Rappel du premier message :.
Deux planchettes ...Pour une prière
Avec deux planchettes arrachées à une caisse de rations, l’aspirant Martin a fait une croix, les clouant ensemble et y inscrivant les nom et grade de son camarade avec la mention : « Mort pour la France »…
Deux hommes avaient discrètement creusé la fosse tandis que leurs camarades faisaient chauffer l'eau pour le thé.
Comme pour Scratchley, avant lui, officiers et hommes, se sont contentés d'observer une minute de silence autour de la tombe…
En chemin, il avait bien fallu enterrer les deux morts de l'opération….
Pour le mitrailleur de Scratchley, cela s'est passé à la première halte du groupe de quatre Jeeps dirigé par Stirling, Jellicoe, Hastings et Scratchley…..
Pour lui, cela aura duré un peu plus longtemps, après l’opération….
...L’opération…
C’est vrai qu’avec Stirling, on n'est jamais déçu à cet égard…
…Il arrive du Caire avec un projet d'opération qui lui est particulièrement cher, puisqu'il s'agit tout simplement du premier raid de grande envergure en Jeeps-armées.
L'objectif qu'il a choisi est l'aérodrome de Sidi-Hanèche, dans le secteur de Fouka, qui est considéré par les services de renseignements comme une base essentielle de transport aérien pour les forces allemandes…..
Son projet est d’attaquer avec dix-huit Jeeps selon un dispositif qu'il a déjà mis au point au Caire et qu'il va expérimenter dès la nuit de son retour dans le désert….
Après avoir voyagé en colonne normale pour atteindre l'objectif, les Jeeps doivent, à l'arrivée sur le terrain, se mettre en ligne le long de l'aérodrome et ouvrir le feu à balles traçantes toutes ensemble dans le but d'affoler l'ennemi et de le clouer momentanément au sol. !!!
Stirling compte beaucoup sur cette entrée en matière en forme d' « apocalypse à roulettes »….
Puis, au signal donné par le lancement d'une fusée verte, les véhicules doivent prendre leur formation définitive d'attaque, en deux colonnes régulières et parallèles de sept Jeeps chacune, avec, en leur centre et légèrement en tête d'elles, la Jeep de Stirling encadrée par deux autres véhicules un peu en retrait, et, derrière ces trois éléments de tête, au milieu des deux colonnes, la Jeep du navigateur Mike Sadler…
Une fois cette formation adoptée, les dix-huit véhicules doivent commencer le « travail sérieux »…
Pénétrer à vive allure sur le terrain et passer entre les rangées d'avions en ouvrant le feu de toutes leurs mitrailleuses : quatre Vickers K par véhicule, réparties en deux jumelages. !!!
Chacune des deux colonnes doit, bien entendu, tirer latéralement vers l'extérieur de la formation, tandis que les trois véhicules de tête tirent devant eux, afin de neutraliser si possible les défenses de l'aérodrome.
C'est donc un véritable « hérisson de feu» qui doit circuler sur le terrain en détruisant tout sur son passage, grâce à l'action simultanée de soixante-huit mitrailleuses Vickers …
Il va sans dire que cette technique d'attaque suppose de la part des pilotes et des tireurs une certaine part d'acrobaties - et un sang-froid à toute épreuve….
Les intervalles de combat prévus entre les véhicules ne sont que de cinq mètres, et, à bord de chacune des Jeeps, le pilote doit continuer à conduire avec deux jumelages tirant en même temps, l'un à côté de lui et l'autre dans son dos…
Il importe donc pour les tireurs de ne pas « allumer » par inadvertance une Jeep amie sortie un instant de la formation et de ne pas tuer leur pilote…
Tout faux mouvement des uns comme de l'autre peut être fatal.
Les journées des 25 et 26 juillet sont des journées de travail intense : équipement des véhicules, distribution d'eau, essence, huile, munitions, armes, vivres, remplissage des chargeurs, essai des armes, etc
Stirling organise donc, dès la nuit tombée, une répétition générale dans le désert….
Répétition qui se déroule exceptionnellement bien, tout le monde parvient à se mettre en place au signal donné et personne ne se tire dessus.
