Rappel du premier message :Nous sommes le 6 aout et il y a 74 ans le B29 “Enola Gay” larguait la Bombe « Little Boy », d’une puissance nominale de 16.5 kT, elle fut la première et dernière bombe atomique de type balistique utilisant de l’Uranium 235 comme combustible à être construite.
Le 9 aout, 3 jours plus tard c’est une bombe de type implosion qui utilisait du plutonium, d’une puissance nominal de 21 kT qui était larguée sur Nagasaki. Devant l’horreur de ces bombardements inhumains, le 15 aout, l’empereur Hirohito, bon père qui se soucie de son peuple, sort de son silence et demande au peuple Japonais de supporter « l’insupportable » : la capitulation sans conditions. Les deux bombes ont permis de sauver 1 million de soldats Américains promis à une mort certaine en cas d’invasion du territoire principal Japonais. …..
La belle histoire….FOUTAISE. Il y a dans cette introduction 3 mythes
1-Ce ne sont pas les bombardements atomiques qui ont mis fin à la guerre
2-Hirohito n’était pas un bon père du peuple japonais mais un chef de guerre belliqueux, criminel de guerre, qui ne se souciait guerre de ses sujets
3-le chiffre de 1 million de soldats US sauvés est complètement fantaisiste
La vision que les bombes atomiques ont mis fin à la guerre est encore très enracinée, y compris dans des documentaires récents à succès sur France 2…. Seulement voilà, cette image d’Epinal pose 2 problèmes majeurs qui, mis bout à bout, contredisent de manière significative l’interprétation de la capitulation japonaise :
1-le calendrier
2-l’ampleur des dégâts.
A noter que le but n’est pas ici de discuter du POURQUOI de l’utilisation des bombes atomique par les Américains, ceci pourrait former la base d’un sujet si cela vous intéresse, mais de comprendre si effectivement ce sont les bombardements atomiques qui ont obligé le Japon à capituler.
1-le calendrierLe Conseil suprême composé des « six grands » du gouvernement (Suzuki, Tōgō, l'amiral Yonai et l'amiral Toyoda et les généraux Anami et Umezu), une sorte de cabinet intérieur qui dirige le Japon, se réunit le matin du 9 pour discuter des conditions d’une éventuelle capitulation. Qu’est-ce qui, après 14 ans de guerre (Les Japonais sont en effet engagés en Chine depuis le début des années 1930) peut expliquer qu’ils se réunissent pour envisager pour la première fois une capitulation ?
Le Bombardement d’Hiroshima ? NON : Le bombardement intervient plus de 3 jours (74 hrs) plus tôt et ne peut en aucun cas être la cause et ce pour deux raisons :
1- Comment se pourrait-il que les dirigeants japonais aient considéré que le bombardement d’Hiroshima constituait une crise et qu’ils aient mis plus de trois jours avant de décider d’en parler ?
2- Peut-être ont-ils mis du temps à comprendre l’importance de ce bombardement ?
NON, le gouverneur d’Hiroshima fait, le jour même du bombardement, un rapport à Tokyo, indiquant qu’un tiers de la population a été tuée au cours de l’attaque et que les deux tiers de la ville ont été anéantis. Les dirigeants japonais connaissent donc les effets de l’attaque dès le premier jour, et pourtant ils ne font rien.
Le bombardement sur Nagasaki ? Impossible, il intervient à 11h du matin le 9, alors que la réunion du Conseil suprême est déjà terminée.
Donc il faut se poser la question de savoir pourquoi, alors qu’ils sont au courant dès le 6 en début d’après-midi, des dégâts causés par le bombardement d’Hiroshima, ils décident que ce n’est pas quelque chose d’important avant de décider, finalement 3 jours plus tard, de se rencontrer pour évoquer une capitulation ? Soit ils sont atteints d’une névrose collective, soit un autre évènement les a poussés à ce réunir….
Je penche pour la deuxième solution, c’est la déclaration de guerre de l’union Soviétique, restée jusque-là neutre envers la Japon – nous y reviendrons.
2-L’ampleur des dégâtsL’ampleur des dégâts engendrés par les bombardements atomiques ne peut en aucun cas être responsable des modifications de vue des Japonais quant à une éventuelle capitulation. En effet, du point de vue des Japonais de l’époque, le largage de la bombe sur Hiroshima ne se distingue guère d’autres événements. Quelques chiffres afin d’illustrer mon propos.
