BRANDEBOURG
Le brandebourg est un passement en forme de nœud plus ou moins sophistiqué, que l'on trouve sur les vêtements anciens, notamment sur les dolmans ou les uniformes d'officiers.
Le mot brandebourg vient de la ville allemande de Brandebourg.
Mais c’est aussi le nom donné à une unité allemande de la seconde guerre mondiale
Une « force spéciale » ayant pour vocation des actions sur les arrières de l’ennemi.
Il ne semble pas avoir existé d’unité du même genre dans les autres armées de l’époque. Et même aujourd’hui aucune armée au monde ne déclare « officiellement » disposer d’une unité ayant la possibilité d’intervenir revêtu d’un uniforme étranger et utilisant des armes locales prises sur place…
L’idée de cette unité revient à Théodore von Hippel.
Il avait servi en Afrique de l’Est pendant la première guerre mondiale et sous les ordres du général Paul von Lettow-Vorbeck spécialiste de la guerre de guérillas. Prisonnier, après sa libération il entreprit des études et obtint un diplôme de sciences politiques avant de reprendre du service dans l’armée.
L’idée lui était venue après avoir étudié la campagne de Lawrence d’Arabie contre les Ottomans.
Impressionné par la tactique utilisée, il était persuadé qu’elle pouvait être utilisée en Europe.
Lawrence et une petite bande insaisissable de saboteurs avaient été en mesure de créer le chaos et la confusion dans les forces turques et de gagner des victoires hors de toute proportion à leur nombre. Sans armes lourdes, sans armes à feu...
Il présenta son projet à l’amiral Canaris. Ce dernier ainsi que Hitler y étaient favorables contrairement aux autres dirigeants militaires. C’est la raison pour laquelle l’unité fut créée sous la tutelle de l’Abwehr et recevait ses ordres directement du haut commandement.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Canaris et von Hippel
Les « Brandebourgeois » étaient tout sauf des soldats classiques. Hippel rechercha avant tout des hommes connaissant des langues étrangères, familiers des habitudes nationales des pays visés par les futures invasions. Il y avait des allemands mais également des étrangers dont beaucoup espéraient que l’Allemagne « libèrerait « leurs pays.
D’autres étrangers étaient des sympathisants nazis.
Contrairement aux pratiques des unités SS, l’Abwehr n’était pas regardante sur les origines raciales de ses membres pourvu qu’ils remplissent correctement leurs missions. Parmi cette unité Brandebourg on trouvait des Tatars, des slaves et autres catégories considérées comme impures par les nazis.
EntrainementLa première unité de forces spéciales fut créée un peu avant le début de la guerre. Elle fut baptisée :
Deutsche Kompanie (Compagnie Allemande).
L’entrainement porta sur les opérations de diversions ainsi que sur le combat de rue, la guérilla, le parachutisme, la navigation etc. Une attention plus particulière fut portée au combat en petites équipes, à l’orientation et à la survie. L’utilisation d’explosifs à base de produits élémentaires comme la farine, la potasse, le sucre était la règle.
Tous les exercices étaient effectués avec tirs à balles réelles et souvent dans des eaux glacées.
Evoluer parfaitement derrières les lignes ennemies exigeait une parfaite connaissance des formations ennemies ainsi que des ordres donnés par la hiérarchie. Les Brandebourgeois portaient l’uniforme ennemi. Ce dernier avait été obtenu de différentes manières comme dans des boutiques de vêtements d’occasion par exemple. Les uniformes soviétiques avaient été récupérés chez les Finlandais, ces derniers ayant capturés des soldats soviétiques pendant le combat de l’hiver 1939.
L’uniforme allemand était porté en dessous afin d’éviter d’être fusillé comme espion en cas de capture.
L’utilisation d’uniformes étrangers ou civils était une caractéristique de cette unité car ce camouflage n’était pas une habitude dans les autres forces spéciales.
Ils avaient appris à utiliser l’armement de l’ennemi. Ils savaient qu’ils auraient à en trouver derrière les lignes car la plupart du temps ils partaient au combat équipé uniquement d’armes de poings et de grenades.
Organisation Encore à l’entrainement au moment de l’invasion de la Pologne, la « Compagnie Allemande » eu la chance de démontrer son efficacité.
Trois ou quatre mois avant l’invasion, des éléments infiltrés habillés en civil avaient sillonné les territoires ennemis en relevant les dispositifs de défense de l’adversaire.[/size]
Le 1er septembre 1939, seize équipes spéciales s’emparèrent de points clefs pour sécuriser l’avancée des unités d’assaut. Ils s’emparèrent également de mines de Silésie car ils étaient habillés en travailleurs polonais. Ce fut la première opération de forces spéciales de la seconde guerre mondiale.
Satisfait de cette première action couronnée de succès, Canaris approuva la création le 25 octobre 1939 de la
Bau-Lehr-Kompanie 800. Commandée par le capitaine Théodore Hippel, elle s’installa à Brandebourg d’où le nom de Brandebourgeois donné à ses hommes.]
