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2 septembre 1945, une date oubliée ?
Le 8 mai 1945, le Maréchal Keitel, commandant en chef de l'armée allemande, signe la capitulation* de son pays au quartier général des forces soviétiques à Berlin.
La France y est représentée par le général de Lattre de Tassigny. Le drapeau français est associé aux drapeaux anglais, américain et soviétique.
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En fait le 7 mai à Reims7 mai 1945 à Reims, de G à D : colonel Ivan Zenkovitch aide-de-camp URSS, Major Wilhelm Oxenius (Aide de camp du Gal Jodl), Général Alfred Jodl, (Chef des plénipotentiaires), amiral Hans-Georg von Friedeburg, (commandant en chef de la Kriegsmarine (OKM)), Major General K.W.D. Strong ( Chef des services de renseignement du SHAEF) dans la salle du premier étage. Le général de Gaulle l'a souhaité car la France, de par l'action de la Résistance et du gouvernement de la France Libre, a contribué à la victoire. Cette journée historique marque selon lui, la fin du conflit contre l'Allemagne qui a commencé en 1914.
Mais la capitulation de l'Allemagne n'est pas pour autant la paix. La guerre est mondiale comme l'a été celle de 14-18. Le Pacifique est le second champ de bataille et à cette date, le Japon n'a pas l'intention de capituler. Les pertes américaines s'élèvent encore à 1000 morts en moyenne par jour... C'est la grande période des Kamikazes dont les avions viennent s'écraser contre les navires américains.
Il faudra attendre la chute du ministère Tojo, le 22 juillet 1945, pour que l'on puisse commencer à parler de capitulation japonaise.
Les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août puis l'ultime tentative de coup d'état le 14 août auront raison de l'obstination désespérée de l'état major nippon.
Le 15 août, dans un message radiodiffusé, le Mikado annonce à son peuple la défaite du Japon.
Du coté Alliés, les principaux belligérants sont les Américains depuis l'attaque de
Pearl Harbour le 7 décembre 1941, les Anglais, les Hollandais, les Chinois et les Français.
La France est présente dans cette partie du monde au travers de ses possessions acquises au fil des siècles dont les principales sont la Polynésie française, la Nouvelle Calédonie, les Nouvelles Hébrides et l'Indochine.
Seule cette dernière fait partie de la zone d'influence que le Japon s'est attribuée. Celui-ci adresse un premier ultimatum au gouvernement français, au moment de la débâcle en France le 13 juin 1940, renouvelé le 18 juin.
Le général Catroux Le général Catroux, alors Gouverneur Général, finit par céder deux jours après du gouvernement japonais, laissant à ce dernier la possibilité de stationner des troupes et du matériel à des endroits déterminés du territoire indochinois. En contre partie, la France continuera à administrer et à défendre la colonie. Le général Catroux rejoint la France libre quelques jours plus tard, remplacé par l'Amiral Decoux, lui même nommé par le gouvernement de Vichy.
L'Amiral Decoux C'est alors que, le 9 décembre 1941, dans la foulée des forces alliées, la France Libre déclare la guerre au Japon et lance un appel solennel à la résistance.
De par la volonté du général de Gaulle, la France doit payer l'impôt du sang en Indochine pour conserver son empire et son rang de grande puissance, à l'exemple de la résistance française contre l'occupant nazi en métropole.
L'administration et l'armée coloniale présentes en Indochine, coupées du reste du monde occidental, se sont préparées à l'affrontement contre le Japon depuis juillet 1940. Les autorités françaises sont néanmoins conscientes de la fragilité de leur position et savent que le statu quo ne tient que dans la mesure où il permet au Japon de mobiliser ses troupes sur d'autres fronts.
Le retournement de la situation au profit des puissances alliées et la menace éventuelle d'un débarquement américain en Indochine amènent logiquement l'état- major japonais à revoir ses positions et à reprendre la main sur un territoire qui devient un enjeu stratégique majeur.
Les heures de l'Indochine française sont alors comptées, le Japon a choisi de la faire disparaître le soir du 9 mars 1945.
Un ultimatum de principe est adressé à 19 heures au Gouverneur Général, l'amiral Decoux, qui le rejette. Déjà, l'offensive est lancée sur toute la péninsule.
A Hanoï, les objectifs militaires sont attaqués à 20 heures. La citadelle livre un combat acharné qui s'achève le lendemain après-midi faute de munitions. 50 % des effectifs sont tués ou blessés, les honneurs militaires sont rendus, les couleurs françaises sont montées au mât.
Hanoï, le bâtiment de la Compagnie de Passage après les combats. Pour les casernes Ferrié et Balny, la lutte se termine à l'aube, avec les honneurs pour la première, au corps à corps pour la seconde.
A Dong Dang, 150 hommes brisent les vagues d'assaut japonaises pendant plus de 48 heures, 1000 Japonais y trouvent la mort. Les 56 Français survivants sont décapités ou éventrés.
A Lang Son, là aussi, les Japonais subissent de lourdes pertes malgré un rapport de forces très favorable de 10 contre 1. Le lendemain, les Français commandés par le général Lemonnier capitulent, faute de moyens. Les 400 rescapés sont sauvagement exécutés.
A Hué, les affrontements se poursuivent jusque dans la journée du 10 mars, une bonne partie des effectifs parvient à s'échapper dans l'arrière pays.
