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 La prise du P.O. de La Ferté - L’agonie et la fin - 4

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Paracolo
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Paracolo


Nombre de messages : 19925
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La prise du P.O. de La Ferté - L’agonie et la fin - 4 Empty
MessageSujet: La prise du P.O. de La Ferté - L’agonie et la fin - 4   La prise du P.O. de La Ferté - L’agonie et la fin - 4 Icon_minitimeJeu 4 Nov 2010 - 8:09

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L’agonie et la fin…



Au précèdent chapitre nous avons vu la, pour le moins, malheureuse contre attaque à propos du but de laquelle personne n’est d’accord…

Camouflés dans les angles morts et les trous d'obus qui enserrent le bloc 2, les Pionniers de l'Oberleutnant Germer, eux, connaissent leur objectif : neutraliser le Panzerwerk 505…

Ils se préparent donc à exécuter la seconde phase de leur attaque: la neutralisation du bloc 1.

Sur la pente ouest, côté Villy, les fantassins du bataillon Corduan creusent des éléments de tranchée pour échapper aux tirs d'artillerie qui, dans leur esprit, ne vont pas manquer de s'abattre sur la crête.
Le général Weisenberger lui-même prévoit de lourdes pertes sur les dessus de l'ouvrage car le seul moyen dont disposent les français pour obliger les Pionniers à refluer sur Villy consiste à effectuer des concentrations systématiques sur l'ouvrage…

Or les Pionniers de Germer et les hommes de Corduan n'en reviennent pas: l'artillerie française ne tire pas et ils effectuent leurs déplacements à l'intérieur du réseau de barbelés comme s'ils manœuvraient…

Nous avons vu qu’à la même heure l'artillerie des trois divisions françaises du secteur effectue une contre-batterie au profit de l'opération chars-infanterie qui vient d'être déclenchée.

Pour couvrit l'ouvrage de La Ferté, il ne reste que la tourelle de 75 du Chesnois et l'on se demande pourquoi celle-ci n'envoie pas à intervalles irréguliers, par simple mesure de prudence, des rafales de 75 sur le bloc 1.

Si le Chesnois ne tire pas, c’est que le chef de l'artillerie d'ouvrage, le colonel Turpault a reçu le 18 mai vers 19 heures d'un capitaine de l'état-major du groupement d'artillerie, l'ordre de ne plus tirer sur La Ferté, sauf pour exécuter un tir fusant à obus à balles.
Malgré ses objections sur l'inefficacité d'un tel tir à 7 000 mètres, cet ordre fut maintenu et ce tir exécuté…

A l'ouvrage du Chesnois, par contre, tous les officiers sont au courant « d'une contre-attaque de chars destinée à dégager La Ferté » et le tir à obus à balles se disperse dans la nature car les deux tubes de la tourelle tirent, on l’a vu, limite de portée…
Il est d’ailleurs vite arrêté car, le capitaine Aubert informe l’artillerie de l’ouvrage que la contre-attaque a démarré avec un appui de chars...
II n'était plus question de tirer sur La Ferté.
Aucune liaison n'existant entre l'ouvrage du Chesnois et le commandement des unités de la contre-attaque, il était impossible d’en suivre le déroulement et son échec ne fut connu que le lendemain matin.

Ce sera donc dans des conditions de sécurité absolue que les Pionniers de l'Oberleutnant Germer vont passer à l'attaque du bloc 1…
Prévoyant que ses hommes peuvent être repérés par le projecteur du bloc, Germer a l'idée de simuler une attaque à partir du bloc 2 avec un Stosstrupp qui jouera le rôle du leurre et attirera sur lui le feu éventuel des mitrailleuses de cloche.
Pendant ce temps, les Pionniers et leurs charges d'explosif chemineront dans l'obscurité par les pentes nord-ouest et accéderont aux dessus du bloc par le côté le plus abrupt.

Germer veut auparavant, obtenir une nouvelle concentration d'artillerie afin d'élargir les brèches ouvertes par les tirs précédents dans le réseau de barbelés et inciter en même temps les observateurs de l'ouvrage à se réfugier dans l'étage inférieur pendant le bombardement.

Par la ligne téléphonique qui a été déroulée jusqu'au PC avancé de Villy, Germer en informe le Hauptmann Krumsiek, qui le rappelle dix minutes plus tard: « L'appui d'artillerie est accordé et durera trente minutes. » Germer prévient aussitôt ses officiers pour qu'ils abritent leurs hommes avant le déclenchement du tir…

A 22 h 10, les canons de l'Oberst Martinek ouvrent le feu ….

Le lieutenant Bourguignon signale le tir à l'ouvrage du Chesnois, et provoque par là, une grave méprise…
En effet, le capitaine Aubert, va l’interpréter comme l'indice que la contre-attaque a dû atteindre les dessus de l'ouvrage et que les tirs allemands sont destinés à l'empêcher de s'y maintenir, Bourguignon avait d’ailleurs signalé à un moment qu'un guetteur avait entendu le bruit d'un moteur de char…
Tout le monde ne demandait qu’à se laisser convaincre….

Peut-être, d’ailleurs, le guetteur a-t-il réellement entendu le ronflement du moteur du Charente, qui, nous l’avons vu dans le post précèdent, s’était égaré !..

Quoiqu’il en soit ce sont les Allemands qui sont sur les dessus de l'ouvrage et non les fantassins du 119e RI.

A 22 h 40, les batteries allemandes allongent leur tir et joignent leur feu à celui qui ravage la vallée de la Chiers et les pentes de Saint-Walfroy.

