabli l’ordre pacifique »4.  
Dès cette époque, le chef du gouvernement français évoque un Vietnam libre, c'est-à-dire l’union des trois Ky5, qui avait constitué la pierre d’achoppement lors des négociations de Fontainebleau l’été précédent avec le chef de la délégation viet minh, Ho Chi Minh.  
A son retour d’une mission d’inspection et d’information en Indochine suite au coup de force vietminh et bien que partageant totalement sur le fond les vues politiques du gouvernement du moment, le général Leclerc décline l’offre qui lui est faite d’y assumer les responsabilités politiques en succédant à l’amiral d’Argenlieu dans les fonctions de haut-commissaire. En outre, sur le plan strictement militaire, Leclerc estime qu’au sortir de la guerre et dans l’état où elle se trouvait, la France était incapable d’envisager la conduite d’un conflit à 12 000 kilomètres de la métropole.  

1.2 – La France à la recherche d’une solution politique. Le recours à Bao Daï.  
Plus que la recherche d’un accord avec Ho Chi Minh qui avait marqué toute la période précédant le coup de force, Bollaërt, le nouveau haut-commissaire, réoriente alors son action vers la « solution Bao Daï ». Parallèlement, le commandant en chef, le général Valluy, allait lancer une grande opération de réimplantation de la présence française en haute région, l’opération Léa. Il y avait donc cohérence entre l’action militaire contre le Vietminh sur le terrain et la recherche d’une solution politique en dehors de celui-ci. C’est dans ce contexte que, muni du blanc seing de Paris, Bollaërt prononce le 10 septembre 1947 à Hadong6 un discours dans lequel, s’il se refuse à prononcer le terme d’indépendance, du moins affirmet-il les principes d’autonomie et de liberté. En réponse, dans une proclamation au peuple vietnamien, Bao Daï condamne le Vietminh et accepte d’être l’interlocuteur vietnamien du gouvernement français, mais pose comme préalable l’indépendance du Vietnam par la fusion des trois Ky. Le discours d’Hadong débouche donc sur la mise en place de Bao Daï sur la scène politique en champion du nationalisme vietnamien opposé à Ho Chi Minh. La France dispose dès lors d’un interlocuteur représentatif d’une politique de troisième force, mais ne pourra échapper à accorder l’indépendance à ses anciennes possessions indochinoises. Cependant, par le recours à une telle solution, la France espère un ralliement massif des Vietnamiens au nom de Bao Daï.  
Qui est Bao Daï ? Ancien empereur d’Annam, âgé de trente six ans, il n’a malheureusement jamais bénéficié d’une formation politique poussée, devant à l’origine se contenter d’être un souverain « protégé », entouré d’égards, mais dépourvu de pouvoirs7. Prudent, hésitant à s’engager, il a déjà servi de paravent au Vietminh lors de sa prise de pouvoir insurrectionnelle en août 1945. Si ses objectifs politiques sont les mêmes que ceux d’Ho Chi Minh, sans s’appuyer sur la dialectique marxiste, il n’a ni la détermination, ni le charisme, ni même la froide détermination de son adversaire. Ce manque de volonté politique est une constante chez Bao Daï et ce fut la raison majeure de son échec définitif. Enigmatique mais non dépourvu d’un certain sens politique, il répugne à l’action par tempérament. Ces facettes contrastées de sa personnalité expliquent qu’il soit jugé comme un personnage manquant de caractère, ce qui ne correspond pas forcément à la réalité.  
Alors que le contexte politique français évolue vers un soutien à Bao Daï par l’investiture d’un gouvernement dirigé par le centriste Schumann8, des entretiens décisifs entre Bollaërt et Bao Daï ont lieu les 6 et 7 décembre 1947 à bord du croiseur Dugay Trouin. Ces entretiens de la baie d’Along aboutissent à la rédaction d’un protocole secret signé par les deux parties. La France reconnaît l’indépendance du Vietnam unifié par la fusion des trois Ky. De son côté, Bao Daï s’engage à adhérer à l’Union française et accepte l’union douanière avec les autres Etats indochinois ainsi qu’un régime monétaire fondé sur la piastre, toujours transférable9, et l’appartenance à la zone franc. Enfin, si le Vietnam indépendant devait être doté d’une armée nationale à mettre sur pied, la France, pour sa part, y conservait des bases militaires, notamment au cap Saint Jacques, dans la baie de Cam Rahn, en baie d’Along et le long de la frontière de Chine.  

1.3 – Le Vietnam vers l’indépendance : des accords de la baie d’Along à la conférence de Pau
Léon Pignon, ancien conseiller politique de l’amiral d’Argenlieu et initiateur de la « solution Bao Daï » est nommé haut-commissaire et chargé de donner une consistance politique à ces accords.  C’est visiblement contraint et forcé et sous la pression que Bao Daï était rentré au Vietnam. Il avait alors commis une erreur révélatrice de son immaturité politique. Son goût pour la grande vie engendrait pour lui de grands besoins d’argent10. Il a donc assorti son retour de conditions financières que le gouvernement français s’est empressé de satisfaire. Ce faisant, devenu débiteur de l’Etat français, il ne s’est pas rendu compte qu’il perdait sa liberté d’action.  
Peu à peu, Bao Daï révèle sa politique. Il se pose en chef de la résistance nationaliste qui obtiendra par la négociation l’octroi graduel d’une indépendance pleine et entière. Rapidement, la propagande communiste chinoise affublera Bao Daï du qualificatif de « fantoche » à la solde des Français, ce qui le poussera au cours de l’été 1949 à abandonner son image de médiateur nationaliste pour se poser ouvertement en allié du monde libre.  
Dans les faits, le gouvernement français ne peut que constater que le retour de Bao Daï n’a pas entraîné les ralliements escomptés, l’aménagement des relations franco-vietnamiennes demeurant lettre morte et la guerre continuant face à un adversaire acharné. Les pertes du corps expéditionnaire qui supportait tout le poids du conflit ne faisaient que croître. On ne sentait chez le chef du nouvel Etat vietnamien ni une volonté farouche de gouverner, ni l’intention de s’engager à fond dans la guerre aux côtés de la France.  
A la charnière des années 1949 et 1950, dans la foulée de la victoire des communistes en Chine, la guerre s’internationalise et dépasse le seul enjeu d’un conflit colonial. Parallèlement, le Laos et le Cambodge accèdent également au statut d’Etats associés. Prudemment, le Vietminh attend la midécembre pour faire ouvertement allégeance au camp communiste. Le 10 janvier 1950, Mao reconnaît officiellement le gouvernement de la République démocratique du Vietnam, reconnaissance assortie d’un accord sur la fourniture de matériel de guerre, suivie le 31 du même mois par celle de l’URSS. En réponse, le 7 février, la Grande Bretagne et les Etats-Unis reconnaissent pour leur part les gouvernements des Etats associés du Vietnam, du Cambodge et du Laos. Dans les semaines qui suivent, tous les pays occidentaux et le Vatican reconnaissent Bao Daï, tandis que les pays socialistes font de même envers Ho Chi Minh. En un mois, suite à la victoire communiste en Chine, les données géopolitiques du Sud-est asiatique étaient profondément modifiées. Contenu à l’ouest par une guerre froide, le conflit Est-Ouest débouchait en Extrême-Orient sur une guerre réelle, phénomène accentué quelques semaines plus tard par le déclenchement de la guerre de Corée. Bao Daï devenait par la force des choses un champion du monde libre, mais sans en posséder cependant, la carrure politique.  


(2) Les armes le cèdent à la toge. Adage de Cicéron revenant à poser le principe de la subordination du commandement militaire au pouvoir politique.
(3) À cette date, le CEFEO enregistrait déjà des pertes à hauteur de 3 500 hommes tués ou blessés dans un conflit encore larvé depuis septembre 1945. In Général Yves GRAS, Histoire de la guerre d’Indochine, Paris, 1979, Plon, page 155.
(4) In Gras, op cit. page 160.
(5) Les trois Ky regroupaient le Tonkin, l’Annam et la Cochinchine. Leur réunion devait constituer le Vietnam.
(6) Ville symbole, car rasée lors du soulèvement vietminh de décembre 1946.
(7) Général SPILLMANN, Souvenirs d’un colonialiste, Presses de la Cité, 1968, page 239.
(8.) Membre éminent du M.R.P. (mouvement des républicains populaires).
(9) Ce qui donnera lieu à un trafic à grande échelle, dit « trafic des piastres », fondé sur la possibilité offerte de transférer, via la banque d’Indochine, des piastres d’Indochine en métropole où leur taux de convertibilité était double. D’où l’expression « la piastre à 17 francs ».
(10) Lors de son séjour à Cannes, client assidu du casino de Monte Carlo, il y avait perdu des sommes colossales.


(à suivre...)
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MessageSujet: Re: L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives    L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Icon_minitimeSam 21 Fév 2015 - 14:07

Chapitre II – Vers la fin de la France en Indochine  

2.1 – La crise de l’automne 1950 et la réorientation de la politique française
A l’image d’un nouveau Sadowa, le désastre de la RC 4 en octobre 1950 éclate comme un « coup de tonnerre dans un ciel d’azur »(11). Il aboutit à une crise de commandement jugulée par la nomination du général de Lattre aux doubles fonctions de haut-commissaire et de commandant en chef. Celui-ci allait d’emblée imprimer une nouvelle marque très personnelle à la politique française vis-à-vis des Etats associés, marquée par la prise en compte sans arrière pensée ni restriction de leur volonté d’indépendance en les mettant face à leurs responsabilités, notamment en termes de défense. C’est sous son commandement que les armées nationales, principalement l’armée vietnamienne, verront le jour. Leur constitution et leur mise sur pied allaient constituer la pierre angulaire de la politique du haut commissaire, visant au transfert du maximum de responsabilités de la France vers le jeune État vietnamien.  

Outre l’envoi de renforts immédiats, le gouvernement dépêche sur place une mission d’enquête composée de M. Letourneau, ministre des Etats associés et du général Juin, alors Résident général au Maroc, accompagné du général Valluy, ancien commandant en chef et alors inspecteur des forces d’outre-mer. Parallèlement, le gouvernement donne la priorité aux impératifs militaires avant de songer à une éventuelle inflexion de la ligne politique. Dans son rapport de fin de mission, Juin préconise d’abord un effort prioritaire au Tonkin(12), le regroupement d’unités d’intervention en une masse de manœuvre et, pour parvenir à dégager ces moyens, de « vietnamiser » la guerre, c’est-à-dire créer une armée nationale vietnamienne « animée d’une foi et d’une volonté de guerre »(13). Le général Juin voyait la répartition des rôles suivante : à l’armée vietnamienne, les  missions de pacification par un quadrillage plus ou moins statique, au corps expéditionnaire, les opérations de destruction du corps de bataille vietminh.  

S’agissant de la « vietnamisation » de la guerre, le problème était récurrent. Fruit des accords de la baie d’Along, il existe d’ores et déjà, au moment de l’inspection du général Juin, 11 bataillons d’infanterie grosso modo instruits, encadrés par des Français et agissant dans le cadre du corps expéditionnaire. Si les instances parisiennes du haut-commandement se sont toujours montrées favorables à la constitution de cette armée vietnamienne, le commandement local, les commandants en chefs successifs et les commandants de territoires étaient pour leur part très réservés(14). Or, la volonté affichée de Bao Daï était que cette armée nationale, sous commandement autonome et national, fût organisée en grandes unités et formations distinctes du corps expéditionnaire tout en agissant en liaison avec lui, mais sur un pied d’égalité. Derrière cette exigence de souveraineté se profile la sempiternelle revendication politique d’une indépendance plus complète. On touche là au cœur de la question politique, récurrente depuis les accords de la baie d’Along.

Aussi les nationalistes vietnamiens et le gouvernement vont-ils prendre prétexte du désastre de Cao Bang pour extorquer aux Français les concessions qui leur ont été refusées jusque là. Le conseil des Ministres de Bao Daï établit en 1951 un projet d’armée nationale sous commandement vietnamien, devant aligner 30 bataillons avant la fin de l’année et 50 dès 1951(15). Sur ce plan, la position française avait évolué car après l’échec de la RC 4, le commandement voyait maintenant dans la constitution de l’armée vietnamienne le seul moyen de rétablir un rapport de forces équilibré avec les forces du Vietminh. Les 4 et 5 novembre à Dalat, au cours d’une conférence entre Letourneau, Pignon et Bao Daï, les deux parties s’accordent sur la mise sur pied d’une armée vietnamienne de 4 divisions et des éléments de soutien correspondant, soit 115 000 hommes dont l’encadrement serait initialement fourni en grande partie par la France et l’équipement par les Etats-Unis.
Le 8 décembre suivant, par une convention bipartite, la France reconnaît la pleine indépendance de l’armée vietnamienne.  

Pleven, chef du gouvernement français, met à profit le mois de novembre pour définir la politique que la France entend suivre en Indochine. En premier lieu, rétablir un rapport de force favorable avec le Vietminh en accroissant les effectifs et en renforçant l’équipement des formations. Ensuite, lever une fois pour toute l’équivoque qui régnait dans les relations franco-vietnamiennes en s’engageant résolument vers une indépendance totale des Etats associés. Un effort tout particulier devant être porté à la mise sur pied rapide de l’armée nationale vietnamienne. Enfin, le soutien américain serait recherché tant dans le domaine matériel et financier que militaire dans le cas d’une invasion chinoise au Tonkin, hypothèse qui préoccupe à l’époque aussi bien les états-majors que les gouvernements depuis le précédent coréen. L’idée initiale de recours à la « solution Bao Daï » comme rempart nationaliste au Vietminh, garant de la présence française en Indochine était déjà largement dépassée. Le nouvel Etat vietnamien était devenu la nouvelle digue du monde libre en Extrême-Orient face au déferlement communiste et le corps expéditionnaire devenait garant de sa souveraineté avant que l’armée nationale vietnamienne ne puisse le relever. L’aboutissement de cette politique – que personne n’envisageait réellement à l’époque – était que, victorieuse ou non, la France devrait inévitablement abandonner l’Indochine.  

Il restait à désigner la personnalité qui devrait mettre en œuvre cette politique sur le théâtre. Il était acquis, comme le suggérait le rapport d’inspection du général Juin, que les fonctions de haut-commissaire et de commandant en chef devraient être réunies entre les mêmes mains. Le poste est naturellement offert à Juin, auteur du rapport d’inspection. Il se récuse, prétextant son poste actuel de résident général à Rabat et les difficultés croissantes avec le Sultan du Maroc. Koenig, à qui le poste est également proposé subordonne son acceptation à des conditions telles – le renforcement du corps expéditionnaire par une partie du contingent – qu’il est également récusé. C’est alors que Vincent Auriol se tourne vers le général de Lattre de Tassigny, alors en poste à l’UEO, qui accepte la mission sans discussion et sans conditions. François Mitterrand, ministre d’Outre-mer avait fortement déconseillé à de Lattre d’accepter ce commandement, « n’y ayant rien à gagner et tout à perdre ». De Lattre passe outre.

2.2 – 1951. L’année de Lattre. Le sursaut national.
C’est profondément imprégné des nouvelles orientations de la politique française que de Lattre envisage son commandement. Son objectif est double, d’une part reprendre en main le corps expéditionnaire et lui rendre un moral de vainqueur en portant un coup d’arrêt immédiat à la progression de Giap avant de se lancer dans une phase de contre-offensives ; d’autre part, jouer franchement le jeu de l’indépendance du Vietnam, sans arrières pensées et en s’appuyant sur Bao Daï et Tran Van Huu, son chef du gouvernement, à qui le maximum de souveraineté devront être transférées. Après avoir rassemblé une « équipe » qu’il avait bien en main, de Lattre débarque en grande pompe à Tan Son Nhut16 le 17 décembre 1950 et entame de manière fulgurante son proconsulat.

