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 Le combat des trente...

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Paracolo
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Paracolo


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Le combat des trente... Empty
MessageSujet: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeMer 17 Aoû 2016 - 17:20

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Le combat des trente


Le combat des trente fait référence à un événement qui eut lieu en mars 1351, en pleine Guerre de Cent Ans…
La Guerre de Succession pour la couronne ducale perdurait dans une Bretagne divisée. D’un côté, les troupes franco-bretonnes, favorables à Charles de Blois. De l’autre, les troupes anglo-bretonnes, acquises à Jean de Montfort.

A la suite d’une altercation entre les chefs militaires, il est décidé d’organiser une confrontation armée dont l’issue pourrait désigner le futur duc : trente hommes d’un camp seront opposés à trente hommes du camp adverse…

...C’est quasiment au même endroit qu’aura lieu en 1944, un autre « combat des trente » auquel [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] à fait allusion, combat qui opposera les jeunes maquisards de Guéguen à un groupe cette fois-ci numériquement beaucoup plus important d’allemands.

Mais tout d’abord un rappel historique :

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Le Combat des Trente (1351) d'après Froissart (1337-1404?) :

Autour de Ploërmel, un guerrier anglais, sir Richard Bamborough, s'acharnait particulièrement sur les marchands et les laboureurs. Les champs et les routes se couvraient de cadavres. Une foule d'enfants et de vieillards expiraient dans les cachots, et les jeunes gens qui échappaient aux massacres étaient menés sur les marchés où l'on en trafiquait comme de vils animaux.

Les populations affolées se réfugiaient dans les cités maudissant avec énergie leur duc Charles, Edouard d'Angleterre et Jean, roi de France. Le sire de Beaumanoir, chevalier plein d'honneur, commandant de Josselin, pressé du désir de faire cesser ces malheurs, se présenta, muni d’un sauf-conduit devant Bamborough, et parla en ces termes :
« Chevaliers d'Angleterre, je m'étonne fort que des hommes, vaillants comme vous l'êtes, fassent une guerre honteuse et cruelle, non pas aux gens qui portent les armes, mais aux marchands, aux laboureurs, aux hommes paisibles. Ce n'est pas coutume que les soldats soient employés à vexer et à ruiner le pauvre habitant qui sème le blé, qui nous procure le vin et qui nourrit le bestial ».

Après un long entretien où s'entrechoquèrent des répliques naïves et sonores, le chevalier breton lança au chef anglais ce défi :
« Les Anglais sont sans doute des guerriers recommandables ; mais à mon avis, ils sont loin de l'emporter sur les Bretons.. A l'occasion je me fais fort de le leur apprendre par expérience ».
Bamborough releva la provocation, la rencontre fut décidée pour le samedi 27 mars 1351, et le nombre des combattants de chaque parti fixé à 30.

Dix chevaliers et vingt écuyers, tous Bretons, s'adjoignirent à Beaumanoir tandis que la troupe de Bamborough se composa de vingt Anglais, six Allemands et quatre Bretons. Le rendez-vous avait été donné près d'un vieux chêne, entre Ploërmel et Josselin, dans une lande dite la lande de Mi-voie. Bamborough arriva le premier, suivi de peu par les Bretons. Les combattants étaient armés à leur gré d'épées, de lances, de poignards et de fauchons, sabres courts et recourbés comme des cimeterres. L'un était muni d'un maillet d'acier du poids de 25 livres, l'autre se servait d'une faux tranchante d'un côté, hérissée de crochets de l'autre, et dont tous les coups étaient mortels. Les deux chefs, avant le combat, haranguèrent leurs compagnons :
Beaumanoir : « Serrez-vous l'un près de l'autre comme vaillants et sages. Les Anglais veulent notre perte, montrez leur seulement votre fier visage, et malheur à Bamborough ! ».
Bamborough : « Nous tuerons ou prendrons Beaumanoir et tous ses compagnons. Nous amènerons ceux qui seront vivants à notre gentil Roi Edouard qui les traitera à son plaisir. La Bretagne et bientôt toute la France lui appartiendront... ».

L'Anglais cependant était beaucoup moins rassuré qu'il semblait le prétendre et, faisant signe à Beaumanoir, il lui proposa de remettre à plus tard la « journée », d'en référer à leurs souverains, « au noble Edouard comme au Roi de Saint-Denis ». Enfin, il fit appel au bon sens, « à la raison du chevalier breton ». « C'est pourtant grande folie d'exposer ainsi à la mort, la fleur de la duché ! ».

Les hommes de Beaumanoir, consultés, refusèrent d'ajourner l'affaire et leur chef donna le signal du combat :
« De par le fils de Marie ! Bamborough vous mourrez ignominieusement avant l'heure de complies, ou vous les vôtres, vous serez pris et garottés. En avant, amis, et à l'épreuve ! ».

Alors on en vint aux mains. L'avantage fut d'abord du côté des Anglais. Après deux heures de lutte corps à corps dans une mêlée horrible, les deux partis accablés de fatigue se retirèrent d'un commun accord pour reprendre haleine et se rafraîchir.

Deux chevaliers bretons étaient morts. Trois autres étaient prisonniers.

A la reprise Bamborough se jeta sur Beaumanoir, le frappa d'un coup qui l'étourdit et le saisissant au corps :
« Rends-toi, cria-t-il, je ne te tuerai pas ; mais je te donnerai à ma mie à qui je t'ai promis en présent ».
— « Par Saint-Yves ! reprit le Breton, il n'en sera pas comme tu penses ! ».

Il allait pourtant succomber quand il fut sauvé par un de ses compagnons qui, après avoir blessé Bamborough d'un coup de lance, trancha la tête de l'Anglais. « Beaumanoir est vengé ! » crièrent triomphalement les Bretons.
Après la mort de leur chef, les Anglais, un moment interdits, se reformèrent et le combat reprit avec violence.
La chaleur était excessive et Beaumanoir blessé se sentant défaillir laissa échapper ce cri d'angoisse :
« A boire !
— Bois ton sang, Beaumanoir, et la journée est à nous ! » lui répliqua un des chevaliers.

Ce mot rendit au héros toute énergie et il fondit sur l'ennemi. Un instant après, les Bretons furieux pénétrèrent dans les rangs de leurs adversaires et ce ne fut plus qu'un ignoble massacre : tous les Anglais furent tués ou faits prisonniers.


Faisons maintenant un saut jusqu’en décembre1944, Guéguen jeune maquisard de 19 ans a déjà connu quelques aventures…
...Rééquipés en uniformes après le parachutage du 16 juillet, ils reçoivent enfin des armes par le parachutage du 3 au 4 août.

Les américains ont, à la fin, percé, et les maquisards vont pouvoir prendre une part plus grande aux combats…
Dans un premier temps Guéguen, fait avec eux un échange qui le change agréablement de la Sten dont il avait été doté :
« Un grand sergent, originaire du Texas, me demande d'échanger sa carabine contre mon Colt. Il me donne, en supplément, un ceinturon garni de cartouches. Ce troc, effectué sans hésitation, montre combien, à cette époque, tant chez les Américains que chez les FFI, le contrôle des armes est inexistant. Je récupère ainsi une belle carabine US — le parachutage n'en comportait pas — et comme je possède un deuxième Colt 45 tout neuf, j'ai fait une excellente affaire. »

… Comme on le comprend.
Ainsi armé, lui et son unité sont affectés à l’encerclement de la « poche de Lorient », mais redonnons lui la parole pour la suite du récit :

« Par une matinée froide et pluvieuse, le lundi 4 décembre 1944, nous sommes trente à cheminer le long de la voie ferrée. Trente camarades lourdement chargés, dont beaucoup n’ont pas encore 20 ans.

La deuxième section de la compagnie antichars du 118e RI — ma section depuis que nous avons été incorporés dans l’année régulière — monte en ligne pour la première fois. En tête de colonne, je progresse sans hésitation car j’ai reconnu l’itinéraire la veille. La 19e division d’infanterie de l’armée française, avec quelques batteries d’artillerie et des blindés américains, encercle la poche de Lorient. Trente mille Allemands* y résistent encore, sous les ordres du général d’armée Farmbacher, et le dispositif est plutôt léger pour contenir ces troupes d’élite.
*Note Perso (En fait 26 000)


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Août 1944.
De gauche à droite : H. Pinaton, G. Lebeurier et E.R. Guéguen.


Pendant la pause horaire, peu avant Keryaquel, Xavier Nedelec, un de mes camarades de lycée, champion de cross-country et de football, ne peut s’empêcher de descendre un ramier venu se poser dans un grand chêne, juste à sa verticale. Je l’interpelle :
- Espèce de connard ! Tu vas mettre tout le secteur en alerte !
- Excuse. Il se foutait de moi…
- Bon ! On repart, direction la présentation au capitaine commandant la 5e compagnie. Là-bas, tâchez de faire un effort pour avoir une bonne gueule, ça vous changera.

Mes paroles sont saluées par un joyeux chahut de potaches en vacances. John Bull, enveloppé dans une grande pèlerine noire de gendarme du XIXe siècle dont la capuche est bizarrement coincée dans les bretelles de son sac, lance à la cantonade :
- Les soldats de l’An II montent au combat ! Arrivée à la ferme PC, à un kilomètre en retrait de la ligne de front, ma section se met en colonne par trois et fait une entrée remarquée, au pas cadencé.
Le « Présentez armes » au capitaine Lautridou, fort bien exécuté, me remplit de fierté.
- Deuxième section compagnie antichars, à vos ordres mon capitaine.
- Vous allez vous installer au centre de mon dispositif, entre la ferme de Brémelin et la route de Gestel. Vous serez en liaison à l’ouest et à l’est avec les deuxième et troisième sections de la compagnie. Le secteur est calme depuis plusieurs semaines, mais cela n’exclut pas la possibilité de coups de main de la part des Allemands, surtout de nuit. Comme vous êtes sur un balcon avancé, je compte sur une vigilance de tous les instants.

Le capitaine nous toise, l’œil morne. Il n’a pas l’air très impressionné par ce renfort de gosses en tenues disparates. Même si, au combat, nous ne craignons personne, nous offrons un aspect insolite. Nos casques sont d’un effet comique : casques de poilus, casques de paras anglais, casques américains, « soupières » anglaises.
Les longues capotes aux origines aussi diverses que les casques vont du kaki plus ou moins passé au vert pisseux, en passant par la terre cuite. Les couvertures civiles de toutes les couleurs, portées en sautoir, n’ajoutent rien à l’homogénéité de l’ensemble. Pour tout arranger, un air de rigolade transparaît, même dans le « garde-à-vous » le plus strict.

Vue par un œil exercé de la bonne armée régulière, cette troupe, dans son accoutrement de fortune, ne peut inspirer grande confiance.

Déjà le colonel Jouteau, un grand et rude légionnaire venu d’Afrique du Nord, n’avait pu réprimer un haut-le-corps en voyant arriver, début novembre, cette compagnie de guérilleros commandée par un garçon de 19 ans, Gildas Lebeurier, montée sur des véhicules allant du cabriolet Rosengart rose bonbon au vieux camion Renault encore équipé de son gazogène et tractant, arrimés avec des cordages, deux canons antichars de 47, pris aux Allemands au combat de Plouigneau.

