"Bastille", juillet 1949 : René Collard raconte...

Après une détente bien méritée à Do-Son, la Compagnie Audema du II/1er RCP regagne son cantonnement à la Citadelle de HanoÏ le 9 juillet 1949.


Fini le farniente, demain à l'aube, la 8e Compagnie intègre l'opération "Bastille", une campagne de grande envergure sur les provinces de Bac-Ninh et Phu-Lang-Thuong,avec ouverture des routes coloniales 1, 3, et celles du Canal des Rapides.


Pour cela, les paras vont s'appuyer sur les populations catholiques du diocèse de Bac-Ninh, (58000 baptisés sur 1100000 habitants, soit 5% de la population), qui subissent déjà les premières années d'une longue persécution...


Le 10 juillet au matin, Collard et ses collègues embarquent dans les GMC protégés par des éléments blindés, prennent la direction d'Haïphong, et font halte à Ké-Sat, devant les tours de la haute église qui semble émerger des rizières.


La journée se traîne, tandis que les milices catholiques rassemblent peu à peu les éléments qui vont appuyer les bérets-bleus.
Le 11 juillet, dans l'après-midi, les paras  voient arriver leurs coolies, des prisonniers internés militaires qui vont se charger de leur matériel.
A présent, les alentours de la grande église grouillent de soldats de toutes les armes, de miliciens, de blindés. A la nuit, le regroupement est achevé, la longue colonne d'engins se dirige vers le nord dans le hurlement de dizaines de moteurs.

A deux heures le 12 juillet, les paras débarquent au poste du Canal des Rapides


Direction Bac-Ninh : la longue colonne s'étire et ondule sur les diguettes, sans troubler le chant des crapauds, tandis que le jour se lève sur les brumes du delta.


Les reconnaissances de hameaux se succèdent : tous sont vides...
Loin devant, l'aviation mitraille et bombarde... Enfin vers 15 heures, la colline et le fort de Bac-Ninh apparaissent...

Une nouvelle "opération" pour le II/1er RCP....

Merci pour ces récits....   

Bac-Ninh, c'est la position forte du nord du delta tonkinois, un point stratégique partiellement  dégradé : début 20e siècle


image récente :



Mais c'est aussi la cathédrale symbolisant la vitalité d'un diocèse aux 26 paroisses construites de belles églises :  image de 1900


et une photo récente de la cathédrale de Bac-Ninh :


Tandis qu'une partie des paras se dirige vers la Citadelle, plusieurs sections 
poursuivent vers Dap Cau et investissent les villages voisins, ce sont des catholiques, les habitants viennent au-devant des paras : " nous vous attendions, nos compatriotes sont dans l'église...".

La population se rassemble sur la place du village, manifestement soulagée de trouver les Français.

La 8e compagnie s'installe à la Mission catholique de Xuan Mao. 50 km de marche en retour de détente, c'est dur pour les dos ramollis... Dans la plaine autour de Bac-Ninh, l'aviation pourchasse les viets en retraite ; la rizière est parcourue de dizaines de blindés amphibies. Le village est calme, les civils défilent au P.C., les infirmiers s'activent à soigner la population...
Le lendemain, c'est le 14 juillet : les civils brandissant des drapeaux tricolores se pressent autour des groupes de paras, qui pour montrer une cache viet, qui pour proposer de la nourriture, de menus services : le village est bien rallié...

merci Georges de cette page de "notre histoire"

Le lendemain, 15 juillet, les volontaires affluent pour construire une piste d'aviation à Dap Cau, en bordure du Song Cau ; comme ils sont des centaines, le travail est terminé en cours d'après-midi. Ils rentrent souriants, la paye en poche, tandis que les paras ratissent les alentours.


C'est le jour suivant que les paras, sont relevés par un bataillon de Sénégalais;  les bérets-bleus quittent cette communauté qui les a si brièvement accueillis, nourris et même aimés...
La longue colonne, augmentée de plusieurs dizaines de volontaires du village, défile une dernière fois sous les regards bouleversés de ceux qui ont choisi la France ... et qui savent, qu'en cas de défaite, ils paieront longtemps et durement...


Un convoi de LCM et de LCT les embarque sur le Cau pour de nouveaux combats...

good job !

Merci Georges...

Algérie, Indo, tes récits sont passionnants et chapeau aux paras pour parcourir 50 km après une détente dans un "parc à buffles" ceux qui prouve, si j'ose dire, qu'ils ont avaient encore de la ressource sous le pied...

