Un jugement péremptoire (peu importe lequel) est à l’origine de ce texte. Polémiquer ne sert à rien quand la sentence est tombée. On ne discute pas avec la Veuve. Mais qui ne dit mot consent ?
On peut encore répondre juste avant l’arrivée du couperet. C’est ce que j’ai fait mais sur un billard à trois bandes. Dépêchez-vous de lire, il ne reste qu’une fraction de seconde avant la mise en bière… pour un sourire crispé.
Le petit juge
Petit et gros, je l’avais vu arriver alors que je lisais tranquillement mon journal. Il s’était installé sur le banc voisin en me faisant un geste amical avec le sien.
À force de se regarder, on a fini par se parler.
Au bout de cinq minutes, il m’a fait remarquer que mon banc n’avait pas été nettoyé. Un quart d’heure après, je connaissais tout sur le fonctionnement catastrophique des services municipaux de la commune. C’était une milice au service d’exploiteurs ignobles.
Il avait lu quelque part qu’ils maltraitaient tous ceux qui manifestaient pacifiquement le jour du carnaval.
En effet, c’est à coups de balais qu’ils envoyaient les confettis dans les caniveaux et même dans la rivière. Ces gentils confettis, laborieusement préparés par les enfants de maternelle sur ordre de leurs maîtres, méritaient plus de considération.
— Vous vous rendez compte, cher monsieur, ces centaines de confettis verts et blancs opprimés mais pacifiques tombés sous les coups de balais de cette milice !
Une opinion, est une opinion. On n’est pas obligé de la partager. Mais présentée avec une telle conviction, elle interpelle.
Je me suis interpellé.
Force est de reconnaitre que les confettis ne faisaient pas partie de mes relations.
Ces bouts de papiers dans la rue ne faisaient que s’amuser et crier leur joie, je suppose. Pourquoi une telle répression ?
…Laissez glisser, papier glacé
Les sentiments, papier collant
Ça impressionne, papier carbone
Mais c'est du vent… (Régine)
Du vent… et des youyous au service du carnaval. Un carnaval où les masques permettent de tout cacher. Même des tueurs.
— Oui, des centaines de victimes de la répression, s’écria-t-il en brandissant son journal.
Ce petit homme transpirait d’assurance. Son jugement était sans appel et sans attendus. Pas d’explications ! Facebook, Tik Tok, WhatsApp, Le Figaro et même Libé l’avaient écrit.
— Et vous savez, je suis juge au tribunal du peuple, je m’y connais, précisa-t-il en me regardant d’un œil féroce.
Ce type à la tête de cloche m’a fait peur.
— Vous avez parfaitement raison, lui ai-je dit en me levant.
Le Monde est un journal pacifique. J’avais terminé de le lire.
Je l’ai minutieusement déchiré en petits morceaux devant lui, et j’ai rajouté :
— Vous voyez monsieur le juge, Le Monde manifeste pacifiquement devant vous. Pour vous faire remarquer que vous affirmez des conneries !
Il m’a regardé surpris.
Je l’ai laissé avec ses confettis.
Avant de partir, j’ai constaté qu’il avait une culotte de peau.
Ça m’a rappelé une histoire, une histoire de Vendée…
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« Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes… » Hélie Denoix de Saint Marc