Il avait bien failli la disperser, cette compagnie, dans les différents bataillons du régiment en formation. L’intervention du lieutenant-colonel Leterrier, son adjoint, avait finalement sauvé l'unité.
- Mon colonel, nous avons besoin d’une compagnie antichars. Ces jeunes possèdent deux canons dont ils savent se servir et un stock impressionnant de Gammons. Aux ordres de Lebeurier, ils ont réussi quelques belles actions de combat durant l’Occupation et au moment de la libération de leur région.

Un peu à contrecœur, le colonel avait cédé et nous avions eu la chance de pouvoir rester ensemble. Très fiers d’appartenir au 118e RI, régiment breton au passé prestigieux, pas un moment nous ne doutions de notre valeur. Notre instruction, nous l’avions reçue au contact de l’ennemi d’abord, puis, en septembre et octobre, au château de Coat-Losquet en Pleyber-Christ.

Sans instructeurs ni manuels d’instruction, mais avec ferveur, nous avions mis tout notre cœur, tout notre enthousiasme à nous entraîner, à nous endurcir, pour devenir des soldats. Mal nourris, mal vêtus, nous sortions dans la nuit, transis jusqu'aux os, pour répéter inlassablement des exercices de patrouille, d'embuscade, de coups de main, d'attaque.

J'étais chef de section, mais seulement parce que j'avais été choisi pour tel par mes camarades. Je savais que je pouvais tout leur demander. Si je n'avais pas exigé d'eux plus que le maximum, ils m'auraient relancé pour que je le fasse. Nous battions des records pour démonter, nettoyer et remonter les armes les yeux bandés. Les mines et les pièges n'avaient plus de secrets pour nous : nous étions capables de mettre en place une bande minée piégée en pleine nuit et de la relever la nuit suivante. Les meilleurs tireurs, Paul Montois, Jo et Alphonse Jaouen, avaient donné leurs « trucs », et les concours organisés chaque semaine montraient des progrès permanents. Les meilleurs atteignaient des résultats époustouflants, en particulier au fusil-mitrailleur où Marcel Thepot, Alphonse Jaouen, Jean Trividic et Jo Despretz faisaient des étincelles.

Nous étions armés de Bren, deux par groupe, six à la section, de fusils Enfield, de mitraillettes Sten, de carabines US, de Colts 45, de grenades quadrillées et de Gammons. Cette grenade au plastic, antichar et antivéhicule, explosait au choc dès que le ruban, garni d’un plomb, s’était déroulé et avait dégagé une goupille de sécurité. Le capuchon de protection enlevé, plus question de lâcher le ruban sans risque, au moindre choc, de mort instantanée*.

Un jour, l'un de nous eut l'idée de truffer le plastic de morceaux de ferraille et de tessons de bouteilles** pour voir ce que cela donnerait contre du personnel. Nous organisâmes un essai fort concluant avec des mannequins figurés par des jerricans, et la méthode fut adoptée pour toutes les grenades : ainsi lestées, elles ne perdraient rien de leur efficacité contre les chars et les camions.
- De toute façon, a dit Pierre Le Coq, mon adjoint de section, en roulant les yeux d’un air féroce, avant de parvenir à portée de nos Gammons les chleuhs en auront dégusté des vertes et des pas mûres !
* NP (Là Guéguen exagère un peu, et confond gammon et grenades [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] les dernières furent utilisées en Algérie nous en avons parlé sur le forum.
** Là aussi, Guéguen se trompe depuis toujours les paras SAS garnissaient les Gammons d’objets divers chaine de moto, clous, bouts de ferraille et autres…)



Après avoir quitté le capitaine Lautridou, nous parcourons encore un petit kilomètre avant d’arriver à Brémelin.
Nous y trouvons la section à relever prête au départ. Les consignes sont expédiées en quelques minutes.

- Il ne se passe rien dans ce coin. Nous ne sortons pas en patrouille et les Allemands ne viennent jamais nous voir. Le seul problème est de tenir le coup sous la pluie.
- Savez-vous où sont les lignes allemandes ?
- Non, pas exactement. Quelque part vers Gestel et Queven, à deux kilomètres.
- Avez-vous subi l’artillerie ?
- Même pas. Dans la journée, nous mettons les guetteurs au poste 116, c’est la baraque que vous voyez là-bas, de l’autre côté du thalweg ; comme ça nous ne pouvons pas être surpris.
- Quel est votre dispositif de garde pour la nuit ?
- Tous les hommes dorment habillés, à leurs emplacements de combat derrière le talus. La nuit, nous avons trois sentinelles, une à chaque angle du dispositif.
- Et comme défenses accessoires ?
- Il y a quelques fils tendus à dix mètres devant la position, avec des boîtes de conserves qui tintent au moindre vent. Il vaudrait mieux les enlever car elles nous signalent aux Allemands plus qu’elles ne nous protègent.
- Pas de mines ou de pièges ?
- Non, pas à ma connaissance.

Je fixe les limites des groupes, le premier vers le thalweg, à l’ouest, le deuxième au centre, le troisième sur la face est, côté Brémelin, et je réunis tout le monde.
- Cette position est formidable, sans doute la meilleure de toute la ligne de défense. Le talus, avec ses trois faces tournées vers l'ennemi, nous met à l'abri de tous les tirs directs. Il ne nous reste qu'à l'aménager, ce que nous allons faire immédiatement. Il nous faut des emplacements de combat solides et efficaces, en particulier pour les fusils-mitrailleurs. Rappelez-vous qu'il y a trente mille Allemands en face et qu'ils peuvent nous débouler dessus sans avoir la courtoisie de nous prévenir un moment à l'avance !

Avec nos six fusils-mitrailleurs, nous avons de quoi les recevoir, à condition d’être bien installés. Puis je passe à des détails plus prosaïques :
- Pierrot ! Tu t’occupes d’organiser les tours de garde et de guet, le ravitaillement vers la roulante de Keryaquel et le tour pour la toilette matinale. Nous avons la chance d’avoir un lavoir en aval de la fontaine des Anglais. Profitons-en. L’eau de la fontaine est potable et donne une neuvaine d’immortalité, alors buvez-en jusqu'à plus soif en évitant de la troubler. Ces derniers mots déclenchent une grosse rigolade.
- Qu’est-ce que c’est que cette histoire de neuvaine ? Voilà que je me suis encore laissé emporter par ma pas-
sion pour le Moyen Age en général et Beaumanoir en particulier !
- Rien ! Nous sommes trente, tout comme les Trente de Josselin, nos anciens, qui sont venus boire à cette fontaine le mercredi 24 mars 1351. Ils ont fait un vœu et sont sortis vainqueurs d’un combat à mort contre les Anglais. Leur souvenir doit nous porter chance.

Le dimanche 3 décembre, lorsque j’avais reconnu l’itinéraire de mise en place, je m’étais assis un instant, au terme de ma randonnée, sur la margelle de la fontaine des Anglais, juste derrière la position à tenir.
Mais le temps n’était pas au rêve. Il y avait trente mille Allemands en chair et en os devant nous. Évoquer Beaumanoir et ses fantômes ne m’aiderait pas à les vaincre !

Sur le talus de Brémelin, tous les gars se mettent au travail avec un entrain endiablé, dans un site, joliment vallonné et boisé, de ferme abandonnée, de prairie spongieuse, de chapelle, d’étang et de petite route qui descend, exactement comme dans le poème de Rimbaud, « Enfance ». Ils dégagent des créneaux dans le talus et bâtissent des toits au-dessus des emplacements de tir pour les mettre à l’abri des fusants, des grenades et de la pluie. Un second groupe installe une ligne de grenades piégées à trente mètres en avant de notre position. Le soir venu, le talus de Brémelin a déjà plus fière allure.

Le lendemain, nous commençons à creuser une tranchée, à deux mètres à l’intérieur, pour permettre les mouvements sous les tirs d’artillerie et aussi pour nous protéger d’une éventuelle attaque allemande sur nos arrières.

Le coin n’est pas aussi calme que voulait bien le dire le chef de la section que nous avons remplacée. Le 5 décembre au matin, en se mettant en place au poste de guet n° 116, Marcel Le jeune et son équipe sont pris sous le tir d’une mitrailleuse installée au nord du moulin du Verger, à moins de cinquante mètres du poste de guet. Marcel marche sur la mitrailleuse en tirant au pistolet-mitrailleur. Les trois guetteurs allemands n'insistent pas et se replient rapidement vers le pont sur la rivière, raccompagnés par les balles du FM de Jo Despretz.

Le jeudi 7 décembre au soir, tous les emplacements sont creusés et protégés. Un tas de gros rondins découverts dans la ferme nous a permis de renforcer les toitures. La tranchée est bien avancée. Trente mètres devant le talus, la bande de grenades piégées est prête à fonctionner. Un mince fil accroché à la goupille et supporté par des fourches en bois à vingt centimètres du sol constitue un piège efficace, difficile à détecter la nuit.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, malgré la pluie et le froid. Les feux sont interdits et, pour se réchauffer un peu au matin, une seule solution : remuer de la terre et des rondins jusqu'au moment où un halo de vapeur vous transforme en fantôme, détaché, par définition, des misères d'ici-bas. La nuit, pour nous faire regretter la pluie, les rats, en quête de nourriture, passent en courant sur les visages endormis. Heureusement, personne n'est malade et le moral est de fer. Montois a trouvé la devise de la section : « Ils nous auront : la graisse, sûrement ! la peau, peut-être ? le moral, jamais ! »

Je prends contact avec nos voisins de la 5e compagnie, le lieutenant Joncourt (2e section), un jeune professionnel de football du Red Star olympique, et un sous-lieutenant de Quimper, chef de la 3e section installée en retrait du hameau de Brémelin.

La ferme elle-même, soigneusement piégée, n'est pas occupée. Je rencontre aussi le sergent-chef américain patron du DLO, et lui demande d'effectuer aux obus fumigènes des repérages de tirs d'arrêt en avant du talus.
L’Américain, malgré toute la force de persuasion de John Bull, qui sert d’interprète, ne veut rien entendre. Il s’ennuie profondément dans « ce coin où il ne se passe jamais rien ». Un peu condescendant, il ne croit manifestement pas davantage aux capacités militaires des FFI qu’à l’éventualité d’une attaque allemande.

Je vais voir le capitaine Lautridou à Keryaquel pour lui demander l’autorisation de faire une première patrouille dans le no mans land, le dimanche 10 décembre de 6 h 30 à 10 heures, juste pour reconnaître le moulin du Verger et la chapelle de Kerlarmet. Le capitaine promet d'en référer au chef de bataillon et donne son accord le lendemain.
- En aucun cas vous ne dépassez la chapelle. Et soyez impérativement rentrés pour dix heures. C’est compris ?

Au lever du jour, le vendredi 8 décembre, Amédée Prigent, accompagné de Gendron, se présente à l’entrée du « gourbi », PC de section.
- Mik ! Gendron a quelque chose à te raconter.