Infatigable les paras, même après une nuit de gaudriole... 

Merci pour ton commentaire encourageant et amusant,     Le Béarnais... Saïgon,... un autre monde par rapport aux villages catholiques de la région de Bac-Ninh...  , un autre visage inoubliable de l'Indochine de nos Anciens... qui n'a pas vu le Parc aux Buffles ne connaît pas la vie disaient-ils... Au nord comme au sud, chacun faisait comme il pouvait...


et la rue appartenait à qui la méritait...


Bon j'y r'tourne...

Espérons que les lecteurs sauront quelle race de "buffles" étaient élevée dans ce très célèbre "parc"   

  euh... Lothy, je ne me vois pas écrire un article sur le parc aux buffles      franchement se faire piquer son béret rouge comme ça, par une bande de girls,  

Je ne te le demande pas   Tant pis pour les ignorants... Ils se renseigneront   

Cet établissement a pourtant laissé des souvenirs impérissables à nos grands Anciens...
Mon oncle - 89 ans - ne se ferait pas prier pour te parler des souvenirs qu'il en conserve   comme de quelques autres lieux de la rue Catinat, ou d'autres coins, du côté de Cholon...

    le bonheur de discuter avec nos  Anciens...    

Pour en revenir à Bac-Ninh , à René Collard et ses camarades, je travaille mais c'est toujours dans la difficulté pour accrocher les mots, les images ... à bientôt

Ne t'inquiète pas nous te suivant pas à pas, et avec mon imagination débordante sur certain sujet, je m'imagine très bien par exemple, les paras sur les diguettes ou dans l'eau sucer par les sangsues et pensons aux "sucettes"  du parc qui étaient nettement moins douloureuse... A la bonne bière... etc.

Alors va-s'y pour le récit et les photos, moi j'ajoute le décor pour l'imagination...

Quant à Lothy, je lis qu'elle a reçu une bonne leçon d'histoire par son tonton qui tout en lui racontant ses exploits en Indo a dû être fier, entre autre, de ne pas avoir des pertes de mémoire de si bon souvenirs, vu l'âge du jeune homme...

Courage Georges, j'ai lancé un appel à témoin auprès de "mon Ancien" du 1er RCP...

Le Béarnais a écrit:

Quant à Lothy, je lis qu'elle a reçu une bonne leçon d'histoire par son tonton qui tout en lui racontant ses exploits en Indo a dû être fier, entre autre, de ne pas avoir des pertes de mémoire de si bon souvenirs, vu l'âge du jeune homme...

J'en reçois encore !... De mon oncle et d'autres survivants de cette époque à la mémoire bien nette...
Comment et pourquoi crois-tu que je suis là ?...   C'est de ces Anciens que me vient cette vocation à honorer leur Mémoire et le souvenir de tous ceux qui ne sont plus.

Du 16 juillet au 8 aout 1949, les paras seront constamment sur la piste, 500 km à pied de la RC 1 à la RC 3, dans cette partie nord du delta tonkinois ...

A partir de la place forte de Bac-Ninh et du carrefour de Dap-Cau, appuyés par des blindés légers et des amphibies, ils vont ratisser les nombreux villages en remontant progressivement vers la RC 3 : ce ne sera que pièges, neutralisation de formations viets locales qui décrochent le plus vite qu'elles peuvent, recherche de caches... Marcher, toujours marcher...L'artillerie, depuis Bac-Ninh, pilonne les collines au-devant des colonnes qui sillonnent la plaine...
C'est qu'il y a urgence : en Chine, les communistes sont en passe de l'emporter, et ils aident le Vietminh qui se renforce face aux garnisons françaises clairsemées ... Il faut dégager le delta tonkinois  "utile", ouvrir les routes de secours vers le nord, s'appuyer sur la minorité catholique, croire que ce pays pourra vivre libre...

L'offensive voulue par le général Revers porte ses fruits : le 8 aout, le delta entre la RC 1 et la RC 3 est complètement libéré, il n'y a plus de viets. La compagnie Audema exsangue regagne le Canal des Rapides. Sur 124 hommes au début de l'opération "Bastille", elle n'en aligne plus que 78...
Demain, ce sera Hanoï, la libération prochaine, ou le rengagement... Ils étaient 800 il y a un an seulement... 60 sont morts... deux cents blessés...