Après avoir paré au plus pressé en jugulant l’offensive vietminh vers le Delta à Vinh Yen, et mis un terme définitif à toute velléité d’évacuation ou de repli(17), de Lattre établit son plan d’action politique. En premier lieu, son objectif est de mettre fin à la position d’attentisme de Bao Daï et de l’amener à s’engager à fond dans la guerre qui doit devenir sa guerre, la tâche la plus urgente étant la mise sur pied de l’armée vietnamienne, ce qui présuppose un gouvernement vietnamien représentatif, ramassé, et efficace.  
A l’issue de la bataille gagnée de Vinh Yen, de Lattre résolut de se rendre à Paris pour y plaider la cause d’un renforcement du corps expéditionnaire par l’envoi de renforts « modestes, mais raisonnables ». Ayant dû attendre la résolution d’une nouvelle crise ministérielle, de Lattre ne peut que constater qu’il ne recueille plus qu’une écoute polie, mais indifférente. En effet même s’il s’agit des mêmes hommes qui avaient fait appel à lui pour juguler la crise à l’automne précédent, notamment le ministre de la Défense Jules Moch, maintenant que la situation est rétablie sur le terrain, l’Indochine n’est plus considérée à Paris comme un dossier majeur du gouvernement, mais comme un fardeau budgétaire.

Ainsi à Paris, aussi bien le ministre de la Défense, Jules Moch qui n’apprécie guère le général de Lattre(18) que le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Blanc(19), sont peu réceptifs à un accroissement des effectifs en Indochine, l’effort étant porté sur la participation française à la défense Atlantique dans le cadre du traité de Washington, signé un peu plus d’un an auparavant, la France devant fournir 10 divisions à l’Alliance. Lors de l’annonce de la venue en métropole du général de Lattre le journal Le Monde publie une chronique anonyme d’un officier général, que tout porte à croire rédigée en réalité dans les bureaux de l’E.M.A.T., avec l’aval au moins tacite, voire sous l’impulsion du général Blanc, chef d’état-major, qui constitue une critique cinglante de l’engagement français en Indochine et une prise de position officieuse de l’état-major français :
«  (…) Le gouvernement est parfaitement conscient de la situation de nos effectifs en Indochine, et d’autre part de nos besoins dans la métropole pour mettre sur pied l’armée française, intégrée ou non, dans une force européenne. Une option de plus en plus pressante s’impose donc à lui, car ce serait tromper l’opinion et soi-même que de prétendre défendre la France en défendant Hanoï et de substituer le principe de la division des forces à celui de la concentration des moyens là où on veut être fort et emporter la décision.  
La mise sur pied de notre armée française d’Europe…se trouve compromise par les contingents de cadres, d’hommes et de matériels que nous devons envoyer périodiquement en Extrême-Orient. Or, les intérêts matériels et moraux que nous y défendons depuis cinq ans seraient-ils réels et indiscutables que la question se poserait néanmoins de savoir s’ils priment quand même ceux que nous devons sauvegarder par la défense efficace de notre territoire national. A quoi servirait de nous maintenir en Indochine si nous perdions la France ? (...)  
Le drame de la mise sur pied, si laborieuse et si incertaine quant aux cadres et aux délais de nos dix divisions tant attendues se joue en Extrême-Orient. Le corps expéditionnaire réunit des effectifs (en infanterie tout au moins) qui permettraient en France la constitution rapide des dix divisons demandées, divisions d’élite si nous considérons les éléments composants.  
Il est logique que le général d’armée, haut-commissaire et commandant en chef en Indochine, demande aujourd’hui des renforts pour exécuter la mission qu’il a reçue. Mais il appartient au gouvernement de se demander si cette mission reste primordiale et si décidant d’en poursuivre coûte que coûte l’accomplissement, il ne mettait pas en danger les intérêts supérieurs de la France(20) »


Cela explique la réaction de De Lattre déclarant à son entourage qu’il devait « porter l’Indochine à bout de bras».  
Ayant connaissance du désintérêt flagrant avec lequel les milieux politico-militaires français considéraient le dossier indochinois, de Lattre demande à être entendu par le comité de la Défense nationale pour y plaider sa cause.  
Finalement, un compromis émerge. L’Indochine recevra avant le 20 juillet 1951 15 000 hommes à prélever sur l’Afrique du Nord, déjà fort dépourvue d’unités. Mais en contrepartie, l’effectif de ces renforts devra être rapatrié le 1er juillet 1952, le gouvernement reprenant ainsi d’une main ce qu’il octroie de l’autre.  

Les 5 et 7 mai, le haut commissaire et le chef de l’Etat ont des entretiens en baie de Nha Trang. Ils affirment conjointement leur « parfait accord sur la nécessité d’activer la mise sur pied de l’armée vietnamienne »(21). Cet effort de « vietnamisation » de la guerre s’accompagne d’une demande d’assistance faite aux Etats Unis pour équiper cette armée et une partie du corps expéditionnaire. La conférence de Singapour du 15 au 18 mai 1951 allait donner à de Lattre la possibilité d’exposer ses vues en matière de coopération militaire. Sur le plan politique, à force de persuasion, il fait admettre aux alliés la nécessité de conserver à tout prix le Tonkin, « verrou du Sud-est asiatique », même en cas d’agression chinoise.  

Lors de la mort au combat de son fils au cours de la bataille du Day, fin mai 1951, de Lattre, très affecté, déclare : « Mon fils n’est pas mort pour la France, il est mort pour le Vietnam ».
A l’issue de cette bataille, fort de l’engagement à ses côtés de Bao Daï, de Lattre s’emploie à mobiliser le Vietnam dans la guerre. Sa première démarche consiste à mettre au pas les sectes politico-religieuses, caodaïstes du Sud et les évêchés du Nord, dont les évêques, fort d’un pouvoir temporel qu’ils s’étaient octroyés, se conduisent en véritables « seigneurs de la guerre » jaloux de leur autonomie. Il agit fermement, les dépossédant de tout commandement et désarmant leurs milices privées dont les formations sont aussitôt amalgamées à l’armée nationale. A la lumière de ces signes forts visant à asseoir son autorité, le gouvernement vietnamien prend une mesure importante : en interdisant tout échange physique entre la zone qu’il contrôle et la zone sous domination du vietminh, Tran Van Huu traduit sur le plan politique et administratif la notion de « front » permettant d’envisager un blocus économique de la zone ennemie(22), ce qui aura pour effet d’accroître pour le vietminh l’intérêt du delta, véritable « grenier à riz ».  

Mais la ferme autorité et l’extraordinaire rayonnement du général de Lattre demeurent à bien des égards indispensables pour insuffler au Vietnam nationaliste une once de cette énergie qui faisait la force de l’organisation vietminh alors que la participation effective du Vietnam à la guerre devenait de jour en jour plus indispensable. L’ouverture de pourparlers d’armistice en Corée ne manque pas d’inquiéter le gouvernement et l’opinion vietnamiennes car ils y redoutent des répercussions possibles pour le Vietnam, soit sous la forme d’un désengagement du monde libre de l’Extrême Orient, soit, plus grave, d’une intervention directe de la Chine communiste au Tonkin.
Aussi, le 6 juillet 1951, Tranh Van Huu déclare-t-il la mobilisation du pays, approuvée par Bao Daï sous forme de décret le 15 juillet. Cette décision est capitale car elle revient à reconnaître enfin que la guerre est une affaire vietnamienne et que le gouvernement en assume la direction et les responsabilités. Le général de Lattre en attend un sursaut psychologique. De son côté, mettant à profit la remise des prix au lycée Chasseloup Laubat à Saïgon, il prononce un vibrant appel à la jeunesse vietnamienne, l’appelant à prendre toutes ses responsabilités, à prendre parti et condamne sans appel l’attentisme. Les cérémonies du 14 juillet à Hanoï auxquelles Bao Daï (enfin sorti de sa réserve) participe et au cours desquelles il décore de Lattre sont un réel succès populaire. Les premiers bataillons vietnamiens défilent et sont acclamés. Cette cérémonie grandiose marque certainement l’apogée du général de Lattre qui réunissait autour de lui dans une même ferveur ses troupes victorieuses et l’armée nationale vietnamienne naissante.  

Convaincu de l’inéluctabilité d’une guerre longue où la solution ne serait pas d’ordre purement militaire, mais essentiellement liée aux progrès de la pacification, de Lattre ne se fait guère d’illusions sur la portée réelle du spectaculaire redressement qu’il a réalisé en Indochine. Dans son rapport au gouvernement en date du 6 septembre, il met en garde : « Il peut survenir une catastrophe en Indochine, il ne peut pas y surgir de miracle ».
Fondamentalement opposé à toute tractation ou négociation avec le Vietminh, il estime que la France doit tenir l’Indochine et qu’elle est en mesure de résoudre le conflit avec le concours des Etats Unis. En effet, à présent dégagée de tout soupçon de velléité néo coloniale, la France est à même de faire intégrer la défense du Vietnam dans la stratégie d’ensemble des Etats-Unis et du monde libre en Extrême Orient. C’est du moins en ces termes que raisonnait de Lattre qui avait bien perçu que l’effort humain et matériel de la France atteindrait rapidement ses limites et qu’au premier revers grave, ce serait l’abandon(23). En outre, il pense que l’opinion publique comme les dirigeants américains ne sont pas encore convaincus de la sincérité de la démarche française quant à l’indépendance du Vietnam. Aussi, avec l’accord du gouvernement français, il décide de se rendre aux Etats Unis pour y plaider la cause d’un Vietnam libre et indépendant, rempart du monde libre en Extrême Orient et qui, à ce titre, avait un impérieux besoin du soutien américain.
Du 13 au 25 septembre, bravant toutes les fatigues, il déploie toute son énergie et tout son pouvoir de persuasion pour parvenir à ses fins. Il est reçu par le Président Truman, le Secrétaire d’Etat, Dean Acheson, et le comité des chefs d’état-major.

Pour gagner l’opinion, il se soumet à des interviews, des émissions de télévision. A chaque fois, par l’exposé d’idées simples et claires, il martèle ses arguments pour convaincre son auditoire de la sincérité de la position française et de la position clé du Vietnam dans la stratégie globale du monde libre, « dernier verrou avant Suez ». L’aide américaine est indispensable pour aider à la mise sur pied d’une armée nationale vietnamienne. Partout populaire, de Lattre obtient un immense succès. L’aide matérielle américaine est acquise et se révèlera massive, mais l’idée avancée à la conférence de Singapour de constituer une réserve interalliée pour l’Extrême Orient n’aboutit pas. L’opinion américaine demeure résolument hostile à l’envoi en Extrême-Orient d’autres troupes que celles engagées alors en Corée(24).  

Quel bilan tirer de l’action de De Lattre à la mi-novembre, alors que sa mission prend fin ? Assurément, il avait relancé la guerre en lui donnant un sens. Mais il avait surtout réussi à vaincre l’immobilisme de Bao Daï, garant malgré tout d’un Vietnam indépendant et libre face au totalitarisme vietminh. Ce faisant, de Lattre avait définitivement sorti la guerre de l’ornière du conflit néo colonial, pour lui donner toute sa signification dans le cadre de la confrontation générale Est – Ouest. Dans cette logique, il existait un couplage parfait entre les conflits indochinois et coréen. En expliquant cette situation aux Etats-Unis, il s’était assuré du soutien américain. Mais en cas d’échec militaire grave, cette politique possédait en germe tous les ingrédients de l’éviction de la France et de son remplacement par les Etats-Unis.  

2.3 – La fin des illusions. L’implication américaine et l’éviction française du Sud après Genève.  
La disparition du général de Lattre brise l’élan qu’il avait donné. L’Indochine vit sur sa lancée, la conduite de la guerre n’est pas assurée depuis Paris et, constatant que la France de la IVème République reste hantée par ses démons, Bao Daï revient à une politique attentiste qui masque en fait une orientation antifrançaise d’abord larvée puis de plus en plus affichée.  
Du départ et de la mort du général de Lattre jusqu’aux accords de Genève, la question indochinoise n’a plus jamais constitué pour les instances gouvernementales françaises une affaire majeure. Fin 1952, au terme d’une nouvelle année d’opérations qui n’avait marqué aucun progrès décisif pour aucun camp, alors qu’en France se déroulent les débats budgétaires, on observe une lassitude certaine de la classe politique et de l’opinion face à une guerre qui s’installe dans la durée et l’usure, sans qu’une solution militaire ou politico-militaire ne soit en vue.

A défaut de négocier directement avec Ho Chi Minh, les partisans de l’internationalisation du conflit pour sortir « par le haut » de la crise se déclarent de plus en plus nombreux. En fait, en France, l’immobilisme règne. Pour juguler le gouffre budgétaire qu’entraîne la poursuite du conflit, l’aide matérielle américaine se déverse fort à propos(25). De plus, la France est gênée pour conduire sa politique dans les Etats associés du fait du choix curieux qui avait prévalu à la mort du général de Lattre de faire cumuler sur une seule tête les fonctions de ministre des Etats associés et de haut commissaire(26).

Au Vietnam en revanche, et assez paradoxalement, la situation politique a tendance à s’éclaircir. Nguyen Van Tam, le nouveau chef du gouvernement s’avère être un « chef de gouvernement qui gouverne » pour reprendre l’expression chère au général de Lattre. Il parvient à consolider son assise gouvernementale en ralliant le Daï Viet(27). Fort de la légitimité de son assise, son gouvernement donne une impulsion nouvelle au développement de l’armée nationale vietnamienne, laquelle atteint fin 1952 les effectifs de 150 000 hommes instruits. Il se fixe l’année 1954 comme échéance finale pour relever le corps expéditionnaire. Bao Daï se montre, pour sa part, encore plus volontariste.

Lors d’une visite à Na San, il fait part au général Salan de sa volonté d’aller plus loin, en termes d’effectifs que ceux arrêtés par la planification(28). En fait, les deux interlocuteurs, Salan et Bao Daï, raisonnent dans deux registres politico-militaires différents et selon deux logiques divergentes. Salan, commandant en chef du corps expéditionnaire, cherche à préserver ses effectifs et à se constituer au plus tôt une masse de manœuvre de réserve, formée à partir des gains d’effectifs réalisés par la prise en charge progressive par l’armée vietnamienne des secteurs pacifiés ou en voie de l’être. Bao Daï et Tam, représentants d’un Etat qu’ils souhaitaient pleinement souverain, désirent détenir au plus tôt l’outil majeur de souveraineté que constitue l’armée.

C’est en vertu de ce raisonnement que la préférence est donnée aux idées du général Hinh, chef d’état major vietnamien qui souhaite mettre sur pied des bataillons légers(29), sous commandement vietnamien, capables de s’opposer à la guérilla vietminh, par rapport à l’option préconisée par Nguyen Van Tri, ministre de la Défense nationale qui voulait mettre sur pied des unités lourdes, à l’image du corps de bataille vietminh, mais qui, au regard des impératifs de ce type d’unités aurait nécessité de recourir à un encadrement supérieur français, ce qui, ipso facto, limitait la souveraineté vietnamienne. Véritable outil de souveraineté, l’armée vietnamienne était maintenant alliée du corps expéditionnaire et non plus intégrée au sein de celui-ci.  

