Lacheroy découvre la guerre du viet-minh

La théorie de la "guerre révolutionnaire" qui va bouleverser la pensée militaire du 20e siècle est créée par le Colonel Charles Lacheroy (1906-2005), qui l'élabore au cours de son séjour en Indochine à partir de 1951.
Lacheroy n'est pas seulement un acteur majeur du putsch de 1961 et de l'OAS, c'est aussi l'un des plus brillants officiers supérieurs issus de l'Armée d'Afrique. 



Pupille de la Nation puis élève au Prytanée Militaire de La Flèche, il est admis à l'ESM de Saint-Cyr en 1925, choisit l'Infanterie Coloniale et sert en Haute-Volta, Syrie, Maroc, Tunisie, Sénégal, avant de participer brillamment aux campagnes d'Italie et de France.
En 1946, il est Lieutenant-Colonel à la tête du Bataillon Autonome de Côte d'Ivoire. Affecté en 1951 à la tête de l'important secteur de Bien-Hoa, il étudie la guerre révolutionnaire du Viet-Minh et commence à donner des conférences sur ce sujet.
Nommé en 1953 Chef du Centre d'Etudes Asiatiques et Africaines à la Direction des Troupes Coloniales, il développe le concept d'action et de guerre psychologiques... Il devient le Chef du Service d'Action Psychologique au Ministère de la Défense et crée les "5e Bureaux"... Il met ses idées en pratique au sein de la 7e DMR de Constantine, et à la délégation Générale d'Alger.
Rappelé en France en 1959 après le limogeage du Général Salan dont il est un proche collaborateur, il le suit dans le coup d'état d'avril 1961, puis dans l'OAS.
Réfugié en Espagne, condamné à mort, il bénéficie de la loi d'amnistie de 1968 et rentre en France, à Perpignan, puis à Aix-en-Provence.



Volontaire pour l'Indochine, il s'entend dire par son supérieur : "vous allez partir en Indochine... c'est bien: vous allez faire votre devoir... mais... vous n'avez plus rien à apprendre là-bas... sur le plan stratégique, vous aurez affaire à une stratégie de fourmis... complètement dépassée; ... sur le plan de la tactique, vous aurez affaire à une tactique périmée,... rien à apprendre sur le plan des armes... car c'est un pays où on les emploie à contre-sens".
Et pourtant: en deux ans de séjour, Lacheroy va découvrir la guerre viet et élaborer la théorie de "guerre révolutionnaire" qui influencera profondément l'histoire militaire et diplomatique de la fin du 20e siècle.

Merci Georges ,

Trés intéressant personnage ( et article   ) , ce Charles là a choisi un sujet d'étude qui ne c'est pas démenti depuis ... 

 Les guerres psychologiques et révolutionnaires sont de tous les endroits , en ce bas monde,  voir mème toujours avec les mèmes belligérants ...

Le SAP , ok  mais DMR ?

 C'était qui , son supérieur à cette époque , qui l'a si " habilement rangé en Indo  "    ?

 En fait , "nous " avions les meilleurs ... entre Aussaresses , Trinquier , Godard , Grall ,Sassi et lui  , et j'en oublie !  Pourquoi c'est-on fait prendre si souvent " aux pattes "...

Tu poses en effet les questions les plus difficiles... D'abord, Lacheroy est peu connu, en plus il a choisi le "mauvais" camp, et puis le sujet est sensible... enfin je ne sais pas répondre ... SAUF  pour la DMR: c'est la 7e Division Mécanique Rapide de Constance, qui est basée sur le Sud-Est Constantinois, et utilise notamment des EBR...

Essayons toutefois de répondre à ces questions,  en suivant Charles Lacheroy dans ce pays aux équilibres subtils.