Vers 23 heures, les hommes du Leutnant Sommerhuber se mettent en marche en direction du bloc 1…
Porteur des charges d'explosif, le Stosszug du Leutnant Grothaus se glisse à l'intérieur du réseau de barbelés…
Le Pionierzug du Leutnant Ahr, de la 26 compagnie du 1/171 Pion. Bat., gravit la pente par le nord…
En plein jour, il serait exposé aux vues de la casemate de Margut, mais, dans l'obscurité, il ne court quasiment aucun risque.
D'ailleurs lorsque les hommes de Grothaus se hissent sur les dessus du bloc 1, les mitrailleuses de cloche restent silencieuses parce que personne, à l'intérieur de l'ouvrage, n'imagine que l'ennemi puisse réussir une telle opération…

Le Gefreiter Fritz Grube, du Stosszug Grothaus, écrit :
« En sautant d'un cratère à l'autre, nous arrivons sur les dessus et approchons de la première cloche. A travers l'acier, nous entendons les Français qui discutent entre eux et nous poussons doucement une charge dans l'embrasure. Je l'allume et nous nous retirons sur l'autre face de la cloche afin d'être à l'abri lors de l'explosion. Les résultats furent excellents et, pour profiter de l'effet de surprise, nous nous sommes hâtés de passer aux autres cloches. »

En moins d'un quart d'heure, cinq volets d'embrasure sont défoncés et trois cloches sur quatre réduites au silence…
La dernière, une cloche de GFM, a ses volets fermés et les Pionniers ne parviennent pas à les faire sauter.
Ils s'en désintéressent et, comme ils l'on fait au bloc 2, enfournent par les créneaux des autres cloches des grenades, des pots fumigènes et des pétards explosifs dont certains, adaptés aux dimensions des créneaux, pèsent 18 kilos.

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Charges d’1kg (Sprengbüchse 24) dimensions: 200,6x73,6x55,8mm.
Assemblées avec du fil de fer sur une planchette, le long d'une perche, elles forment une Stangenladung

A l'étage supérieur du bloc 1, les explosions provoquent d'énormes dégâts :
L'intérieur de la cloche d'arme mixte est bouleversé, la plate-forme s'écrase au fond du puits avec le trumelage canon-mitrailleuses et un début d'incendie se déclare.
Au bas de cette cloche, la cloison qui protège une petite chambre de deux châlits doubles s'écroule sous l'effet de souffle.
Dans la cloche n° 3, le trumelage canon-mitrailleuses reste en place mais il est hors service car la plate-forme de tir s'est effondrée et tout l'équipement intérieur s'est abattu au fond du puits.
Le mur du central téléphonique est abattu.
Cependant, comme au bloc 2, l'étage inférieur ne subit aucun dommage, si ce n'est un ménisque qui se détache du plafond de la réserve de gas-oil….

Entre minuit et 1 heure du marin, tout est consommé et le bloc 1 a subi le sort du bloc 2 sans que les Pionniers aient enregistré les pertes sévères qu'ils redoutaient.
Il s'en faut de beaucoup…

Le premier ouvrage de la ligne Maginot attaqué par les Allemands n'est pas encore pris mais il est vaincu...

Comment peut-on expliquer la passivité de la tourelle de 75 du Chesnois et celle des armes de l'ouvrage?..
Bourguignon s'est-il rendu compte que ses cloches n'étaient pas détruites par des coups directs de l'artillerie utilisant des projectiles spéciaux, mais par des Pionniers porteurs de charges explosives?..

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Charge de 3kg (Geballte Ladung) 195,5x165,1x76,2mm, existe aussi en10kg 269,87x193,67x146mm. Ces charges peuvent être cumulées et forment une Gestreckte Ladung. Elles sont assemblées entre elles par du fil de fer.
Composées d'un corps en zinc avec un nombre variable d'orifices pour y placer les détonateurs, leurs charges étaient soit composées de TNT ou d'acide picrique.

Un doute existe à ce sujet car le seul document qui, à ma connaissance, fasse état de la présence des Pionniers sur les dessus de La Ferté est le JMO de la 3e DIe dans lequel on lit à la date du 19 mai:
Vers 1 heure, d'après les renseignements fournis par le lieutenant Bourguignon, des éléments du Génie ennemi sont sur les dessus de l'ouvrage et placent des explosifs contre les parois des cloches. Notre artillerie tire sur l'ouvrage…( Mais nous l’avons vu, le JMO de la 3e DIe est sujet à caution car il s'agit d'un JMO reconstitué après la destruction de l'original au mois de juin 1940)

Par contre, le colonel Turpault, ancien chef de l' AO du Chesnois, donne une autre explication :
« Il y eut, à mon avis, méprise des occupants de La Ferté sur la nature des explosions qui faisaient sauter les cloches. Ils ne paraissent pas avoir soupçonné l'action des sapeurs allemands et au Chesnois non plus du reste.
Pour eux et nous, les charges explosives qui ont fait sauter les créneaux des cloches étaient soit des bombes de Stukas, soit des obus de 210, soit les projectiles d'une pièce d'ALVF (en réalité un canon de 88), ce qui explique la réaction de Bourguignon me disant au téléphone vers 18 h 30:
« A quoi bon ajouter vos obus à ceux qui tombent déjà sur l'ouvrage », estimant inutile que la tourelle intervienne à ce moment-là comme je le lui proposais.
Ou encore vers 23 heures, après une accalmie de 30 minutes environ, il signalait au capitaine Aubert la reprise du bombardement, ajoutant cette phrase: « Maintenant, les obus tombent à l'intérieur du bloc.
»

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Pot fumigène, Nebelkerze 39, il se consume durant 4 à 7mn...

Du côté allemand, on serait surpris d'apprendre que l'équipage de La Ferté ignore que les Pionniers sont responsables de la destruction des cloches...
Germer, donne mission au Leutnant Konnecke, de la 7e compagnie du bataillon Corduan, de surveiller la cloche intacte du bloc 1 et de placer une mitrailleuse destinée à prendre d'enfilade le chemin d'accès à l'ouvrage et la porte du bloc 1.
La logique de Germer lui fait supposer que les Français ne vont pas se laisser enfumer comme des rats au fond de leur béton mais qu'ils vont au contraire tenter une sortie en force, soit pour contre-attaquer, soit pour évacuer l'ouvrage…

A 35 mètres sous terre, dans la galerie où les ondes de choc produites par les explosions soulèvent les caisses de vivres alignées le long de la paroi, le lieutenant Bourguignon a en effet l'intention d'évacuer l'ouvrage…
…Mais il lui faut pour cela obtenir l'autorisation de ses supérieurs.