Gendron était de garde cette nuit dans le nouvel emplacement de guet que j’avais décidé de creuser dans le thalweg ouest et que, d’un commun accord, nous avions pompeusement baptisé « trou de la mort ».
- Voilà. Je me suis glissé dans le trou sous les broussailles, en ramenant sur l'entrée le fagot de ronces prévu pour le camouflage. D'un seul coup, à deux heures du matin, il y a eu des types qui rôdaient autour, au moins cinq ou six. J'ai cru d'abord que c'étaient des copains de la section, mais je les ai entendus parler à voix basse. En chleuh. J'ai pensé leur tirer dessus pour vous alerter, mais ils sont repartis aussitôt.

Je suis un peu sceptique mais, dans le doute, je décide de poster deux guetteurs dans le thalweg et d’étendre le réseau de grenades piégées jusqu’à la route Gestel-Pont-Scorff.

Le 9 décembre, je fais appel à huit volontaires pour la patrouille du lendemain. Bien entendu, vingt-neuf mains se lèvent. Je désigne les élus, Jean-Jacques, Jo, Xavier, Le Jan et Gaston, avec en recueil Millet, Baudoin et Desjars, tandis que les mines des autres s’allongent.
- On vous enverra des cartes postales de la chapelle de Kerlarmet pour vous consoler, plaisante Jean-Jacques.

Le dimanche 10 décembre à 6 h 30, nous sortons par une nuit bien noire et sous une bruine glacée. J’ai bien l’intention de respecter les ordres reçus et de ne pas dépasser Kerlarmet. La mission ne présente aucune difficulté. Nous risquons tout au plus de rencontrer des guetteurs allemands en abordant le moulin et la chapelle. Pourtant, je ressens une certaine excitation. Depuis quatre mois, c’est la première fois que l’occasion se présente d’une rencontre avec les Allemands.

A 6 h 45, je conduis le recueil sur sa position, un éperon qui domine le moulin du Verger. J'y laisse Raoul Desjars, Millet et Baudoin, déçus de ne pas participer plus activement à la patrouille, et reviens vers mes camarades, à cent mètres en retrait. Nous traversons la prairie et gagnons le ruisseau. L'aube est encore loin et l'horizon commence à peine à s'éclaircir.

D’un seul coup, tout bascule. Nous n’en croyons pas nos yeux. Des silhouettes se détachent sur le ciel sombre. Elles progressent rapidement sur le versant d’en face, tout près. Un, deux, trois, huit, quinze, vingt-trois, trente-deux. Les Allemands !

Nous nous collons contre le bas-côté de la route et les regardons remonter vers nous. A dix mètres à peine en contrebas, la colonne quitte la route pour emprunter le coteau boisé et se diriger vers la section Joncourt. Les hommes portent leur toile de tente camouflée en guise de poncho, la tête passée dans l’ouverture du milieu. Cela leur donne une allure de vampires. Les casques d'acier ont de temps en temps de sinistres reflets. Sûrs de leur force et de leur métier, les soldats du Reich défilent.

De loin en loin, un homme quitte la colonne et redescend jusqu'à la route, presque à nous toucher, puis remonte rapidement pour recommencer le même mouvement un peu plus loin. C'est un flanc-garde de colonne en marche d'approche, de nuit. La manœuvre est réalisée de main de maître. Vraiment du grand art. Superbe ! Je murmure à Jean-Jacques, mon voisin :
- Bon, assez vu ! Nous allons flinguer tout ça et nous replier en vitesse... Non. Stop !
Deux dixièmes de seconde et j’allais déclencher le tir lorsqu’une autre colonne allemande débouche le long du ruisseau. Celle-là nous arrive droit dessus. Tellement droit que l’immense gaillard qui marche en tête nous prend pour des traînards de la première colonne.
- Los ! Los ! s'écrie-t-il.

Avant qu’il ait reconnu nos uniformes, je lui vide à bout touchant un demi-chargeur de carabine US dans les tripes.
Le chleuh se retourne à demi et se couche de tout son long en travers du ruisseau, mêlant son sang à l’eau qui vient de la fontaine des Anglais. Je tire le reste de mon chargeur sur ses camarades qui se replient à toute vitesse.
La première colonne s’est arrêtée net. Elle ne comprend pas l'origine de ces coups de feu, en arrière d'elle, à un endroit où elle vient de passer. Les Allemands ont beau scruter l'ombre de la prairie, ils ne voient rien. Heureusement pour nous ! Je chuchote :
- Vite, on se taille !

Complètement à découvert, nous regagnons le bois d’où nous sommes sortis trois minutes plus tôt, très excités. Une grosse affaire vient de commencer. Des colonnes allemandes qui montent avec cette résolution vers nos lignes, ce n’est pas un simple coup de main mais une attaque d’envergure. J’ai compté quarante hommes et sans doute ne s’agit-il là que de la tête d’un énorme serpent progressant dans le lit de la vallée.

Il faut alerter rapidement la ligne de défense, le capitaine, le colonel, le DLO américain. Dans quelques minutes, il sera trop tard. Les guetteurs seront submergés et les autres défenseurs tués dans un demi-sommeil. Les Allemands auront le champ libre vers Keryaquel et Pont-Scorff.

Je sais que chaque seconde compte, mais je ne peux abandonner mes trois camarades du recueil parmi ce grenouillement d’Allemands.
- Attendez-moi ici. Je vais chercher les copains du FM.

Près du moulin du Verger, Millet, Baudoin et Desjars essaient de comprendre ce qui se passe. Ils ont entendu les coups de carabine, puis plus rien. Une vague rumeur faite de craquements de branches, de piétinements, de chocs métalliques, de voix étouffées monte vers eux depuis la vallée, s’amplifiant de minute en minute.
- Psst ! C’est Mik ! On rentre, le coin est plein de chleuhs.

Il était temps. Les Allemands se dirigeaient vers l’éperon pour continuer leur progression. Nous nous hâtons de rejoindre le reste de la patrouille. Heureusement, Jean-Jacques possède un sang-froid à toute épreuve et ne tire pas sur les quatre ombres qui arrivent sur lui. Nous rentrons en toute hâte. Il faut prévenir Lautridou avant que les Allemands n'engagent le combat !

En regagnant le talus, nous prenons soin de rebrancher les deux pièges qui avaient été décrochés avant notre départ. Une explosion soudaine déchire la nuit. Je murmure :
- Gaston ? Ça va ?
- Oui, j’ai pu me mettre à l’abri à temps. Désolé d’avoir fait partir la grenade.

II est un peu énervé. Il y a de quoi.
- Foncez donner l’alerte dans les groupes. Que tout le monde se mette aux emplacements de combat, en silence. Je préviens le capitaine.
La section n’a pas de poste radio mais un téléphone de campagne dont le fil, posé à même le sol, court jusqu’à Keryaquel.
- Je voudrais parler au capitaine Lautridou.
- D’accord, je vais voir s’il est réveillé.
Les deux minutes d’attente me paraissent durer une heure.
- Capitaine Lautridou, j’écoute.
La voix est encore pleine de sommeil.
- Mon capitaine, ici Guéguen. Nous venons de nous heurter à deux colonnes allemandes qui montaient vers nos lignes. Une forte attaque paraît imminente.
- Êtes-vous sûr de ce que vous avancez ?
- Absolument.
Quelques secondes de silence. Le capitaine n’a pas l’air convaincu.
- Ecoutez, je ne peux pas mettre tout le secteur en alerte sur vos simples déclarations.
- Mais puisque c’est une certitude ! Nous avons abattu un Allemand dans le thalweg.
- Et eux ? Ont-ils tiré ?
- Non, ils n’ont pas tiré.
Des Allemands qui ne ripostent pas quand on abat l’un des leurs, cela paraît de plus en plus suspect au capitaine.
- J’aimerais que vous retourniez vérifier le renseignement, finit-il par dire.

J’enrage ! Mais comment lui faire comprendre ? L’attaque va commencer d'une seconde à l'autre, et il reste là, à tergiverser. En tout cas, moi, je ne me laisserai pas prendre au dépourvu.
- Je vais d’abord préparer ma section à recevoir l’attaque. S’il ne se passe rien d’ici à une demi-heure, je vous obéis et j’y retourne.
- Très bien. Faites comme ça et rappelez-moi dès qu’il y a du nouveau.

Je suis tranquille. Le capitaine va l’avoir très bientôt, son nouveau. Par un déluge de balles et de tirs d’artillerie allemands !

Suite plus bas...

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Si ce que j'ai fait est vain, qu'il me reste au moins de m'être dépassé en le faisant...


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Lothy
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 0:25

Eh bien !.... Nous voilà avec un nouveau récit plein de péripéties en cours.... Wink 

Ne nous laisse pas trop longtemps dans l'attente de la suite... Embarassed


Dernière édition par Lothy le Jeu 18 Aoû 2016 - 8:54, édité 1 fois
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Glard

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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 6:47

Merci !

On attend la suite...
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JEAN ANDRE RAOUL

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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 9:10

Paracolo, où étais-tu lorsque j'étais à l'école primaire en cours d'histoire... tout aurait été plus facile, (comparé à nos livres d'histoire).. Merci j'attends la suite avec impatience.
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Lothy
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 9:14

JEAN ANDRE RAOUL a écrit:
Paracolo, où étais-tu lorsque j'étais à l'école primaire en cours d'histoire... tout aurait été plus facile, (comparé à nos livres d'histoire).. Merci j'attends la suite avec impatience.

Ne te pose pas de questions, Jean....

C'est une encyclopédie à lui seul, une annexe de la bibliothèque nationale ! study study study
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JEAN ANDRE RAOUL

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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 9:18

je n'en n'ai aucun doute Lothy...comme tu le dis, une vraie Encyclopedie ...
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Lothy
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 9:20

Oui.... Nos profs n'étaient pas tous aussi inspirés lol!  Pourtant, l'Histoire m'a toujours intéressée....
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Paracolo
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 11:37

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A Lorient même, quelques jours auparavant, le général d’armée Farmbacher avait reçu deux officiers SS, parachutés la veille. Ils appartenaient à l’état-major du célèbre colonel SS Otto Skorzeny, le libérateur de Mussolini.*

Sur ordre du Führer, avaient expliqué les deux hommes, une grande contre-offensive va être déclenchée dans les Ardennes à partir du 15 décembre, en vue d’obtenir des Alliés occidentaux une paix séparée. Pour favoriser cette contre-offensive, vous devez infiltrer des commandos sur le territoire français pour semer la panique dans les rangs des Alliés, à partir du 10 décembre 1944. Hitler exige que vous composiez ces commandos à partir des équipages de sous-marins, les seuls en qui il ait une totale confiance pour cette mission.
*NP (je retranscris ici le récit qu’a fait Guéguen de ce combat, personnellement je ne suis pas convaincu de cette histoire de « SS parachutés », et malgré quelques recherches je n’en ai pas trouvé trace. )


L’état-major de Farmbacher avait décidé de réaliser l’infiltration sous couvert de l’attaque et de la destruction de Pont-Scorff. C’est au 683e bataillon de fusiliers marins de réserve générale qu’échut la mission de raser Pont-Scorff, avec pour renfort un peloton de chars, six batteries de canons de 88 mm et trois sections motorisées du génie. Ce bataillon de six cents hommes, articulé en cinq compagnies, était composé de vétérans des batailles de Norvège, de Libye et de Sicile. Affecté à Lorient au début de 1944, il avait reçu, au moment de la formation de la poche, des renforts qui en faisaient une unité d’élite, au complet, parfaitement entraînée et équipée.

