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20 juin 1940, Hitler visite Paris.
S’il est une face peu connue d’Hitler, c’est son goût pour l’architecture, ici tirée de « Au cœur de IIIe Reich » d’Albert Speer
(Fayard 1972) sa visite de Paris…
Peu après la fin de la campagne de France, je reçus un appel téléphonique de la maison militaire du Führer : je devais pour une raison particulière venir au quartier général du Führer et y rester quelques jours. Le quartier général de Hitler se trouvait alors près de Sedan, dans le petit village de Bruly-le-Peche, dont tous les habitants avaient été évacués.
Généraux et aides de camp s'étaient installés dans les petites maisons qui bordaient l'unique rue du village. Celle où logeait Hitler ne se différenciait pas des autres. A mon arrivée, il me salua de très bonne humeur : « Dans quelques jours nous irons à Paris en avion. Je veux que vous soyez du voyage. Breker et Giessler viendront également avec nous.» Sur ce, il me congédia et je restai tout ahuri à l’idée que le vainqueur, pour son arrivée dans la capitale française, avait fait venir trois artistes pour l'accompagner.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Adolf Hitler sur les marches de L'Eglise de la Madeleine en compagnie d’Albert Speer et d’Hermann Giesler ainsi que du sculpteur le 24 Juin 1940.
Ce soir-là je fus invité à la table de Hitler; on y régla certains détails du voyage à Paris; j'appris alors qu'il ne s'agissait pas d'une visite officielle, mais d'une sorte de « voyage culturel » de Hitler dans cette ville qui l'avait, comme il le disait si souvent, tellement captivé depuis son jeune âge, qu'il croyait, grâce à la seule étude des plans, connaître ses rues et ses édifices principaux comme s'il y avait vécu.
C'est dans la nuit du 25 juin 1940, à 1h 35, que l'armistice devait entrer en vigueur. Nous étions assis avec Hitler autour d'une table de bois dans la pièce toute simple de la ferme. Un peu avant le moment convenu, Hitler ordonna d'éteindre la lumière et d'ouvrir les fenêtres. Assis dans l'obscurité, nous gardions le silence, impressionnés, conscients que nous étions de vivre un moment historique si près de son auteur. Dehors le clairon fit entendre la sonnerie traditionnelle annonçant la fin des hostilités. Au loin, un orage devait se préparer car, comme dans un mauvais roman, de temps à autre la lueur d'un éclair de chaleur traversait la pièce obscure. Quelqu'un, terrasse par l'émotion, se moucha. Puis on entendit la voix de Hitler, faible, neutre : « Quelle responsabilité... » Puis quelques minutes plus tard : « Maintenant, rallumez la lumière. » La conversation reprit, anodine, mais pour moi cette scène est restée un événement extraordinaire. Il m'avait semble découvrir Hitler sous son aspect humain. […]
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Adolf Hitler
(en blanc), arrive sur les hauts de Montmartre
Trois jours après l'entrée en vigueur de l'armistice, notre avion se posa de bon matin, vers cinq heures trente environ, à l'aéroport du Bourget. Trois grandes Mercedes noires nous attendaient. Comme toujours, Hitler s'assit sur le siège avant, à côté du chauffeur; Breker et moi, nous primes place sur les strapontins derrière lui, tandis que Giessler et l'aide de camp occupaient le siège arrière. Nous, les artistes, nous portions un uniforme gris-vert retouché à nos mesures, qui nous faisait passer inaperçus au milieu des militaires. Traversant les villes de banlieue, nous nous rendîmes directement au grand Opéra néo-baroque de l'architecte Garnier. Hitler avait exprimé le désir d'aller voir en premier son édifice préféré.
A l'entrée, nous fûmes accueillis par le colonel Speidel, mis à notre disposition par les autorités allemandes d’occupation.
Le grand escalier, célèbre pour ses proportions grandioses et son ornementation surchargée, le foyer fastueux, la salle chargée d'or, tout fut visité en détail. Toutes les lumières brillaient comme pour une soirée de gala. Hitler nous guidait.