Au moment même où le général Navarre prend son commandement en mai 1953, un processus de paix se met en place à son insu et à celui du gouvernement vietnamien. L’armistice de Pan Mun Jon mettant fin à la guerre de Corée devait être suivi d’une conférence internationale. Laniel estime qu’il existe là une opportunité à saisir pour jumeler les problèmes coréen et indochinois et aboutir à un règlement d’ensemble de la situation en Extrême-Orient. Les Etats-Unis qui cherchent à éteindre l’incendie vietnamien accueillent favorablement la proposition française. Il convient de noter que cette initiative de portée capitale est déclenchée alors que se déroule la campagne d’automne de 1953 qui allait aboutir à l’occupation de Dien Bien Phu. Mais, au niveau gouvernemental français, il n’existe aucune vision stratégique d’ensemble ni aucun lien entre les décisions diplomatiques en cours et la situation militaire sur le terrain, ce qui, quelques mois plus tard allait se révéler fatal à la position française.  
Sur ces entrefaites, les « Quatre Grands » réunis à Berlin en janvier et février 1954 décident que la conférence prochaine tenue à Genève et qui doit débuter le 26 avril consacrerait ses travaux non seulement à la question coréenne, mais verrait son ordre du jour élargi à l’Indochine. La France a obtenu ce qu’elle désirait, à savoir éviter une confrontation bipartisane avec le Vietminh et subordonner le règlement de la question indochinoise à un examen global de la crise d’Extrême Orient.
 
Cette perspective d’une solution négociée est accueillie diversement par les Etats associés : au Cambodge, Sihanouk l’approuve sans réserve tandis qu’au Laos, le gouvernement démissionne. Quant au Vietnam, Bao Daï forme un cabinet de guerre restreint présidé par lui-même dans lequel il fait entrer le général Hinh, chef d’état-major de l’armée vietnamienne. Il entendait mettre l’accent sur la lutte contre le communisme, et adopter vis-à-vis des négociations de paix une attitude de fermeté, voire d’hostilité. Par ailleurs, de manière indirecte, cette annonce de l’inscription de la question indochinoise à l’ordre du jour de la conférence de Genève allait précipiter la décision d’investissement du camp retranché de Dien Bien Phu par Giap, sans considération aucune pour les pertes envisagées.  

Ouverte le 8 mai, la conférence semble s’enliser. La délégation française, conduite par Bidault, fonde ses espoirs sur une politique d’intimidation américaine à laquelle Washington refuse de se prêter. Laniel tombé le 12 juin, le président Coty fait alors appel à Mendès France, partisan déclaré de la négociation, voire du retrait pur et simple de la France d’Extrême Orient.
Au même moment, à Saïgon, une crise parallèle porte au pouvoir Ngo Dinh Diem, l’homme des Américains. Bao Daï a en effet pressenti qu’en s’engageant dans ces négociations, la France risquait de l’abandonner. Aussi décide-t-il de placer désormais tous ses espoirs dans l’alliance américaine. Les Américains ont imposé cette nomination de Diem comme chef du gouvernement comme condition de leur soutien au futur Etat vietnamien. Ainsi, à la mi-juin 1954, toutes les pièces sont en place pour l’acte final.  

A peine nommé, Mendès France lance le 20 juin son « pari » : sortir de l’impasse et parvenir à un accord dans un délai d’un mois, faute de quoi, il se lancerait dans l’escalade militaire en accroissant les capacités du corps expéditionnaire par l’envoi du contingent. Il est totalement acquis à l’idée d’un partage du Vietnam. Sans s’étendre sur les méandres de la négociation, le fait est que, le 20 juillet 1954, Pham Van Dong, le chef de la délégation du Vietminh, doit s’incliner sur la délimitation du 17ème parallèle comme ligne de partage(30).

Les Américains y étant favorables, Bao Daï et Diem doivent l’entériner. Des élections générales sont fixées à deux ans. Elles n’auront jamais lieu. Cette annonce du cessez le feu, entré en vigueur le 27 juillet, provoque une crise grave dans les rangs de l’armée vietnamienne. Déjà ébranlée par l’évacuation de la zone sud du delta, elle se trouve soumise à une importante vague de désertions. Les unités vietnamiennes les plus fragiles sont immédiatement transférées au sud et l’essentiel de cette armée peut être sauvé.  

Puis, simultanément, la France évacue le Nord Vietnam et le Vietminh le Sud, non sans y laisser des agents, mais pas d’unités constituées. Cette évacuation du Nord est doublée d’un exode massif des Tonkinois vers le sud.  
Sur le plan politique, parvenu au pouvoir comme champion de la cause nationale unitaire, Diem est mis devant le fait accompli de la partition et réduit à l’impuissance.
Mais pour les Américains, la lutte contre le communisme se poursuit. Non liés par l’approbation de la déclaration finale de Genève, Washington constitue peu après par le pacte de Manille un système d’alliance militaire régional. Enfin, Bao Daï est très rapidement lâché au profit de l’homme fort du moment, Diem. Contrainte d’évacuer l’ensemble du Sud Vietnam, la France n’y a plus aucune influence. Mise en place par la France pour sauvegarder l’essentiel, la « solution Bao Daï » se retourne finalement contre elle en grande partie parce qu’aucun des gouvernements français concernés n’avait de vue politique à long terme.

La politique française a donc logiquement manqué de cohérence. En outre, force est de constater que la France est longtemps restée crispée sur une solution a minima qui reprenait d’une main ce qu’elle octroyait de l’autre si bien que Bao Daï est demeuré sceptique sur la sincérité réelle de la France d’accorder l’indépendance au Vietnam Cela ne l’a pas poussé à prendre franchement parti à ses côtés. A contrario, s’il n’était pas dénué d’un réel sens politique, Bao Daï n’était pas doté de la force de caractère qui lui aurait été indispensable pour maîtriser une telle situation avec aisance.  

Mais impuissant à juguler seuls la renaissance d’une guérilla communiste au Sud Vietnam, les dirigeants sud vietnamiens contraindront leurs alliés américains à s’engager de plus en plus directement jusqu’au moment où, en 1961, Kennedy franchira le pas décisif de l’escalade militaire. Une nouvelle guerre commençait.  

(11) Expression attribuée à Bismarck après la victoire de Moltke sur les Autrichiens à Sadowa.
(12) Cet effort était préalablement porté sur la Cochinchine dont la pacification était beaucoup plus avancée.
(13) Rapport d’inspection du maréchal Juin, publié en partie dans Mémoires Tome 2 Fayard. Paris 1959. Pièces annexes.
(14) Le commandement local supposait alors que les états-majors centraux parisiens pourraient en tirer prétexte pour freiner voire diminuer l’envoi des renforts métropolitains demandés.
(15) Le développement proprement dit de l’armée nationale vietnamienne ainsi que son emploi feront l’objet de la seconde partie de cette étude.
(16) L’aéroport de Saïgon.
(17) Au prix de quelques relèves spectaculaires, comme celle du général Boyer de Latour, commandant au Tonkin. (18) Ses souvenirs en portent témoignage.
(19) Qui, pour d’autres raisons, est dans le même état d’esprit que son ministre vis-à-vis du général de Lattre. Il n’avait jamais appartenu à la « maison de Lattre ».
(20) Le MONDE du 23 janvier 1951. Général *** « La primauté de l’Europe ». Ces arguments ne sont pas nouveaux. Ce sont les mêmes depuis 1885 et l’incident de Lang Son qui, proférés par Clemenceau, avaient provoqué la chute du cabinet Ferry.
(21) Gras, op.  cit. page 405.
(22) Gras, op. cit. page 411.
(23) Ce qui n’a pas manqué de se passer à Genève.  
(24) Gras, op. cit., fait remarquer page 416 que trop d’insistance sur ce sujet aurait risqué d’aboutir à la proposition d’envoi de nationalistes chinois dont il valait mieux se passer.
(25) Par un truchement bien caractéristique de l’état d’esprit de l’époque, l’aide américaine n’était pas versée directement aux Etats associés, bénéficiaires en titre, mais à l’Etat français où elle servait au ministère des Finances de variable d’ajustement de manière à équilibrer la balance des paiements. Cette démarche interne explique le refus réitéré de la France maintes fois réaffirmé de voir l’aide américaine affectée directement aux Etats bénéficiaires.  
(26) Letourneau sera le titulaire de cette double fonction jusqu’au gouvernement Laniel, en 1953.
(27) Mouvement politique vietnamien autonomiste du Nord et à ce titre, farouchement opposé au Sud. Son ralliement à un gouvernement d’Union nationale présidé par Tam augurait bien de la réalisation de l’unité politique du pays.
(28) Cette question primordiale du développement de l’armée nationale vietnamienne sera au centre de la deuxième partie, véritable « cœur du sujet » de l’étude.
(29) Les T.D. K. Q (tieu doan kinh quan).
(30) Pour le Vietminh, également opposé à la partition du pays, cette concession constitue un échec relatif mais leurs alliés chinois ont voulu profiter de Genève pour sortir de l’isolement diplomatique en faisant des concessions vis-à-vis du monde occidental.


(à suivre...)
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MessageSujet: Re: L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives    L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Icon_minitimeSam 21 Fév 2015 - 17:15

DEUXIÈME PARTIE:L’ARMÉE NATIONALE VIETNAMIENNE

L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Cp2_bm10

Chapitre I – Le processus de développement de l’armée nationale vietnamienne

1.1 – La lente genèse de l’armée nationale vietnamienne  
Les bases de la constitution de l’armée nationale vietnamienne sont jetées les 4 et 5 novembre 1950 à Dalat au cours d’une conférence entre Letourneau, Pignon et Bao Daï. Les deux parties s’accordent sur la mise sur pied d’une armée de 4 divisions(31) et des éléments de soutien correspondant, soit 115 000 hommes dont l’encadrement serait initialement fourni majoritairement par la France et l’équipement par les Etats-Unis. Le 8 décembre suivant, la France reconnait par une convention bipartite la pleine indépendance de l’armée vietnamienne qui dispose d’un commandement propre, ainsi que d’une administration centrale comprenant ministère et état-major général.  
Cette réunion faisait suite au rapport d’inspection du général Juin, consécutivement au désastre subi en haute région, à l’occasion de l’évacuation de Cao Bang :  
« …La solution est ailleurs, dans l’organisation d’une armée vietnamienne. Jusqu’à présent nous n’avons mis sur pied qu’une douzaine de bataillons d’infanterie. Il faut créer des unités de toutes armes et progressivement arriver au régiment et à la brigade mixte, voire à la division, avec du haut en bas de l’échelle un commandement national vietnamien faisant paravent à une mission française.  
Il est singulier qu’on n’ait pas encore vu que ce qui fait la force principale du Vietminh, c’est qu’il apparaît en Indochine avec une armée qui prend de plus en plus figure d’une véritable expression nationale, alors que de l’autre côté, c’est à dire du nôtre, il n’y a qu’un gouvernement fantoche, soutenu à bout de bras par les Français qui prennent à leur compte toutes les charges militaires.   Comment arriver au bout de la pacification dans ces conditions? Cela peut durer longtemps, et c’est perdu d’avance.  

La pacification, c’est à dire la consolidation politique, doit être l’affaire du Vietnam avec des moyens vietnamiens(32), et il est grand temps de les mettre sur pied pour être employés à cette tâche et relever progressivement les moyens français dont on a grand besoin pour la guerre de mouvement. Passer la main doit être maintenant la consigne et il y a lieu de profiter des bonnes dispositions de Bao Daï à cet égard… »
(33).
 
1.2 – L’essor donné par de Lattre à l’armée vietnamienne. La prise en charge financière par les Etats-Unis.
Au moment de la prise de commandement du général de Lattre, la création de cette armée constitue une priorité. Certes, sa constitution lui permettrait de gagner la bataille des effectifs pour le corps expéditionnaire, les bureaux parisiens rechignant à lui accorder les renforts qu’il jugeait indispensables. Mais, pour lui, l’essentiel ne réside pas là. Sans entrer dans la logique de Bao Daï, exposée dans la première partie, il considère que la mise sur pied de cette armée démontrerait concrètement la volonté du Vietnam de se battre pour défendre sa liberté, et partant, celle du monde libre. Par ce biais, il espère mettre un terme à l’attentisme de Bao Daï. C’est la raison pour laquelle il n’était  pas opposé, bien au contraire, à ce que cette armée fût placée sous commandement effectif vietnamien. C’est toute la raison d’être de son acharnement à constituer ces unités.  

En ce domaine, tout était à faire, puisque, à la date du 1er janvier 1951, l’armée vietnamienne ne se composait que de 11 bataillons d’infanterie, intégrés au corps expéditionnaire, et formés dans le cadre du « jaunissement34 » de ce dernier, c'est-à-dire que la troupe était recrutée localement, tandis que l’encadrement, européen, était ponctionné sur la substance du corps expéditionnaire. Cette opération entrait dans le cadre de la préservation des effectifs du corps expéditionnaire et n’est pas à considérer comme une première tentative de vietnamisation de la guerre. Les recrues locales devaient pallier les pertes, non relevées, du corps expéditionnaire. Grosso modo, les formations entièrement « jaunies » peuvent être assimilées à des unités comparables aux anciens régiments de tirailleurs annamites. Ce sont néanmoins ces unités qui vont former l’ossature de la future armée nationale vietnamienne(35), tout en conservant leur encadrement européen, au moins tant que la ressource vietnamienne en cadres de contact se montrera insuffisante.  

L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Cp5_bm10


S’y ajoutent 9 régiments de garde nationale, soit un total de 30 000 hommes auxquels s’agrègent 35 000 supplétifs. La garde nationale entrait dans la composition des formations de sécurité des anciens protectorats et avait été étendue à l’ancienne Cochinchine. Son recrutement comme son encadrement étaient d’origine locale. D’une force initialement paramilitaire, ces formations de garde nationale avaient atteint, pour certaines d’entre elles, un très bon niveau(36). Quant aux supplétifs, irréguliers par définition, ils sont levés et instruits à l’initiative des chefs locaux français, principalement au niveau du secteur et, en 1950, prioritairement dans le delta nouvellement contrôlé. Ce recrutement de supplétifs ne cesse de croître jusqu’à la fin du conflit et fournit un certain nombre d’unités commandos qui joueront un rôle non négligeable, notamment en 1953-1954 au sein du groupement de commandos mixtes aéroportés (GCMA) du colonel Trinquier en pays thaï. Hiérarchiquement, le GCMA ne dépend que relativement peu du commandement du corps expéditionnaire, et encore moins de l’état-major général de l’armée vietnamienne. Il sera directement subordonné au S.D.E.C.E., les services spéciaux de l’époque, via son antenne saïgonnaise, ce qui ne sera pas sans créer quelques frictions avec le commandement, bien que le général Navarre, commandant en chef à cette période fût lui-même issu du monde du renseignement.  

Dans un premier temps, simultanément à la création d’une mission militaire française chargée de superviser la construction de l’armée nationale et commandée par le général Spillmann récemment arrivé de métropole, de Lattre lance un programme de mise sur pied de 25 bataillons d’infanterie, 4 escadrons blindés et 8 batteries d’artillerie ainsi que diverses unités de commandement et de soutien. La mission militaire a fort à faire dans le contexte local. Le général Spillmann relate37 qu’au Centre Vietnam (Annam), le gouverneur, un féal de Bao Daï, s’était érigé en véritable « seigneur de la guerre » et qu’il refusait dans son fief toute forme de contrôle sur les forces vietnamiennes qu’elle vînt du chef du gouvernement, Tran Van Huu ou, à plus forte raison du commandant des forces terrestres du Centre Vietnam, le général Lorillot. En plein accord avec Tran Van Huu, de Lattre parvint à obtenir la révocation pure et simple de Phan Van Gio, le gouverneur en question.  