Elle faisait partie de la section 2 de l’Abwehr chargée des actions à l’étranger. Cette section avait la réputation d’être la plus efficace de l’Abwehr.
Très rapidement, elle augmenta de volume pour devenir un bataillon le 15 décembre 1939 et un régiment le 1
er juin 1940.
ActionsAprès la Pologne, les Brandebourgeois furent engagés en Norvège et au Danemark au printemps 1940, puis dans les opérations à l’ouest à partir de juin 1940.
Même s’ils n’étaient pas estimés par les officiers de l’Armée, ils apportèrent une contribution très importante au succès du Blitzkrieg en Hollande et en France. Ils assurèrent la progression rapide des unités en occupant et sécurisant des nœuds routiers, des ponts ou des jonctions de voies ferrées. Sans eux l’avancée des troupes aurait été fortement ralentie.
L’opération la plus spectaculaire fut la prise du pont de chemin de fer hollandais de la ville de Gennep.
Ce pont de chemin de fer au-dessus de la Meuse ouvrait la voie pour pénétrer en Hollande. On savait qu’il était miné et si la mise à feu avait lieu l’avancée de troupes allemandes pouvait être très fortement compromise. La mission des brandebourgeois fut d’éliminer la garde du pont afin de permettre le passage de deux trains chargés de troupes.
Le 9 mai à minuit, une douzaine de Brandebourgeois déguisés en policiers militaires hollandais franchirent la Meuse en contrebas et remontèrent vers le pont. A une heure du matin ils étaient en position lorsqu’ils entendirent au loin le bruit de l’arrivée du train. Du côté hollandais les gardes s’approchèrent en vue d’ouvrir le feu pour l’arrêter mais ils virent devant eux six policiers militaires. Ils baissèrent les armes mais quelques instants plus tard ils furent exécutés. Les allemands contrôlaient dorénavant la partie Est du pont.
De l’autre côté en entendant le train arriver un garde se précipita au milieu du pont pour déclencher l’explosion des charges. Il fut neutralisé avant d’avoir réussi son opération. Le pont était sous contrôle. L’invasion de la Hollande pouvait commencer sans aucune perte allemande.
NieuportQuelques semaines après le début de l’invasion, un officier brandebourgeois Klaus Grabert fut chargé de sélectionner une douzaine d’hommes pour empêcher la Belgique d’ouvrir les vannes permettant d’inonder toute la région autour de Nieuport. Arme qu’elle avait utilisée lors de la première guerre mondiale. [/size]
Habillés d’uniformes belges le commando monta dans un bus militaire récupéré. Au milieu du chaos ils traversèrent la Belgique en direction d’Ostende sans être inquiétés. Arrivés à Ostende un membre parlant français apprit que la Belgique avait arrêté les combats, que les Anglais continuaient à se battre et que le pont de Nieuport était piégé.
Ils prirent la direction de Nieuport au milieu des réfugiés sans être inquiétés. Mais en vue du pont à la tombée du jour ils subirent les tirs de la garnison anglaise chargée d’empêcher toute traversée du pont.
Après avoir placé le bus en travers, Grabert rassembla ses hommes pour exposer son plan.
Avec un caporal, ils remontèrent le tablier du pont à la recherche des cordeaux détonants pour les couper au fur et à mesure. Malgré quelques fusées éclairantes ils ne furent pas repérés mais subirent des tirs à quelques centimètres de leurs têtes. Arrivés à l’autre extrémité, ils firent feu avec leurs PM. C’était le signal pour les autres membres de l’équipe qui étaient répartis en plusieurs endroits. Faisant feu et criant des ordres, ils donnaient l’impression de faire partie d’une unité beaucoup plus importante. Grenades, tirs, hurlements et l’assaut fut donné par les douze hommes. La station de commande des vannes était sous contrôle. Craignant une contre-attaque ils se mirent en position défensive mais il n’y eut aucune réaction.
Après une heure d’attente ils progressèrent vers les positions anglaises pour s’apercevoir qu’elles étaient inoccupées. Les Anglais étaient partis.
Une opération rondement menée sans aucun blessé. La route de Dunkerque était ouverte…
[b]Campagne de Russie[/b]
Le pont de Dunaburg sur le Danube juin 1941
Les éléments de reconnaissance de la 8. Panzer Division arrivent devant Dunaburg, après 4 jours de routes, de marais, de combats, franchissant 300 kilomètres en plein milieu de 2 armées soviétiques !
C'est alors que les équipages des chars voient passer, venant de l'arrière, quatre camions soviétiques avec des hommes à bord, le tout avec des uniformes russes : des unités de Brandebourgeois !
Situé à 350 kilomètres à l'intérieur du territoire soviétique, la prise de ce pont va constituer le plus spectaculaire coup de main des premiers jours de la guerre.