Un ouvreur aux cheveux blancs accompagnait notre petit groupe à travers l'édifice désert. Hitler avait réellement étudié à fond les plans de l'Opéra de Paris; dans la loge d'avant-scène, il remarqua qu'un salon avait disparu. L’ouvreur confirma que cette pièce avait été supprimée quelques années auparavant, à la suite d'une transformation. « Vous voyez comme je m'y connais ici... » dit Hitler, satisfait. Fasciné par l'Opéra, il s'exalta sur sa beauté inégalée, les yeux brillants, perdu dans une extase qui ne laissa pas de m'inquiéter.
Bien entendu, l'ouvreur avait tout de suite reconnu qui il guidait à travers l'Opéra. Faisant son métier, mais gardant visiblement ses distances, il nous fit passer dans les différentes salles. Quand nous nous apprêtâmes à quitter l'édifice, Hitler glissa quelques mots à l'oreille de Brückner, son aide de camp, qui sortit un billet de cinquante marks pour aller le remettre a l'homme qui se tenait à l'écart.
Poliment mais fermement, celui-ci refusa. Hitler revint à la charge et dépêcha Breker, mais l'homme persévéra dans son refus, expliquant à Breker qu'il n'avait fait que son devoir.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Aux Invalides … Rencontre avec l’Empereur.
Passant devant la Madeleine, nous nous engageâmes ensuite sur les Champs-Elysées pour aller au Trocadéro, puis à la tour Eiffel, où Hitler ordonna une nouvelle halte; nous allâmes également à l'Arc de Triomphe, avec la tombe du Soldat inconnu, et aux Invalides où Hitler s'arrêta un long moment devant le tombeau de Napoléon. Enfin il visita le Panthéon, dont les proportions l'impressionnèrent vivement. Par contre, les plus belles créations architecturales de Paris, la place des Vosges, le Louvre, le Palais de Justice, la Sainte-Chapelle n'éveillèrent chez lui aucun intérêt particulier. Il ne s'anima à nouveau que devant la ligne uniformément continue des maisons de la rue de Rivoli.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Pose pour la postérité… Avec Arno Breker
(à sa gauche) et Albert Speer
(à sa droite). Le terme de notre randonnée fut l'église du Sacré-Cœur de Montmartre, cette imitation romantique et fade des églises à coupole du haut Moyen Age, choix surprenant, même pour le goût de Hitler.
Là il fit une longue halte, entouré de quelques hommes vigoureux de son commando de protection, reconnu mais ignoré par de nombreux fidèles.
Après un dernier coup d'œil sur Paris, nous regagnâmes rapidement l'aéroport. A neuf heures, la visite était terminée. « C’était le rêve de ma vie de pouvoir visiter Paris. Je ne saurais dire combien je suis heureux que ce rêve soit réalisé aujourd'hui. »
Pendant un instant, j'éprouvai pour lui de la pitié : trois heures passées à Paris, la première et la dernière fois qu'il y venait, le rendirent heureux, alors qu'il était à l'apogée de ses succès.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Arrivée au Trocadéro ...
Au cours de la visite, Hitler évoqua avec son aide de camp et le colonel Speidel la possibilité d'organiser à Paris un défilé pour célébrer sa victoire. Cependant, après quelque réflexion, il se prononça contre cette initiative.
Officiellement il prétexta le danger qu'il y avait de voir le défilé perturbé par des attaques aériennes britanniques, mais plus tard il nous déclara : « Je n'ai pas envie d'assister à un défilé célébrant la victoire; nous ne sommes pas encore au bout. »
Le soir, il me reçut encore une fois dans la petite salle de sa ferme; il était assis seul a une table. Sans ambages, il me déclara : « Préparez un décret dans lequel j’ordonne la pleine reprise des constructions de Berlin ... N'est-ce pas que Paris était beau? Mais Berlin doit devenir beaucoup plus beau ! Je me suis souvent demande, dans le passé, s'il ne fallait pas détruire Paris, poursuivit-il d'un ton serein, comme s'il s'agissait de la chose la plus naturelle du monde, mais lorsque nous aurons terminé Berlin, Paris ne sera plus que son ombre. Alors pourquoi le détruire? » Sur ce il me congédia.
Bien que je fusse habitué aux remarques impulsives de Hitler, cette brutale révélation de son vandalisme m'effraya.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La photo souvenir.
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