Un complément à l’excellent travail de bertetlaurent
Remarque : Les différents éléments présentés m’ont été envoyés par B. Potel (un passionné de la guerre d’Indochine).
Les AFAT / PFAT en Indochine
Discours du Général Paul Renaud, premier vice-président de l'A.N.A.I., à la cérémonie de la caserne de Croy le 4 décembre 2004 marquant la rénovation de la stèle commémorative en mémoire des PFAT parties en Indochine
C'est d'ici, de cette cour sévère, que des centaines de jeunes filles, engagées volontaires dans l'indifférence générale, sont parties pour une guerre lointaine, servir le Pays.
« Sans tenir compte du temps, de la fatigue, du danger, ambulancières, infirmières, assistantes sociales, transmissionistes, secrétaires, elles ont accompli leur devoir avec une générosité et un courage qui mérite le respect » ... Ce sont les termes mêmes d'un ordre du jour du Maréchal de Lattre de Tassigny.
De ces jeunes femmes parties dans l'enthousiasme, vingt-huit au moins ne sont pas revenues ; leurs noms sont gravés sur ce marbre. Il faut y ajouter celles qui servaient dans l'Armée de l'Air - les héroïques convoyeuses -, dans la Marine ou la Croix Rouge... Certaines ont été terrassées en pleine jeunesse par les maladies tropicales contractées dans les conditions de vie qui étaient souvent les leurs.
Onze d'entre elles ont trouvé la mort au combat ; une simple date le rappelle sur la plaque, mais qui dira le sacrifice de chacune d'elle ? Nous n'en citerons que deux :
- Françoise Guillain, la première, massacrée le 10 mars 1946 à Binh Dong, près de Haïphong, elle venait de débarquer avec la 9ème DIC. « Si je meurs, avait-elle écrit, qu'on me laisse là où je serai tombée, près de mes compagnons d'arme. Ne craignez rien, je suis prête ».
- Aline Lerouge, ambulancière, volontaire dès 1945 pour un premier séjour, elle y est blessée. Au cours d'un second séjour, elle gagne une nouvelle citation et, en novembre 1948, la Légion d'Honneur. Rapatriée sanitaire, cela ne l'empêche pas de repartir pour un troisième séjour ; elle coule au volant de son ambulance en traversant un arroyo, c'était le 24 novembre 1950.
Voilà ce dont elles étaient capables, les « AFAT » - comme nous les appelions alors affectueusement. Elles sont un exemple pour toutes celles qui aujourd'hui, sous les armes, servent avec discrétion, courage, générosité ; je salue celles qui sont ici présentes.
Oui, cinquante ans bientôt après la fin des combats de la France en Extrême-Orient, pour l'Honneur de l'Armée, le souvenir de toutes celles qui sont parties servir au loin méritait d'être rappelé.
Service religieux à la cathédrale de Saïgon à la mémoire du personnel féminin tombé au champ d’honneur.
Située dans la caserne de Croy, avenue de Sceaux.
A LA MÉMOIRE DU P.F.A.T DES TROUPES COLONIALES AYANT TROUVÉ LA MORT EN INDOCHINE - MORTES POUR LA FRANCE - DÉCÉDÉES EN INDOCHINE –- Inaugurée après restauration le 04/12/2004 avec l'inscription de 3 noms qui n'étaient pas référencés (ANAI des Yvelines)
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Notes et remarques diverses concernant le nombre de PFAT ayant trouvé la mort en Indochine. (Ce sont des extraits choisis par B. Potel à l’occasion de son étude). Dans un premier temps, obtenir un résultat chiffré fiable des pertes féminines en Indochine s’est révélé quasiment impossible, tant les sources sont muettes ou discordantes sur ce point. Les plus exploitables sont celles du SHD ainsi que le Bulletin PFAT et Bellone – revue militaire féminine fondée en 1948 et publiée jusqu’en 1967. En croisant les différentes sources disponibles, on peut en conclure que cent à deux cents femmes ont trouvé la mort en Extrême-Orient, soit entre 5 et 10 % des effectifs militaires féminins engagés sur place ; alors qu’elles ne représentent guère plus de 2 % de l’effectif total des troupes françaises en Extrême-Orient (TFEO). D’un point de vue global, ce sont 15 à 20 % des effectifs du Corps Expéditionnaire qui perdirent la vie en Indochine.