L'équipage du bloc 1 a eu la même réaction que celui du bloc 2 et, emportant ses blessés, dont le sergent-chef Casanova atteint à la tête, s'est réfugié dans la galerie….
Là aussi, les moteurs, le central téléphonique de l'ouvrage, tout a été abandonné et, là aussi, les portes étanches formant sas dans le haut de la cage de l'escalier sont restées ouvertes…

Tous les hommes tassés dans la galerie, où rien n'a été prévu pour abriter un tel effectif, sont obligés de porter le masque à gaz car la neutralisation du bloc 1 accélère l'arrivé de l'air vicié dans les dessous...

En effet, lorsque les portes étanches des deux blocs sont ouvertes, un courant d'air naturel s'établit à partir du bloc 1.

C'est maintenant qu'apparaissent les conséquences de la panique qui a incité l'équipage du bloc 2 à abandonner celui-ci sans fermer les portes étanches…
Le courant d'air s'établit et draine vers la galerie, dans laquelle il subsistera, l'oxyde de carbone qui se dégage à l'étage supérieur du bloc 1 ravagé par les explosions et envahi par la fumée.
L'atmosphère de la galerie souterraine va être bientôt irrespirable…

Bourguignon qui, semble-t-il, ne dispose pas de réserves de cartouches filtrantes pour masque à gaz, a-t-il conscience de la menace qui pèse sur son équipage?

Dans l'infirmerie devenue trop petite, le médecin auxiliaire Fontaine et son infirmier Henri Darchu ont prodigué leurs soins aux blessés, puis les premiers cas d'asphyxie ont fait leur apparition, provoqués par des masques à gaz en mauvais état ou des cartouches filtrantes saturées.
Dans le couloir, les hommes se sont pour la plupart affalés par terre, le dos au mur, du côté opposé à la rigole des eaux de ruissellement….Ils attendent on ne sait quel miracle qui leur permettra de sortir du « trou ».

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35 mètres d’escalier…

Par téléphone, Bourguignon décrit au capitaine Aubert l'ambiance qui règne dans l'ouvrage et lui indique que les hommes ne pourront pas tenir indéfiniment dans ces conditions...
De sa propre initiative, Aubert téléphone à 3 h 10 du matin à l'état-major de la 3e DIC pour que Bourguignon et ses hommes soient autorises à évacuer l'ouvrage.
Le général Burtaire, du SF de Montmédy, intervient dans le même sens et se voit opposer un refus…
A la 3e DIC, personne ne comprend que les hommes de la forteresse osent envisager l'abandon de leur ouvrage dont le béton les protège… Que diraient-ils s'ils se trouvaient à la place du bataillon Ledrappier harcelé par les obus sur la cote 311!

Vers 3 h 30, Bourguignon téléphone au général Falvy pour lui signaler que le bloc 1 ne possède plus qu'une chambre de tir intacte, celle du canon de 47 qui flanque le réseau de barbelés vers Margut, du cote opposé aux lignes allemandes.
Bourguignon suggère d'abandonner l'ouvrage dont la majorité des armes sont détruites.

Falvy lui répond « que la consigne n'a pas changé » et qu'il faut résister sur place…

A 3 h 40, le colonel Renucci, chef d'état-major de la 3e DIC, appelle par fil le capitaine Aubert pour lui préciser que le général Falvy n'est pas opposé d'une façon définitive à l'évacuation de l'ouvrage, mais « qu'il réserve sa décision en raison de l'existence d'une chambre de tir intacte au bloc 1 »…(Comme c’est facile assis derrière un téléphone – ou un micro – de demander aux autres de résister)

Selon le général Burtaire, Bourguignon téléphone également au PC du 155e RIF. Il rend compte au lieutenant­colonel Henry, « que les hommes commencent à suffoquer sous le masque », et demande des instructions.

La réponse claque: « Vous connaissez votre mission, le colonel Culot ne pourrait que la confirmer! »

« Je le sais. Adieu, mon colonel…» aurait répondu Bourguignon. ( D’après une allocution prononcée le 19 mai 1946 par le général Burtaire. Le lieutenant Bourguignon aurait eu également une conversation téléphonique avec le général Ayme, de l'ID de la 3e DIC, qui lui aurait dit : « Puis que vous avez encore des armes en état de tirer et des munitions, je n'ai pas besoin de vous indiquer votre devoir » )

Une demi-heure plus tard, la situation s'est encore aggravée et, dans la galerie, de nombreux soldats allongés à même le sol se sont endormis à jamais sous le masque…
Au fur et à mesure que les cartouches filtrantes sont saturées, l'asphyxie fait son œuvre.

A la casemate voisine de Margut, de l'autre cote de la Chiers, le lieutenant Labyt donnerait n'importe quoi pour venir en aide à son ami Bourguignon mais il ne dispose que de ses mitrailleuses et, de toute façon, il est trop tard.
Labyt : « Après une dernière conversation avec Bourguignon qui m'avait déjà décrit la mort par asphyxie du médecin Fontaine et de plusieurs sous-officiers que je connaissais bien, j'ai effectué des tirs de flanquement sur les abords du bloc 1. Ce tir a duré à peu près toute la nuit et je crois bien avoir brûlé plus de 35 000 cartouches et usé quatre tubes de mitrailleuses. »

Bourguignon ne revient pas au poste téléphonique ou l'adjudant Sailly reste en permanence.
Il sait que tel le capitaine à bord de son navire, il doit périr avec son ouvrage… N'a-t-il pas écrit à sa femme le 6 octobre 1939 cette phrase prémonitoire : « Nous savons que notre mission nous demande de mourir sur place. » …

Alors que là-haut, la mitrailleuse du Leutnant Konnecke reste braquée sur la grille d'entrée du bloc 1, à 35 mètres sous terre, la lente agonie des hommes de La Ferté se prolonge…

Vers 5 heures du marin, le dimanche 19 mai, la voix à peine audible de l'adjudant Sailly se fait entendre au central téléphonique du Chesnois. C'est le lieutenant Gerard Naulet, officier adjoint, qui reçoit la communication:
« Voila six heures ... portons le masque ... ne pouvons plus tenir ... nous étouffons ... lelieutenant est à côté de moi. Allons essayer de remonter. »

C'est fini… La Ferté vient d'envoyer son dernier message. 0.201, l'indicatif de l'ouvrage, ne répondra plus aux appels qui lui seront lancés.

