Article précédentPuisque dans un autre sujet mon ami Zitoune, m’a gentiment rappelé à l’ordre, voici le dernier volet de ce court résumé…
Occupation des ouvrages et chronologie des combats
Front Nord Est
Les ouvrages, nous l’avons vu précédemment, furent occupés par leurs équipages de guerre pour la première fois en mars 1936, au moment de la remilitarisation de la Rhénanie par Hitler, puis en 1938 au moment de l'affaire de la Tchécoslovaquie.
Dès 1932 on avait construit, à proximité des ouvrages, des "casernements de sûreté" où cantonnaient en permanence les "noyaux actifs" des garnisons (
un régiment d'active par secteur fortifié, qui, à la mobilisation, formait deux régiments de réserve)...
Fin août 1939, l'imminence de la guerre provoque le déclenchement des mesures d'alerte:
Les équipages occupent les ouvrages, rejoints rapidement par les réservistes frontaliers et parisiens.
Les habitants des villages situés en avant de la ligne sont
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Les opérations de mobilisation et de concentration des armées se déroulent normalement à l'abri du système fortifié. Rapidement, les divisions d'intervalle viennent compléter, en surface, l'occupation de la position.
La Ligne Maginot sert de base de départ à la courte offensive tentée par le Commandement de Sarrebruck pour tenter de soulager l'armée polonaise (
offensive de la Warndt, 7-14 septembre 1939).
La Ligne Maginot (
dans le Nord-Est) est placée sous le Commandement du Groupe d'Armée de l'Est (
G.A.E.), commandé par le Général Prételat, qui coiffe trois armées :
- 3e Armée Général Condé - P.C. à Metz
- 4e Armée Général Requin - P.C. à Château-Salins
- 5e Armée Général Bourret - P.C. à Wandenbourg
Puis à partir du 20 mars 1940 :
- 8e Armée Général Garchery - P.C. à Belfort
Le 10 mai 1940, c'est l'offensive allemande, et le 13, le front en fortification légère de campagne est enfoncé à Sedan. Le 2 juin, toute la masse de manœuvre alliée est évacuée ou faite prisonnière à Dunkerque…
Le Général Weygand qui a pris le commandement tente de rétablir un front sur la Somme et l'Aisne: le 10 juin la bataille est perdue et la masse des divisions blindées allemandes peut se rabattre vers la frontière suisse, pour encercler les armées de l'Est qui ont reçu - beaucoup trop tard - l'ordre de décrocher…
Les troupes d'intervalle seront donc rappelées de la Ligne Maginot le 10 juin mais faute de moyens de transport rapides elles ne parviendront pas à temps à se retirer et seront encerclées dans les Vosges…
Les équipages des ouvrages et casemates restent seuls pour couvrir le repli, les troupes allemandes en profitent pour attaquer à revers.
Les 19 et 20 mai le petit ouvrage de
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] a été couronné par les forces allemandes: l'équipage en entier est mort dans l'ouvrage (
120 à 150 hommes selon les sources). Le Secteur Fortifié de Montmedy est alors abandonné volontairement sur ordre.
Du 18 au 22 mai, les petits ouvrages d'infanterie de Maubeuge et de Valenciennes, encerclés et attaqués de tous côtés, succombent après une résistance acharnée…
Du 13 au 15 juin, les troupes allemandes attaquent la Trouée des Etangs, que les troupes françaises sont en train d'évacuer, non sans de très durs combats à Puttelange et à Holving, puis, se rabattant, attaquent à revers les petits ouvrages du Kerfent et du Bambesch qui succombent le 20 et le 21 juin…
Les petits ouvrages du Haut Poirier et du Welschoff tombent le 23 juin, aucun de ces ouvrages, faute de crédits, n'étant protégés par de l'artillerie…
Mais dès qu'ils abordent la zone protégée par l'artillerie des gros ouvrages (
Secteur Fortifié de la Crusnes, de Thionville et de Haguenau) les troupes allemandes essuient de graves échecs : assaut manqué de l'ouvrage de Fermont le 21 juin, attaque des ouvrages du Hochwald et de Schoenenbourg.
Lorsque l'armistice survient, le 25 juin, l'essentiel de la Ligne Maginot (
22 000 hommes) tient victorieusement et les ouvrages possèdent encore de trois semaines à un mois de munitions dans leurs soutes, les équipages n'accepteront d'évacuer les ouvrages comme prisonniers qu'entre le 30 juin et le 2 juillet, sur ordre formel et écrit de l'Etat-Major français.
Les troupes allemandes leur rendront partout les honneurs.
Front des Alpes
Dans le Sud-Est, c'est la 6e Armée (
Armée des Alpes du Général Olry) qui est responsable de la défense du front…
Jusqu'au 10 mai 1940, il ne se passe à peu près rien…
Puis bien que la plupart de ses divisions ait été rappelées sur le front du Nord-Est, la 6e Armée parvient à défendre victorieusement la frontière sur 400 Km, et résiste à des forces italiennes quatre fois supérieures en nombre, leur infligeant de très lourdes pertes, surtout dans les Alpes Maritimes…
Lorsque survient l'armistice, les Italiens n'ont nulle part atteint la position de résistance. Les petits ouvrages d'avant-poste sont encerclés, mais résistent partout.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Mai 1940 les allemands prennent possession de la ligne Maginot invaincue (
entrée munitions du Hackenberg)
En résumé, on peut considérer que la Ligne Maginot a rempli entièrement le rôle qui lui était assigné.