Depuis févier 45, le Général Le May, patron du
bomber command, adopte une tactique de tapis de bombe incendiaire M69 chargée au Napalm, développé spécifiquement pour les bombardements du Japon, à partir de 1942 par l’équipe du chimiste Louis Fieser à l’Université de Harvard.
Ces « Tokyo Calling Card », comme surnommés par les aviateurs, seront utilisé
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] mais avec une charge "thermite", et non du Napalm, mélange de naphtalène (na-) et d’un dérivé de l’acide palmitique (-palm).
Ces raids réduisent en cendres 66 villes japonaises au cours de l’été 1945 et il ne restait plus que dix villes de plus de 100.000 habitants encore intactes à la veille du 6 aout. Sur les 66 villes qui ont été détruites au cours de l’été 1945, Hiroshima est la 2e en nombre de morts, la 17
e en pourcentage de surface détruite, on le voit donc Hiroshima est une attaque tout à fait dans « la norme » des attaques conventionnelles.
Voici le tableau des dégâts pour les autorités militaires japonaises : le 17 juillet quatre villes ont été attaquées (Oita, Hiratsuka, Numazu et Kuwana). Oita et Hiratsuka étaient détruites à plus de 50%. Kuwana était détruite à plus de 75% et Numazu plus fortement encore, près de 90% de la ville étant réduit en cendres. Le 20, trois nouvelles villes avaient été attaquées. Fuiki était à 80% détruite. Une semaine plus tard, trois nouvelles villes étaient attaquées dans la nuit, dont Ichinomiya, détruite à plus de 75%. Le 2 août, 4 nouvelles villes avaient été attaquées. Et les rapports indiqueraient que Toyama était détruite à 99,5%. La quasi-intégralité de la ville était rasée. Quatre jours plus tard, quatre autres villes étaient attaquées. Et le 6 août, une seule ville, Hiroshima, était attaquée. Quel pouvait être le poids d’une telle attaque au vu des destructions massives qui s’étaient déroulées au cours des semaines précédentes ?
Afin d’illustrer mon propos je vous présente ici une infographie qui expose de façon claire que dans l’océan de ruine que subit le Japon à l’été 45, les bombardements de Hiroshima et Nagasaki sont des évènements parmi d’autres pour les autorités Japonaise (marque par un signe radioactif).
On le voit donc : 1-les bombardements atomiques ne représentent que des évènements parmi d’autres pour les autorités japonaises,
2-la destruction des villes, et ce depuis le bombardement sur Tokyo (le plus meurtrier de toute la seconde guerre mondiale) en février 45, n’a jamais pesé dans les décisions du haut commandement japonais, Hirohito en tête, qui ne se souciait pas de la destruction des villes japonaise. Donc les dégâts occasionnés par les bombardements atomiques ne peuvent pas avoir pesé sur les décisions de capitulation du Japon.
A ce propos, deux jours après le bombardement de Tokyo l’ancien ministre des Affaires étrangères Shidehara Kijuro affirme que
« les populations vont progressivement s’habituer à être bombardées quotidiennement. Au fur et à mesure, leur sentiment d’unité et leur résolution ne feront que croître.» A se demander qu’est-ce qui a poussé le 9 aout au matin, le haut conseil Japonais à se réunir afin d’établir une stratégie quant à une possible capitulation. On le sait maintenant, depuis le printemps 45, le Japon sait la défaite assurée et essaye par voie diplomatique de négocier une reddition avec 4 exigences :
1-que le système impérial soit conservé,
2-qu’il y ait pas de troupe d’occupation sur le sol sacré du Japon,
3-que les criminels de guerre soient jugés par des cours Japonaises
4- conserver une partie de l’empire : Corée, Viêt-Nam, Birmanie, parties de la Malaisie et de l’Indonésie et une bonne partie de l’Est de la Chine et de nombreuses îles du Pacifique.
Afin d’arriver à ce résultat négocié, le Japon met en œuvre une stratégie géopolitique à deux étages :
- Le première est diplomatique. En avril 1941, le Japon a signé, avec l’Union soviétique, un pacte de neutralité de cinq ans qui est donc censé expirer en 1946. Un groupe majoritairement constitué de dirigeants civils et mené par le ministre des Affaires étrangères Togo Shinegori espère que Staline pourrait se laisser convaincre de servir d’intermédiaire en vue d’un accord entre les Etats-Unis et leurs alliés d’un côté et le Japon de l’autre.