Dès le jeudi 7 décembre, le bataillon s’installe en bivouac dans les bois de Kerguestenen, à un kilomètre à l’est de Gestel. L’artillerie se déploie discrètement aux abords de Quéven, de manière à couvrir toute la zone d’action.

Dans la nuit du 7 au 8, le capitaine Muller, commandant la 5e compagnie, effectue une patrouille de reconnaissance avec dix hommes en suivant le bas-côté de la route Gestel-Pont-Scorff. La nuit est noire. Après avoir vérifié avec satisfaction que le pont du moulin du Verger est toujours intact, il suit le ruisseau issu de la fontaine des Anglais. A deux heures du matin, alors qu’il vient d’atteindre la source, il entend des bruits de relève de sentinelles sur la croupe à son sud-est et en conclut qu’il a passé la ligne de défense et trouvé un couloir d’infiltration, à la hauteur de la ferme de Brémelin. Il rentre à Kerguestenen porteur de renseignements extrêmement favorables à la manœuvre projetée.

Le 10 décembre, à six heures du matin, l’opération commence. C’est à la 5e compagnie qu’est échu l’honneur d'ouvrir la brèche dans la ligne de défense française.

La colonne s’ébranle, la première section en tête. Puis vient Muller, qui lance la deuxième section vers l’est. Vers le talus de Brémelin. Vers la patrouille des Trente.
Après la quinzaine de coups de feu que nous avons tirés dans la nuit, un certain flottement se produit chez les Allemands. Personne ne sait très bien ce qui s’est passé.
Le lieutenant qui commande la première section fait interrompre la progression.

Pendant quelques minutes, il attend un appel radio. Comme rien ne vient, il remonte la colonne pour s’informer.
- Le capitaine Muller n’est plus là. Il a dû être blessé au moment où il se préparait à lancer la deuxième section sur la lèvre est du thalweg. Son radio, qui le suivait, est également blessé et le poste radio détruit par balles.
- Imbéciles ! Vous avez abandonné le capitaine ! Il faut aller le chercher en vitesse.
Le lieutenant fait descendre sa section vers la prairie pour y retrouver le capitaine Muller. Il est mort.
Aussitôt, le lieutenant prend le commandement de la compagnie et rend compte à Riesenfeld. Le commandant du bataillon reçoit comme un coup de massue la nouvelle de la mort de son ami.
- Faites évacuer le corps sur le moulin du Verger. Il va falloir faire payer cher la mort de votre capitaine. Je compte sur vous.

Riesenfeld fait la grimace. Avec Muller, l’ouverture de la brèche se serait déroulée sans problème. Le lieutenant est loin d'avoir la même envergure et le même prestige auprès de ses hommes.

Il est 7 h 20. Les Trente sont à leurs postes de combat, le doigt sur la détente, résolus et attentifs.
Des bruits de plus en plus nets sortent de la nuit, face au premier groupe de Louis Marzin. Une grenade explose et la brève lueur permet de distinguer des hommes qui progressent vers la position.
- Los ! Vorwarts !

Les Allemands foncent à découvert. Les deux fusils mitrailleurs et toutes les armes du groupe se déchaînent rageusement.
L’affaire dure seulement quelques minutes, puis aux cris guerriers succèdent les appels de détresse. A en juger par le remue-ménage qui dure presque jusqu’au lever du jour, on devine un gros travail de récupération et d'évacuation des blessés. Il y a eu une casse importante en face. Je souffle à mon adjoint :
- Eh, Pierrot, téléphone au capitaine Lautridou pour lui expliquer qu’une première attaque a été repoussée.

Les premiers obus allemands arrivent avec le jour qui se lève. Les bordées, au moins cinquante obus, tombent beaucoup trop court, dans la vallée du Scaff, c’est-à-dire sur leurs propres troupes. Deux fusées rouges éclatent pour demander l’allongement du tir.
- Bravo ! s’exclame Montois. Continuez comme ça !

Mais les Allemands ne l’entendent pas de cette oreille et bientôt les obus de 88 commencent à labourer la position.
- Plus besoin de téléphoner au capitaine, rigole Pierrot ; cette fois, il doit entendre parfaitement depuis Keryaquel !

En face, rien ne se passe comme prévu. Le lieutenant commandant la 5e compagnie, pour montrer son courage et la hâte qu’il avait de venger son capitaine, s’est mis sur les rangs de la deuxième section au moment de l’assaut. Il prend une balle dans la poitrine qui l’envoie au tapis, le sang à la bouche.
Autour de lui, c’est la consternation. En moins de cinq minutes, il y a une douzaine de blessés ou tués à la section. Il faut les évacuer. Or, dans la nuit et sur ce terrain, deux hommes au moins sont nécessaires pour en transporter un troisième.

Mis au courant par radio, Riesenfeld pique sa première colère.
- Verdamnt ! Il est bientôt huit heures et nous devrions être à Pont-Scorff alors que nous n’avons même pas encore démarré. Je vais leur mettre une bonne dose d’artillerie sur la gueule. Ensuite, la 1ère compagnie nous balaiera tous ces merdeux de Brémelin !

C’est parti. Les rafales succèdent aux rafales et les obus de 88 explosent en plein sur le bataillon. C’est la 1ère compagnie qui souffre le plus. Rassemblée le long du Scaff, elle se préparait à serrer derrière l’artillerie quand elle a pris le tir de plein fouet. Elle compte une vingtaine de tués et de blessés avant même d’avoir commencé son mouvement.

La danse commence sur la position de Brémelin. Maintenant que nous sommes bien repérés, les obus nous tombent dessus à une cadence d’enfer. Utilisant le boyau fraîchement creusé, je passe dans les groupes :
- Tant que nous sommes matraqués par l’artillerie, nous ne risquons pas d’être surpris par un assaut. Un seul guetteur par créneau FM suffit. Les autres doivent se planquer au maximum dans les trous et la tranchée.

Xavier plaisante sous le déluge :
- Garde à vous ! A plat ventre ! Garde à vous ! Couché !
- Qu’est-ce que ça veut dire, cette connerie ?
- Eh ben : garde à vous, c’est pour les fusants ; à plat ventre, pour les percutants. C’est bien comme ça qu’on nous a appris ?

C’est vrai que les Allemands envoient les deux spécialités mélangées. Il doit y avoir au moins vingt pièces qui crachent en même temps et tout est concentré sur la position de ma section. On ne voit rien ailleurs.

Les fusants éclatent à dix mètres au-dessus du talus et chacun trace au sol un cercle chauffé au rouge, le coup de hache des schrapnels. Comme il en arrive des dizaines, des centaines, toute la position et ses abords est bientôt marquée de rosaces qui se recoupent. C’est du plus bel effet. Un dessinateur muni d’un immense compas s’est laissé aller à la fantaisie de son imagination créatrice.

Autant les fusants sont légers et aériens, des danseurs de ballet, autant les percutants sont lourds et maladroits. Ce sont des terrassiers, des jeteurs de terre et de boue glacée.
Jaloux de l’élégance de leurs camarades, ils s’acharnent à défaire l’harmonie de leurs recherches artistiques. Les entonnoirs saccagent le dessin ; quand ils se recoupent, il n’y a plus de dessin du tout.


Le jour est levé et, malgré la grisaille ambiante, la visibilité s’étend jusqu’à cinq cents mètres. Jo Despretz en profite pour tirer régulièrement de courtes rafales de FM et, comme il n’a pas pour habitude de viser les courants d’air, il y a sûrement quelque chose à voir dans ce coin-là. Je me glisse à ses côtés.
- Regarde, il y en a toute une peignée là-bas, dans le bois du poste 116, à deux cents mètres. Ils doivent être au moins cinquante : ils ont cinq ou six MG et des mortiers. Ils nous tirent dessus depuis qu’on y voit un peu, même si on ne s’en rend pas compte avec les gros culs qui nous arrivent dessus.

Jo ne quitte pas sa cible des yeux.
- Chaque fois qu’une mitrailleuse nous allume, m’explique-t-il, je repère les départs de coups et j’essaie de la faire taire. Ils n’ont pas réussi à mettre une seule balle dans mon créneau. Tiens ! Justement, tu peux en voir un qui sort devant le talus.

Un Allemand casse des branches basses, manifestement pour dégager un axe de tir.
- Il croit au père Noël, ou quoi ? s’esclaffe Jo. Eh, Mik, planque-toi un peu car un obus de mortier va nous arriver sur la tête. J’ai entendu le départ.

Jo ouvre le feu. Une courte rafale, puis une deuxième. L’obus annoncé explose à trois mètres. L’Allemand tombe, se recroqueville sans avoir la force de se mettre à l’abri. Il essaie en vain de ramper vers le talus ; bientôt il ne bouge plus, ne bougera jamais plus.
- Les salauds ! Il n’y en a pas un qui viendrait chercher son copain. Eh merde ! Il va bien falloir un jour qu’ils commencent à nous respecter, ces cons d’enfoirés !

J’ai beau connaître depuis longtemps la classe extraordinaire de Jo dans l’exercice du tir au FM, là, je suis quand même un peu soufflé. Alors que les obus de 88 pleuvent de partout, qu’un obus de mortier qui lui est personnellement destiné est déjà dans la partie descendante de sa trajectoire, réussir un carton pareil, à deux cents mètres ! Il faut le faire !

Paul Montois, lui, est un tireur d’élite au fusil. Il a aussi repéré la ligne de feu des chleuhs. Dès qu’il aperçoit une tête au-dessus du talus, il ajuste ses coups. Comme il n'a pas toutes ses aises dans l'abri individuel qu'il s'est aménagé avec des chevrons et une plaque de tôle recouverte de mottes de terre, il s'est couché à même son toit, nonobstant l'averse d'acier qui s'abat sur le paysage.
- Ça va pas, tu vas te faire descendre ! Rentre à l’abri !
- J’ai un nom prédestiné pour être là-dessus. De toute façon, si un 88 a l’idée saugrenue de percuter ma modeste demeure, que je sois dessous ou dessus ne changera rien au problème.

Au même moment, le souffle d’une explosion plus proche que les autres le soulève, lui et son toit, sur deux ou trois mètres et repose le tout dans l’ordre inverse. D’abord Paul et son fusil qu’il n’a pas lâché ; ensuite, par-dessus, le toit tout cassé avec un demi-mètre cube de terre grasse. Marcel Lejeune et Feat se précipitent.
- Zut ! Fait Paul lorsqu’ils le dégagent enfin. Juste au moment où j’en avais un dans le collimateur !
- T’as rien de cassé ?
- Non, mais vous allez devoir vous passer de mon aide pendant au moins cinq minutes. Le temps de nettoyer mon fusil.
Il montre un fusil qui n’est plus qu’une gouttière de boue jaunâtre.