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Les morts dans la galerie tragique

On ne saura jamais dans quelles conditions dramatiques les hommes rassemblés dans la galerie ont vécu leurs derniers instants et ceux qui, au cours de cette nuit tragique, ont enregistré d'ultimes confidences, ne veulent rien dire… Ils préfèrent oublier.

L'adjudant Joseph-Gabriel Joly, des Transmissions du Chesnois, écrit :
« J'ai reçu de l'adjudant Sailly beaucoup de confidences sur les derniers moments de l'ouvrage, mais ma conscience, mon honneur d'officier, (Il est alors capitaine de réserve) et surtout mon amitié avec Sailly, m'interdisent de les divulguer et il est certain que je les emporterai avec moi dans la tombe. »

Avant que l'aube du 19 mai se lève, les Pionniers de la compagnie Germer jettent des planches au-dessus du fossé diamant du bloc 2 et font sauter la grille d'entrée à l'explosif.
Ils procèdent ensuite de la même façon avec la porte blindée dont le FM de caponnière reste silencieux, signe que le sergent Borel et ses hommes n'ont pas réussi à remonter l'escalier.

Dans le bloc où règne une épaisse fumée, les paillasses des lits se consument lentement et les Allemands renoncent à pénétrer à l'intérieur…
Ils regagneront Villy à la pointe du jour et leurs camions les conduiront à la gare de Carignan où ils dormiront dans des wagons de marchandises.
Sur les dessus du bloc 1, selon les Allemands, la cloche intacte démasquera son FM et ouvrira le feu à trois reprises durant la matinée.
Le Leutnant Konnecke brisera cette dernière résistance au début de l'après-midi en employant des projectiles perforants envoyés par la division…

Voyons un peu, comme je l’ai annoncé au premier chapitre, comment la propagande va exploiter cette chute…
Au PC de la 7Ie ID, le général Weisenberger exulte et fait préparer une liste de propositions de récompenses tandis que les transmetteurs de la division émettent par radio et en clair, que « le Panzerwerk 505, le plus puissant ouvrage de la ligne Maginot dans le secteur de Montmédy, est tombé ».
Ainsi, pour les besoins de la propagande, les deux blocs de La Ferté deviennent un « puissant ouvrage », le plus puissant du secteur !!!

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Comparatif entre le P.O. la Ferté et un G.O. le Hackenberg

Du côté français, on est pas en reste, on cherche plutôt à « dégonfler » l'événement et ce n'est qu'au début du mois de juin que les français trouveront dans leur journal cette étrange version des faits, communiquée par l'agence Havas, mais revue et corrigée auparavant par les services de la censure :
Le lieutenant Bourguignon et six soldats français ont héroïquement défendu leur casemate contre l'assaillant.
Voila l'astuce: l'équipage est réduit à six hommes et un officier et l'ouvrage à une simple casemate….
Le sous-titre de l'article est de la même veine :
Des centaines d’Allemands sont tombés avant de prendre la position où il ne restait plus de cartouches. (En 1971 encore, un « historien » alsacien a fait état des « 8 000 morts allemands » tombés devant La Ferté... A Villy et à La Ferté-sur-Chiers, le mythe des « pertes énormes » enregistrées par les Allemands est encore solidement ancré et, lorsque l’on avance que dans les cimetières allemands des environs on ne trouvait pas trace de cette hécatombe, on répond que la 71e ID disposait de camions-crématoires destinés à incinérer les cadavres !!!
Les mythes ont décidément la vie dure)
.
Quant au texte, il constitue à lui seul un morceau de bravoure qui en dit long sur la façon dont les français étaient informes pendant la guerre :
Londres, 2 juin (dép. Havas). Un récit est fait aujourd'hui de la manière héroïque dont le lieutenant Bourguignon et ses hommes maintinrent la défense de leur position dans une casemate jusqu'au suprême sacrifice. Les obus de l'artillerie lourde pleuvaient sur le ciment, en dépit de quoi chaque homme resta à son poste. Alors, un bombardier opérant des attaques en pique lança des bombes de gros calibre contre la casemate qui résista; puis l'infanterie ennemie attaqua avec des mitrailleuses et des canons et tenta de faire exploser la casemate qui, bien que le sol fut secoué comme par un tremblement de terre, résista encore en dépit qu'un des mécanismes fut hors d'action.
Les ennemis se précipitèrent enfin en avant mais furent accueillis par des volées de balles qui les abattirent en masse lorsqu'ils entrèrent dans les fils de fer barbelés. Quand, après plusieurs jours de lutte, les munitions de la casemate furent épuisées et les dernières grenades lancées, les ennemis pénétrèrent dans la casemate ruinée et constatèrent qu'ils avaient perdu des centaines de vies humaines, des quantités d'obus et des bombes pour vaincre la résistance d'une demi-douzaine d'hommes.

En fait voici les chiffres des pertes enregistrées par la 71e ID le 18 mai pour l'ensemble de son secteur :
- officiers : 1 tué et 6 blessés.
- Sous-officiers et soldats : 7 tués, 40 blessés et 2 disparus.

