Rivalité Giraud de Gaulle en 1943

Nous avons récemment pas mal parlé de l’armée d’Afrique, de Pétain et de Giraud, alors un petit topique sur la rivalité Giraud de Gaulle en 1943, que j’avais posté sur l’ancien forum il y a plus de 15 ans !
 
On peut en discuter plus avant, c’est un sujet compliqué, j’ai fait très factuel et court.
 
Je pense que avant de parler cette lutte acharner, et pour bien comprendre la position de généraux tel que Juin, Giraud, Darlan (amiral), de Lattre, ect qui restèrent fidèle à Vichy jusqu'au 8 novembre 42,  après l’opération Torsh, il faut revenir sur la prise du pouvoir par Pétain.  Prise de pouvoir qui, vu d’Afrique parait, à cette époque, complètement légitime.
 
Bon inutile de revenir sur le plus grand désastre militaire de Mai-Juin 40….Le gouvernement Raynaud s’élargit à deux personnalités militaire,

1-Pétain qui est rappelé de son ambassade de Madrid et qui deviens le numéro 2 du gouvernement
2-De Gaulle, ancien secrétaire de Pétain avec qui il a rompu il y à 10 ans.

Paul Raynaud veux l’armistice en métropole et continuer le combat à partir des colonies, l’armée et ses chefs, Weygand en tète veulent une paix durable avec l’Allemagne nazi afin d’avoir une place dans le nouvelle ordre européen fasciste. Le 16 juin Raynaud démissionne, et aussitôt Pétain forme son gouvernement dont la liste avait été préparée 4 jours plus tôt. Le 22 juin 40 il demande l’armistice et obtient, aux yeux des français le principal

1-la continuité de l’état Français
2-une large zone sud non occupée.

Mais ceci n’est qu’un habillage à ce qui est en fait un compromis optimal pour Hitler qui souhaitait cela, d’ailleurs aussitôt Hitler

1-annexe la Moselle et l’alsace
2-met en place une zone côtière interdite de Biarritz à Dunkerque, avec le rattachement du nord pas de callais à la kommandantur de Bruxelles
3-les dispositions économiques et financières mettent la France en coupe réglé
4-la France remet, contre toute les règles de l'honneur, des partisans allemands antinazis aux SS.

De fait la France devient un état allié de l’Allemagne.

Fort de ce succès apparent, et avec le soutien de l’ancien élu socialiste Pierre Laval à partir du 23 juin, Pétain liquide en six mois le régime républicain vieux de 60 ans. Le 10 juillet les chambres (sénat et assemblé) réunit en zone sud vote à 569 voix contre 80 les plein pouvoirs à Pétain pour la mise en place d’une constitution pour le nouvel Etat Français, ce qui mène a

-Suppression des parlements
-Suppression des partis politiques
-suppression des syndicats
-interdiction du droit de grève
-abolition de la laïcité
-mise en place du statut de Juifs, sans aucune demande à ce propos de la part des nazis

Le 24 Octobre a lieu l’entrevu avec Hitler à Montoir, le 31 Pétain dis lui-même, lors d'un discours radio diffusé « j’entre dans le voie de la collaboration »….Toutefois, Pétain a refusé la collaboration militaire avec l'Allemagne, ce qui faisait de l’armée d'Afrique, une armée aux ordre de Vichy et non subalterne à la Wehrmacht, Giraud ne fait donc que suivre les ordres du chef de l'état français et supérieur, Pétain.
 
 
 
Apres l’opération Torch, et l’occupation de la zone libre par les Allemands, l’Armée d’Afrique et ses chefs, Giraud en tête, se rangent aux coté des Alliés. Se pose alors la question de l’administration à mettre en place sur les colonies Françaises, et c’est dans ce contexte que les généraux Giraud et de Gaulle vont se livrer une guerre à mort tout au long de l’année 43. 