Je les quitte pour aller voir notre maître forban, Gaston Callarec. Il n’a pour l’heure aucun objectif pour son pistolet-mitrailleur et se fait tout petit dans le fond de son trou.
- Gaston ? Pas de Problème ?
- Pas de problème ?
- Eh ! Oh ! C’est pire qu’à Dunkerque. Au fait, est-ce que tu as vu que les Américains se sont fait la valise ? J’espère que tu as prévu un chemin de repli pour nous aussi ?
- Mon vieux Gaston, les Américains font ce qu’ils veulent, nous, nous restons ici, même si nous devons y laisser la peau. Mais, tu verras, notre baraka ne nous lâchera pas...
- Si nous sortons de cet enfer, je promets, foi de Gaston qui n’a encore jamais mis les pieds dans une église, d’aller faire brûler un cierge à la Sainte Vierge... reine de l’Armor.
Michel Le Bars, à qui son passé d’enfant de chœur a valu le surnom de Petit Curé, l’a entendu :
- Gaston ! s’exclame-t-il, je suis témoin. Nous irons ensemble.


A 9 heures, le tir allemand diminue d’intensité et se déplace de trois cents mètres plus au nord. La position est méconnaissable. Tout y est retourné, chamboulé, écrasé, sauf les emplacements de combat. Le vieux talus a résisté aux obus qui l'ont frappé de plein fouet et il a protégé une bande de deux à trois mètres derrière lui. Les fusants ont lacéré tout ce qui traîne sur la position.

Pas un seul plat de campement, pas un seul bouthéon, sur la douzaine que comptait la section, n'a échappé au massacre. Alors qu'ils étaient répartis un peu partout au hasard des groupes, à portée de main des hommes, ils ont tous été percés plusieurs fois par les éclats. Le fil du téléphone de campagne est transformé en spaghettis dont le plus long ne dépasse pas cinq mètres.

Quant aux Trente, ils ont reçu des centaines d’obus sur la tête et pas un seul n’est blessé ! Mon enthousiasme explose :
- Allez, aux créneaux ! Cette fois, ils nous attaquent sur toute la largeur du dispositif !

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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 15:09

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A 8 h 25, depuis la chapelle de Kerlarmet, Riesenfeld observe le terrain avec une énorme binoculaire. Le talus de Brémelin a disparu dans la fumée et les geysers soulevés par les obus. Bientôt, il n’en restera rien.

- Continuez le traitement à cette cadence jusqu’à 8 h 30, ordonne-t-il. Ensuite, il faudrait que les morts ressuscitent pour que nous y trouvions la moindre résistance.
Il fait venir son adjoint :
- Vous allez transmettre à la 1ère compagnie l’ordre de monter à l’assaut après l’arrêt de la préparation d’artillerie.

A 8 h 35, l’officier d’artillerie arrive au rapport :
- Bon ! Est-ce que le passage est libre ?
- Il devrait l’être, Herr Oberst. Cependant, je me demande s’ils n’ont pas un blockhaus bétonné à l’épreuve du 88 à l’angle ouest de leur talus. Le DLO de la 5e compagnie me signale que des tirs meurtriers de fusils-mitrailleurs (Jo Despretz, Marcel Thepot, Paul Montois.) continuent à provenir de cet angle.  Partout ailleurs, il n’y a plus signe de vie.
- Vous ne pouvez rien contre le béton ?
- Avec des fusées court retard, s’il n’est pas trop épais, il sautera.
- Bon ! Allez-y pour dix minutes de mieux, en concentrant votre tir sur cet angle. Nous avons déjà beaucoup trop de pertes et je ne veux pas risquer un homme de plus.

A 8 h 45 :
- Alors, ce blockhaus, il a sauté ?
- Pas encore, mais accordez-moi un quart d’heure de plus et nous l’aurons.
- A 9 heures, cette fois sans prolongation possible, vous déplacerez votre tir vers le nord pour encager cette position et interdire l’arrivée des renforts.

Riesenfeld prend contact radio avec Reder, qui commande la 1ère compagnie :
- Vous serrez sur l’artillerie. Le tir sera déplacé vers le nord à 9 heures précises. Abordez la position par sa partie est où toute résistance semble avoir cessé.
- Reçu. J’exécute.


Partant du fond de la vallée du Scaff, la 1ère compagnie, en ligne, monte vers son destin. Malgré toutes les belles assurances qui lui sont faites, Reder n’a pas l’intention de s’engager d’emblée dans ce terrain découvert.
Il a été échaudé par les mésaventures survenues à la 5e compagnie, et surtout par le tir de sa propre artillerie qui lui a coûté une vingtaine d’hommes, dont un chef de section. L’adversaire a sûrement été assommé par le déluge de fer qu’il a pris sur la tête, mais on ne sait jamais, mieux vaut le tâter prudemment pour voir s’il est bien mort.

Poussant partout, en rampant, jusqu’au point d’où ils peuvent apercevoir le haut du talus, les hommes se choisissent des emplacements. Les premières rafales sont tirées par les deux MG de la 3e section. Elles ont trouvé une position particulièrement favorable, derrière une grosse souche, à quatre-vingts mètres du talus.

Riesenfeld, derrière sa binoculaire, suit le mouvement :
- Bon Dieu ! Allez-y ! Vous voyez bien qu’il n’y a plus personne en face !


Dès que le tir d’artillerie est levé, les Trente, comme un seul homme, se ruent vers leurs emplacements de combat. Nous vivons un grand moment et les plaisanteries fusent de toute part.
- Comment allez-vous, cher ami ?
- Heureux de vous voir.
- Gaston ! N’oublie pas que ce soir on va à l’église, tous les deux…
- Tenez-vous bien, messieurs les chleuhs ! Cela ne va pas être du gâteau !

Bien installés, nous attendons, sûrs de nos qualités de tireurs*. Quand on abat à la balle un pigeon ou un lapin à cinquante mètres, on ne craint pas de rater une tête, et encore moins une poitrine, à la même distance. Tous les coups allaient porter.
*Le 13 août 1953, j’ai eu l’occasion, à Stockholm (Suède) de participer à un championnat international de tir de vitesse. J’ai remporté le titre en plaçant mes dix balles en quarante secondes, à 200 mètres au centre de la cible dans un cercle de la dimension d’une soucoupe à thé. Or j’étais loin d’être le meilleur tireur des Trente !


De plus, nous avons notre arme secrète, les terribles Gammons truffées de ferraille et de tessons de bouteilles. Elles sont alignées, à portée de la main, au pied du talus, le capuchon dévissé aux trois quarts, prêtes à être lancées. Si la fougue et le nombre des Allemands sont tels qu’on ne puisse les arrêter tous par balles, nous leur réserverons une joyeuse surprise, à quelques mètres devant le talus.

A 9 h 05 apparaissent les premiers casques d’acier. Les Allemands ne viennent pas franchement. Ils rampent vers des positions de tir, en moyenne à cinquante mètres devant. On en voit sur toute la largeur de la position, avec un léger débordement vers l’est, là où ils ont trouvé un petit talus favorable à l’installation de leurs mitrailleuses.
- Allez, venez ! Petits, petits, petits ! Appelle Gaston. Approchez donc, que diable !

Une MG ouvre le feu vers le créneau de Baudoin. Toute notre ligne s’anime d’un seul coup.

Les FM, les fusils, les carabines atteignent des cibles soigneusement visées. Les balles portent et les Allemands disparaissent derrière leurs abris. Ils reviennent, de-ci, de-là, au fur et à mesure qu’ils pensent avoir trouvé une position valable.
Mais il n’y a pas de position valable. Pour viser, ils doivent avoir un œil à hauteur du cran de mire, et donc exposer le haut de la tête. Cela ne pardonne pas quand il y a en face des tireurs si bien abrités que vous ne pouvez même pas les voir et qui font mouche à tout coup. Le résultat est toujours le même : la tête prend une ou plusieurs balles et disparaît, faisant place, un peu plus tard, à une autre, à gauche ou à droite qui subit.

Cependant à quatre-vingts mètres face à l’angle est, deux MG se déchaînent. Elles tirent sans interruption, bien abritées par le talus et par des grosses souches qui protègent latéralement les tireurs. Pour les dégommer, il faudrait pratiquement mettre une balle dans la sortie du canon de l'arme, la seule partie visible.

Alphonse Jaouen, Baudoin et Moalic s’y emploient. De temps à autre, ils doivent obtenir quelque résultat car les fins de rafales de ces mitrailleuses partent souvent vers le ciel. Leurs balles traçantes en témoignent*.
*Après le combat, on trouvera à cet endroit sept casques percés, tachés de sang et de cervelle, ce qui prouve une relève des tireurs tués ou blessés. On y trouvera aussi un énorme tas de plusieurs milliers de douilles.


Trividic a aussi un secteur intéressant. Ce sont surtout des tireurs au fusil, qu’il faut abattre avant qu’ils aient ajusté leur tir. Ils sont trois à les repérer : Trividic lui-même, Georges Le Bars, qui approvisionne l’arme, et Gendron, qui regarnit les chargeurs tout en observant avec attention les touffes de genêts. Avec son FM, Marcel Thepot s’en donne à cœur joie. La visibilité n’étant pas suffisante dans son abri, il a pris position sur le toit et il s’offre de jolis cartons.

Quant à Jo Despretz, il jongle avec sa hausse pour atteindre ses adversaires à cinquante mètres juste devant, et ceux qui se planquent à deux cents mètres, depuis le lever du jour. Il se fait respecter des uns et des autres, et pas une seule balle n’a encore frappé son créneau.
Son canon de Bren étant chauffé au rouge, il veut en changer. C’est une particularité de ce fusil-mitrailleur anglais : il y a un canon de rechange pour laisser refroidir celui qui est devenu inutilisable. Jo s’escrime en vain. Rien à faire pour l’enlever, il s’est coincé sous l’effet de la chaleur.
- Tu veux que je l’arrose ? propose John Bull.
- On peut toujours essayer, fait Jo sans réfléchir.

John verse un bidon de café, tout ce qu’il a sous la main. Le nuage de vapeur qui se dégage est tel que personne n’y voit plus rien. Sauf les mitrailleuses en face... Mais dès que la fumée se dissipe, Jo change de canon et ramène les MG à plus de modestie.
Tout cela se déroule, bien sûr, sous une avalanche de mortiers et de grenades à fusil. Mais nous avons déjà pris tellement d’obus sur la tête que nous ne nous en soucions guère.

Je suis intrigué par le silence de l’artillerie américaine. Il y a des objectifs de choix dans toute la zone comprise entre Brémelin et Kerlarmet.
Elle pourrait aussi faire la contre-batterie sur les canons de 88 mm qui continuent librement à encager le combat et qui restent une menace pour la position elle-même. En plus, je n'ai plus de contact avec qui que ce soit depuis que le fil du téléphone est coupé, et j'attends avec impatience un agent de liaison du capitaine. Mais rien ne vient.


Vers 9 h 30, il y a une accalmie. Les Allemands semblent sonnés. On ne les voit pratiquement plus et la position reçoit seulement des mortiers et des grenades à fusil sauf sur les flancs où les mitrailleuses continuent leurs tirs.


A 9 h 45, le combat reprend de plus belle. Comme au début, les Allemands cherchent à progresser en utilisant le terrain au maximum. La moindre rigole a son lézard, la moindre motte son « cul blanc », la moindre touffe de genêt son pot d’acier, et tout ça prétend impressionner un talus millénaire par des tirs aussi appliqués que maladroits !