Pour le 19 mai, la division accuse, toujours pour l'ensemble du secteur:
- 6 officiers blessés,
- 14 sous-officiers et soldats tués, 74 blessés et 12 disparus,
Ces derniers correspondant, comme on l’a vu, aux 12 prisonniers capturés par le I/119e RI du commandant Delaval dans la nuit du 18 au 19 mai…

Voilà pour la propagande, retournons à l’ouvrage…

Les observateurs de Saint-Walfroy ayant signalé le 19 mai que le bloc 1 de La Ferté ne semblait pas être occupé par l'ennemi, le général Falvy donne l'ordre de procéder à une reconnaissance de nuit vers l'ouvrage…
La mission est confiée au sous-lieutenant Fiévet qui devra opérer avec ses coloniaux dans la nuit du 20 au 21 mai.
Comme il ignore tout de l'ouvrage, on lui envoie en renfort, dans l'après-midi du 20 mai, le sergent Jean Félot et cinq hommes du 155e RIF : les caporaux-chefs Sonnet et Hennebel, et les soldats Meugnot, Chevreux et Brodin.
Une reconnaissance avec d'aussi faibles moyens parait bien timide, mais le 20 mai on ignore encore dans le camp français le drame qui vient de se jouer au fond de l'ouvrage…
On sait seulement que l'équipage ne répond plus aux appels téléphoniques.

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Le médecin-lieutenant Hervé Fontaine

Dans la soirée du 20 mai dans la cave de l'école de La Ferté-sur-Chiers, vers minuit, le sous-lieutenant Fiévet donne ses consignes:
« (Allégement maximum. Pas de capote ni de masque à gaz mais des cisailles pour les barbelés. Comme armement, mousqueton et grenades. »
Fiévet prévoit également quelques toiles de tente qui serviront à ramener les blessés, en cas d'accrochage…
Vers 0 h 30, le détachement sort du village et franchit la Chiers à bord d'une barque maintenue immergée pendant le jour.
Fiévet laisse son FM en embuscade au premier virage de la route de Villy et poursuit son chemin vers les barbelés d'enceinte du bloc 1… La chance n'est pas avec lui car un chien errant s'approche du détachement et, pris de panique, s'enfuit en hurlant à travers la campagne…
De la crête, les Allemands envoient des fusées éclairantes et tirent quelques rafales de balles traceuses.
L'alerte est donnée et Fiévet se replie avec ses hommes vers la Chiers.

La nuit suivante, la reconnaissance bénéficie d'un tir de 75 qui « nettoie » les accès au bloc 1 pendant que Fiévet et son détachement montent vers la nappe de barbelés.
Celle-ci est à peine franchie que le tir des 75 s'arrête pour reprendre au moment ou le sergent Félot se trouve à moins de 20 mètres du bloc 1.
Projeté à terre par le souffle de l'éclatement d'un obus, le sous-officier ne demande pas son reste et s'éloigne de cet endroit malsain… C'est encore raté et le sous-lieutenant Fiévet revient vers la Chiers tandis que, derrière lui, les coups de 75 se succèdent… dans le vide.

Le samedi 25 mai à 2 heures du matin, la reconnaissance traverse une nouvelle fois la rivière en barque et gravit la pente. Un léger brouillard flotte au ras du sol et, après avoir retrouvé la brèche pratiquée à la cisaille dans les barbelés, le petit groupe atteint enfin l'ouvrage.

Félot se glisse contre la paroi de la chambre de tir du canon de 47 et écoute. Il ne perçoit aucun bruit à l'intérieur et voit que le jumelage de mitrailleuses est en place.
Contournant la masse du projecteur pendant que deux de ses hommes montent sur les dessus du bloc, il se dirige vers l'entrée…
A la place de la grille et de la porte blindée, il n'y a plus qu'un trou noir, (résultat du travail des Pionniers de la compagnie Germer dans la nuit du 20 au 21 mai.)
Le revolver dans une main, la lampe électrique dans l'autre, Félot s’engage sur les rondins qui ont été lancés au-dessus du fossé diamant afin de pénétrer dans le bloc…
Derrière lui, Meugnot suit avec ses grenades…
Le sas d'entrée est à demi obstrué par la porte blindée éventrée à mi-hauteur par l'explosif.
Dans le couloir, une odeur acre, indéfinissable ... Le sol est jonché de sacs de terre et de boites à munitions vides.
Dans celui conduisant à la chambre de tir, une barricade sommaire a été dressée avec des châlits métalliques…

Le sous-officier traverse l'étage supérieur du bloc et s'approche de l'escalier. La porte, incurvée sous l'effet de souffle d'une charge explosive, en interdit l'accès.
A l'aide de sa lampe électrique, il aperçoit un corps à demi replié sur les marches. Un second cadavre est coincé derrière la porte, adossé au mur, comme si l'homme était mort assis. Tous les deux portent le masque à gaz…
Une poussière noire comme de la suie, assez épaisse, recouvre les corps et les débris éparpillés sur le sol.
L'atmosphère devenant de plus en plus difficile à supporter, il se replie…( On peut regretter que, faute d'ordres précis, il ne soit pas allé jusqu'à la chambre-PC du lieutenant Bourguignon afin d’y récupérer les documents de l'ouvrage que les Allemands y trouveront quelques jours plus tard.)

La situation du détachement Fiévet est aventurée car les Allemands sont à environ 300 mètres, autour du bloc 2 où ils aménagent des tranchées, posent des barbelés et enterrent des mines…
Devant le bloc 1, Félot rencontre de nombreux obus non éclates et récupère « outre des grenades à manche, trois pains d'explosif d'environ 3 kilos chacun, munis d'une mèche rigide d'environ 10 centimètres »…
Les coloniaux et les six hommes du 155e RIF regagnent alors la vallée de la Chiers.

Le 27 mai, plus d'une semaine après la chute de l'ouvrage, le sergent Félot et ses hommes reprendront en pleine nuit le chemin du bloc 1, accompagnant cette fois un lieutenant du Génie et cinq sapeurs équipés de masques à gaz dont la mission est de descendre dans la galerie.
Le détachement n'atteindra même pas le bloc 1 car les Allemands y montent désormais la garde.

Après un échange de coups de feu, l'officier du Génie et ses hommes se replieront vers la Chiers et l'on renoncera à envoyer des patrouilles en direction de l'ouvrage.

Le 19 mai, le général Huntziger, de la IIe Armée, transmet au général Prételat une note et un rapport concernant la chute de l'ouvrage de La Ferté.