Le 6 juin 1941 le lieutenant Wolfram Knaak avec 30 de ses hommes, habillés en combattants soviétiques avec des camions capturés traversèrent les lignes et s’emparèrent du pont de Dunaburg par surprise. Une ]contre-attaque soviétique fut repoussée mais Knaak et quatre de ses hommes furent tués. 20 autres furent blessés. Ils étaient 26 à prendre part à l'attaque ...
La route de Léningrad était ouverte.
Le régiment fut transféré en Ukraine à l’été 1942.
Un détachement de 62 hommes commandés par le Baron Adrian von Fölkersam habillé en uniformes du NKVD eut pour mission de rejoindre Maïkop, une ville d’exploitation du pétrole au nord du Caucase.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Adrian von Fölkersam
Ce qui fut fait le 2 aout une semaine avant le début de l’offensive. Incroyable mais vrai, le NKVD local les a accueillis avec égards et leur a offert un tour d’inspection des défenses de la ville.
Le 8 aout, les brandebourgeois passèrent à l’action. Scindés en trois groupes ils s’emparèrent des réservoirs de stockage de pétrole et du centre de communication. Ce qui leur permit d’envoyer de fausses informations aux troupes ennemies situées à l’intérieur de la ville ainsi qu’à celles situées aux environs.
Le lendemain, jour de l’offensive, les premiers éléments de la 13ème Panzer Division prenaient le contrôle de la ville.
La fin des Brandebourgeois.
La rivalité entre les SS et l’Abwehr entraina le transfert de la SD (Sicherheitdienst) chez les brandebourgeois ainsi que leur disgrâce. Disgrâce qui fut concrétisée par la création en avril 1943 d’une version SS des brandebourgeois les Friedenthaler Jagdverbände. Parmi ces éléments l’un d’eux fut attribué à Otto Skorzeny des Waffen SS.
Sa réussite dans la récupération de Mussolini signa la fin des brandebourgeois. Le 1er avril 1943 le Lehr-Regiment Brandenburg 800 passé au niveau d’une division passa sous les ordres directs du haut commandement de l’Armée. Jusqu’à l’automne 1944 la Division Brandebourg ne fut engagée que dans la lutte contre les partisans dans les Balkans. Le 15 septembre 1944 la division fut renommée Panzergrenadier-Division Brandenburg et tout son effectif (900 officiers, sous-officiers et soldats) fut réparti dans des unités SS.
Inspiré des sources : weaponandwarfare, warhistory.
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Commentaire :On peut être choqué par ces unités « non classiques » qui arrivent à faire changer le cours d’une attaque, sinon de l’histoire…
Revêtir un uniforme ennemi ou un habit civil ne fait pas partie des règles de l’art !
Mais la guerre est un art difficile où armes et idées « non conventionnelles » mises en pratique par des gens formés et entrainés peuvent être redoutables.
L’image de ce parement fait penser aux beaux uniformes d’autrefois. Les Brandebourgeois n’en portaient pas mais ils savaient faire la guerre…
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Petite histoireC’était en 1965. Au cours du stage chef de section à l’ETAP on nous avait « utilisés » pour animer une grande manœuvre d’état-major. Le « Haut commandement » voulait expérimenter une nouvelle manière d’approvisionner les forces de l’avant.
Il s’agissait d’envoyer des camions parcourir des centaines de kilomètres sur des itinéraires balisés. L’originalité résidait dans le fait que les conducteurs étaient seuls sans chefs de bords. Ils étaient censés se « débrouiller » pour parcourir des routes préalablement balisées par des panneaux ou repères mis en place par des unités de circulation routière.
Un vol « opérationnel » de Pau vers Orléans nous a fait découvrir qu’il existait des sachets en papier prévus en cas de problèmes digestifs. Et, avant la tombée de la nuit nous avons fait un saut dans des champs de betteraves de la Champagne. Nous étions censés tendre des embuscades pour ralentir ces fameux convois.
Bien entendu, ce ne sont pas nos grenades à plâtre qui pouvaient lutter contre un camion Simca qui n’avait pas envie de ralentir. Il est vrai que tout cela n’était qu’un exercice et que l’intérêt pour nous était d’avoir voyagé au raz du sol et fait un saut de plus.
C’était sans compter sans l’un d’entre nous qui venait d’une unité de circulation routière et qui avait emporté son équipement.
Au milieu de la nuit, sur plusieurs carrefours, les conducteurs de camions ont vu apparaitre un « policier de la route » avec lampe et bâton lumineux qui leur indiquait la route à prendre. Certains ont hésité car les panneaux n’étaient pas dans le même sens mais deux mots de conversation ont suffit.
A d’autres endroits, bien entendu, nous avions déplacé les panneaux…
Ce fut d’une efficacité incroyable.
Nous avons appris quelques jours plus tard que la manœuvre avait été une catastrophe pour les organisateurs.
Certains camions s’étaient totalement perdus pendant 24 heures et comme ils ne disposaient d’aucune radio…
Ce n’était qu’un exercice…