Quant aux catholiques de Ke Sat, Bac-Ninh, Dap-Cau, que deviendront-ils ?

Très bon récit....

Pauvres Tonkinois... ils n'en avaient pas fini avec la guerre.... Pas plus que les chasseurs du II/1er RCP..

Merci Georges, magnifique reportage/mémoire sur nos anciens que tu nous livre là.

Lothy a écrit:

Courage Georges, j'ai lancé un appel à témoin auprès de "mon Ancien" du 1er RCP...  

Le Béarnais a écrit:

Quant à Lothy, je lis qu'elle a reçu une bonne leçon d'histoire par son tonton qui tout en lui racontant ses exploits en Indo a dû être fier, entre autre, de ne pas avoir des pertes de mémoire de si bon souvenirs, vu l'âge du jeune homme...

J'en reçois encore !... De mon oncle et d'autres survivants de cette époque à la mémoire bien nette...
Comment et pourquoi crois-tu que je suis là ?...   C'est de ces Anciens que me vient cette vocation à honorer leur Mémoire et le souvenir de tous ceux qui ne sont plus.

OUF............ Merci Aspro. Plus de mal de tête.
Bon tout n'est pas encore perdu tant que Lothy est Là  

En 1949, le diocèse de Bac-Ninh comptait 58 000 baptisés pour  1 100 000 habitants ; soit 5.3% de la population de cette région... En 2006, il y a 131 000 baptisés pour 7 100 000 habitants (1.8%)...
Le Pagodon du Souvenir Indochinois de Dinan a été fabriqué à Bac-Ninh. Les amitiés scellées par la chair, le sang et l'esprit perdurent...

 

Bonjour Georges,

Je ne sais pas si il y a un rapport entre ton récit concernant les amitiés et Fréjus, mais à proximité du Mémorial d'Indochine il existe une pagode. 

Dans mon prochain séjour à St Raphael, j'irai à Fréjus pour me recueillir à la stèle de Bigeard et visité cette pagode et faire des photos pour mettre ça sur le forum en mémoire des anciens ne pouvant pas se déplacer pour visiter ce Mémorial à Fréjus.

Très bonne idée... un beau reportage en perspective    

Un peu H.S. j'en conviens, mais j'espère que le Mémorial n'est pas en danger lorsqu'il y a des crues comme celles de ces derniers jours....

Lothy a écrit:

Un peu H.S. j'en conviens, mais j'espère que le Mémorial n'est pas en danger lorsqu'il y a des crues comme celles de ces derniers jours....

il est un peu sur le haut de Fréjus et pas au bord (me semble t-il) d'une rivière.

charly71 a écrit:

Lothy a écrit:

Un peu H.S. j'en conviens, mais j'espère que le Mémorial n'est pas en danger lorsqu'il y a des crues comme celles de ces derniers jours....

il est un peu sur le haut de Fréjus et pas au bord (me semble t-il) d'une rivière.

Tout juste Charly mais avec la nature nous ne savons jamais à quoi il faut nous attendre sans compter les incivilités pour les dégradations...

merci pour le reportage

à propos de "parc à buffles", mon père m'en a un peu parlé ...

il était major du camp de Cholon

Alors il aurait pu écrire un livre avec tout ce qu'il a dû voir... Il était à la Prévôté ?

il ne parlait guère de ses campagnes ...

il était "chasseur à pieds" photo prise de la remise de médaille militaire

georges a écrit:

Alors il aurait pu écrire un livre avec tout ce qu'il a dû voir... Il était à la Prévôté ?

 Oui peut être pour son livre, mais peut être par devoir de réserve, plan de carrière... Il doit y avoir comme ça des postes où il est bon de se taire pour ne pas faire des vagues...

Je dois avoir une "bonne tête" pour avoir reçu et recevoir encore les confidences.

Mais peut-être étais-je attentive ?....

Quant au devoir de réserve, nombreux sont les officiers, sous-officiers qui ont rapporté leurs souvenirs dans des ouvrages plus ou moins connus sans trahir de devoir de réserve !...

Lothy a écrit:

Je dois avoir une "bonne tête" pour avoir reçu et recevoir encore les confidences.

Mais peut-être étais-je attentive ?....

Quant au devoir de réserve, nombreux sont les officiers, sous-officiers qui ont rapporté leurs souvenirs dans des ouvrages plus ou moins connus sans trahir de devoir de réserve !...