Rétrospectivement, la position de de Gaulle début 43 est bien Fragile. Général de brigade a titre provisoire (Giraud a 3 étoiles de plus), il est le chef d’un « groupuscule » : la France libre. La France libre ne représente alors que quelque volontaire : une brigade en Egypte, la colonne Leclerc du Tchad, quelques aviateurs. De Gaulle n’est même pas prévenu de l’opération Torsh, ce qui illustre bien ce que représente de Gaulle aux yeux des alliés fin 42….Ce n’est donc pas a lui que les alliés songent afin de prendre le contrôle des colonies Française sous leur autorité. Alors pourquoi vouloir absolument mettre à l’écart de Gaulle ?
 
1-Il déplait aux américains qui avait joue la carte Vichy afin de préserver les colonies et la marine Française de l’emprise Allemande (cauchemar de Churchill, qui mènera a la honte de Mers El Kebir…). Donc les attaquent virulente de de Gaulle contre Vichy effraie les américains qui redoute le rapprochement Vichy-Berlin.
 
2-Il déplait a une certaine catégorie de généraux et officie Français qui ne pardonne pas A Churchill la destruction de la flotte à Mers El Kebir, donc indirectement à de Gaulle qui est à Londres.
 
3- Il déplait à certains mouvement de résistance intérieure comme combat, de loin le plus grand et efficace réseau de résistance en France en 41/42, de Henri Frenay, longtemps très proche de Vichy. Frenay voit d’un mauvais œil la présence d’homme de gauche comme Soustel et de franc massons comme Moulin aux coté de Gaulle, et ne rallie donc pas la France libre.
 
Pour ces raisons, les Américains apportent donc leur soutien à Darlan. Malheureusement, le 24 décembre 42, Darlan est assassiné par jeune royaliste Fernand Bonnier de La Chapelle. Certain pense que Bonnier est manipulé par les Gaullistes, avec la pleine approbation des services secret britannique. Le soutient américain se porte donc, début 43 sur le général Giraud, archétype du soldat droit et étroit d’esprit, qui déteste copieusement de Gaulle depuis des années. Et pourtant, à force de ruse et de manigance machiavélique, de Gaulle va réussir à mettre Giraud sur la touche en 43 et éviter sa propre marginalisation voulue par les américains. Comment ?
 
 
-24 janvier 43, à ANFA, de gaulle rallie les FFL à l’armée d’Afrique
 
-en juin 43 de Gaulle accepte l’idée de la co-présidence du gouvernement provisoire de la France, la voilà dans la place, il y restera…Accumulant les ralliements a sa personne, comme.
 
 
-Grâce à l’œuvre de Jean Moulin, de Gaulle parvient à unifier et rallier derrière lui tous les mouvements de résistance intérieure au sein du CNR, de Libération à Combat, des communistes à Frenay. Jean Moulin aura gagné la partie pour de Gaulle
 
-de Gaulle va rallie sur sa personne Churchill qui ne le lâchera jamais.
 
Ainsi à l’automne 43 de Gaulle évince Giraud en faisant preuve d’une ruse, d’une opiniâtreté et d’une volonté sans faille, est se retrouve seul à la tête du CFLN rebaptisé Gouvernement provisoire de la république Française le 3 juin 44.
 
 
Voila.

Brelan a écrit:

L’explication est limpide mais on aimerait avoir des détails.
Churchill, Moulin et tous ces gens qu’il a réussi à convaincre !

Salut Brelan,

C’est une question compliquée, je vais te donner des éléments de réponse.

Le succès de de Gaulle, c’est d’abord la faiblesse de Giraud. Le programme de Giraud était purement militaire : collaborer avec les Alliés pour la défaite de l’Allemagne. Les soutiens les plus sûr de Giraud sont les hauts gradés de l’armée, discrédités par leur incompétence militaire de la vieille école et compromis par leur période Vichy. De ce fait, le régime de Giraud en Afrique du Nord est extrêmement précaire. Ses fidèles partisans étaient compromis par leur passé ; leur seul programme était de se taire. 

En plus, Giraud, trop servile envers Washington, perd rapidement du terrain au profit de De Gaulle, qui est ainsi incité à se manifester pour défendre les intérêts français contre Washington.