Le massacre recommence. Les FM se choisissent tous plusieurs cibles rapprochées. Raoul Desjars, au fusil, touche un chleuh qui s’est accroché des genêts partout. Un vrai buisson ambulant. Pauvre vieux ! Nous, les genêts, on connaît, nous sommes nés dedans. Ils sont faits pour croître librement au détour des chemins et des ruisseaux, pas sur du feldgrau !
- Raoul ! Il bouge encore. Finis-le !
- Non ! Soyez gentils, ne tirez plus dessus : laissez-lui sa chance.
- D’accord, grand cœur. Mais tu as quand même de drôles d’idées. S’il était venu jusqu’ici, il t’aurait étripé.

Et toujours les MG de la souche, qui tirent rafale sur rafale avec leurs claquements de crécelles provoqués par la vitesse ultra-rapide du tir. Heureusement, nos FM continuent à les contrer efficacement et elles n’ont pas encore réussi à balayer un seul créneau. Avec ma carabine, j’essaie de les atteindre pendant un moment, mais impossible de les faire taire.
- Si seulement nous avions un lance-patates, je fais, dégoûté.


Le feu est si intense qu’un gros poteau en bois qui soutient une ligne électrique est complètement cisaillé et pend à ses fils.

Face à Jo Despretz, un Allemand réussit à se glisser sur une position où les FM ne peuvent rien contre lui. Il devient dangereux car il ajuste librement son tir. Les balles, cette fois, hachent la terre tout près de nous.
- Je sors pour le déloger, lance Jean Bourhis.

Bien campé sur ses jambes, il envoie une rafale de son pistolet-mitrailleur.  Après un temps d’arrêt, l’Allemand reprend son tir et Jean fonce vers l’abri.
- Donnez-moi un fusil ! Mon PM n’a pas une portée suffisante. Maintenant, c’est lui ou moi.
Ce sera lui : Jean se glisse une nouvelle fois devant l’Allemand et, d’une seule balle, met fin à ce combat singulier.


Devant Moalic, un vert-de-gris fait un bond de cinq mètres et s’aplatit dans un trou protégé par une murette de terre et camouflé par quelques touffes de genêts. Bien en sécurité, à une trentaine de mètres, il ouvre le feu avec sa mitrailleuse, face au créneau. Les balles font gicler la terre et plusieurs viennent s’enfoncer dans les rondins intérieurs du toit de l’abri.
- Il est rien gonflé, celui-là ! fait la voix gouailleuse de Moalic.
Il lâche un demi-chargeur, d’une seule rafale, et l’homme s’effondre, couché sur sa mitrailleuse, le casque percé de cinq balles.

Reder a tout essayé, les mortiers légers, les grenades à fusil, les tirs de MG. Plus il obtenait des tirs précis, plus le tir en face se montrait intense et meurtrier. Il suffisait de monter un casque sur un bout de bois pour entendre aussitôt la musique funèbre qui n’amusait plus personne. Chacun pensait à son propre casque et à la tête qui se trouve dedans.

A 11 heures, le capitaine a perdu vingt-cinq hommes de plus, la plupart avec des blessures affreuses. Il a assisté à des actes de pur héroïsme de la part des siens.
Sparfel, un vieux de la vieille qui a repéré un créneau de fusil-mitrailleur, s’est juré de l’avoir. Il a bondi, à découvert pendant dix mètres, pour s’installer avec sa MG derrière une touffe de genêts, et il a ouvert le feu. Vingt secondes plus tard, il était mort. Maintenant, son corps, secoué de temps à autre par une nouvelle rafale, est là, hors de portée, sous les yeux de ses camarades.

Toute la dotation d’obus de mortiers et de grenades à fusil est épuisée, et aussi celle des autres compagnies qui l’ont ravitaillé en munitions. Il fait mentalement le compte de ses pertes, vingt hommes par l'artillerie, vingt autres dans la première demi-heure, vingt-cinq depuis, et il lui reste à peine un quart de sa compagnie en état de poursuivre le combat.

Tous ses meilleurs éléments ont disparu. Derrière, planqué dans un PC confortable, Riesenfeld l’observe à la jumelle marine et le harcèle sans arrêt.
- Où en êtes-vous ? C’est pas possible ! Foncez sur ce maudit talus !

Alors, d’un seul coup, il en a assez :
- Ja, Herr Oberst ! Je vais au talus !
Il prend son revolver en main, se lève, esquisse un pas en avant et tombe, la poitrine et le ventre déchiquetés.


Les Allemands s’acharnent. Pour un peu, j’admirerais presque leur courage désespéré. Pour arriver au talus, ils doivent progresser complètement à découvert pendant trente secondes. Or tout ce qui dépasse est touché en deux secondes.
Sans doute espèrent-ils que leurs tirs nous causent des pertes correspondant aux leurs et que nous allons bientôt céder. Peut-être comptent-ils sur leur artillerie et leurs mortiers pour nous écraser. De leur côté, ils ne prennent pas un seul obus sur la tête. Dans toute la zone de combat, les Allemands sont entièrement libres de leurs mouvements ; ils ne risquent rien, sauf à notre contact.

Devant Baudoin, un homme se lève et fait face. Il semble nous défier, à la manière d’un matador face au taureau. Trois courtes rafales l’atteignent de plein fouet et lui enlèvent toute idée de grandeur.

Il est 11 heures et une nouvelle accalmie s’installe. Même le pilonnage des mortiers et des grenades à fusil a cessé.
- Ils se sont lassés ! triomphe Trividic, Ils trouvent les Bretons trop coriaces.


Mais le tir des 88 recommence bientôt et redouble d’intensité. Le centre du tir arrive maintenant à cent mètres seulement derrière le talus, et les coups courts nous tombent dessus.
- Merde ! Qu’est-ce qu’ils foutent, les canons américains ?

Il y a maintenant quatre heures que le combat a commencé, et pas la moindre manifestation de soutien ou d’appui n’arrive. Pas d’artillerie, pas de mortiers, pas d’avions, pas de renforts, pas de liaison de l’autorité supérieure, pas même des voisins. On ne sait même pas s ils sont encore là car, d'un côté, le premier poste FM est hors de vue et, de l'autre, la position est masquée par les bâtiments inoccupés de la ferme.
- On pourrait au moins venir prendre de nos nouvelles, s’indigne Marcel Lejeune.
- Et s’enquérir de notre précieuse santé ! renchérit John.

Avec Pierrot, j’ai une conversation sérieuse, ce qui est assez rare, du moins en apparence.
- Je ne comprends pas la passivité de nos chefs. Quant aux munitions, si nous n’avions pas prévu, de notre propre initiative, d’en avoir trois fois plus que la dotation normale, nous serions déjà à sec.
Je tente de calmer Le Coq :
- Il faut leur laisser le temps de réagir.
- Tu en as de bonnes ! Si on les avait laissés passer, les Allemands pouvaient être à cette heure-ci à Arzano et Plouay. Avec des camions, ces cons-là seraient même maintenant à Loudéac ou Saint-Brieuc s’il leur avait pris la fantaisie de pousser jusque-là.
Derrière, il n’y a plus rien pour les arrêter. Ce tir d’artillerie me dit qu’ils vont recommencer leurs attaques ; ils sont en train d’essayer de nous assommer avant un nouvel assaut.

Je décide .
- Bon ! Si nous avons des blessés, Millet s’en occupera sur place car il n’est pas question de les évacuer sans rompre notre dispositif de défense.
Millet, dans le civil, est infirmier, même s’il préfère nettement faire le coup de feu.
- Eh ! Regarde là-bas ! J’ai l’impression que nous avons enfin de la visite.

Deux hommes dégringolent la pente, derrière nous, avec une charge sur l’épaule. Ils font quelques plat-ventre, puis traînent à quatre pattes leur charge à même le sol : ils sont en plein centre du tir d’artillerie.
Je vais aussitôt à leur rencontre et les aide jusqu’à la position. Ce sont deux jeunes, un sergent et un soldat de la 5e compagnie.
- Mon lieutenant, le capitaine Lautridou vous envoie ces deux caisses de munitions de FM.
- Dites au capitaine que tout va bien pour l’instant et demandez-lui de faire tirer l’artillerie américaine devant notre position.
- Mon lieutenant, le capitaine vous dit aussi qu’il est juste derrière, avec la 7e compagnie qui s'est installée en deuxième ligne de défense, entre vous et Keryaquel.
- Excellent. Si le combat doit durer encore longtemps, il me faudra aussi d’autres munitions de FM. Disons quatre caisses à 14 heures.
- On aurait voulu être avec vous, mon lieutenant.

Ils repartent comme ils sont venus, bravement, sous le tir d’artillerie qui redouble de violence. Pierrot fait le zouave.
- Oui, mon lieutenant ! Tu as raison, mon lieutenant ! Singe-t-il.
- Connard !

Gonflés à bloc, nous attendons avec sérénité une nouvelle attaque. Les munitions sont remises en ordre, tous les chargeurs garnis, les armes sont nettoyées et huilées, les grenades sont préparées. Les bidons d’eau de la fontaine des Anglais passent à la régalade, et aussi quelques-uns de cidre... Si on ne se lisse pas la moustache, c’est qu’on n’en a pas encore.
Même Gaston a retrouvé sa verve et parle maintenant de se retirer dans un couvent de trappistes pour se consacrer à la méditation après cette journée mémorable.


Mais je ne laisse pas l’euphorie prendre le pas sur la prudence :
- Continuez à tirer à vue comme vous l’avez fait jusqu’à présent. Préparez vos Sten et ficelez les chargeurs par deux pour aller plus vite. S’ils arrivent jusqu’à nous, ce n’est pas grave : il n’y a qu’à les descendre avant qu’ils ne nous tuent.


Suite et fin plus bas...

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Zitoune
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 18:05

Je doute que le ton humoristique et sarcastique était de mise dans l'action...
Un cameron ?
Une nouvelle maison de la dernière cartouche ?
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 18:29

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Je rapporte le récit de Guéguen, qui, à mon avis "brode" un peu...

... Mais qui n'a jamais "remonté le Mékong" ?  Il n'y a qu'à voir dans les rencontres d'amicales... Parfois je me demande comment on a pu perdre toutes ces guerres.

Il n'en reste pas moins que le "combat des trente" fut bien réel... Quant aux dialogues reconstitués...

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Lothy
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 18:40

Eh bien moi.... Je ne déteste pas ceux qui "remontent le Mékong" dans la mesure, où ils ont au minimum approché de ses rives Wink

Guéguen en a peut-être un peu ajouté dans son récit, qu'importe !

Les faits sont réels, ces hommes, des gosses pour la plupart, n'avaient pas spécialement un comportement de professionnels...
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 18:43

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Julitz et Wiesen, les commandants de deux compagnies restantes, arrivent ensemble au PC de Riesenfeld.
- Regardez à la binoculaire ! Vous voyez ce talus, là, juste en face ? C’est cette chiure de mouche qui nous arrête depuis ce matin. Reder a fait une grossière erreur. Au lieu de foncer d’emblée avec tout son monde, il a voulu y aller progressivement et sa compagnie s’est usée en deux heures d’essais infructueux.
- C’est à vous de rétablir la situation. Je prends le temps de leur servir encore une bonne ration d’obus de 88 mm. A midi, nous lèverons le tir et vous foncerez en ligne, vos deux compagnies au coude à coude, Wiesen à l’ouest, s’appuyant sur la route, et Julitz à l’est. Il faut enlever d’un seul coup toute la résistance entre la route et la ferme de Brémelin incluse. Vous tuerez tout ce qui reste par là et vous achèverez les blessés*. Ensuite, vous foncerez dans la foulée jusqu’à Keryaquel. Exécution !
* NP ( Là aussi aucune source historique ne confirme cet ordre. A mon avis Guéguen « brode » un peu.)