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En ce qui concerne le souvenir de la guerre d’Indochine, soldée par une défaite française, celui-ci ne donne absolument pas lieu aux mêmes commémorations que les deux guerres mondiales. Plus sobres ou plus discrets, dépouillés de toute symbolique victorieuse, les monuments aux morts de la guerre d’Indochine sont également moins nombreux mais ne manquent jamais de mentionner le nom des morts. Et c’est sans surprise que ceux des femmes sont très difficiles à trouver.
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Un seul monument rend hommage aux femmes : la stèle de la caserne de Croÿ à Versailles sur laquelle sont inscrits les noms de vingt-huit (3 noms ont été rajoutés depuis) PFAT ayant trouvé la mort en Indochine *
Quant au site Mémoire des Hommes du ministère de la Défense, pourtant « destiné à mettre à la disposition du public des bases de données ayant pour vocation d’honorer la mémoire de celles et ceux qui ont participé ou donné leur vie au cours des conflits de l’époque contemporaine », il n’en recense que quinze dans la rubrique « Morts pour la France ».
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À la lecture du Bulletin PFAT, les chiffres annoncés pour les PFAT mortes en Indochine sont tout aussi différents. Seuls deux numéros les mentionnent clairement. Celui de septembre 1950, évoque « vingt-cinq AFAT tombées en service commandé en Indochine depuis 1946 *
Quoi qu’il en soit, ces quelques données sont très éloignées de celles figurant dans les archives du département de l’armée de terre.
Un début d’explication, certes peu satisfaisant, pourrait être apporté. Le caractère inattendu et nouveau de l’engagement des femmes en Indochine pourrait avoir focalisé l’attention des observateurs pendant les premiers temps de la guerre, produisant ainsi un relevé précis et nominatif des premières « mortes pour la France ».
Est-ce parce qu’elles ont été plus d’une centaine à mourir en Extrême-Orient que les relevés et les hommages se sont faits plus rares et moins systématiques par la suite ? Impossible à dire, mais cinquante-trois d’entre elles ont pu être clairement identifiées par croisement des différentes sources précédemment citées. Le résultat de cette recherche révèle donc les lacunes du recensement des femmes mortes en Indochine.
Les seules bases de données spécifiquement consacrées aux « Morts pour la France » sont celles du site du ministère de la Défense et du mur du souvenir du mémorial de Fréjus. En croisant ces deux bases, le nombre de femmes « mortes pour la France » s’élève à trente-cinq dont vingt-six pour la seule période 1946-1952 ; ce qui confirme le caractère très incomplet de la liste figurant sur la stèle de Croÿ.
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Les causes des décès sont assez variées : les bases de données précédemment citées recensent aussi bien des maladies, des embuscades, des accidents, des fusillades, des obus ou des mines. Contrairement aux idées reçues, l’attribution de la mention « morte pour la France » ne résulte pas forcément d’une mort particulièrement héroïque au front puisque les maladies ou les accidents en dehors du service commandé n’excluent pas les victimes de cette attribution. Par ailleurs, les archives du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC) de Caen abondent également dans ce sens puisqu’elles recensent aussi bien des victimes civiles que militaires et que leur mort n’est pas toujours liée au combat physique ou à l’épreuve du feu. Les militaires tombées en Indochine sont donc « mortes pour la France », au même titre que de nombreuses résistantes avant elles.
Sources Cairn : Jauneau Élodie, « Les « mortes pour la France » et les « anciennes combattantes » : l'autre contingent de l'armée française en guerre (1940-1962) »,
Histoire@Politique, 2012/3 (n° 18), p. 144-161. DOI : 10.3917/hp.018.0144. URL : https://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2012-3-page-144.htm