Le programme de De Gaulle, au contraire est fortement politique avec la restauration de la légalité républicaine, Giraud ne pouvait opposer qu’un programme négatif de silence sur un passé trop compromettant pour la majorité de ses partisans. Il s'est donc retrouvé dans une position extrêmement difficile dans les discussions de juin 43 à Alger. 

De plus La situation des partisans les plus compromis de Giraud est intenable. Peyrouton, ancien ministre Pétain, brutal persécuteur de l'opposition en France, amené par les Alliés de son ambassade de Vichy en Argentine sur les conseils de Darlan pour diriger l'Algérie, a dû démissionner. Bergeret, ancien ministre de Vichy, proche collaborateur de Giraud, est démis de ses fonctions. Nogues, gouverneur du Maroc, fervent partisan de Pétain, a démissionné le 5 juin et a même quitté l'Afrique du Nord. Boisson, que Washington tenait à conserver comme « administrateur compétent », a finalement dû démissionner fin juin.

De fait pour toute ces raisons, de Gaulle gagna le soutient populaire en Afrique du Nord tandis que le prestige du régime Giraud était nul. Cela empêcha Giraud de rompre avec le mouvement gaulliste ce qui aurait discréditer son régime et porter un coup dur au prestige des Alliés dans la résistance Française, ressemblée autour de Moulin depuis janvier 43, à qui de Gaulle doit tout.

Le résultat des négociations de Juin a Alger fut une grande défaite pour Giraud. Un pouvoir politique central est constitué le 3 juin, pour l'essentiel selon le plan initial de De Gaulle.
 
Enfin, on a souvent dit que le conflit entre De Gaulle et Darlan-Giraud reflétait des frictions anglo-américaines. C’est à moitie faux. Avant le débarquement en Afrique du Nord, Londres, contrairement à Washington, avait combattu contre Vichy (Mers-el-Kébir, Madagascar, Syrie) et était ainsi amenée à soutenir directement le mouvement gaulliste. Même si par la suite les relations Churchill-de Gaulle se sont rafraichit, Churchill a toujours soutenu de Gaulle.

En fait, l’opposition entre Giraud et De Gaulle montre combien il est difficile pour une classe dirigeante écrasée militairement de recréer son unité politique. La politique de « collaboration » a brisé l’axe national traditionnel Français et créé des divisions dont de gaulle a profité.

Le Connétable n'était pas un grand stratège militaire et dans l'édition d'avant guerre de son célèbre livre sur l'emploi des chars, il avait oublié l'aviation, par contre il a toujours été un fin politique, sachant parfaitement jouer sur les tableaux pour arriver à ses fins.
Churchill dit que chacun à sa croix et que la sienne était la Croix de Lorraine, mais il a continué à lui apporter son soutien et à le tenir à bout de bras.

Il est persuadé, dés son arrivée en Angleterre en 40, qu'il a hérité d'une mission divine et rien ne le fera dévier de la voie qu'il s'est fixée et il réussira à imposer la France au coté des vainqueurs en 1944 et 45. Certes ce sera un strapontin, mais quand même....qui aurait misé un penny en 40 ?
Ce n'était pas évident au départ.

Giraud n'était qu'un militaire, sans grande ambition politique, ni savoir faire diplomatique. Quand il a fallu l'éliminer pour qu'aux yeux des alliés il n'y ait qu'un représentant de la résistance française, cela a été fait, sans scrupules. Celà n'a laissé de traces que dans l'armée et encore pas partout.

Depuis quelques mois, je lis (ou relis pour certains) les livres et opuscules écrits sur la résistance dans le sud est de la France. La multiplication des groupuscules, sans lien ou avec des liens ténus, voir de la concurrence ... est effarante . On comprend mieux les succès qu'ont eu les services allemands et les Brandebourg qui ont laissé des traces sanglantes tout le long de leurs interventions.
L'inexpérience des chefs en matière de sécurité me laisse pantois. Alors que les routes et chemins sont surveillés le nombre de déplacements des chefs politiques et ou militaires est omniprésente..
La multiplication des envoyés de l'OSS, de l'IS, des français libres de Londres, de ceux d'Alger ne fait que renforcer cette mosaïque.
C'est vrai qu'unifier ce patch work au moment avant et pendant les débarquements n'a certainement pas été une mince affaire, d'autant que les partis politiques pensaient déjà l'après libération !