Une démarche est simultanément entreprise auprès des Etats-Unis pour obtenir de leur part la fourniture des armes et équipements nécessaires à l’armée vietnamienne. Si un accord de principe a rapidement été conclu et les premières livraisons décidées, il faut attendre le triomphal voyage de De Lattre aux Etats-Unis en septembre 1951 pour que la situation se débloque. En effet, les matériels devant être livrés par les Etats-Unis le sont avec un retard tel que la mise sur pied de nouvelles unités vietnamiennes ne peut que s’en trouver affectée38, les bataillons n’alignant souvent que la moitié de leur dotation théorique en matériels réglementaire. Le général Spillmann estime que « la pauvreté du parc automobile était navrante »(39).
Plus loin, il cite l’exemple des matériels d’artillerie : « vers la même époque, je vis le général Girolami, inspecteur de l’artillerie, entrer dans une violente fureur frisant l’attaque d’apoplexie. Il venait de percevoir des groupes de splendides 155 longs, flambant neufs, mais cependant rigoureusement inutilisables. Il y avait bien les pièces et d’énormes tracteurs, mais non les avant-trains faute desquels on ne peut atteler le canon au tracteur ! ».

Exaspéré de rédiger télégramme de protestation sur télégramme de relance, de Lattre décide avec l’aval du gouvernement de se rendre lui-même aux Etats Unis à la fin de l’été, « non en mendiant implorant l’aumône de nos alliés, mais en chef exigeant que les engagements pris en commun fussent tenus dans les délais fixés et que les hommes luttant dans le Sud Est asiatique, pour la même cause et contre le même ennemi que ceux de l’ONU en Corée, ne fussent pas sacrifiés au profit de ces dernières40 ». Reçu et écouté par les plus hautes instances politiques et militaires américaines, de Lattre obtient gain de cause et les Etats-Unis prennent en charge la quasi-totalité de l’équipement des formations de la nouvelle armée vietnamienne. Mais cette situation de sujétion vis-à-vis de Washington ne va pas sans créer de graves inconvénients.  

Au moment du retour de De Lattre en France, soit en l’espace de moins d’une année, les effectifs de l’armée vietnamienne ont plus que doublé41 : de 65 000 hommes dont 30 000 réguliers, elle atteint les effectifs de 128 000 hommes répartis entre 54 000 réguliers, 59 000 supplétifs et 15 000 appelés à l’instruction42 dans le cadre de la mobilisation décrétée par Bao Daï le 15 juillet 1951. Elle est articulée en 35 bataillons au lieu de 11 un an auparavant. Quant aux unités des autres armes et services, 29 avaient été créées sur les 47 prévues au plan. S’agissant de la valeur opérationnelle de cette armée, le général Spillmann la jugeait ainsi43 : « un tiers des bataillons était bon, un tiers très moyen et un tiers mauvais ».  

La mise sur pied des bataillons s’effectuait par amalgame entre personnels déjà formés et volontaires : c’est ainsi que pour un bataillon dont le T.E.D.(44) indiquait un effectif de 800 personnels, 350 gradés et soldats étaient fournis par les unités déjà en ligne (unités jaunies du corps expéditionnaire et formations de la garde nationale) aux côtés desquels étaient affectés 450 volontaires à former. Au terme de trois mois d’instruction commune, l’amalgame était réalisé et les jeunes, convenablement encadrés par les anciens, se comportaient honorablement au feu.(45).  

A la tête de l’armée, l’état-major général prend forme ainsi que les quatre états-majors divisionnaires. Les services logistiques (Santé et Matériel) fonctionnent grâce à la réquisition de 1 500 spécialistes civils. Le service de l’Intendance était en cours d’organisation.  
En fait, le véritable frein au développement de l’armée vietnamienne n’est pas réellement la question des effectifs, le nombre élevé des engagements volontaires suffisant à couvrir les besoins des formations d’active(46). Les véritables limites sont constituées par l’encadrement et l’équipement des formations, deux domaines qui demandaient infiniment plus de temps que l’incorporation et l’instruction des jeunes recrues volontaires. Les livraisons américaines accusant un important retard sur la planification établie, la mise sur pied de certaines formations doit être retardée faute d’équipement.  

L’effort a donc été porté en 1951 sur la formation des cadres vietnamiens et l’accent mis sur l’encadrement de contact, opération qui revêtait aux yeux du général de Lattre une importance capitale. Au commandement de l’école de formation des officiers d’active qui ouvre ses portes à Dalat – l’E.M.I.A.D. L’Ecole militaire interarmes de Dalat - trois mois après qu’en ait été prise la décision, il nomme le lieutenant-colonel Gribius cavalier. Dalat devient rapidement un « Coëtquidan vietnamien ».
Outre le fait que l’intégralité de l’instruction soit dispensée en français, le programme aussi bien que les méthodes de formation sont purement et simplement calquées sur ce qui se fait dans les landes bretonnes. Cette recherche de la symbiose avec l’exemple français est poussé jusqu’au cérémonial et même élargi aux traditions de l’école.

L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Cp4_bm10

Mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit bien d’une école vietnamienne et non française, les seules couleurs à flotter sur l’école sont le jaune et or vietnamiens. En 1951, les promotions sorties avaient fourni 220 chefs de section et les quatre écoles régionales de cadres créées pour la circonstance, entre 600 et 650. C’est donc un peu moins de 1 000 chefs de section qui sont formés au cours de l’année. Or, les besoins s’élevaient à un minimum de 2 000 chefs de section. De Lattre décide alors de créer deux écoles d’officiers de réserve (l’une à Nam Dinh, l’autre à Thu Doc) et d’y appeler un millier de jeunes diplômés vietnamiens. Le gouvernement ne put en fournir exactement que 767(47).

A la fin de l’année, 800 jeunes officiers frais émoulus des écoles de formation nouvellement créées qui encadrent les unités régulières. Le complément est fourni par la mission militaire française du général Spillmann(48). Outre sa tâche de liaison entre le corps expéditionnaire et l’armée nationale vietnamienne, cette mission doit constituer un vivier de cadres français appelés à être détachés au sein de l’armée vietnamienne afin de compléter l’encadrement de ses unités.
Au début de 1952, 1 100 élèves officiers et 500 sous officiers se trouvent à l’instruction dans les écoles de formation vietnamiennes. L’effort avait été gigantesque. L’objectif fixé est qu’à la fin de 1952, l’ensemble des officiers subalternes de l’infanterie et la moitié de ceux des autres armes soit réellement « vietnamisé ». Si la similitude dans la formation des chefs de section français et vietnamiens constitue certainement un gage de cohésion au combat, personne ne s’est jamais réellement posé la question à l’époque de savoir si ces méthodes d’instruction correspondaient bien aux mentalités asiatiques. Il en adviendra de même plus tard pour Thu Duc et Nam Dinh. Cette volonté de vouloir à tout prix inculquer le caractère d’une armée occidentale à une armée asiatique n’était sûrement pas un très bon calcul.  

S’il est relativement aisé de former des cadres de contact d’infanterie(49), beaucoup plus complexe était le problème des officiers supérieurs. La solution ne pouvait exister qu’à une échéance de plusieurs années durant lesquelles le relais devait être assuré par des officiers français, brevetés et diplômés pour les postes de responsabilité en état-major.
Dès la fin 1951, 20 bataillons sur 35 sont sous commandement vietnamien(50).  
Le commandement vietnamisé des bataillons est un souci permanent du général de Lattre. Mais il est conscient des insuffisances de formation des titulaires et de leur trop fréquente inaptitude pour cause de vénalité. Le général Spillmann rapporte un de ses points de situation au hautcommissaire(51) : « …Enfin, je lui parlai des rumeurs qui commençaient à courir sur la façon dont un officier vietnamien pouvait obtenir le commandement d’un bataillon. Il suffisait, prétendait-on, de remettre à quelqu’un de bien placé de 200 000 à 400 000 piastres (à 17 francs). L’officier en question empruntait cette somme à un taux variant de 30 à 50 %. Une fois nommé, il conservait pour lui la solde d’une cinquantaine de gradés et de soldats fictifs, ouvrait une agence bancaire et prêtait à ses hommes l’argent ainsi frauduleusement obtenu pour qu’ils jouassent à leur jeu de prédilection, le bac quan. Le taux d’intérêt n’était que de 10% par mois. Ce n’était là que rumeurs, je ne possédais aucune preuve tangible, mais ces bruits ne devaient pas être totalement infondés…  

Emu, mais lucide et désabusé, de Lattre commenta : « Mais quel pays ! Ils sont fous ! Et cela face au vietminh qui reste pur et dur ! Heureux Ho Chi Minh ! Heureux Giap ! Faites une enquête, apportez moi des preuves, je vais faire des exemples saignants ».  

A côté de ces formations, les appelés constituent un cas un peu particulier : en juillet 1951, au moment où Bao Daï promulgue les décrets de mobilisation, le gouvernement vietnamien décide d’incorporer 60 000 jeunes gens, par fractions de 15 000. Sans disposer des moyens humains et matériels pour les encadrer, de les armer et de les équiper, il s’agissait uniquement de leur donner deux mois d’instruction de base dans des « camps légers(52) » avant de les verser ensuite dans les réserves disponibles. Cette mesure répondait à la volonté du commandant en chef de disposer sans délais, de réserves disponibles et instruites dans l’hypothèse de l’invasion du Tonkin par des « volontaires » chinois, à l’instar de ce qui s’était passé en Corée(53).  

1.3 – Le développement de l’armée nationale vietnamienne de 1952 à 1954  
Le 1er mai 1952, l’échelon central de l’armée vietnamienne voit le jour par la création de l’état-major général des forces armées vietnamiennes qui agit directement sur quatre régions militaires nouvellement créées et correspondant aux Nord, Centre et Sud Vietnam ainsi qu’aux plateaux montagnards du Sud (P.M.S.). L’empereur Bao Daï confie le poste de chef d’état-major général de son armée au général Nguyen Van Hinh, issu de l’armée de l’Air française où il sert avec le grade de lieutenant-colonel. Ancien élève de Salon de Provence, il a effectué de nombreuses missions de bombardement au dessus de l’Allemagne. C’était sûrement le plus occidentalisé des officiers vietnamiens.

L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Cp3_bm10

Il est le fils de Nguyen Van Tam, le nouveau chef de gouvernement et, comme son père, détient la double nationalité vietnamienne et française. Indéniablement, il apporte à la tête de l’armée vietnamienne un esprit rompu aux modes de pensée et de raisonnement occidentaux.  
En 1952, l’armée vietnamienne était passée à la vitesse supérieure en portant l’objectif initial de mise sur pied de quatre divisions à six, réparties entre les régions(54). L’image de ses débuts et d’unités ou de formations disparates, auxiliaires, sinon supplétives du corps expéditionnaire est bel et bien totalement révolue. Même si ses bataillons opèrent encore le plus souvent sous commandement français et si ses grandes unités demeurent encore embryonnaires, elle possède son autonomie et sa personnalité propre. Il avait fallu tout le poids de l’autorité du général de Lattre ainsi que sa force de conviction vis-à-vis des élites vietnamiennes pour parvenir à ce résultat.
Sa grande force est d’avoir réussi à convaincre les élites vietnamiennes de s’engager et de prendre part au conflit qui, in fine, était le leur, alors qu’elles se seraient bien vu en engranger les profits, sans pour autant avoir à en courir les risques. Il avait également été indispensable de vaincre les très fortes réticences françaises, voire les oppositions tant parisiennes que locales, y compris au sein de la hiérarchie militaire.  

Au moment où la campagne d’automne 1952 s’engage, l’armée nationale vietnamienne est devenue une réalité. Si elle donnait plus de consistance à la politique française vis-à-vis des Etats associés, comme cela a été exposé dans la première partie, a contrario, sa formation et son entretien devenaient de plus en plus tributaires des Etats-Unis. Cette action est conduite par le M.A.A.G. (Military Aid and Advisory Group), organisme américain en charge de la ventilation de l’aide et du contrôle de son utilisation sur place, ce qui constitue pour l’US Army une excellent moyen pour infiltrer ou influencer l’armée vietnamienne. En 1951, l’aide américaine s’élève à 149 milliards de francs de matériels. En 1952, globalement elle se monte à 196 milliards de francs dont 86 de matériels. La France est incapable financièrement de prendre à sa charge l’équipement et le fonctionnement de la jeune armée vietnamienne. Cette sujétion vietnamienne aux finances américaines pèsera lourd lors du retrait français.  

Militairement, quelles sont les capacités des TDKQ (tieu doan kinh quan) ou bataillons légers ? Il s’agit de bataillons d’un effectif allégé de 625 hommes au lieu des 820 du T.E.D. du bataillon standard. Les compagnies sont dotées uniquement d’armes légères d’infanterie et les appuis internes se limitent au mortier de 60. Ainsi, l’instruction des personnels est plus simple et le commandement des compagnies et bataillons est également simplifié, la coordination des feux à ces différents échelons étant réduite à sa plus simple expression. Les meilleurs officiers sont désignés pour encadrer ces nouvelles formations et leur instruction accélérée est complétée à l’initiative du général Hinh par un stage d’action psychologique, ces bataillons devant essentiellement être engagés dans des tâches de pacification en contact direct avec la population55. En effet, il faut entendre par pacification une multitude d’actions de proximité, cinétiques ou non, destinées à restaurer la confiance au sein d’une population hésitante, souvent en butte à l’habile propagande orchestrée par l’adversaire communiste.

En outre, constatant que le Vietminh était le plus fort au niveau de l’endoctrinement des foules et des masses, Hinh se fixe d’emblée comme objectif de former ses officiers dans ce domaine, étant convaincu qu’un soldat ne se bat bien que s’il sait pourquoi il se bat et qu’il est persuadé de la pertinence et de la légitimité de la cause qu’il défend. 54 bataillons de ce type sont mis sur pied, ainsi que 19 unités de transport en vue de les employer à compter de l’automne 1953. Parallèlement, le 1er janvier 1953, une 7ème division vietnamienne est mise sur pied.  
Les objectifs des dirigeants vietnamiens d’accroissement des effectifs de l’armée nationale sont tout à fait cohérents avec ceux du nouveau commandant en chef, le général Navarre, qui prend effectivement son commandement en mai 1953. L’économie générale de son plan couvrant une période de deux ans et conçu à l’issue d’une prise de contact avec tous les échelons du commandement repose sur un développement rapide de l’armée vietnamienne.

Il attend qu’elle dégage le corps expéditionnaire de ses tâches statiques territoriales en les prenant progressivement à sa charge dès la première année et en faisant effort au sud du Vietnam. Ainsi libéré de l’obligation d’occuper les secteurs de pacification et ayant réussi par ce biais à se constituer de puissantes réserves, le corps expéditionnaire pourrait alors représenter un outil apte à s’opposer avec succès au corps de bataille vietminh dans un rapport de force favorable. L’échéance de cette confrontation décisive entre le corps expéditionnaire et le corps de bataille vietminh est arrêtée à la campagne d’automne – hiver 1954/1955 par le commandant en chef. Cette campagne décisive doit se dérouler au nord du Vietnam. Ce plan a été approuvé en conseil de défense à Paris. Mais cette belle construction intellectuelle va se trouver radicalement remise en cause par la décision prise à l’automne 1953 de barrer à Giap l’accès au Laos en occupant le carrefour de Dien Bien Phu, ce qui amènera Giap à renoncer à son effort sur le delta et à le reporter sur le pays thaï où le général Navarre acceptera la bataille à Dien Bien Phu.  
Il est de fait que début 1954, les effectifs de l’armée nationale vietnamienne atteignent 210 000 hommes et qu’il est prévu que le seuil de 300 000 soit atteint avant la fin de l’année. Mais, au-delà des chiffres, que représentait cette force face à celle du Vietminh qui exerçait un ascendant véritable sur la population ?