« Un enseignement tactique très net s'en dégage (on le savait depuis Verdun), lit-on dans le journal du GA/2 : Il est essentiel de surveiller et d'être en mesure de battre de nuit comme de jour les dessus des ouvrages (artillerie et armes des troupes d'intervalles dans le voisinage). »

Ce rapport ne manque pas de sel car si « on le savait depuis Verdun » l'enseignement tactique en question semble avoir été perdu de vue depuis, (n’en n’est-il pas de même de nos jours ?) ce qui explique en partie la chute de l'ouvrage…

Quant aux Allemands de la 7Ie ID, c'est à l'aide de haut-parleurs installés dans les arbres et de tracts lancés par avion qu'ils feront équipages aux équipages des ouvrages et casemates du SF de Montmédy l'avenir qui leur est promis :
La ligne Maginot est une fosse commune pour ceux qui la défendent.
Nous avons pris l'ouvrage de La Ferté et nous prendrons tous les autres. Soldats français, vous mourrez pour rien, enfumés comme des rats au fond de votre béton.

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….Enfumés comme des rats au fond de votre béton.

Heureusement, ces tentatives d'intoxication psychologique n'auront aucune influence sur la confiance que les équipages portent à leur béton.

Quelques jours plus tard, les Allemands pénètrent dans le bloc 2 où les incendies se sont éteints faute de combustible.
Il leur est toutefois impossible de descendre dans la galerie souterraine en raison de l'atmosphère viciée qui y règne…

Le 2 juin, deux officiers et huit hommes de la 6e compagnie du IR 191 équipés de masques empruntent l'escalier du bloc 2 et gagnent les dessous.
Ils découvrent les premiers cadavres à l'entrée de la cuisine et, poussant plus loin, se rendent compte que la galerie est barrée par un véritable entassement de corps sans vie, comme si les malheureux soldats de l'équipage s'étaient couchés les uns sur les autres pour mourir…
Par endroits la hauteur dépasse un mètre et les Allemands doivent marcher sur les corps entassés pour avancer.
Presque tous les morts portent le masque à gaz…

La patrouille monte ensuite l'escalier d'accès au bloc 1, escalier dans lequel elle rencontre encore de nombreux cadavres.
Dans le bloc 1, les Allemands assurent avoir trouvé des documents divers et des cartes renseignées au PC du lieutenant Bourguignon.

Les dégâts par incendie ne sont pas tellement marqués, indique le rapport de cette première reconnaissance effectuée dans l'ouvrage, mais par contre, tout est recouvert d'une épaisse couche de poussière et de suie ...

Les Allemands regagnent la galerie où ils répandent du chlorure de chaux sur les cadavres avant de remonter par l'escalier du bloc 2.
Ils vont indiquer que 150 corps environ reposent au fond et qu'il est nécessaire de les sortir de la galerie si l'on veut remettre le Panzerwerk 505 en état de défense.
Dans la nuit du 7 au 8 juin, les Pionniers de la compagnie Germer descendent à leur tour.
Ils notent que la galerie semble avoir été barrée par des caisses de vivres et coupent un cordon détonant qui n'est d'ailleurs relié à aucune charge.
Dans un local proche de l'infirmerie, ils assurent avoir trouvé « des appareils de Transmissions non montes, deux périscopes et leurs accessoires ainsi que des archives et des cartes que l'Oberleutnant Germer portera lui-même au PC de la division ».

Le 8 juin également, une unité disciplinaire la Feldsonderabteilung der 16e Armée, est chargée de sortir les corps de l'équipage de La Ferté.

Le détachement se compose de 11 sous-officiers et de 34 soldats.
Dans la nuit du 8 au 9 juin, ils creusent dans un verger de Villy une fosse commune, c'est là que seront enterrés les membres de l'équipage de La Ferté lorsqu'ils auront été sortis de leur cercueil de béton.

L'opération va commencer la nuit suivante avec 5 sous-officiers et 20 hommes.
Malgré le froid qui règne dans la galerie, les corps sont dans un état de décomposition avancée et l'odeur est insoutenable.(voir l’extrait de document joint)
Le reste de la nuit et toute la journée du 9 juin, les « disciplinaires » vont transporter les cadavres du bloc 1 dans la galerie et en rapprocher le maximum du pied de l'escalier du bloc 2.
Le bloc 1 étant expose aux vues, il est en effet impossible de sortir les corps de ce côté sans risquer d'être harcelé par l'artillerie française.

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Trois pièces d’un document, hélas incomplet, mais dont je n’ai pas, malgré toutes mes recherches pu trouver la fin, il décrit néanmoins bien les conditions dans lesquelles les « disciplinaires » ont dû travailler

Le travail des « fossoyeurs » est rendu pénible par l'effroyable odeur et l'atmosphère irrespirable. Certains d'entre eux souffrent de maux de tête et sont pris de vomissements, d'autres s'enivrent avec le vin trouve à la cuisine…
Dans la soirée du 9 juin, les 6 premiers corps sont hissés jusqu'au bloc 2.
La nuit suivante, grâce à un palan aménage dans le puits du monte-charge, 16 cadavres seront remontés, puis 40 le lendemain et le reste, une soixantaine, le 11 juin.

Les hommes sont à bout de forces et les sous-officiers doivent les menacer de leur arme lorsqu'ils transportent les corps jusqu'à la fosse du verger de Villy sous le tir de l'artillerie française.

La désinfection de la galerie tragique commencera le 12 au soir.

Combien de corps ont été sortis de l'ouvrage de La Ferté?
Les Allemands, à cause en particulier de l’état des corps, n'ont pas pu compter avec exactitude. Ils avancent néanmoins le chiffre de 150 à 200 corps remontés au bloc 2.
Ce chiffre élevé a fait supposer que des coloniaux du 23e RIC avaient pu se réfugier à l'ouvrage où ils avaient trouvé la mort par asphyxie avec leurs camarades de la forteresse.