A mon avis le pire a été l'espace de flottement qu'on a laissé entre la retraite des occupants et les nouvelles institutions à peu près organisées,  issues de la résistance.
Je sors, je suis HS

Glard a écrit:

Le Connétable n'était pas un grand stratège militaire 

Giraud n'était qu'un militaire, sans grande ambition politique, ni savoir faire diplomatique. 

Absolument Glard, afin de compléter, je conseil les bouquins de Churchill et de Gaulle, qui sont subjectives évidement, mais intéressants. 

Sur la résistance il faut livre la bible de Wieviorka qui a mis tout le monde d’accords.

Merci. Tes conseils de lecture sur la période sont toujours judicieux.

Pour bien comprendre cette rivalité et l'atmosphère d'Alger, je vous conseille de lire un homme qui a vécu en interne : Pierre Ordioni et ses livres " tout commence à Alger 40-44, Le secret de Darlan , la Fracture de Londres 41 à Sétif 45, Il nous éclaire sur le personnage de Darlan qui se trouve fortuitement à Alger où son fils fait une attaque de polio terrible ( et sera sauvé par les US) et soudain doit revoir sa position vis à vis de Pétain, avec lequel il est en liaison avec une ligne spéciale, alors que les US débarquent de façon inattendue. 
Darlan est obsédé par la confidence de l'Amiral allemand Canaris ( hostile à Hitler bien que patron de l'Abweer) et la bombe "thermique" que Hitler préparait  ( en réalité la bombe atomique) et qui lui aurait donné la victoire. Curieusement à Alger, donc, Darlan qui a tout en main, prévenu du complot gaulliste , ne prend aucune précaution et laisse entrer Bonnier de la Chapelle au Palais d'Etè comme dans un moulin.
La suite est tout aussi intéressante: Les acolytes de De Gaulle: D'Astier de la Vigerie, l'Abbé Cordier ( qui dynamite l'avion régulier d'air Algérie entre Alger et Rabat où devait se trouver le général Nogués d'où une cinquantaine de morts dont de nombreux enfants), le Comte de Paris ( cocu de l'affaire) ne parviennent pas à faire appeler De Gaulle et il faudra 6 mois pour que Giraud, pur militaire et ancien chef de De Gaulle, se laisse déposséder et mis en résidence surveillée à Mazagran ( Mostaganem) où un tirailleur algérien qui le gardait, lui tirera dessus, d'une balle à travers la mâchoire, car éliminer Giraud reste d'actualité même si De Gaulle est enfin au pouvoir à Paris !
Quant à la résistance intérieure et ses dissensions qui ne sont pas minces, l'organigramme du général Delestraint lors de son arrestation étant aux 3/4 vide, faut-il rappeler que De Gaulle n'apprécia pas la motion du CNR présentée par Jean Moulin à Londres car il ne voulait pas du terme "souverainement" concernant le rôle de ce conseil à la Libération, terme biffé dans ses Mémoires mais que Jean Moulin lui imposa avant de repartir à la mort! De même Brossolette lui a écrit une lettre "à cheval" sur son comportement rendue célèbre par la veuve. La Résistance avec Bidault successeur de Jean Moulin est extrêmement désunie, ne serait ce qu'entre FFI et FTPF communistes.
De Gaulle dira à Roger Belin son secrétaire général du Gouvernement, à son retour aux affaires, alors qu'il voulait supprimer la Fête du 8 mai contre l'avis de Michel Debré:

Merci Monrose pour ces conseils de lecture, J'ai ,depuis des lustres un des livres d'Ordioni dans mon fond de bibliothèque. Tu m'as donné envie de le relire.
Je dois aussi avoir "L'assassinat de Darlan" par Arnaud de Chanterac, qui_ montre bien le dessous des cartes