(31) Voir en annexe 1 la composition de la division d’infanterie vietnamienne, telle qu’elle apparaît dans la note n°2851/EMIFT/1 en date du 10 décembre 1951, adressée par le général Salan à ses grands subordonnés du Nord, Centre et Sud Vietnam. Il apparaît clairement que cet échelon divisionnaire se situe en fait entre celui du groupe mobile et celui d’une véritable division : si elle aligne bien 9 bataillons, ses capacités en moyens de reconnaissance, d’appui et de soutien sont considérablement réduits par rapport à ceux d’une véritable division.  (32) Surligné par le rédacteur.
(33) Extrait de rapport cité dans Juin, Mémoires Paris, Editions Fayard, 1959, tome 2, annexes.
(34) Par référence et en réaction au « blanchiment » des unités noires de la 9ème division d’infanterie coloniale de 1944 dont les personnels étaient inadaptés à subir un hiver de guerre dans les Vosges et en Alsace. Ils ont alors été relevés par des FFI.  
(35) Notamment l’intégralité des BMEO (bataillons de marche d’Extrême Orient) qui ont fait l’objet de mesures de jaunissement tout en conservant leur encadrement français. Fin 1950, ils ont été purement et simplement été transférés à l’armée vietnamienne dont ils ont constitué les unités les plus solides. L’annexe 2 détaille les conditions de mise sur pied de ces bataillons.
(36) Ces régiments de la garde nationale étaient jugés ainsi par le général Spillmann : « Celui du Nord Vietnam était moyen, les cinq du Centre Vietnam passables et les trois du Sud Vietnam excellents ». Général Spillmann, Souvenirs d’un colonialiste. Paris. Presses de la cité, 1968, page 251
(37), Général Spillmann. op. cit. page 242
(38) Général Spillmannn, op. cit. page 253.
(39) Général Spillmann, idem
(40) Général Spillmann, op. cit., page 254.
(41) Gras, op. cit. page 443.
(42) Pour leur part, l’armée royale khmère passait de 5 000 à 10 500 hommes et l’armée nationale laotienne de 4 000 à 9 500 hommes. In Gras, idem.  
(43) In Spillmann, op. cit. page 242.
(44) Tableau d’effectifs et de dotation, document qui fournit ces renseignements pour chaque formation. Les TED des formations de l’armée nationale vietnamienne étaient directement décalqués de ceux de l’armée française.
(45) In Spillmann op. cit page 294.
(46) In Gras, op. cit page 444.
(47) In Gras, op cit, idem.
(48) A titre d’exemple, à compter de 1951, la moitié des officiers subalternes de l’arme blindée en Indochine servait au sein des formations des Etats associés.
(49) L’armée française réarmée de 1943 en avait fait l’expérience – heureuse – à Cherchell et la renouvellera durant la guerre d’Algérie
(50) L’annexe 2 fournit un tableau explicitant l’état d’encadrement des bataillons vietnamiens fin 1951.
(51) In Spillmann, op cit, pages 286 et 287.
(52) Six camps d’instruction furent ouverts : 2 au Nord Vietnam : Bac Ninh au N.E. d’Hanoï et Quang yen au N.E. d’Haïphong ; 2 au Centre Vietnam : Hué et Nha Trang ; 2 au sud Vietnam : Quang Tré au N.O. de Saïgon et Soc Trang en Trans Bassac. Chaque camp avait une capacité d’hébergement de 1 000 hommes pour les plus petits à 3 000 pour les plus importants. Source : Spillmann, op cit, page 269.
(53) Avec le risque connu et accepté de fournir au vietminh une ressource déjà formée !
(54) 1ère et 6ème divisions au Sud Vietnam ; 2ème division au Centre Vietnam ; 3ème  et 5ème divisions au Nord Vietnam ; 4ème division dans les plateaux montagnards du Sud. Source : Note n° 2460/EMIFT/1 en date du 8 novembre 1952. Origine SHD.
(55) In Revue Historique des Armées n° 194, mars 1994, page 29. Interview du général Hinh réalisée par le service historique de l’armée de l’Air.


(à suivre...)
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MessageSujet: Re: L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives    L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Icon_minitimeDim 22 Fév 2015 - 11:02

Bonjour,


Chapitre II – L’armée vietnamienne au feu  

2.1 – Les engagements de l’armée vietnamienne  
Une fois leur mise sur pied et leur instruction achevées, les nouvelles formations sont engagées en opérations, initialement au niveau du bataillon pour s’aguerrir progressivement et rôder leurs chefs au commandement. Les premiers le sont lors de la dernière offensive de De Lattre à Hoa Binh fin 1951 en soutien des groupes mobiles, tandis que d’autres relèvent des formations du corps expéditionnaire dans des secteurs de pacification en Cochinchine.
Leur comportement général est jugé honorable et leur esprit de discipline est jugé bon. Les cas de désertion ou de trahison se sont révélés très faibles, contrairement à ce que rapporte la tradition orale.

Dans son ouvrage déjà cité, le général Gras rapporte même des cas d’engagements exemplaires : le 29 décembre 1951, la compagnie vietnamienne du poste de Nam Truc (17 km au nord ouest de Phat Diem, dans les évêchés) repousse les assauts successifs d’un bataillon vietminh en lui infligeant de lourdes pertes (123 tués, 45 prisonniers) et récupère 50 fusils et 10 armes automatiques. L’auteur(56) affirme qu’une unité régulière du corps expéditionnaire n’aurait pas fait mieux.  
En dehors des grandes opérations face au corps de bataille vietminh, les bataillons légers T.D.K.Q. sont engagés au niveau local de la zone sous commandement vietnamien. Il était de bon ton au sein du corps expéditionnaire de les considérer avec une certaine condescendance mais, après une période d’adaptation, ils ont prouvé leur efficacité. Les villages se sentent dès lors protégés par leur présence, les habitants sortent de leur réserve et commencent à se rallier au gouvernement, échappant à l’emprise du Vietminh(57).  

Conformément à son plan, le général Navarre s’efforce d’accroître les réserves mobiles du corps expéditionnaire en faisant relever par des formations vietnamiennes le maximum d’unités implantées dans les deltas. Pour le commandant en chef, il s’agit d’un test : le plan Navarre n’est réalisable que si les Vietnamiens s’avèrent capables de prendre à leur charge la défense en surface, grande consommatrice d’effectifs. C’est ainsi que dans le Sud, les provinces de Mytho, Vinh Long et Bentré sont transférées à l’armée vietnamienne sans douleur. Au Tonkin, le problème est plus aigu compte tenu de la pression croissante du Vietminh sur le delta dont le pourrissement s’accélère(58).
Néanmoins, le 1er septembre, le secteur de Bui Chu est transféré à l’armée vietnamienne à la suite des résultats satisfaisants obtenus par les T.D.K.Q. engagés dans la région lors de l’opération « Tarentaise »(59), une des multiples opérations de nettoyage du delta. Le Vietminh comprend très rapidement les dangers d’une telle pratique en termes de pacification et de ralliement de la population. Il s’acharne contre les villages concernés pour y empêcher la relève.

A Bui Chu, l’expérience de l’engagement des T.D.K.Q. commence par un échec : opposés à deux régiments vietminhs complets, les TD(60) 46 et 50 disposant de puissants appuis, les 7 bataillons T.D.K.Q. volent en éclat. Il faut que le commandement du Tonkin retire 2 groupes mobiles engagés ailleurs dans le cadre de l’opération « Brochet » pour rétablir une situation compromise(61).
Il est alors évident que compte tenu de la situation dans le delta, le transfert de secteurs entiers à l’armée vietnamienne est encore prématuré à cause du faible degré d’aguerrissement des bataillons vietnamiens concernés.  Néanmoins, au cours de l’automne 1953, le commandement du C.E.F.E.O. parvient à dégager 7 bataillons d’infanterie et 5 groupes d’artillerie du delta. Mais les difficultés rencontrées par les bataillons vietnamiens interdisent de pousser plus loin la relève et l’allègement du dispositif du corps expéditionnaire dans le delta qui est forcé d’y « consommer » encore 40 bataillons.  

S’agissant enfin de Dien Bien Phu, l’armée vietnamienne était représentée dans la défense du camp retranché par deux bataillons thaïs et deux bataillons paras (les B.P.V.N.). Si les premiers ont rapidement lâché pied et fourni les gros effectifs des « rats de la Nam Youn (62)», les seconds, notamment le 5ème B.P.V.N. – surnommé le « 5ème baouane » - soutenaient sans rougir la comparaison avec les bataillons paras métropolitains, coloniaux ou étrangers engagés au sein du G.O.N.O.(63). L’encadrement des bataillons paras vietnamiens est essentiellement français, notamment les commandants de bataillons, leurs commandants en second et tous les commandants de compagnies.

L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Cp6_bm10

Le 5ème B.P.V.N. s’illustre les 31 mars et 1er avril lors de la relance de l’attaque vietminh dans la défense du point d’appui « Huguette 7 » qu’il conserve et n’évacue que sur ordre(64), puis le 10 avril lorsque, mêlé aux légionnaires parachutistes du 1er B.E.P., il attaque « Eliane 1 » pour y soutenir le 6ème B.P.C. qui venait de le conquérir et se trouvait soumis à une violente contre attaque du Vietminh(65).  

2.2 – Le cas particulier de l’opération « Atlante »
L’opération « Atlante » constitue le point d’orgue de l’engagement de l’armée nationale vietnamienne. A la fois opération au sens tactique du terme et action de pacification de grande ampleur, son but consiste à faire disparaître la zone vietminh du centre Annam qui s’étend sur 400 kilomètres de long entre la mer et les plateaux au sud de Tourane, jusqu’au nord de Nha Trang, puis de la faire passer sous administration vietnamienne par un ralliement massif de la population. Dans les faits, l’action de pacification échoue faute d’avoir pris l’ascendant sur l’adversaire par une victoire tactique préalable.

Depuis 1945, cette vaste région n’a jamais été pacifiée et, faute de moyens, les Français n’y ont jamais remis les pieds. Elle constitue de facto une véritable province de la République démocratique du Vietnam, peuplée de deux millions d’habitants. Jusqu’en 1951, cette zone ne constituait pas une menace pour le corps expéditionnaire, mais le Vietminh avait fini par y déployer deux régiments réguliers solides qui pouvaient agir sur les plateaux.
 
L’idée de manœuvre retenue par le commandement français consiste à faire progresser un fort groupement de forces à partir du sud vers le nord, de repousser les forces du vietminh vers le nord en les y concentrant et, dans un rapport de forces favorable, les y détruire. Mais au-delà de cet aspect purement opérationnel, « Atlante » revêt, aux yeux du commandant en chef, une importance politique majeure car les territoires libérés doivent sans délais être transférés aux autorités vietnamiennes qui doivent en assurer la pacification et l’administration. Il s’agit de commencer la relève du corps expéditionnaire par l’armée nationale, et ceci à grande échelle.  

C’est dans ce cadre que les formations de l’armée nationale vietnamienne, notamment les T.D.K.Q. sont engagés en grand nombre. L’opération se double d’un test d’envergure pour évaluer la capacité des Vietnamiens à prendre en mains l’administration d’une province entière. C’est pour toutes ces raisons « extra opérationnelles » que, bien que déjà engagé à Dien Bien Phu que tout désignait comme l’engagement majeur de la campagne de la saison sèche du printemps 1954, le général Navarre décide de maintenir « Atlante » envers et contre tout. Navarre attache une telle importance à cet aspect politico-militaire qu’il offre le commandement de l’ensemble à Bao Daï… qui refuse.
Sur le front de la pacification, de véritables unités ad hoc ont été mises sur pied depuis un an : ce sont les groupes administratifs mobiles opérationnels, les GAMO, appelés à être mis à la disposition des autorités territoriales pour administrer les populations.  

Sans entrer dans les détails de l’opération lancée le 20 janvier, la première phase dénommée « Aréthuse » engage environ 25 000 hommes, dont plus de la moitié sont Vietnamiens, et permet la libération de la province de Phu Yen. Dans le sillage des groupes mobiles, l’administration vietnamienne se met en place par le biais des GAMO. Si le comportement des premiers peut être jugé excellent, les derniers mis sur pied n’ont pas hésité à rançonner la population et aux dires du commandement français lui-même(66) se sont montrés pires que le Vietminh vis-à-vis de la population.

A la mi-mars, le général de Beaufort lance la deuxième phase, « Axelle » qui débute par le débarquement de Quin Nhon. Mais, par un coup du sort, le même jour, le 13 mars 1954, Giap déclenche son attaque sur le camp retranché de Dien Bien Phu. Dorénavant, « Atlante » passera au second plan, alors que l’opération avait été conçue comme devant constituer la pointe d’effort du plan Navarre pour l’année 1954. Dans la zone où se déroule l’opération, la situation est confuse : en plaine, le général de Beaufort qui commande l’opération possède l’initiative, mais il est confronté sur les plateaux à une contre offensive vietminh qui vise à s’emparer des cols commandant les accès au delta du Mékong et à Saïgon(67).
Les dispositifs franco-vietnamiens et vietminh sont étroitement imbriqués entre eux dans un engagement qui tourne au combat d’usure. S’agissant des formations de l’armée nationale vietnamienne, certaines se sont très bien comportées : fin mai, un groupe mobile à base d’unités vietnamiennes stoppe la percée d’un régiment vietminh. Mais toute médaille a son revers : ce coup d’arrêt devait être porté par deux G.M. vietnamiens… mais le second était en grève au moment des faits(68) !

Compte tenu de la situation générale sur le théâtre indochinois – la chute de Dien Bien Phu - et de l’environnement international – l’ouverture de la conférence de Genève – la troisième phase, « Attila », planifiée pour mai à juin et qui devait avoir comme but la destruction des forces régulières vietminh est abandonnée.  
S’en suit une période dramatique où s’entremêlent contraintes diplomatiques(69) et impératifs militaires. Seules les unités non indispensables ailleurs sont conservées sur place. Puis, à partir du mois de juin, les unités reçoivent l’ordre de se « rétracter » en dépit des avis des chefs engagés sur le terrain : en termes clairs, il s’agit de rompre le contact avec le Vietminh avant la signature du cessez-le-feu, de se désengager et de se regrouper dans des zones pré établies en abandonnant le terrain conquis, le cas échéant(70).

C’est au cours de ce mouvement que le GM 100 qui évacuait An Khé a été surpris et quasiment détruit en même temps que les unités chargées de le recueillir(71). Les survivants furent sauvés par les rustiques et solides montagnards Moï qui se battaient avec acharnement sur leurs terres pour les conserver, tandis que les unités vietnamiennes se débandaient les une après les autres. Cette observation permet de relativiser le bilan de l’armée nationale vietnamienne : tandis que les unités, noyautées par la propagande Vietminh perdaient pied rapidement, les montagnards locaux se sont battus avec une ardeur remarquable contre le Vietminh.
Certes pas pour des motifs idéologiques, le bien fondé ou non des arguments de la propagande du Vietminh leur était indifférent ; ils se battaient sur leurs terres tout simplement pour qu’elles ne tombent pas sous le joug des « gens du nord » qu’ils exécraient.
Les rivalités ancestrales et luttes d’influence de toutes sortes ont souvent la vie plus dure que toute propagande révolutionnaire. Ailleurs, la région du Phu Yen, conquise et en voie de pacification est abandonnée, sans mobiles apparents. Lors du cessez le feu, la quasi-totalité des gains territoriaux acquis les mois précédents dans le cadre d’« Atlante » sont ainsi quasiment perdus.  