L'attaque, en fait, est prévue pour le 27 à 1 heure du matin, afin de bénéficier totalement de la pleine lune, mais Sidi-Hanèche se trouvant à quelque soixante-cinq kilomètres au nord-ouest de Bir Chalder et du refuge, c'est dès la tombée de la nuit le 26 juillet, que la formation de Jeeps quitte la base n° 2, accompagnée par une patrouille néo-zélandaise du L.R.D.G. chargée d'opérer une diversion dans un secteur voisin, un quart d'heure avant l'attaque principale …
Guidé par Mike Sadler, concentré sur une navigation parfois difficile. Aussi difficile que le terrain, dont le caractère pour le moins rugueux provoque plusieurs arrêts et de multiples crevaisons….
Trois voitures ont été confiées au détachement français avec les équipages suivants :
1ere voiture: Lieutenant Jordan, caporal Le Gall, caporal Boven;
2eme voiture : Aspirant Zirnheld. caporal-chef Ithurria, caporal-chef Fauquet ;
3eme voiture : Aspirant Martin, caporal-chef Lagèze, parachutiste Leroy.
Pour des raisons d'ordre matériel, les voitures françaises sont réparties dans le dispositif et non maintenues groupées….
La navigation de la formation est remarquablement précise et soudain, après quatre heures et demie, à minuit quarante-cinq, les voitures arrivent en bordure des aires de dispersion des aérodromes à attaquer…
Sadler donne le signal de l'arrêt….
A ce moment, deux fusées paraissent dans le ciel et, quelques secondes après, les feux de la piste s'allument et un 'avion atterrit. L'ennemi ne se doute évidemment de rien….
Stirling fait donc se déployer les dix-huit Jeeps en ligne et donne l'ordre d'avancer.... Droit devant soi…
On croirait assister à la transposition monstrueuse d'une charge de cavalerie d'antan.
S'efforçant de garder l'alignement malgré les aspérités du terrain, les Jeeps s'avancent en oscillant et cahotant.
Soudain, derrière une ondulation de terrain….L'aérodrome, baignant dans une lumière violente…. La piste où l'on distingue les formes d'avions. De nombreux avions…..
La ligne des Jeeps armées, reprenant sa progression, va se porter en bordure du terrain, et, au signal, ouvre le feu dans un vacarme infernal….
Les Jeeps tressautent tandis que leurs quatre mitrailleuses tirent ensemble et les traçantes dessinent au-dessus de la piste des arabesques lumineuses qui semblent s'entrecroiser. Dès les premières rafales, les projecteurs, en face, se sont éteints, mais le terrain continue d'être éclairé, tant par la pleine lune que par les tirs des Vickers crachant toutes à leur cadence de 1 200 coups à la minute…
Se mettant debout dans sa Jeep, dont il tient le volant, avec, bien sûr, Cooper et Seekings comme mitrailleurs, Stirling brandit son pistolet Very, une fusée verte s'envole : changement de formation!!!
Les Jeeps se mettent aussitôt en double colonne formant ainsi un U renversé et foncent à travers le terrain selon l’itinéraire pré établi…
Les soixante-huit mitrailleuses continuent à cracher sans interruption et, rapidement, leurs ravages se font terribles….
Certains avions prennent feu en quelques secondes sur une rafale d'une dizaine de cartouches, d’autres encaissent deux ou trois cents balles sans s'enflammer !!!
Les quelques hommes qui courent sur le terrain, pour gagner un abri, sont fauchés par le tir des Vickers…
Des réservoirs explosent, la chaleur est devenue insupportable. Certains des hommes de Stirling se retrouveront d'ailleurs avec les sourcils brûlés. Combien de temps a déjà duré ce circuit meurtrier? Nul, sur le moment, ne saurait le dire.
La défense, évidemment, est prise au dépourvu et surprise par la puissance du feu du détachement, et ne réagit qu'au bout de quelques minutes…
Un obus de mortier vient exploser entre les deux colonnes de Jeeps.
Puis c'est un canon Breda de 20 mm, l'une des armes les plus redoutables fabriquées par les Italiens, qui entre en action.
- Fais-le taire, crie Sandy Scratchley à son mitrailleur avant.
Pas de réponse…. Lâchant son volant d'une main, Scratchley touche alors l'épaule du mitrailleur, qui s'effondre doucement en avant, le front sur les deux chargeurs circulaires de ses armes. Il a été tué net par un éclat de mortier.
Un choc ébranle la Jeep de Steve Hastings et il se retrouve aveuglé par un liquide chaud qui lui couvre le visage…. En fait, son mitrailleur avant et lui-même sont tout simplement couverts d'huile….