A Thakket, les assiégés résistent pendant plusieurs jours avant de se replier dans la brousse. A nouveau, les soldats nippons se livrent à de terribles exactions. Les civils européens sont exécutés, parmi eux, le résident et deux évêques.
Dans le Sud, en Cochinchine, la défense française s'illustre en une multitude de combats isolés dans les garnisons ou dans la brousse, sans rescapé pour la plupart, oubliés de l'Histoire comme à Thudaumot, où le bataillon Mo lard combat jusqu'au dernier de ses hommes.
Prisonniers français gardés par les japonais, Lang Son.9 mars 1945 Pendant ces trois jours de combat sans merci, certains ont pu décrocher à temps et rejoindre la brousse.
C'est l'épopée connue de la colonne Sabattier-Alessandri constituée de 5 000 hommes dont 3 000 Indochinois, qui ne passera la frontière chinoise qu'après deux mois d'une retraite harassante et 60 engagements, sans qu'aucun secours des alliés ne leur vienne en aide, comme d'ailleurs sur le reste du territoire.
Le général Alessandri D'autres détachements en Annam et en Cochinchine ont réussi à prendre la brousse : certains tiendront jusqu'à la capitulation japonaise 5 mois plus tard dans le Haut Laos et dans la chaîne annamitique, grâce, entre autre, à l'appui des populations locales. La plupart n'en reviendront pas, seuls quelques survivants réapparaîtront à l'état de squelettes vivants.
Le maquis du Transbassac, dans le Sud, offre une résistance organisée. Avec plus de 1 000 hommes, il défendra la pointe de Carnau avant de succomber le 26 mars. Il y aura 160 rescapés.
Des noms sont inscrits dans la mémoire nationale comme Compagnons de la Libération à titre posthume : le capitaine Jean d'Hers, grand résistant de la première heure, qui à la tête du service action du Transbassac harcèlera les japonais pendant 10 jours avant de succomber le dernier, le lieutenant colonel Charles Lecoq qui sera mortellement blessé lors d'une charge héroïque pour reprendre le poste d'Ha Coî et, deux mois plus tard, René Nicolau, chef d'un réseau de résistance, qui meurt des suites des tortures subies.
La totalité des Français d'Indochine seront fait prisonniers et resteront sous bonne garde des soldats japonais, certains jusqu'au début de l'année 46 alors même que le Japon a déjà capitulé depuis plus de 6 mois.
Radiogramme envoyé par un rescapé de la colonne Sabatier-Alessandri depuis la Chine.
Les militaires et civils pris les armes à la main sont internés dans des camps, parfois torturés. Citons le Camp de la Mort Lente à Hoa Binh, sans doute le plus sinistre, où vont sombrer, en moins de quatre mois, plus de 4 000 hommes soumis à des travaux forcés dégradants dans l'une des régions les plus malsaines de l'Indochine.
Les résistants et ceux qui assuraient le renseignement sont internés par la gendarmerie japonaise - la Kempetaï- et systématiquement torturés, beaucoup d'entre eux n'en ressortiront pas, tel l'ingénieur des travaux publics René Nicolau, déjà cité.
La grande masse des civils est regroupée dans des camps ou astreinte à résidence. Souvent affamés, ils sont l'objet au quotidien d'humiliations, d'intimidations, d'agressions, quelquefois de viols ou d'empoisonnements.
Il faut y ajouter les nombreuses victimes autochtones, partisans fusillés, populations massacrées en représailles de l'aide apportée à nos troupes en retraite, à nos groupes d'action et aux civils démunis.
Le souhait du général de Gaulle a été exaucé, le sang français a coulé en Indochine...
Le 2 septembre 1945, la France représentée par le général Leclerc de Hautecloque, est au premier rang sur le pont du croiseur Missouri. C'est à ce titre que la France a le droit d'assister à la reddition japonaise comme notre pays avait pu assister à la reddition allemande le 8 mai 1945.
Aux actes héroïques de la Résistance en France, l'Indochine française a répondu par son sens du sacrifice et ses actes de bravoure désespérée. Les épreuves pour la population française ne s'arrêteront d'ailleurs pas là.
Au joug nippon vont succéder les exactions de la guérilla vietminh que les troupes du général Leclerc vont en partie maîtriser à partir d'octobre 1945 pour la Cochinchine puis l'Annam et mars 1946 pour le Tonkin.
Le 2 septembre 1945, les principaux belligérants ayant été en guerre contre le Japon, dont la France représentée par le général Leclerc de Hautecloque, sont réunis sur le croiseur Missouri ancré dans la baie de Tokyo pour parapher l'acte de capitulation du Japon...La Seconde Guerre Mondiale est alors officiellement terminée.
Depuis lors, l'ensemble des alliés anglophones commémorent le V-E
(Victory-Europe) Day, jour de la victoire en Europe et le V-J (Victory-Japan) Day, jour de la victoire sur le Japon.
La France, elle, donne une importance particulière au 8 mai 1945, qui s'est progressivement imposé comme un second 11 novembre. Cette date est chômée et fériée depuis 1982, elle véhicule le message de la lutte pour la liberté et la démocratie...
…En revanche, aucune commémoration officielle ne marque la date du 2 septembre 1945, ignorée des Français... Pourquoi ? Ce serait pourtant l'occasion de rappeler la contribution de notre pays à la lutte contre le Japon, et surtout le sacrifice de ces 1262 tués et 857 disparus européens sans oublier le millier d'indochinois…
Peut être étaient-ils restés légalistes trop longtemps ?
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