L'exhumation des corps, effectuée par des habitants de La Ferté-sur-Chiers et de Villy, prouve qu'il n'en est rien.
Au mois de juillet 1941, une équipe dirigée par M. Henri Collin, président du Souvenir français, procédera en effet pendant dix jours à l'exhumation des corps enterrés dans la fosse commune du verger de Villy…

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… des fragments de corps, tombaient dans le vide…

M. Barbier, restaurateur à Villy, s'occupera des travaux et M. Gravisse, instituteur à La Ferté-sur-Chiers, procédera à l'identification en relevant sur des cahiers tous les détails permettant de mettre un nom sur chaque corps: plaques et papiers d'identité, lettres et cartes postales, objets personnels tels que pipe, couteau, détails de la denture, etc.
80 cadavres seront exhumés dont 14 ne pourront être identifiés sur-le-champ.
Onze d'entre eux le seront un an plus tard, après une seconde exhumation.

Devant le bloc 2, M. Collin et ses amis trouveront une croix de bois sur laquelle ils liront : « Hier ruhen unbekannte Franz. Soldaten » (ici reposent des soldats français inconnus). Sous la croix, l'équipe de M. Colin découvrira des squelettes enchevêtrés parmi lesquels M. Gravisse comptera six coccyx, ce qui fera supposer que 6 corps ont été enterrés à cet endroit… Un autre squelette sera retiré du fossé diamant du bloc 2.
C'est tout…
80 corps dans le verger de Villy, 6 dans la fosse du bloc 2, 1 dans le fossé Diamant; 87 en tout…

Si l'on retient l'effectif de 107 hommes à l'ouvrage, il en manque 20…

Parmi les corps non retrouvés ou non identifiés des membres de l'équipage de La Ferté se trouvent ceux du lieutenant Bourguignon, du médecin Fontaine, de l'adjudant-chef Surmonne et de l'adjudant Sailly. Que sont-ils devenus?

M. Gravisse, a supposé, qu'ayant pu avant leur mort quitter le fond de l'ouvrage, ils étaient venus mourir dans les superstructures et qu'ayant été retirés avant ceux du fond, ils avaient été enterrés quelque part devant l'ouvrage en un endroit non signalé qui n'aura pas été retrouvé...
Il a fouillé, à l'automne 1941, lesdits abords pour essayer de découvrir quelque chose mais il aurait fallu des moyens puissants et des facilités d'accès car les Allemands gardaient l'ouvrage en permanence et il avait dû solliciter une autorisation spéciale pour y travailler.

Quand on connaît les conditions dans lesquelles les « disciplinaires » ont transporté les corps jusqu'à la grande fosse de Villy. On peut raisonnablement penser que pour en finir au plus vite avec leur atroce corvée ils se soient débarrassés de plusieurs corps dans les trous d'obus les plus proches et les ont recouverts de terre…

Raisonnement qui se trouvera confirmé en 1973, grâce à un ancien combattant allemand qui est venu sur le site et a raconté qu'ils avaient inhumé plusieurs corps dans un trou d'obus devant le bloc alors que les autres corps avaient été inhumés dans une fosse commune…
Le 9 juillet de la même année on retrouvera les restes de 9 corps, puis 7 le 10.
Douze seront identifiés dont le médecin-lieutenant Hervé Fontaine et le lieutenant Maurice Bourguignon.

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…certains hommes n’avaient plus aucune force dans cette atmosphère pestilentielle…

« II aurait fallu des moyens puissants », souligne M. Gravisse. Ces moyens, le gouvernement français les possédait en 1945 et quelques centaines de prisonniers allemands auraient pu ratisser les dessus de l'ouvrage pour retrouver les corps du lieutenant Bourguignon et de ses compagnons. Rien n'a été fait…
L'autorité militaire n'a même jamais communiqué l'effectif exact de l'ouvrage à la date du 18 mai 1940. L'a-t-elle jamais su?

On a décidé de baisser le rideau sur le drame de La Ferté et aujourd'hui encore l'ouvrage conserve son terrible secret …

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Un wehrpas (livret militaire) portant la mention "18/5/40 Sturm auf Panzerwerk 505" (18/05/40 assaut sur ouvrage fortifié 505 (la Ferté))


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Dernière édition par Paracolo le Dim 5 Aoû 2012 - 17:46, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La prise du P.O. de La Ferté - L’agonie et la fin - 4   La prise du P.O. de La Ferté - L’agonie et la fin - 4 Icon_minitimeMer 10 Nov 2010 - 10:28

Citation :
Fin tragique pour ce PO de la ligne Maginot.
Je comprends beaucoup mieux certaines choses.
C’est vrai qu’il est facile 70 ans après, « le cul sur son fauteuil », de juger des actes des uns et des autres sur un champ de bataille. Pourtant il y en a eu des fautes et des maladresses de toutes sorte dans cette petite partie des combats de 1940 autour de La Ferté.

Le général Huntziger tient la partie du front qui s’étend en gros de l'est de Charleville-mézières et à l’ouest jusqu'à Montmédy-Longuyon , avec la 2e armée. Les Allemands perceront donc sur son aile gauche.
La mission principale du général Huntziger, instruction personnelle et secrète, était d’assurer l’inviolabilité de la ligne Maginot c’est à dire d’en interdire l’enroulement éventuel. Il a donc placé à son aile droite, dans la tête de pont de Montmédy, ou se trouve le PO de La Ferté, ce qu’il a de plus solide, ses quatre meilleures divisions : 41e DI, 3e DIC, 3° DINA, et en deuxième ligne la 1e DIC.
Il ne lui reste que deux divisions la 55e et 71e DI composées de vieux réservistes à l’équipement incomplet et sous-entrainés qu’il va placer sur son aile gauche, proche du débouché de Sedan…là ou le système fortifié est quasi inexistant.
C’est une des fautes, rejetée sur Corap…
Il y a eu un vent de panique indéniable, la 71e DI qui pourtant n’a pas reçu le moindre obus abandonne ses positions et se replie dans le désordre…ainsi que la 55e. Il faut préciser que beaucoup d’artilleurs des échelons arrières n'ont absolument aucune arme. Dans une armée, où les calculs furent faits très sérieusement, on a trouvé que sur un total de 6 divisions, 15.000 hommes n'avaient aucun moyen de défense: ni fusil, ni revolver, ni poignard.