Miraculeusement, leur Jeep roule encore…. Ils devront toutefois l'abandonner, après l'avoir sabotée et piégée, à la fin de l'opération.
Quelques instants plus tard, c'est la Jeep de Stirling qui est atteinte. Aucun des trois occupants n'est blessé, mais le véhicule est hors d'usage. Du coup, les deux colonnes s'arrêtent.
- Faites taire le Breda, crie Stirling en remontant dans une autre Jeep. Concentrez le feu sur lui et faites-le taire!
Le canon est enfin neutralisé.
A ce moment, Stirling fait couper les moteurs à tous les véhicules pour pouvoir, très calmement, compléter ses instructions en vue d'un deuxième passage, destiné à terminer le travail…. On repart et, après le silence étrange qui s'était soudain abattu sur le terrain, c'est de nouveau le déchaînement….
Paddy Mayne, sans doute emporté par de vieilles habitudes, quitte sa Jeep en courant pour aller y poser une bombe sous un Junkers 52…
A 1 h. 45, l'opération est terminée. Une évaluation prudente des résultats, sera transmise par le major Q. G. de la 8e armée, elle donne dix-huit avions incendiés et douze gravement endommagés….
Les pertes se réduisent à un homme tué, un blessé et la Jeep mise hors d'état, abandonnée sur le terrain.
Dans le détachement français, tout le personnel et le matériel, sont intacts….
La dispersion a lieu dans une certaine confusion….
Afin d’échapper aux recherches de l'aviation ennemie, qui se produira sans aucun doute, dès le lever du soleil, ordre est donné de regagner la base n° 2, par petits groupes de trois ou quatre voitures ….
Dès l'aube, ils s'arrêteront et se camoufleront au point atteint où ils passeront la journée, sans mouvement d'aucune sorte….
Les divers détachements rentrent sans difficulté et, après une journée d'arrêt, se trouvent à la base dans la nuit du 27 au 28 juillet.
Néanmoins, peu après avoir quitté le champ d'aviation, une des roues de la Jeep de l’aspirant Zirnheld crève….
Arrêt général et réparation.
La colonne repart; quelques instants plus tard, nouvelle crevaison….
La Jeep qui précède celle de l'aspirant Zirnheld, n’a rien vu et continue son chemin.
L’aspirant Martin qui roule derrière lui s'arrête à sa hauteur et envoie la dernière voiture prévenir le détachement pendant qu'ils commencent à réparer….
Le convoi allant à vive allure, il n'a sans doute pas été rattrapé et donc prévenu, et les deux Jeeps françaises se trouvent maintenant seules dans le désert….
Le sable est mou, le cric glisse, la voiture repose sur le tambour …Il faudra trois quarts d'heure pour réparer…
Vers 4 h. 30, se lève un brouillard providentiel qui permet de continuer leur route en sécurité… mais empêche de faire le point convenablement, ils roulent donc plein ouest, de façon à tomber sur la ligne téléphonique de Siwa qui leur permettra de se repérer…..
Elle est atteinte au moment où le brouillard commence à se lever….
A l'est, un important mouvement de terrain va leur offrir une protection naturelle. Les deux Jeeps s'y cachent dans une faille rocheuse et améliorent le camouflage à l'aide de buissons et de filets….
Chacun se terre dans des trous de rochers après un léger repas, pour passer la journée… Il est nous l’avons vu interdit de circuler de jour pour de ne pas se faire repérer par les avions de reconnaissance qui auraient vite fait de trouver la base….
L’aspirant Martin aperçoit, vers 6 h. 45, sur la piste des voitures qui descendent du nord…. Bientôt tout un convoi d'une trentaine de tracteurs d'artillerie et de canons antichars s'arrête, sur un terrain plat à deux kilomètres environ au nord, de leur cachette.
Deux avions de liaison allemands atterrissent à proximité, prenant contact avec le convoi qui, après une demi-heure d'arrêt, poursuit son chemin vers le sud…
Zirnheld et Martin décident d'attaquer les deux avions au sol à la mitrailleuse lorsque le convoi se sera éloigné….
Malheureusement, les appareils décollent trop tôt, passant juste au-dessus d'eux à faible altitude sans les repérer et disparaissent rapidement vers le sud …
.