2.3 – Les maquis de supplétifs du G.C.M.A. en pays thaï  
Le cas particulier des supplétifs recrutés par la France ne rentre pas stricto sensu dans le cadre de l’armée nationale vietnamienne. Néanmoins, au titre de leur engagement aux côtés du corps expéditionnaire, souvent encadrés par des Français, ces partisans recrutés localement ont participé à l’effort de guerre du Vietnam nationaliste contre le vietminh communiste. L’exemple le plus emblématique en est fourni par les partisans Méo et Thaï du groupement de commandos mixte aéroportés dont les activités et les bilans sont indissociables de la personnalité de leur fondateur, le lieutenant-colonel Trinquier.  

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L’idée de « maquis » ne surgit pas du jour au lendemain chez les Français à la fin de 1950, les prémisses en ayant déjà germé dans les esprits de certains officiers du SDECE. À la suite du désastre de la RC 4, le service « Action », sous l’impulsion du chef de bataillon Trinquier, envisageait la mise sur pied d’une vaste résistance active dans les zones contrôlées par le Vietminh, les missions dévolues à ces maquis s’inspirant de l’expérience de la Résistance. Et c’est ainsi que fin 1951, juste avant de quitter le théâtre indochinois, le général de Lattre créée le groupe de commandos mixtes aéroportés, le G.C.M.A.
Les officiers maîtrisant les dialectes et familiarisés avec les coutumes des montagnards du pays thaï y sont détachés. Un centre de formation aux méthodes de contre-guérilla est mis sur pied au Cap Saint-Jacques, près de Saïgon.  

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La technique initiale de Trinquier pour rallier les villages était assez sommaire(72) : elle consistait à survoler les villages tribaux dans un avion léger, avec l’espoir d’y déceler une sorte de signe amical comme l’agitation d’un drapeau tricolore. Lorsque le phénomène se produisait, il atterrissait et convainquait le chef du village, ainsi que quelques membres de sa suite, de gagner le plus rapidement possible le centre d’instruction du GCMA, pour y subir un entraînement aux méthodes de contre-guérilla, y recevoir armes, radios et argent avant d’être ramenés dans leurs montagnes, parfois accompagnés, au moins au début, par des officiers de la Chine nationaliste refoulés au Tonkin par la victoire des communistes à Pékin en 1949.

Une des premières actions significatives du GCMA fut la décimation par les partisans méo(73) du régiment 148 du Vietminh stationné à Lao Kay sur le Fleuve Rouge au mois de juin 1952.
Ce millier de partisans sous commandement français était organisé en centaines. Le commandement local vietminh dut faire appel au soutien chinois. La division chinoise 302 franchit la frontière tonkinoise et se heurta aux actions de guérilla des commandos (embuscades, minages d’axes, appui aérien français fourni sur demande radio), mais très vite placés dans un rapport de forces défavorable, les partisans durent se replier, se terrer dans des grottes où ils furent exterminés et la population complice durement réprimée.
Le scénario catastrophique subi par les Français au Vercors se répétait et la preuve était une nouvelle fois faite que des concentrations de formations de partisans étaient dans l’impossibilité de contrôler une zone dès lors que l’ennemi engageait des moyens conventionnels puissants. Leur action devait se limiter au harcèlement.  

Un destin similaire attendait les maquis thaï au cours des offensives de l’automne 1952 menées par Giap dans la région de la rivière Noire. Au cours de cette action, les unités françaises parviennent à se replier et à se regrouper dans la base aéroterrestre de Na San hâtivement aménagée autour d’une piste d’aviation et sur les défenses de laquelle tous les assauts du vietminh viennent se briser. Mais le prix à payer pour ce succès se solda par la dispersion ou la destruction complète de l’ensemble des maquis qui avaient reçu comme mission de retarder par tous les moyens la poursuite engagée par les unités du vietminh.
Les chefs de commandos français furent impitoyablement traqués, et seuls deux d’entre eux parvinrent à s’échapper par le fleuve Rouge. En dépit de ce quasi désastre, aiguillonné par Trinquier qui avait l’oreille du général Salan(74), le commandement français se lance dans la reconstitution d’une résistance des Montagnards et des Thaïs, anéantie en novembre 1952.

Suite à la campagne d’automne 1952, un rapport du 2ème bureau de l’état-major du général Salan démontre que «  les modestes succès remportés par les partisans étaient largement compromis par leurs faiblesses : entraînement et respect des règles élémentaires de sécurité médiocres, système de liaisons radios inadapté et manque certain de combativité. Leurs succès initiaux étaient dus à la surprise, mais une fois les effets de celle-ci passés, ils devenaient très vulnérables. Enfin, illettrés à 98%,  ils se révèlent incapables de fournir des renseignements précis »(75).  

Ce rapport constitue le premier signe d’une prise de conscience des dangers qu’implique de poursuivre le « mirage » des maquis. Il exposait clairement que la séculaire opposition des Montagnards et des Thaïs aux Vietnamiens du delta ne constituait pas une motivation suffisante pour prendre le armes contre le vietminh au bénéfice de la France(76). Enfin, ce rapport conclut en laissant entendre que le commandement prendrait un gros risque en fondant ses décisions stratégiques(77) sur une branche aussi fragile que les maquis.  
Malgré les conclusions pessimistes du rapport, observant que les partisans étaient parvenus à entretenir un climat d’insécurité dans les zones contrôlées par le Vietminh en maintenant un contact avec les autochtones, en tendant des embuscades et en éliminant physiquement les cadres vietminh, l’expérience avortée de 1952 est reprise et amplifiée l’année suivante, toujours sous l’impulsion de Trinquier.

Deux éléments extérieurs vont accélérer le processus : la prise de commandement du général Navarre et le contrôle de la production d’opium. Le nouveau commandant en chef, le général Navarre, s’il était étranger à tout contact préalable avec l’Indochine, était issu du sérail du renseignement(78) et donc favorable au développement de maquis contrôlés par le service « Action » du SDECE.
Raisonnant en termes d’effectifs, il ne peut que constater que les opérations commandos conduites sur les arrières du Vietminh par des unités régulières, notamment parachutistes, fixent un nombre trop élevé d’unités parmi les plus aguerries du corps expéditionnaire pour des résultats aléatoires tout en mobilisant des effectifs disproportionnés par rapport aux résultats escomptés.

A ce titre, l’investissement minime que représentent les maquis est militairement avantageux pour le corps expéditionnaire en raison du volume de moyens que le Vietminh est contraint de déployer pour s’opposer à leur action, sans obérer les capacités du corps expéditionnaire. C’est sur la base de ces arguments que le nouveau commandant en chef justifiait le recours aux forces spéciales, en l’occurrence au GCMA.  
L’autre élément, le contrôle de la production d’opium est beaucoup plus discutable sur le fond. Selon Trinquier(79), l’occasion d’une réimplantation sur les Hauts plateaux s’offrit à la France lorsque le Vietminh vola leur récolte de pavot aux Montagnards en 1952, la vendit sur le marché de Bangkok et utilisa les fonds ainsi récoltés pour acheter de l’armement aux Chinois. Le GCMA misa alors sur la colère des tribus pour mettre la main sur la récolte de 1953, mais en dédommageant financièrement les tribus. Ceci eut plusieurs conséquences.

Selon le colonel Lansdale, chef de l’antenne CIA à Saïgon(80), la première fut l’échec de l’offensive de Giap contre le Laos en 1953. Selon lui, cette offensive avorta parce que Trinquier s’était accaparé la récolte de pavot distillé en opium, qui constituait en fait le premier objectif de Giap. En second lieu, toujours selon Trinquier, les relations commerciales nouées entre le GCMA et les Montagnards permirent de restaurer les liens entre eux. Enfin, la manne retirée de la vente de l’opium sur le marché noir de Cholon(81) fournit aux services spéciaux français les moyens financiers de financer les maquis.  

En mai 1953, au moment de la prise de commandement du général Navarre qui allait donner une nouvelle impulsion aux maquis, l’affaire était parfaitement rodée :
« La mission générale des maquis était la suivante(82) :
1. Empêcher la population de collaborer avec le Vietminh.  
2. Créer sur les arrières Vietminh, un climat d’insécurité.
3. Armer les éléments les plus dynamiques pour qu’ils détruisent systématiquement l’organisation politique et militaire installée par le Vietminh sur leurs arrières lointains.  

La décision d’implanter un maquis dans une région étant prise :
1. Procéder à une étude géographique et humaine dans la région et déterminer les principaux points d’implantation Vietminh.
2. Désigner un officier comme chef de mission, capable de s’exprimer dans le dialecte local, destiné à devenir le chef du maquis et quatre ou cinq sous officiers ayant la formation requise pour instruire les recrues.  
3. Rechercher et former une personnalité autochtone qui, en liaison avec le chef de mission, est chargée du recrutement des futurs maquisards, plus particulièrement de celui des premières missions de contact, les « missions spéciales » (M.S.).  
4. Les missions spéciales doivent être l’élément essentiel de la prospection. Elles sont chargées de contacter la population et de recruter sur le terrain les éléments valables pour former les petits spécialistes : radio, phonie et graphie, agents recruteurs, agents de renseignement, combattants. Au moment le plus favorable, les M.S. sont essaimées sur la zone choisie, généralement par parachutage de nuit. Elles sont en principe indépendantes et travaillaient à proximité d’un village bien connu d’au moins un des agents et dans lequel il est possible de renouer des amitiés ; les contacts s’effectuent de proche en proche. Cette phase durait de l’ordre de deux mois.
5. Le retour des M.S. ne s’effectuait pas en totalité. La moitié de l’équipe, dont le radio, restait sur place pour maintenir les contacts. Le chef de la M.S. revenait en emmenant les volontaires destinés à former les chefs d’équipes de maquisards et un commando dans lequel entrait les nouvelles recrues. Cette phase durait de un à deux mois ».  

L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Cp7_bm10

A la fin 1953, les maquis alignaient 15 000 hommes et bénéficiaient d’un appui aérien qui se chiffrait à 400 heures de vol mensuelles. Quant à leur budget, il se montait à 6 millions de piastres par mois83.  
Le GCMA, sous l’impulsion de son chef, était parvenu à mettre sur pied trois maquis importants. Un groupe thaï au nord ouest autour de Lai Chau, « le plus loyal » selon Trinquier, un autre méo dans la région centre-nord du Tonkin et un troisième à l’est du fleuve Rouge. Soutenus par des parachutistes et appuyés par l’aviation, les partisans lancent un raid spectaculaire sur Lao Kay le 3 octobre 1953. A la même époque, ces maquis ont été employés pour donner le change au Vietminh, lors des opérations d’évacuation de Na San : harcèlement de plus en plus intense de manière à forcer le Vietminh à se déployer avant l’achèvement du pont aérien d’évacuation. A ce titre, ils ont sûrement concouru, dans leur domaine, au succès de cette opération à hauts risques. Certains partisans ont même réoccupé temporairement des points d’appui évacués pour donner le change au Vietminh(84).  

Outre son rôle de « verrou » destiné à interdire au Vietminh l’accès du nord Laos, la décision d’implanter d’un camp retranché à hauteur de Dien Bien Phu en octobre 1953 peut être perçue comme la réponse au souci de soutenir les maquis depuis une base aéroterrestre à partir de laquelle les unités peuvent rayonner. En vertu de ce principe la décision prise fin 1953 de transférer la capitale thaï de Lai Chau à Dien Bien Phu est prise. Aussi, dans le prolongement, le commandement français décide de concentrer l’ensemble du maquis de Lai Chau à Dien Bien Phu.
C’est le drame : lorsque les maquisards de Deo Van Long(85) veulent rejoindre la base aéroterrestre française, ils tombent dans une gigantesque embuscade tendue par des éléments très aguerris de la division 316 du vietminh. Les pertes sont extrêmement lourdes et le moral des partisans irrémédiablement atteint.
Le camp retranché avait fait la preuve qu’il n’était aucunement un point d’ancrage. Les maquis n’avaient jamais été en mesure de harceler les axes de ravitaillement du Vietminh. « En dépit d’un potentiel mensuel de 1 500 heures de vol de Dakota, 3009 heures de reconnaissance aérienne, des parachutages équivalant à 300 tonnes de vivres et de munitions, le commandement vietminh ne semble, à aucun moment, avoir été le moins du monde perturbé par les opérations de nos unités irrégulières »(86), bien que le même commandement vietminh ait toujours manifesté une certaine inquiétude vis-à-vis de leur action possible(87).

Même Trinquier, initiateur, commandant et fervent défenseur des maquis, dut reconnaître leur échec. La situation de fin 1952 où les premiers maquis avaient succombé se répétait en plus grande ampleur. En décembre 1953, les maquis thaïs avaient virtuellement cessé d’exister. Comble de honte pour le GCMA, lorsque les maquisards n’ont pas été réduits par les unités vietminh dans un combat inégal, ils ont pour certains d’entre eux tourné casaque et servi de coolies à la logistique adverse.  

La conclusion est sévère : utiles aux Français en tant que symbole politique et pourvoyeurs d’opium les maquis ne constituèrent jamais une force militaire efficace, fût-elle d’appoint. L’erreur du commandement français a été de surestimer leurs capacités et, dans une certaine mesure, d’avoir orienté les efforts du corps expéditionnaire en fonction d’eux, d’où, en partie, le choix malencontreux de Dien Bien Phu, en limite extrême des capacités de l’appui aérien.    