Une autre faute, qui n’est pas propre à La Ferté, mais qui y joue un rôle c’est que le commandement ne colle pas au terrain, il n’est pas à l’avant, il est coupé des réalités. Huntziger est un général qui se fait servir à table par une ordonnance en gants blanc, Guderian, Rommel avalent leur gamelle au pied des panzers et conduisent l’offensive à l‘avant… Et c’était un peu la doctrine de l’époque, héritée de 14/18, qui voulaient que les généraux ne commandent pas près du terrain pour ne pas être influencés. Huntziger établi son PC dans la commune de Senuc à 50 km au sud du front…Le 13 mai, alors que des passages d’Allemands sur la Meuse sont signalés, il se déplacera au PC du 10e CA à Berlière, à 25 km du front, pour retourner à Senuc le soir même…

la responsabilité d'Huntziger est accablante: les positions ne sont pas assez préparées, ses troupes ne sont pas là où il le faut, quand son dispositif avancé s'effondre, il rameute ses réserves mais rend compte que "tout va très bien, Madame la Marquise". Puis il replie son aile gauche, en catastrophe, ouvrant ainsi un boulevard aux Allemands, passant par La Ferté… Le tout alors qu'il se battait à un endroit où il était en position depuis le temps de paix, avec des mois pour aménager ses positions et faire toutes les préparations nécessaires. Et ce n’est pas une armée qui s’engouffre vers Montmédy, non, une division car pour l’instant la Ligne Maginot n’intéresse pas plus le commandement allemand que le Burundi. Ce sera pour après. L’armée Allemande file vers l’ouest…Une division, donc, sans aviation avec une artillerie lourde qui peine à suivre avec en face quatre divisions et non des moindres. Et pourtant…
Le PO de La Ferté subit les conséquences de tout çà. Ce n’est pas le « béton qui a trahi » comme dit paracolo.
En plus de leur coté au lieu de jouer au foot ou d’élever des poules, ils pouvaient se préparer, sécuriser les abords du PO, trop de confiance en soi, sous estimation de l’ennemi…Et puis cette tourelle bloquée en position de tir ?…une porte ouverte!
Les sas étanches de la galerie laissés ouverts dans la panique, négligence ou impossibilité de les fermer ?

Les deux casemates qui évacuent peut être un peu trop vite sur la foi de simple renseignements oraux, une contre-attaque avec des blindés démarrée de trop loin et trop tard, des transmissions chaotiques, des renseignements fiables inexistants, des ordres confus…tout çà ne pouvait pas mener bien loin.
Dans cette partie du front, ni débandade ni manque de combativité, mais un triste enchaînement de « dysfonctionnements » qui mis bout à bout ont causés la perte de La Ferté.
De plus comme l’a souligné paracolo, La Ferté n’était pas à proprement parlé un PO, mais deux casemates d’infanterie reliées entre elles. La conception est totalement différente, ni usine ni caserne souterraine et avec une défense orientée vers la vallée de la Chiers, en dehors de la tourelle d’arme mixte inutilisable dès le 17 mai au matin. Et surtout personne à l’ouest avec donc une défense de l’ouvrage tournant le dos à l’axe d’attaque!!…Autant dire perdu.
Le béton n’a pas trahi, dans ce secteur fortifié de Montmédy le PO de Thonnelle (4 blocs), le GO de Le Chesnois (6 blocs) et le GO de Veslones (5 blocs) seront évacues presque quatre semaines après la fin de La Ferté, en ordre et après sabotage des installations.
Cette percée allemande du 15 mai vers l’est aurait pu être facilement contenue et repoussée, Huntziger en avait les moyens. L’issue finale aurait-elle été différente ? Allez savoir !! Et si ma tante…

Il n’empêche… un « raid artillerie » audacieux et bien monté en lisière du bois de Neudant au sud de Malandry et à l‘est de la cote 226 et 311…
.

Bonne analyse...

Effectivement le "béton n'a pas trahi" c'est le commandement qui l'a par son inconséquence, mis dans une situation impossible...

Sans les erreurs de commandement, sans les errements du haut état major, qui demandera de saboter et d'évacuer les casemates, puis alors que l'ordre de sabotage est en cours d'exécution, ordonnera le contraire...
Tout en retirant les troupes de couverture, faisant ainsi de la ligne non pas un mur mais un tamis, aucun ouvrage n'aurait été pris... Et les allemands le savaient...

Cela n'excuse pas les fautes commises sur la ligne, comme on l'a vu pour la Ferté, mais aussi pour le Bambesch où l'on ne déboise ni ne mine les arrières du PO permettant à l'ennemi d'amener ses 88 impunément à moins de 100 mètres...

Mais déboisé miné ou non, eussent ils pu le faire, si les troupes d'intervalle avaient occupé le terrain?

Que l'on retourne la question comme on le veut, la fortification n'est pas coupable...

Pas plus que ne le sont les bateaux, lorsque l'on saborde, bêtement, la flotte à Toulon...

Curieusement, le sabordage de la flotte est perçu comme une victoire, alors que celui de la ligne recueille tous les sarcasmes... La ligne au moins s'est battue jusqu'à l'ordre de cesser le combat...

Dans le cas particulier de la Ferté, il va sans dire que l'équipage porte une grande responsabilité, non pas dans la chute de l'ouvrage mais dans la tragédie qui s'ensuivit...

Comme l'a fait remarquer Zitoune, le lieutenant Tyckozinski, évacue bien facilement la casemate Ouest provoquant ainsi l'évacuation par le sous lieutenant Pénalva de la casemate Est, et surtout l'équipage des deux blocs à paniqué, et n'a pas fermé les portes étanches qui leur auraient sauve la vie...

Ceci dit, les ordres aberrants de résister sur place donnés au Lieutenant Bourguignon, sont des ordres criminels...
L'excuse de la pièce de 47 utilisable en direction de Margut ne tient pas un instant...

Il faut bien le dire, le gouvernement et les généraux sont les responsables de ce fiasco... Non pas la ligne...

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