Il ne s'agit pas forcément toujours du devoir de réserve quand on ne raconte pas ma chère Lothy...
Quelques fois c'est aussi du au "mal être" qui reste en nous, donc pas envie d'exprimer...
J'admire (et j'envie) ceux qui on assez évacués, donc qui peuvent le faire

Le Béarnais a écrit:

charly71 a écrit:

il est un peu sur le haut de Fréjus et pas au bord (me semble t-il) d'une rivière.

Tout juste Charly mais avec la nature nous ne savons jamais à quoi il faut nous attendre sans compter les incivilités pour les dégradations...

Pour les dégradations , incivilités et... bien d'accord avec toi...

Ecrire ses mémoires dans un livre n'est pas donné à tout le monde, par ailleurs, il y a mille et une raison pour ne pas le faire, pour certain cela peut être un soulagement pour pouvoir évacuer leur "mal être" pour d'autres encore, c'est des souvenirs ou des raisons personnelle.

Mais là nous polluons un peu le sujet de Georges avec nos réflexions à deux balles... Excuse nous Georges.

Citation :

Mais là nous polluons un peu le sujet de Georges avec nos réflexions à deux balles... Excuse nous Georges.

Si Georges le souhaite, je peux les supprimer...

Non, pas du tout, vos remarques sont très importantes ...  les confidences , les livres de souvenirs, c'est aussi très bizarre parfois: on n'y dit pas toujours ce qu'on pense au fond parce que ce n'est pas possible... et le lecteur est un peu perdu... mais c'est normal, on ne peut pas dire à un lecteur ce qu'on dira à un camarade d'"azimuth brutal"...?
Par exemple, lire le livre de Maloubier, "l'espion aux pieds palmés", c'est très intéressant... mais je n'arrive pas à en faire un sujet ici ... trop dur: je n'ai pas les clés...

Georges.... Tu as le temps ! Paris ne s'est pas fait en un jour...

D'autres récits sont restés en suspens, sans perdre de leur valeur....

Georges je ne connais pas le livre auxquels tu fais référence "l'espion aux pieds palmés", par contre, je connais un tas d'auteur aux "bras croisé" sur le forum...  

Ben oui c'est dur; sans vouloir en rajouter j'essaie de nous sortir un post sur l'opération "anthracite", juste après celle de Bac-Ninh, toujours avec les gars du 1e RCP , cette fois à Phat Diem, en octobre 1949... j'espère dans 1 ou 2 jours...

georges a écrit:

Ben oui c'est dur; sans vouloir en rajouter j'essaie de nous sortir un post sur l'opération "anthracite", juste après celle de Bac-Ninh, toujours avec les gars du 1e RCP , cette fois à Phat Diem, en octobre 1949... j'espère dans 1 ou 2 jours...

Bravo Georges, j'apprécie que tu sois là...

Oui, nous sommes le "dernier carré", la "maison de la dernière cartouche"...

Alors vivons ces instants avec toute la bienséance qui va avec 

Georges, grâce à des membres comme toi, PTLH continu à vivre en nous replongeons dans la fabuleuse histoire des paras de l'Armée française en Indo, Algérie...  

Citation :

Oui, nous sommes le "dernier carré", la "maison de la dernière cartouche"...

Il a été dans l'histoire quelques "derniers carrés" qui ont su et pu, tel le Sphinx, renaître de leurs cendres....

Concernant "Anthracite", elle concerne le II/1er RCP, mais je n'ai pas trouvé grand chose à l'exception de la période où elle s'est déroulée  

c'est au sud du delta tonkinois, dans les Evêchés catholiques, et je vous préviens, quand les Viets sont majoritairement catholiques, ça "déménage"... bon ça y est, j'ai rassemblé toute ma doc, ce soir je rédige  

georges a écrit:

c'est au sud du delta tonkinois, dans les Evêchés catholiques, et je vous préviens, quand les Viets sont majoritairement catholiques, ça "déménage"... bon ça y est, j'ai rassemblé toute ma doc, ce soir je rédige  

Bon, j'ai prévenu bonbonne que ce soir j'ai une migraine... Ce n'est pas vrai, ainsi je peux lire ton récit ce soir   

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Bien beau sujet, avec d'intéressants commentaires. Sujet auquel je n'ai, hélas, pas participé ... " l'insu de mon plein gré " ...
Vivement le retour de Georges.