De Lattre vient de lui confier l'important secteur de Bien-Hoa, à l'est de Saïgon: c'est là que se trouvent les grandes plantations d'hévéas et la ligne ferroviaire vitale Saïgon-Dalat. Lacheroy dispose d'environ 20000 hommes, le 22e RIC surtout, les troupes des milices chrétiennes, et des sectes, Binh-Xuyen, Caodaïstes, Hoa-Hao... c'est  important, et pourtant, ici comme dans toute l'Indochine, la situation est très mauvaise. Pourquoi n'a-t-on pas déjà gagné?
On connaît le nombre de divisions régulières viets, mais on ne contrôle pas cette population mystérieuse,  qui à tout moment, à tout endroit, se transforment en seconde armée d'ombres qui sabotent, piègent, montent des embuscades... qui sont-ils?



ou bien...



peut-être même...



ou tout simplement ceux qu'on croise quotidiennement...



Leurs pertes peuvent être énormes, ça n'a pas du tout la même importance que pour une troupe constituée, financée, approvisionnée... Ce sont eux qui "font le boulot" contre nous... Comment est-ce possible?
Dans cette société, les relations sociales traditionnellement fortes et policées tiennent les individus dans un double réseau social (famille, travail) et territorial
(village, chefs locaux...) infiltré par les communistes, qui sont à peine le 1/10e de la population ... tous ces mondes se contrôlent, s'espionnent, se menacent des pires représailles, c'est une concurrence à la vie à la mort dont on ne sort jamais sauf les pieds devant...
D'autre part, l'armée française ne contrôle que 12 heures d'une journée: la nuit appartient au viet...
Il faut donc d'une part reprendre la nuit à l'adversaire, d'autre part identifier parmi ces millions d'inconnus les visages de l'Adversaire...

D'abord, il faut apprendre à sortir de nuit; c'est très dur, mais on ne peut pas laisser ce temps à l'ennemi car il le fera fructifier à son avantage, par tous moyens possibles: embuscades, pièges, propagande insidieuse répétitive...



Ensuite, il faut "plancher" avec les Services (à l'époque le 2e Bureau) sur les rapports d'incidents, par exemple, trouver des ruses, des idées, et savoir les exploiter: les possibilités sont innombrables, liées à l'incident, et doivent être mises en oeuvre à l'échelon de l'officier de terrain, dans le secteur dont il a charge; par exemple en utilisant les adversaires qu'on a pu identifier et en leur proposant un Choix:
" Un matin, en ouvrant la route de Dalat, mes patrouilles découvrent 3 viets en train de miner des canalisations d'eau: que faire? Vous pouvez prendre les hommes, les faire déminer et leur dire: nous savons que vous avez placé d'autres mines. Soit vous les enlevez vous-mêmes, ou bien vous dites que vous ne savez pas et vous restez ici... mais si une seule bombe saute au passage, comme vous n'êtes pas encore prisonniers, vous serez exécutés. S'il ne se passe rien dans l'heure qui suit, vous serez déclarés prisonniers de guerre et on ne touchera plus jamais à vous".




A son départ d'Indochine, mi-53, Lacheroy a posé les bases de sa réflexion sur la "guerre révolutionnaire" et l'action psychologique, grâce à l'expérience qu'il a lui-même acquise dans son poste. Il en formera un enseignement pratique sous d'autres cieux, et ne reverra plus que très brièvement l'Indochine, en 1955, à l'occasion d'une conférence sur la contre-subversion, où il fera la connaissance du général Lansdale et de David Galula...


d'après une interview du Colonel Lacheroy: "aux origines de la guerre révolutionnaire"

Merci Georges ,

Les guerres ainsi que leurs pratiques " au ras des paquerettes "   , ont façonné des hommes hors du commun ...En témoigne les " placards des Anciens ... "

 Et pour en revenir à " Ceux de notre Indo " , les promotions et citations fusaient à tout bout de champ ... Tel l'impliquait la proportion de chaque camp de combattants , l'héroisme  était partout et presque toujours naturellement .

De simples opérations de reconnaissance en limite de camp et en revenir indemme , devennaient mission impossible à partir de 53 ...




  
Dans le genre de guerre coloniale , l'Indo tient le pompon , et notre admiration et notre profond respect , ILS ont bien mérité, à défaut de celui de l'humiliante nation ...