De retour auprès de leurs troupes, les deux capitaines donnent leurs ordres :
- Les terroristes n’ont reçu aucun renfort. Il doit rester tout au plus une dizaine de défenseurs, complètement abrutis par tout ce qui leur tombe sur la tête.

Le moral de leurs hommes n’est pas des plus brillants et ils cherchent à les regonfler. Depuis le matin, les deux compagnies avaient attendu, immobiles sous la pluie glacée, et assisté, aux premières loges, au défilé ininterrompu des brancards où gisaient leurs camarades des 1ère et 5e compagnies.

A midi, les Allemands s’élancent depuis la position tenue par les restes de la 1ère compagnie. Les hommes ont retrouvé toute leur confiance et leur ardeur. Ils sont près de deux cents au coude à coude, persuadés de trouver en face une dizaine de pauvres types terrorisés, terrés derrière leur talus.
Ils démarrent en hurlant pour impressionner encore davantage. L'objectif est maintenant à quarante mètres. Rien ne bouge. Les grenades à manche sont lancées avec un bel ensemble et volent vers le talus.
- Prenez toujours ça, c’est le hors-d’œuvre ! Les grenades explosent en un long chapelet.

Les Allemands accélèrent le mouvement. Dans vingt secondes, ils atteindront le talus et dans trente secondes il n’y aura plus rien de vivant, là, derrière ! A midi, le tir d’artillerie repart sur la crête derrière. Trois minutes plus tard, une immense clameur monte de la vallée.
- Heil ! Los ! Vorwarts ! Heil ! Sieg ! Heil !

Comme dans un champ de tir moderne et bien équipé, les cibles apparaissent toutes ensemble, à cinquante mètres à peine. Il y en a au moins cent cinquante qui montent en hurlant sur une seule ligne, depuis la route, à l’ouest, jusqu’à l’aplomb de la ferme de Brémelin, à l’est. Soit un front de trois cents mètres. Ils ont mis baïonnette au canon et ficelé des grenades incendiaires* sur leurs grenades à manche.
*NP (? idem que plus haut)


Une volée de grenades arrive devant le talus. C’est reparti. Les Bren, les fusils, les carabines, les PM, les grenades défensives. Chaque balle frappe une poitrine, immanquable à cette distance.
En vingt secondes, l’affaire est réglée sur les cent cinquante mètres en face du talus. Ils ne sont même pas venus jusqu’à bonne distance des Gammons. Certains continuent à gueuler « En avant ! » mais plus personne n’avance.
Tous reculent, se mettent à l’abri de la pente. Les blessés rampent parmi les morts et, quelquefois, les tirent par les pieds derrière eux.

Georges Le Bars continue à tirer au PM, chargeur sur chargeur. Il a les yeux pleins de boue depuis l’explosion des grenades et n’y voit goutte.
- Eh, Georges, arrête ! Ils sont repartis.

Dans le thalweg, un FM de la deuxième section participe maintenant à la défense. A 11 h 30, le sergent-chef Hellouet, lassé d’entendre le combat tout près et de ne rien voir, a fait avancer une pièce d'une cinquantaine de mètres dans le bois.
Grâce à cette heureuse initiative, Bécam, le tireur, a d'excellentes vues sur la route et le ruisseau, ce qui lui permet de stopper les assaillants qui progressent dans la prairie. Lui aussi se révèle un redoutable tireur car sept Allemands ne bougent plus, étendus dans l'herbe, à près de deux cents mètres de son arme.

De l’autre côté, face à Brémelin, le front d’attaque déborde de soixante-quinze mètres et, en conséquence, une trentaine d’Allemands se retrouvent dans le champ de betteraves. Il leur reste cent cinquante mètres à parcourir pour atteindre la ferme inoccupée. Complètement à découvert, ils offrent le flanc au tir direct et rapproché des trois fusils-mitrailleurs et de toutes les armes individuelles du troisième groupe. Sans compter ma carabine US que je ne laisse pas chômer.

Le spectacle vaut vraiment la peine. Trente hommes défilent devant nos armes en hurlant, baïonnette au canon, pour aller attaquer une ferme vide. Nous ouvrons le feu ! Ils tombent les uns après les autres, mais les survivants continuent comme si de rien n’était, droit devant, sans même un regard pour nous. Les jeux sont vite faits. Dix Allemands s’effondrent dès qu’ils débouchent devant nous, dix autres avant d’avoir parcouru cent mètres. Seul le dernier tiers, le plus à l’est, évite le jeu de massacre en se mettant à l’abri d’un mouvement de terrain.

Comment peut-on faire preuve d’une telle aberration ?
C’est là un des mystères de cette journée du 10 décembre 1944. Surtout qu’ils pouvaient aller à cette ferme sans perdre un seul homme.
Tout leur bataillon aurait pu y accéder, colonne par trois, l’arme à la bretelle, en chantant, sans essuyer un seul coup de feu. Pour cela, il leur suffisait d’emprunter le chemin qui part du moulin de Kerrousseau.
Ce chemin, jusqu’à Brémelin inclus, est hors des vues et des tirs de toute la ligne de défense.

Le combat n’est pas terminé. Les dix Allemands pénètrent dans le hameau et se divisent en deux équipes. L’une, avec une mitrailleuse, ouvre le feu sur nous depuis une grange, face à Alphonse. L’autre accroche la troisième section de la compagnie Lautridou, installée au nord des bâtiments.
Jacques Le Viol, un jeune homme de Penhars, tire au FM depuis son créneau lorsqu’il est tué d’une balle en plein front. Un chleuh dissimulé dans la ferme l’a soigneusement visé, au fusil.

Notre position, elle aussi, commence à souffrir. La MG de la grange, qui nous tire dessus de face à cinquante mètres, prend un instant l'avantage. Des coups pénètrent dans le créneau. Une balle s'écrase sur le canon du FM, une autre érafle le cuir chevelu de Jean Le Jan et y trace une raie à rendre jaloux le meilleur coiffeur.
- Baissez-vous, bougres de cons ! hurle Le Guen.

Alphonse Jaouen refuse d’obtempérer. Depuis neuf heures du matin il se bat contre des mitrailleuses. Celles de la souche d’abord, puis une autre, de l’autre côté du champ de betteraves. Alors, une de plus, une de moins... Il a les mains brûlées par les dizaines d’étuis qui ont giclé dessus, et une seule préoccupation : démolir les gars d’en face.

Des grenades à manche, lestées d’une grenade incendiaire, tombent tout autour de l’emplacement de combat d’Alphonse Jaouen, Le Jan et Foll. Il y a un sacré lanceur derrière la grange : depuis l’endroit où il se trouve, la portée est de l’ordre de soixante mètres. Les fagots qui recouvrent le toit de l’abri s’enflamment. Cela va devenir intenable.
- Sortez de là, et vite ! commande Le Guen.
- Non ! Répond Jaouen, je veux d’abord faire taire cette satanée mitrailleuse !

Alphonse ajuste rafale sur rafale et Le Jan, imperturbable malgré sa raie au milieu, change les chargeurs. Mais ils ont affaire à forte partie. Les Allemands disposent d’un léger contrebas à l’intérieur de la grange. Dissimulés derrière la paroi de planches et de tôles, ils changent sans arrêt de position en utilisant, pour tirer, des interstices à peine plus larges que le canon de leur arme.
- Gare là-dessous ! hurle le grand Dédé Prigent.

Pour éteindre l’incendie, il lance sur les flammes un seau de cidre. Le feu ronfle de plus belle. Il essaie alors de dégager les fagots enflammés.

En fin de compte, c’est Jean-Jacques qui souffle l’incendie en y jetant une grenade offensive. Il était temps. Alphonse et Le Jan, tout à leur sujet, allaient bientôt périr carbonisés.
Heureusement, ils ne risquent pas d’exploser : Le Guen avait sorti de l’abri les dix kilos de Gammons qui s’y trouvaient.

C’est la grange des Allemands qui explose. Un grand jet de fumée, une pluie de cailloux, des hurlements, et le feu qui se déclare.
- Ça y est ! Ils ont fini par faire partir mon piège ! Le Guen clame sa joie. Il avait soigneusement camouflé derrière une grosse meule à affûter les lames trois grenades défensives et deux kilos de plastic !


Au même moment, l’artillerie américaine se déchaîne. Les obus, en rangs serrés, passent juste au-dessus de nous, en soufflant comme des locomotives à vapeur peinant dans une montée. Ils vont exploser à Kerlarmet et sur le Scaff.
- Ils arrivent comme les carabiniers, ceux-là, plaisante Le Bars. C’est égal, il y avait longtemps qu’on n’avait entendu musique aussi agréable.

Il est 13 heures.
L’explosion de la grange marque la fin du combat. Ce ne sont plus des coups de feu qu’entendent les Trente, mais des plaintes, des gémissements et des appels. Des hommes se meurent dans les sillons.
- On va voir ? Lance Jo.
- Non, interdiction de sortir avant deux heures de l’après-midi.

Pour protéger le décrochage, les Allemands ont peut-être quelques tireurs bien camouflés, le doigt sur la détente de leur mitrailleuse, pour surveiller le talus. Je ne veux pas que mes héros risquent leur vie pour porter secours à des blessés ennemis.
Gaston me demande la permission d’aller dans la soirée, avec le Petit Curé, brûler un cierge dans l’église de Pont-Scorff.
Mais je connais mon lascar. Il partira doux et sérieux comme un petit Jésus et reviendra Dieu seul sait quand, en digne forban, avec du vent dans les voiles, après avoir visité plusieurs chapelles et tiré une formidable bordée, à seule fin de se remettre des émotions de la journée.
- Non, vous irez dimanche prochain, à la grand-messe.

Gaston s’enveloppe alors dans sa dignité, qui est immense, sort un billet de cinq francs, le roule dans ses doigts comme une cigarette et y met le feu pour tenir sa promesse.
- Eh, Michel, demande-t-il. Récite un pater et un ave. Moi, je ne connais pas les paroles.


A son poste de combat, Alphonse ne peut tenir en place. Devant lui, dans les betteraves, un Allemand, couché sur le dos, lève de temps à autre un bras pour agiter un mouchoir blanc et appeler au secours. Il regarde sa montre : 13 h 15... 13 h 25... 13 h 30. Enfin, il se décide : « Mik ne peut pas me voir, se dit-il, il est sur l’autre face de la position. J’y vais. »

Il saute le talus et court vers le blessé. L’homme, brun, grand, lui montre sa blessure avec beaucoup d’inquiétude dans le regard. Son angoisse est compréhensible : pendant les combats avant la Libération, il n'existe pratiquement pas un seul cas où un FFI capturé, même avec un brassard, n'ait été exécuté ! Alphonse rassure le soldat du geste, le charge sur ses robustes épaules et le ramène vers nous. Une balle, entrée dans le poumon droit, est sortie dans le dos, brisant l'omoplate.