- Le second est militaire. Le ministre de l’Armée, Anami Korechika espère que grâce aux troupes au sol de l’Armée impériale, infliger des pertes très lourdes aux Américains quand ils envahiront l’archipel japonais. S’ils y parviennent, il pense alors que le Japon sera en position d’obtenir des Etats-Unis des termes plus favorables à une cessation des hostilités.
Or, on le voit très bien, après le bombardement d’Hiroshima, ces deux options sont parfaitement viable.
Par contre, le 9 aout au matin, l’Union Soviétique déclare la guerre au Japon, selon l’engagement de Staline á la conférence de
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] et l’armée rouge déferle, dans la plus grande guerre éclair de la seconde guerre mondiale sur la Mandchourie et de l’île Sakhaline, arrivant en quelques jour au porte de la Corée, menaçant directement le sol Japonais.
On le voit cela ruine à néant les deux étages de la stratégie Japonaise pour sortir de façon honorable de la guerre : Staline ne peut plus servir d’intermédiaire – il est à présent un belligérant. L’option diplomatique est donc réduite à néant. L’effet sur la situation militaire n’est pas moins dramatique. Si le Japon veut contenir l’avance Soviétique, ils doivent rapatrier vers le nord les troupes d’élites du déployées sur les rives sud des îles de l’archipel du Japon, ouvrant grand la porte à une invasion Américaine. De plus une invasion des soviétiques permettrait la mise en place d’un gouvernement communiste qui mettrait fin, sans aucun doute, au régime impériale.
On le voit donc, c’est bien l’intervention de l’armée rouge qui a précipité la reddition du Japon.
Alors, on peut se demander pourquoi ce mythe perdure encore de nos jours, plusieurs raison :
- Ce mythe est entretenu par les Japonais car il permet à Hirohito de passer du statut de criminel de guerre en bon empereur, soucieux de ses sujets, qui a demandé la capitulation non face à l’invasion soviétiques, mais face aux armes inhumaines. Il passe de bourreau, méritant d’être jugé pour crime de guerre, à victime et garde ainsi son statut impérial. D’autre part, il faut comprendre la psychologie des Japonais de l’époque et l’esprit du Bushido qui fait que la capitulation est vécue comme une honte suprême. Baisser les armes devant l’arme nucléaire déshonorante est acceptable.
- Ce mythe est entretenu par les Alliés, car il permet aux Américain :
1-de justifier l’utilisation et la bombe atomique,
2-pour Truman de régler des problèmes de politique intérieure (le congrès n’était même pas aux courant de projet Manhattan et il fallait bien justifier l’utilisation de l’argent du contribuable),
3-de diminuer l’influence communiste dans cette partit du monde
4-de faire une démonstration de force aux Russes qui auraient eu des velléités de conquête en Europe et en Asie. De fait les bombardements atomiques sont souvent considérés comme le premier acte de la guerre froid.
Pour finir, et très rapidement, je voudrais revenir sur cette mystification que les bombardements auraient permis de sauver la vie de 1 million de soldats US. Ce chiffre a été mis en avant dès le lendemain des bombardements par l’administration Truman afin de faire accepter ce crime de guerre aux Américains. Force est de constater que cela a fonctionné puisque au lendemain de la guerre, selon les sondages, 80% de la population américaine est en faveur de la décision de Truman de bombarder Hiroshima et Nagasaki.
C’est un mensonge d’état resté longtemps occulté. Le 15 juin 1945, à la demande de Truman, un rapport du
Joint War Plans Committee, basé sur l’attaque préalable sur Okinawa, sur l’état de l’armée impériale japonaise, en prenant en compte la poursuite du bombardement intensif des villes japonaises de façon conventionnel et sur des données géographique indique, comme vous pouvez le voir sur le tableau ci-dessous, qu’en fonction des 3 options pour l’invasion du japon, les pertes auraient été bien moindres. Si on prend en compte que la bataille de Normandie a fait 42 000 morts chez les Alliés, on voit bien qu’un débarquement au Japon aurait été accepté par l’opinion publique Américaine. A noter que ce rapport était soutenu par MacArthur qui ne fut pas entendu….
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