(56) Qui avait participé au conflit indochinois comme officier subalterne dans un bataillon de parachutistes coloniaux.  
(57) In RHA, interview Hinh op cit, page 30.
(58) A ce sujet, force est de constater que la ceinture bétonnée conçue par le général de Lattre deux ans auparavant s’est révélée totalement inopérante car non continue.
(59) Gras, op cit, page 517.
(60) Sigle régimentaire vietminh
(61) Gras, op cit, page 518.
(62) Ramassis hétéroclite de déserteurs, dépourvus de leur encadrement et ayant abandonné leur armement qui se sont regroupés loin des centres de résistance autour de la rivière traversant le camp retranché, d’où leur surnom méprisant.
(63) Groupement opérationnel du Nord Ouest, dénomination officielle de la garnison de Dien Bien Phu.
(64) Comme ils devaient emprunter un glacis battu par les feux viets, le commandant en second, le capitaine Bizard, fit revêtir à chaque parachutiste vietnamien deux sacs de sable pleins en guise de protection, l’un sur le ventre, l’autre sur le dos, le tout relié par des ficelles autour des épaules.
(65) Le colonel Gras raconte que les légionnaires du B.E.P. montaient à l’assaut en chantant, les Vietnamiens du « baouane », ne trouvant pas de chant suffisamment guerrier dans leur répertoire entonnèrent une vibrante Marseillaise en montant à l’assaut sur « Eliane 1 ».
(66) Cité par le colonel Grintchenko in « L’opération Atlante, ultime opération de pacification en Indochine », revue Doctrine n°12 mai 2007.
(67) C’est rigoureusement la manœuvre jouée par le Vietcong vingt et un ans plus tard et qui lui ouvrira les portes de la capitale de Sud.
(68) Cité par le colonel Grintchenko in « L’opération Atlante, ultime opération de pacification en Indochine », revue Doctrine n°12 mai 2007.  
(69) Avant l’investiture du gouvernement Mendès France, Bidault défendait à Genève la carte de la guerre. La France et le gouvernement nationaliste vietnamien doivent dans cette logique conserver les territoires et zones contrôlées par leurs forces, position qui devait, à leurs yeux, éviter la partition du pays.
(70) C’est ainsi que la rétraction au Tonkin amena l’abandon des Evêchés avant la signature du cessez le feu.
(71) L’évacuation d’An Khé fut décidée par le général Ely pour, selon ses dires « éviter un deuxième Dien Bien Phu ». Il en résulta un « second Cao Bang » !
(72) Douglas Porch. Histoire des services secrets français.  Albin Michel 1997. Tome 2 Page 80.
(73) Douglas Porch. Op cit page 81.
(74) De solides liens de camaraderie, forgés en Indochine avant guerre les unissaient.
(75) Douglas Porch. Op cit page 82
(76) Durant l’hiver 1953-54, certaines unités de partisans thaïs, livrées à elles mêmes et sans encadrement français fourniront les gros bataillons des coolies assurant l’acheminement de la logistique vietminh à Dien Bien Phu !
(77) Dans la terminologie actuelle, s’agissant de décisions arrêtées au niveau d’un commandant de théâtre, on parlerait de niveau opératif.
(78) Officier du Deuxième bureau avant guerre au sein de la section “Allemagne”, il a en outre constitué, formé et commandé un réseau de renseignements au sein de la Résistance, dans le cadre de l’O.R.A. (Organisation de Résistance de l’Armée), remarquablement efficace.  
(79) Douglas Porch. Op cit page 83.
(80) Lansdale Edward Grey, In the Midst of Wars: an American’s mission to Southeast Asia. Harper & Row New York 1972.
(81) Faubourg crapuleux de Saïgon. Au cours d’une opération discrète, les appareils du GCMA récupérèrent le pavot chez les Montagnards et convoyèrent leur chargement vers le centre d’entraînement du cap Saint Jacques où il fut transbordé sur des camions du SDECE et acheminé sur Saïgon pour y être raffiné en opium dans l’une des deux installations tenues par les bandits Binh Xuyen qui régnaient sur la pègre de Saïgon. Cette marchandise garantissait la loyauté de ces derniers qui, travaillant avec le capitaine Savani, de l’antenne SDECE de Saïgon jouaient un rôle prophylactique sur la contagion vietminh de la capitale du Sud. Les Binh Xuyen revendaient ensuite l’opium raffiné par les réseaux maffieux chinois et corses, en partageant leurs bénéfices entre Trinquier et Savani. Il s’est dit que ce serait le général Salan lui-même, au courant de la totalité de l’opération qui aurait débloqué les fonds nécessaires à l’achat de la récolte du pavot. Douglas Porch. Op cit page 84
(82) Trinquier, Les maquis d’Indochine in Revue Historique des Armées 1981/4 page 217.
(83) Douglas Porch. op cit page 86.
(84) In Trinquier Témoignage, las maquis d’Indochine. R.H.A. n° 1979/2 page 176.
(85) Le chef tribal de ces maquisards thaïs.
(86) Douglas Porch. pp cit page 100.
(87) Gras, op cit page 515.

(à suivre...)
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MessageSujet: Re: L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives    L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Icon_minitimeDim 22 Fév 2015 - 16:16

Chapitre 3 – L’armée nationale vietnamienne après les accords de Genève, la « liquidation » de l’héritage français. L’engrenage de l’intervention américaine et l’échec.  

Alors que se menaient les négociations de Genève, tant que la délégation française était conduite par Bidault, le capital de confiance que les dirigeants vietnamiens nationalistes avaient placé dans la France était quasiment inentamé, mais le 17 juin, lorsque Mendès France reçoit l’investiture et lance son « pari », les Vietnamiens comprennent qu’ils ne sont plus défendus.
Hinh déclara bien des années plus tard(88)
« Aucun patriote vietnamien, qu’il soit communiste ou nationaliste, ne pouvait en conscience accepter une telle solution(89)…Nous nous étions combattus justement avec l’idée arrêtée dans chaque camp de préserver l’unité de notre nation parachevée par l’empereur Gia Long et si chèrement reconquise face à l’ex-puissance coloniale ».  

C’est alors que Bao Daï, considérant que le salut du Vietnam nationaliste résidait dans le soutien américain, fait appel à Diem, pour former le gouvernement. Pour enrayer la vague de désertions qui commence à se manifester au sein des unités, le chef d’état-major Hinh réussit à convaincre Diem de s’assurer le concours de la Marine française pour évacuer au sud du 17ème parallèle les unités, les familles, ainsi que la population qui désire vivre au Sud loin des communistes. En dépit de ses sentiments anti-français affichés, Diem accepte et charge Hinh de mener à bien cette affaire, sachant qu’il ne disposait que de trois mois conformément aux clauses de la convention d’armistice.  

Conscient que l’armistice n’est qu’une trêve et que le combat reprendra immanquablement un jour, Hinh souhaite reconstituer au plus vite un état-major général au Sud où serait redéployée son armée.
C’est alors que le conflit ouvert avec Diem se déclenche(90) :
« Le président Diem refusait souvent le dialogue et contestait trop systématiquement mes analyses, poussé en sous main par son clan et ses conseillers américains, en particulier le général O’Daniel - chef de l’assistance militaire - et le fameux colonel Landsdale, l’homme de la CIA à Saïgon. Tous n’avaient qu’une idée en tête, voir assurer la relève des Français par l’Amérique dans le cadre de l’OTASE, un pacte de défense de l’Asie du Sud Est alors en gestation sous la férule du département d’État qui tirait les ficelles depuis Saïgon.  
Je ne pouvais évidemment pas être d’accord avec ce qui m’apparaissait comme un véritable renversement d’alliance, pas plus que la plupart des cadres militaires vietnamiens qui m’entouraient et me faisaient pleinement confiance car, en dépit des erreurs et des atermoiements de leurs chefs, les militaires français restaient nos compagnons d’armes ; De plus, pour ceux qui – comme moi – avaient la nationalité française, il nous était impensable de trahir la lointaine mère patrie à laquelle nous rattachaient des liens indéfectibles, lesquels ne nous avaient jamais empêchés d’être en même temps de loyaux et fervents patriotes vietnamiens  ».
 

Après avoir un moment pensé à renverser Diem – projet qui a rencontré l’opposition conjuguée des Français et des Américains – Hinh est en butte à l’hostilité systématique des milieux pro américains. C’est ainsi qu’appelé en France pour consultation par Bao Daï, Hinh quitte le Vietnam en novembre 1954 pour ne plus jamais y revenir. La place est libre pour les partisans de l’alliance américaine d’autant que la France est progressivement marginalisée et que son influence décroit semaine après semaine.  

La suite est connue : Diem, poussé par les Etats Unis, renverse Bao Daî dont le pouvoir réel n’était plus que pure forme et installe son propre pouvoir par une dictature. L’armée nationale passe sous le contrôle direct des Américains. Alors que les derniers Français étaient encore à Saïgon, ils ont pu assister à ce spectacle difficile à supporter pour eux de voir les officiers vietnamiens brûler ostensiblement leurs insignes de grade français pour se parer de ceux de l’armée américaine. La page était définitivement tournée.
 
Si la présence française est définitivement terminée et son influence réduite à néant, l’histoire du Vietnam nationaliste et de son armée ne s’arrête pas pour autant. Tandis que le Viet-Nam du Nord reconstitue lentement mais sûrement ses réseaux au Sud et installe les bases des futurs maquis du Vietcong qui seraient ravitaillés par la « piste Hô Chi Minh » depuis le Nord, Diem se trouve en butte,  à l’opposition croissante des castes, notamment les caodaïstes.
Il commet alors l’erreur de s’engager dans le cycle infernal agitation - répression - émeute, mouvement de spirale qui ruine lentement mais sûrement les bases de son pouvoir. Si bien que, lâché par les Américains pour ses excès commis dans la répression contre les sectes(91), Diem ne tarde pas à être assassiné dans des circonstances jamais élucidées, mais où certains veulent y voir la main américaine.

Les Américains soutiennent alors la tentative du général Thieu de former un gouvernement dont la ligne politique est très anticommuniste et relègue au second plan la mise au pas des castes. Face au développement rapide des actions terroristes conduites par les maquisards Viet cong, les Etats-Unis intensifient leur soutien militaire au régime par le biais de leur mission de liaison, entrant ainsi dans un engrenage qui n’allait pas tarder à les faire intervenir directement dans le conflit en déployant au Sud Vietnam un véritable corps expéditionnaire(92) à côté duquel l’armée sud vietnamienne ne tarderait pas à apparaître comme le parent pauvre, sinon comme le vassal ou le supplétif.  
Après 1968, lorsque les Etats Unis optent pour le désengagement militaire, l’armée sud vietnamienne se retrouve seule dès 1972(93), face au Vietcong dont la puissance ne cesse de s’accroître. Le Nord Vietnam, à nouveau puissamment soutenu par la Chine communiste, ne ménage pas son appui aux maquis Vietcong.

A compter de ce retrait américain, placée dans un rapport de forces très défavorable et de moins en moins soutenue par la population, lasse d’une guerre qui durait en fait depuis 1945 et « travaillée » par l’active action psychologique vietcong, l’armée sud vietnamienne ne peut que s’effondrer dès lors que le Vietnam du Nord s’engage activement dans la lutte. C’est ce qui se passe au printemps 1975 où, une fois les hauts plateaux du Sud-Annam conquis, les cols donnant accès à la plaine et à Saïgon tombent aux mains des communistes, livrant ainsi tout le Sud Vietnam à son puissant voisin du Nord. L’armée sud vietnamienne, héritière directe de celle créée par de Lattre en 1951 vingt quatre ans plus tôt, disparait dans la fournaise, incapable de s’opposer à l’implacable machine de guerre du Vietnam du Nord, forgée sur le modèle chinois et dont les cadres étaient rompus à la dialectique communiste.


(88) In RHA, interview Hinh op cit, page 34
(89) La partition du Vietnam à hauteur du 17ème parallèle.
(90) In RHA, interview Hinh op cit, page 35.
(91)En 1959, résident alors aux Etats-Unis, son épouse déclara à la presse qui l’interrogeait au sujet d’un bonze qui s’était immolé par le feu, qu’il ne s’agissait que d’un « barbecue sans importance ».  
(92) Il n’allait pas tarder à atteindre l’effectif de 500 000 hommes sous le commandement du général Westmorland sous la présidence de Johnson en 1965 : soit plus du double que le CEFEO, quinze ans auparavant.
(93) Reprenant une expression utilisée par la France au temps de Bao Daï, les Etats-Unis masquèrent leur repli sans gloire sous la fallacieuse expression de « vietnamisation du conflit ».

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MessageSujet: Re: L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives    L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Icon_minitimeDim 22 Fév 2015 - 16:32

CONCLUSION


Le bilan de l’armée nationale vietnamienne  
Indiscutablement, ce bilan s’inscrit en demi teinte et demeure très mitigé, le succès n’ayant pas couronné l’entreprise conduite par la France au Vietnam puisque, in fine, la position française s’est effondrée, relayée par la puissance américaine, elle-même vaincue, au printemps 1975. L’armée sud vietnamienne qui a été submergée par le Vietcong soutenu par le Nord Vietnam était l’héritière directe, sinon la même que celle mise sur pied vingt cinq ans auparavant sous les auspices de la France.  

A court terme, en demeurant dans le strict cadre français du conflit, l’armée nationale vietnamienne a éprouvé une fois levée beaucoup de difficultés à tenir le rôle pour lequel on l’avait formée si tant est qu’elle l’ait tenu. Destinée à soulager le corps expéditionnaire des tâches de pacification, notamment dans le delta tonkinois(94), elle ne s’est pas révélée en mesure de prendre à son compte ces missions relevant de sa responsabilité dans le « plan Navarre », essentiellement à cause de son manque d’aguerrissement face à un ennemi entraîné, fanatisé et endoctriné.

Son encadrement a été formé trop rapidement et surtout, il manquait à son encadrement supérieur (niveau des commandants de bataillons) l’expérience acquise dans les commandements subalternes. Lorsque les disponibilités existaient, l’encadrement français a pallié ces faiblesses, mais les dirigeants vietnamiens considéraient ce palliatif comme une entrave à leurs prérogatives nationales.  

Contrairement au Vietminh, l’armée nationale vietnamienne n’est pas parvenue,(95) à échapper à la vénalité et à la concussion des ses chefs. Nombre de commandants de formations considéraient la solde de leurs personnels comme une « cagnotte » à leur disposition dont ils pouvaient faire usage à leur convenance. Plus grave, les commandements faisaient l’objet de marchandages et de juteux trafics financiers.
Toute la hiérarchie était contaminée, le haut commandement vietnamien étant fortement impliqué dans le trafic des piastres. De tels comportements, de notoriété publique, faisaient les gorges chaudes de la propagande vietminh qui ne s’en privait pas pour accréditer l’image de « fantoche » de cette armée.

Le summum des détournements fut atteint dans les unités issues des anciennes milices des Evêchés dont l’encadrement avait été choisi non en raison de sa valeur militaire, mais de son aptitude à faire rentrer manu militari les redevances des fidèles dans le casuel de l’Eglise. Et c’est ainsi que la solde versée par la France prit directement le chemin du trésor de guerre des évêques de Phat Diem et de Bui Chu qui purent ainsi lever à leur guise de nouvelles milices privées non autorisées(96).
Ces « évêques » n’avaient en fait que peu de choses à voir avec la hiérarchie catholique romaine. Autoproclamés, ils s’étaient arrogés de véritables pouvoirs temporels de chefs féodaux et se livraient à toutes sortes d’exactions(97). Il était facile pour la propagande vietminh de leur opposer son argumentaire de réforme agraire !

Le témoignage du général Spillmann est à cet égard, particulièrement édifiant : « Chaque bataillon avait des volants, c'est-à-dire des effectifs fictifs, certains en avaient jusqu’à une cinquantaine. Avec l’argent ainsi frauduleusement obtenu, les commandants de bataillon rémunéraient une petite clientèle civile, chef de cabinet, conseiller juridique, infirmières, assistants sociales etc. Il n’était pas rare de voir la femme, ou la concubine, du commandant de bataillon nommée adjudant-chef d’honneur et percevoir l’appréciable solde attachée à ce grade. La femme du capitaine se contentait plus modestement du grade et de la solde de sergent-chef ».(98)
 
En fait, l’échec relatif de l’armée vietnamienne trouve sa source profonde dans l’échec de la solution Bao Daï qui ne représentait pas une alternative politique crédible au Vietminh. Pour ce dernier, il s’agissait de conduire la lutte au nom de l’indépendance, symbolisée par le slogan doc lap, associée à une vaste réforme agraire, tout en omettant soigneusement d’afficher ouvertement son inféodation au système communiste international. Certes, parallèlement à l’action purement militaire, et parfois même en cohérence avec elle, la France a tenté d’affronter l’adversaire sur le terrain politique, notamment sous de Lattre. Mais cette action était entachée de trop de défauts pour être couronnée de succès.

Sur la personnalité de Bao Daï et son inaptitude à remplir les fonctions que la France voulait lui faire jouer, tout a été dit. En second lieu, la politique proposée par la France, l’indépendance dans le cadre de l’Union française, n’était pas crédible face à la détermination du Vietminh. Si la France était prête à accorder l’indépendance au Vietnam, ce devait être sans arrière pensée et surtout sans donner l’impression de reprendre d’une main ce qu’elle accordait de l’autre.
Cette attitude a certainement joué un rôle non négligeable dans l’attitude de Bao Daï, toujours en arrière de la main. Enfin, il faut bien reconnaitre que jamais au cours du conflit, la France n’a eu de ligne politique claire sur le dossier vietnamien, si ce n’est à partir des années 1952-1953 de trouver une porte de sortie honorable. C’est d’autant plus dommageable que cette fluctuation permanente de la politique française mettait en relief celle du Vietminh qui, elle, n’a jamais fluctué.  