L'erreur du Haut Commandement français fut de ne pas la considérer comme un des moyens mis à sa disposition, mais bien comme une sorte de muraille de Chine capable de gagner seule la guerre - ce qui n'a jamais été le but de la fortification.
Aucune des possibilités qu'offrait le système fortifié de servir de base à une offensive en Rhénanie, au début de la guerre, ou à des contre-offensives de flanc, après Sedan, n'a été sérieusement exploitée, mais c'est une affaire de commandement en chef et non de fortification…
Toujours est-il que l'essentiel des ouvrages tenait encore, le jour de l'armistice, presque sur la frontière, alors que les troupes allemandes arrivaient à Lyon et à Bordeaux.
Enfin, utilisés par les Allemands comme usines souterraines et parfois comme cibles d'expérience (
Ouvrages de Métrich, Billig et Four à Chaux) certains ouvrages furent hâtivement
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] et ouvrirent le feu sur les troupes américaines en novembre et décembre 1944.
Une remise en état fut menée par le Génie français après 1945 et poursuivie pendant une vingtaine d'années. Ce n'est qu'à partir de 1964 que la décision fut prise d'abandonner l'entretien et de fermer les ouvrages, tandis que les casemates et petits ouvrages commencèrent à être vendus…
En conclusion
Nous avons ici, très rapidement décrit comment se présentait l'organisation défensive de la France en 1940....
Conçue à l'origine, et dans une saine tradition, comme un élément limité, auxiliaire de la manœuvre, elle était peu à peu devenue, au fil des années et des changements de direction, la muraille continue qu'on présentait complaisamment à l'opinion publique comme la panacée universelle. Cette évolution regrettable était le fait des hommes et de la propension naturelle d'un pays épuisé, physiquement et moralement, à glisser vers les solutions de facilité. (
on peut faire un rapprochement avec ce qui se passe de nos jours)
Il n'existe pas de système miracle en lui-même, qu'il s'agisse de force de frappe ou de système fortifié.
Quoiqu'il en soit, la C.O.R.F. avait pour sa part réalisé une œuvre qui dépasse l'imagination, œuvre incomplète et perfectible certes, mais qui n'a pas fini de susciter l'admiration des ingénieurs et des architectes.
Jamais dans l'histoire, tant de soins n'avaient été apportés pour fournir au défenseur un outil aussi perfectionné.
La devise "On ne passe pas" n'était donc pas un vain mot pour ceux qui la portaient sur leurs insignes.
Pour eux, ouvrages et casemates ancraient dans le sol du pays la ligne du devoir, une volonté farouche de résister sur place, face au péril montant de l'hitlérisme…
Et pour conclure je vais vous infliger, encore, quelques renseignements numériques :
Composition des fronts
Nord Est :
23 ouvrages d'artillerie
35 petits ouvrages d'infanterie… au total des deux, 316 blocs
295 casemates et blockhaus d'intervalle
70 abris d'intervalle
14 observatoires cuirassés d'intervalle.
Pour mémoire, blockhaus, casemates STG d'artillerie et d'infanterie et divers construits par main-d'oeuvre militaire, (
probablement plusieurs milliers).
Sud Est et Corse :
23 ouvrages d'artillerie
27 petits ouvrages total des deux 146 blocs
17 casemates d'intervalle (
dont 16 en Corse, face à la Sardaigne)
3 observatoires d'intervalle 11 abris d'intervalle
6 blockhaus d'avant-poste et divers.
Pour mémoire, 26 petits ouvrages d'avant-poste et 39 casemates construits par main-d’œuvre militaire.
Armements et cuirassements (
CORF seulement)
Artillerie
43 lance-bombes de 135 mm
132 mortiers de 81 mm (
non compris les casemates d'instruction)
169 pièces de 75 mm de 7 modèles différents.
Soit 344 pièces d'artillerie au total …
Cuirassements
152
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], dont :
- 17 de 135 mm
- 21 de 75 mm - Mle 33
- 12 de 75 mm Mle 32
- 21 de 81 mm
- 12 d'armes mixtes
- l de 75 mm - Mle 05
- 7 d'armes mixtes et mortiers de 50 mm
- 61 de mitrailleuses.
1533 cloches fixes, dont
- 97 observatoires
- 75 lance-grenades
- 246 cloches de mitrailleuses ou d'armes mixtes
- 1115 cloches de guetteur et fusil-mitrailleur.
Volumes et prix de revient
L'ensemble représente :
- plus de 100 km de galeries
- 12 millions de m3 de terrassements
- 1,5 million de m3 de béton
- 150 000 tonnes d'acier
- 450 km de routes et voies ferrées.
Compte tenu de la loi de janvier 1930 (
2,9 milliards de Francs) plus les tranches annuelles ultérieures, plus les travaux exécutés par main-d’œuvre militaire, on arrive à une dépense totale approximative de 5 milliards de Francs 1940* (
travaux C.O.R.F. et petits bétons compris).
A titre d’exemple :
Le plus gros ouvrage (
Hackenberg) coûte 172 millions (
1929-1940)
Un gros ouvrage (
Simserhof, Molvange) coûte 70 à 80 millions
Un petit ouvrage (
Aumetz) coûte 8 à 10 millions
Une casemate d'intervalle coûte 1,5 à 2,5 millions
*1.9 milliard d’euros 2011