Pour la première fois, Millet montre aux copains des qualités autres que celles d’un soldat. Il est infirmier diplômé dans le civil et, avec dextérité, nettoie les plaies et met en place un pansement compressif qui permet au blessé de mieux respirer. L’Allemand a soif. Il boit de longues gorgées d’eau au bidon d’Alphonse, qui lui propose ensuite une petite bouteille de rhum des rations américaines. Il la boit aussi avec une satisfaction évidente.
- Gutes franzoze, fait-il.

Il est enfin 14 heures. Raoul Desjars va récupérer « son » buisson de genêts et constate avec la plus grande satisfaction qu’il y a toujours de la vie là-dessous. Lui aussi ramène son protégé sur les épaules.

L’équipe Marcel Le Jeune se dirige vers les corps couchés dans le thalweg depuis la fin de l’assaut. Sont-ils vraiment morts ? Le premier qu’ils retournent n’a même pas été touché ; il roule des yeux effarés et bredouille quelques mots dans sa langue. Il faisait le mort, comprenant que c’était là sa dernière planche de salut. Deux autres sont dans le même cas, mais il y a aussi deux morts et deux blessés.

John Bull et Marcel Thepot s’enfoncent prudemment dans un taillis où ils ont cru percevoir un gémissement. A l’approche d’une petite cuvette, ils distinguent les uniformes de plusieurs hommes qui tentent de se dissimuler en s’aplatissant au maximum. John, dans sa grande cape noire de gendarme, le regard féroce, fonce en criant les seuls mots qu’il connaisse en allemand :
- Auf Wiedersehen !
Quatre hommes terrorisés se lèvent, bras en l'air. L’un d’entre eux porte une grande croix rouge sur la poitrine et sur le dos.
Thepot, en le fouillant, trouve un parabellum chargé caché dans sa veste. Dans un grand discours, auquel l’autre ne comprend goutte, Marcel lui explique que les lois de la guerre et les conventions de Genève ne permettent pas le port simultané de la croix rouge et d'une arme chargée.
- Ja, ja. Richtig... fait l’infirmier, d’accord en tout.

Trois autres sont morts dans le trou. Gendron découvre un soldat de 18 ans, la mâchoire inférieure brisée par une balle. Après quelques minutes d’inquiétude - c’est toujours le cas au moment du premier contact entre un prisonnier et son vainqueur - le jeune homme s’efforce de sourire malgré son affreuse blessure.


Dix-sept prisonniers, dont dix blessés, sont ainsi retrouvés un peu partout, du thalweg au champ de betteraves, et ramenés dans la position où Millet, maintenant débordé, se fait aider par son collègue de l’armée allemande. Dix morts sont laissés provisoirement sur le terrain.

De longues traînées de sang et quarante-trois casques percés, abandonnés avec des traces de cervelle mêlée de cheveux, attestent de la violence du combat. Nous récupérons les armes abandonnées avec un lot impressionnant de munitions.
- Ils avaient l’intention d’aller loin pour s’être ainsi chargés, s’exclame Jean-Jacques.

C’est vrai. Les morts retrouvés avec les PM portent, en plus des huit chargeurs garnis, deux cents cartouches en vrac dans une musette.

Je remarque, amusé, que le ramassage d’un fusil Mauser, avec sa solide baïonnette au bout du canon, est l’occasion d’un rite, toujours le même. Le garçon saisit l’arme par le fût, met le fusil en position verticale, la crosse au sol. Du pouce de la main gauche, il contrôle la finesse du fil de la baïonnette, en accompagnant son inspection de quelque remarque variable selon le tempérament de chacun. Ils n’ont jamais appris à faire ça et pourtant ils le font tous, sans s’être consultés. Il doit y avoir une raison…

Au total 34 fusils, 19 PM et 7 pistolets P.08 Lüger et P.38 seront ramassés, ainsi que 3 MG et un mortier de 50 mm.

A 15 heures, les Américains reviennent et se chargent d’évacuer les blessés dans leurs Jeeps porte-brancards. Ils font aussi la quête des souvenirs, surtout les pistolets. Pour eux, un Lüger vaut son pesant d’or. Ils proposent leur carabine en échange. Le talus de Brémelin se transforme vite en souk.
- C’est pas suffisant ? Bon ! Je donne dix caisses de rations collectives par-dessus le marché. C’est pas encore assez ? Bon ! J’ajoute... etc., etc.
On a l’impression qu’en insistant un peu, ils finiraient par donner leur Jeep.

Les PM et les casques sont aussi très appréciés. Pour ces derniers, qui ne sont pas portés au bilan, les Yankees n’ont que l’embarras du choix. Ils les amarrent comme des trophées, à l’avant de leurs véhicules.

Toujours accompagné de John, mon interprète distingué, j’apprends enfin pourquoi l’artillerie ne s’est manifestée qu’après la fin du combat.
Le volume du matraquage de l’artillerie allemande et les écoutes radio avaient donné à la batterie américaine l’impression d’être menacée. Le capitaine commandant de batterie calcula que les Allemands pouvaient l’atteindre, à pied, en moins d’une heure et, motorisés, en dix minutes.
Il rendit compte à son chef, le colonel Hagerthy, commandant le 301e US, qui lui donna l’ordre de quitter immédiatement la zone menacée.

Ce n’est qu’à 11 heures que lui parvint le contrordre. Notre ligne tenait toujours, seule, sans artillerie de soutien, malgré le matraquage ininterrompu des quatre-vingt-huit Allemands. Il devait revenir sur sa position initiale pour participer à la bataille. A 13 heures, il y était, et de nouveau en mesure d’ouvrir le feu. Ce qu’il fit.


Le 12 décembre, les Trente ont l’immense honneur de recevoir la visite et les félicitations du colonel Jouteau, accompagné du lieutenant-colonel Leterrier.
- Bravo, mes enfants ! Vous avez été formidables ! Tout le régiment est fier de vous. Dans ces conditions, on aimerait les voir attaquer plus souvent.
La plaisanterie fait naître des sourires mitigés dans les rangs.
Après s’être fait expliquer le déroulement du combat dans ses moindres détails, Jouteau me prend à part :
- Durant ma longue carrière, je n’ai encore jamais vu ni entendu parler d’une chose pareille. Je n’ai pas cru un seul instant que vous pourriez résister à une telle attaque. Vous et vos hommes avez fait preuve d’une maîtrise et d’une qualité de soldats dignes des unités les plus aguerries, les plus endurcies, de la Légion étrangère... Je n'en reviens pas. Il a les yeux humides, le vieux.
Je réponds :
- Mon colonel, nous sommes tous bretons, et ici, c’est chez nous. Ce combat nous a paru très facile à mener et à aucun moment nous n’avons douté de notre succès. Nous avons toujours su que les Allemands n’avaient pas la moindre chance de nous bousculer.

- Ecoutez-moi bien, Guéguen. Avec vos seuls moyens légers de section, vous avez arrêté net tout un bataillon de soldats confirmés. Vous leur avez causé des pertes effroyables, vous avez pris mille obus sur la tête et vous n’avez pas un seul blessé, c’est inimaginable ! De plus, vous me dites que ça a été facile. Dans ce cas, c’est un miracle !

Comme il ne croit pas aux miracles, il voit maintenant son régiment de Bourbaki avec un œil tout neuf, notre grand colonel si impressionnant. Nous avons aussi gagné son affection, et cela nous fait chaud au cœur.


Le 10 mai 1945, à Caudan, le général Farmbacher* rendait ses armes après un dernier ordre du jour à ses troupes :
- Notre pavillon n’est pas souillé, notre honneur est sans tache. Je suis fier de vous avoir commandés.

Au cours de la cérémonie de reddition, les Trente, choisis par le colonel Jouteau pour représenter l’ensemble du 118e RI, étaient au premier rang. Ils purent entendre le général Allard tenir un tout autre discours :
- Vous demanderez pardon à Dieu plutôt qu’aux hommes, car les hommes pardonnent difficilement des crimes aussi horribles que ceux que vous avez commis…
*NP ( Orthographe correcte Fahrmbacher, mais j'ai, tout au long du récit, préféré conserver celle de Guéguen )


Fin.


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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 18:48

Citation :
Les faits sont réels, ces hommes, des gosses pour la plupart, n'avaient pas spécialement un comportement de professionnels...
Ce que tu dis est fort juste, il n’empêche que Guéguen n'écrit pas comme un historien.

Les quelques notes perso que je n'ai pas pu m’empêcher de rajouter le prouvent assez et si le combat est bien réel il conviendrait de le replacer dans son cadre, ce qui lui donnerait un autre aspect.

Mais ce n'est pas le but de ce récit, qui veut simplement rapporter le premier gros combat de celui qui deviendra dans nos rangs un des "grands capitaines".

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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016 - 18:51

Citation :
Mais ce n'est pas le but de ce récit, qui veut simplement rapporter le premier gros combat de celui qui deviendra dans nos rangs un des "grands capitaines".

C'est bien ce qui compte....
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeVen 19 Aoû 2016 - 0:09

Merci une fois encore de nous avoir parlé de Guéguen et de ses hommes...

Ceci nous laisse présager de grands moments dans ton récit initial.... [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeVen 19 Aoû 2016 - 6:25

.

La compagnie de Guéguen "amarante" sera engagée lors de la bataille de Souk Ahras, qui verra la mort du capitaine [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].

On pourra évoquer la mort de ce, aussi, Toulois si vous me laissez souffler un jour ou deux.  Wink

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Lothy
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeVen 19 Aoû 2016 - 9:18

Tu as tout ton temps...

Le récit de la mort du Capitaine Beaumont a bien sûr toute sa place ici.... Mais chaque chose en son temps...  

J'avais cru comprendre que tu étais en voyage Wink
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Glard

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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeSam 20 Aoû 2016 - 16:51

Merci Paracolo.

Même si mes origines Malouines faisaient que je connaissais bien le second combat des Trente, je me suis délecté.

Faut pas oublier qu'ils avaient pour la plupart moins de 20 ans et la fraîcheur et l'enthousiasme de l'age, que je retrouve dans ce récit !

Avec 2/3 d'appelés gonflés faut voir ce que Conan a pu faire à Suez ...et encore plus près de nous, en Algérie, beaucoup de régiments d'élite (Je pense au 14 et au 18 RCP en particulier, mais aussi à plusieurs autres) étaient composés d'une majorité d'appelés fort jeunes...qui ont eu un courage digne des plus vieux briscards...et quelquefois au delà.

Pour cela, il leur faut des chefs qui les comprennent et qu'ils admirent.

Guéguen c'était un sacré bonhomme....
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Paracolo
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MessageSujet: Re: Le combat des trente...   Le combat des trente... Icon_minitimeDim 21 Aoû 2016 - 15:32

.

La bataille de Souk Ahras, me tient aussi un peu à cœur pour la simple raison que la maison forestière de mon futur beau-père et donc de ma femme, sur le parcours de la Katiba, et qu'ils l'ont vécue de près...

_________________
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