Pourtant, en dépit de ces défauts et dysfonctionnements, l’armée nationale vietnamienne a disposé en la personne du général Hinh d’un chef d’état-major compétent, lucide et courageux. Très occidentalisé, il était à même de se poser en interlocuteur aussi bien des autorités vietnamiennes que françaises auprès desquelles il était crédible ; il lui est même arrivé de tenir tête au général de Lattre ! Son idée d’organiser les divisions autour de bataillons légers était sûrement judicieuse. Dans un autre domaine, il était parfaitement conscient de la nécessité de donner une formation d’action psychologique aux cadres de contact de ses unités, compte tenu de la formidable emprise que le Vietminh exerçait sur les populations. Mais il lui a manqué un état-major rôdé pour mettre en œuvre ses décisions et irriguer ses directives jusqu’aux échelons d’exécution.  

In fine, ce dont a le plus manqué l’armée nationale vietnamienne, c’est de temps. Ses formations ont été jetées dans la bataille à peine instruites. Levée dans l’urgence pour répondre à un besoin immédiat, elle n’a pu forger de corps d’officiers subalternes et de sous-officiers rompus à son métier d’encadrement direct de la troupe. Ce manque de temps a également été particulièrement criant pour la formation d’officiers d’état-major dont elle a cruellement manqué. En effet, entre la décision de mettre sur pied quatre divisions et leur constitution à peu près complète, il aura fallu moins d’une année, de novembre 1950 à octobre 1951. Il s’agit là, même pour un pays en guerre, d’un véritable tour de force auquel fort peu de nations européennes ont été confrontées au cours de leur histoire ; chaque fois qu’il fallait reconstruire une armée, il existait toujours les vestiges de l’ancienne(99).

Même si l’armée vietnamienne a pu bénéficier d’un appoint majeur fourni par le corps expéditionnaire français, si on se place du côté strictement vietnamien, il s’agissait en fait d’une véritable improvisation. Second élément temporel à prendre en compte, même si on considère que la mise sur pied de l’armée du Vietminh relevait également, dans une certaine mesure, de l’improvisation, elle n’en avait pas moins cinq ans d’avance en termes de constitution et d’expérience opérationnelle.  

Quels enseignements en tirer ?  
D’une manière générale, dans un contexte de guerre irrégulière, toute action militaire qui ne s’inscrit pas dans le cadre d’une vision politique clairement identifiée et exprimée demeure vaine. Cet enseignement trouve en Indochine sa parfaite illustration.
A cet égard, on touche ici l’essence même de toute action de contre rébellion qui doit impérativement s’inscrire dans la sphère politique, l’action purement militaire ne lui étant que subordonnée. En effet, toute rébellion, quelle qu’elle soit, est trop faible pour borner ses objectifs au seul niveau tactique, niveau où elle sera toujours surclassée par la puissance militaire de la contre-rébellion. Elle se fixe donc d’emblée des objectifs stratégiques et politiques auxquels elle se tient coûte que coûte. Ces objectifs doivent répondre aux aspirations profondes de la population qui y adhère ainsi sans contrainte, sans se rendre compte que de la sorte, elle met le doigt dans l’engrenage fatal de son endoctrinement.

C’est pour cette raison que le ralliement de la population à l’un ou l’autre des camps en présence est devenu dans ce type de conflit l’enjeu majeur. Dans ce schéma, la contre-rébellion a souvent tendance à ne réagir qu’en termes sécuritaires visant à maintenir ou restaurer peu ou prou l’ordre pré existant. C’est ce décalage entre les objectifs politiques affichés par la rébellion et la riposte de la contre-rébellion sur le mode tactique qui créé l’asymétrie qui est toujours constatée dans ce type de conflit.  

Aussi, force est de constater qu’en matière de mise sur pied d’une armée nationale, une telle entreprise ne s’improvise pas et s’inscrit dans une perspective politique et dans la durée. Certes, l’environnement opérationnel ne doit pas être négligé, mais il doit demeurer un élément secondaire. Dès lors que l’on veut bien reconnaître que la mise sur pied d’une armée nationale s’inscrit dans une telle logique de long terme, le corollaire en est l’existence dans la durée d’une véritable cohérence politico-militaire, tant de la part de l’Etat bénéficiaire que de celui qui fournit son soutien à la jeune armée nationale.

Or, il faut bien constater que cette cohérence n’existait ni à Paris, ni à Saïgon. Cette cohérence entre l’action militaire conduite sur le terrain et le but politique poursuivi passe par la conquête de la population qui ne se ralliera en dernier ressort à l’autorité du nouvel Etat que si celui-ci incarne la légitimité de la nation, en aucun cas s’il apparaît comme un « fantoche » d’une quelconque puissance occupante. Or, si jamais Hô Chi Minh n’est apparu comme un fantoche du mouvement communiste international, la légitimité de Bao Daï était sujette à caution.  

Cette légitimité de l’action au niveau politique doit s’accompagner sur le terrain d’une parfaite intégrité des unités autochtones qui doivent faire preuve d’excellence dans leur comportement. Ici, l’expérience malheureuse de certains GAMO qui se sont payés sur la population lors de l’opération « Atlante » a eu un effet désastreux. Malheureusement, cette concussion des responsables vietnamiens a souvent été à déplorer. De Lattre, lucide, constatait en fin de séjour que les responsables vietnamiens n’étaient intéressés que par les « postes à piastres ».  

La France ne voyait l’armée vietnamienne que comme un appoint au corps expéditionnaire dont l’engagement a en permanence souffert du manque d’effectifs. En effet, jamais depuis la série d’opérations de l’automne 1947 conduites par les généraux Valluy et Salan, un rapport de forces favorable n’a pu être réalisé au profit du corps expéditionnaire face au vietminh.
Cette appréciation s’était tellement imposée au sein du commandement français en Indochine que beaucoup se seraient contentés du « jaunissement » de certaines unités car, dans leur esprit, aller plus loin en direction d’une armée purement vietnamienne pourrait donner des arguments aux instances nationales parisiennes déjà réticentes à accorder des renforts au corps expéditionnaire.  
Quant au gouvernement vietnamien, il n’a eu de cesse de développer son armée tout en la dissociant du corps expéditionnaire et en la faisant échapper à sa tutelle, car il la considérait comme un outil majeur de l’exercice de sa souveraineté.  

Par ailleurs, comme le démontre l’opération Atlante, il est impossible de pacifier sans avoir obtenu au préalable la décision tactique. Les ralliements de population ne s’effectuent que vers une armée réellement victorieuse, et non pas vers celle dont la victoire est en devenir. C’est cette victoire sur le terrain face à l’adversaire qui est seule à même de créer le choc psychologique qui fait basculer la population. Ceci est d’autant plus vrai qu’en se ralliant à la cause d’une armée victorieuse, la population n’a plus à craindre les représailles souvent sévères de la guérilla.  

En Indochine, ce phénomène s’est bien évidemment retrouvé, mais conjugué à un autre, à savoir les luttes ancestrales des différentes populations entre elles. L’opposition multiséculaire entre le Nord (Tonkin) et le Sud (Cochinchine et Plateaux du sud Annam) est connue. De même, l’esprit irrédentiste des populations Thaï qui se sont opposées à la mainmise vietminh sur leur région et ont, dans le triangle Lai Chau – Lao Kay – Nghia Lo, fourni des effectifs appréciables aux commandos mis en place par les services spéciaux français, le GCMA (groupement de commandos mixtes aéroportés) du lieutenant-colonel Trinquier, malheureusement souvent mal employés par le commandement, car considérés comme une infanterie auxiliaire à laquelle ils ont été assimilés en termes de missions. Or, en matière de contre guérilla, le recours à de telles unités doit s’opérer selon des modes opératoires radicalement différents de ceux des unités régulières et qui s’apparentent beaucoup plus aux méthodes de l’adversaire irrégulier.  

S’agissant des enseignements tirés de la constitution de ces maquis de partisans, il apparaît clairement que, pour être efficaces, ces maquis doivent disposer du soutien sans faille de la population dont ils sont issus. La constitution d’unités de partisans ne précède pas la pacification, elle en constitue l’aboutissement. Le colonel Trinquier estime(100) que « l’expérience nous avait montré qu’un maquis ne pouvait être efficace et tenir que s’il disposait de 1 000 hommes armés soutenus par 3 000 à 5 000 habitants sympathisants.
Ce potentiel atteint, il pouvait contrôler une zone importante et sa réduction exigerait de la part de l’adversaire l’engagement de très gros moyens. Indéracinable s’il n’était attaqué que par des forces régionales, l’expérience avait montré qu’il ne pouvait résister longtemps à l’attaque d’une division régulière…
Il fallait donc les multiplier, les essaimer sur une très grande surface pour obliger l’adversaire à disperser ses moyens. Il fallait aussi prévoir leur soutien par des troupes régulières en cas de difficultés graves, ce qui n’avait jamais été envisagé ». Ce qui n’a pas empêché la destruction de tous les maquis qui ont fait l’objet d’attaques en règle de la part du vietminh.

Pour être reconnues légitimes, ces formations de partisans doivent adopter une attitude exemplaire vis-à-vis de la population qu’ils sont censés défendre. A cet égard, le comportement de certains chefs locaux, notamment Deo Van Long, le puissant chef de la fédération thaï installé à Lai Chau n’est pas exempt de tout reproche ; francophone et ancien fonctionnaire subalterne de l’administration coloniale(101), il s’est constitué un véritable fief, sous le couvert de cette fédération. Lucien Bodard, journaliste accrédité auprès du commandement français dit avoir découvert « le Moyen Age avec des mitrailleuses » lorsqu’en 1950, il se rendit à Lai Chau en visite chez Deo.

Entraîné par Trinquier, disposant d’un stock d’armement aussi bien d’origine française que chinoise, il disposait d’un trésor de guerre considérable, mais son maquis n’était qu’exceptionnellement engagé contre le Vietminh(102). Il servait plutôt à contraindre les paysans méos à vendre leur pavot meilleur marché et à réprimer les soulèvements récurrents que la rigueur de son administration provoquait chez les thaïs noirs(103). D’autres chefs, notamment chez les Montagnards méos, armés, financés et cautionnés par la France se sont rapidement aliénés la population et desservirent la cause qu’ils étaient censés défendre par leurs exactions.
 
S’agissant de la constitution même des maquis, le colonel Trinquier insiste(104) sur l’importance de l’encadrement : « Le point faible restait le petit nombre de cadres européens dont nous disposions. Mais, et plus particulièrement au Tonkin, nous avions des cadres autochtones de valeur qui, après un stage de formation approprié, pouvaient les remplacer ».  
Outre le constat que la mise sur pied d’une armée nationale relève d’un projet politique global dans lequel elle doit s’insérer, l’autre conclusion majeure consiste à considérer que le facteur temps est crucial : la constitution d’une armée nationale ne saurait relever de l’improvisation. C’est fort de ce constat que l’on ne peut que constater que ces deux éléments majeurs ont fait défaut entre 1950 et 1954 à l’armée vietnamienne.  
Par ailleurs, il convient de ne pas perdre de vue que l’emploi de partisans relève d’une autre logique que celle d’une armée régulière. Cette différence était déjà apparue au Maroc au cours de la pacification où les régiments de tirailleurs et les goums n’étaient pas engagés dans le même cadre opérationnel et pour remplir les mêmes missions.  



(94) L’équivalent de près d’une cinquantaine de bataillons y sont dispersés dans d’innombrables postes, privant ainsi le commandement d’une ressource aguerrie pour multiplier les groupes mobiles et disposer ainsi d’un véritable corps de bataille à opposer à celui du Vietminh.
(95) Le Vietminh y est parvenu sous la contrainte de l’endoctrinement marxiste léniniste, appliqué par Giap dans ses formations avec une rigueur implacable. Toute dérive à l’orthodoxie était sanctionnée par des séances publiques d’autocritiques. Mais, contrairement à ce qui s’est passé en Union soviétique et en Chine, l’armée populaire vietnamienne a échappé aux grandes purges.  
(96) In Spillmann, op cit page 249.  
(97) Lors de son audience au Vatican, le général de Lattre demandera à Pie XII de nommer un légat apostolique chargé de remettre de l’ordre dans ces curieux évêchés.  
(98) In Spillmann, op cit, page 276.
(99) L’armée de la Révolution  française, creuset de l’armée impériale, n’aurait jamais pu voir le jour sans l’apport de l’ancienne armée royale avec laquelle les bataillons de volontaires ont été amalgamés.
(100) Trinquier Les maquis d’Indochine in revue historique des armées 1981/4 page 216 et 222.
(101) Agé de 60 ans en 1950, et fils d’un ancien chef de Pavillons noirs – les pirates qui terrorisaient le Tonkin au tournant du siècle – Van Long était entré dans l’administration après avoir étranglé de ses propres mains son prédécesseur  nommé Deo, et contraint sa fille à l’épouser après avoir pris le nom de son père.  
(102 Douglas Porch. op cit page 88.
(103 Lucien Bodard. L’enlisement, pages 356 à 361.
104 Trinquier op. cit. page 216.

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Manta210

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MessageSujet: Re: L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives    L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Icon_minitimeVen 27 Fév 2015 - 14:42

Bonjour,

ANNEXE n°1 – Composition d’une division vietnamienne  

La division vietnamienne comprend :  
1 état-major  
1 compagnie de quartier général.  
1 compagnie, de transmissions.  
9 bataillons d’infanterie du type « standard »(105).  
2 batteries d’artillerie ;  
1 escadron de reconnaissance.  
1 compagnie de combat du Génie.  
1 peloton de circulation routière et 1 escadron de transport.  
1 compagnie de ravitaillement.  1 compagnie de réparation.  
1 compagnie médicale.  
La 1ère division est mise sur pied au Sud Vietnam, la 2ème au Centre Vietnam, la 3ème au Nord Vietnam et la 4ème dans la zone des Plateaux montagnards du Sud (P.M.S.).  

Source : note n° 2851/EMIFT/1 du 10 décembre 1951 adressée par le général Salan, commandant en chef par délégation en Extrême Orient à ses grands subordonnés du Nord, centre et Sud Vietnam. Origine : SHD.

(105) La 4ème division comprend seulement 7 bataillons d’infanterie qui diffèrent des bataillons « standard » par la présence au sein de la C.C.B. (compagnie de commandement et de base) d’un groupe muletier à 16 animaux.  


ANNEXE n°2 – État des bataillons d’infanterie de l’armée vietnamienne fin 1951
 

1ère Division. Sud Vietnam.


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(106) Garde nationale du Viet Nam Sud.
(107) Caodaïstes, Hoa Hao et Catholiques.
(108) Forces armées du Viet Nam.



2ème Division. Centre Vietnam

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(109) Garde nationale du Viet Nam Centre..

3ème Division. Nord Vietnam.

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L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   T5_bmp10

(110) Garde nationale du Viet Nam Nord.
(111) Groupe mobile franco-vietnamien.
(112) Division de marche du Tonkin
(113) Groupe mobile.
(114) Groupe mobile franco-vietnamien.
(115) Division de marche du Tonkin
(116) Bataillon de marche d’Extrême Orient


4ème Division. Plateaux montagnards du Sud.

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georges

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MessageSujet: Re: L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives    L’armée nationale vietnamienne et le recours aux formations supplétives   Icon_minitimeVen 27 Fév 2015 - 18:24

Merci pour ce passionnant travail, qui mérite une longue étude!
Trinquier est un peu dur avec Deo Van Long, qui était apprécié par ses Thaïs (sans doute moins par les Méos, on sait pourquoi), mais on comprend le point de vue du Patron du GCMA.
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