La Légion, créée par Louis Philippe, oui mais…

La légion puisqu’on en parle ailleurs…




Sur les Champs-Elysées, les musiques se sont tues. Un écart s'est creusé dans le défilé. Les derniers carrés s'éloignent. Serait-ce la fin des troupes à pied et l'arrivée prochaine des blindés ? Non !

Eclate un coup de tonnerre. Un refrain connu frappe les tympans et secoue même les plus blasés. Les applaudissements crépitent alors qu'apparaissent les premiers rangs. La Légion !

Ils avancent, cognée à l'épaule, large tablier de cuir fauve et barbe fleurie. Les pionniers ! Si la Légion se bat, elle sait aussi bâtir. Ceux-là dont le faciès accuse les ans le rappellent.

« Tiens, voilà du boudin. » Tambours, clairons, relayés par les fifres et la grosse caisse, résonnent en cadence. Au milieu, l'imposant chapeau chinois égrène ses notes aigrelettes. Majestueux et fier, à l'image de son lointain prédécesseur de la Garde impériale, le tambour-major brandit sa canne et impose le pas.

Un homme seul. Le chef de ce corps prestigieux entre tous. A quelques pas derrière, le symbole des gloires acquises. Le drapeau et sa garde. Celui qui porte l'emblème, les cinq hommes qui l'entourent sont des braves parmi les braves.

Et mes voici, ces soldats légendaires au rythme lent qui n'appartient qu'à eux. Epaulettes vertes et rouges, ceinture bleue, képi blanc, regard  impénétrable.


De ces hommes que le populaire applaudit, que la légende mythifie, voici l'histoire.


Louis-Philippe, Roi des Français
A tous présents et à venir. Salut.
Les Chambres ont adopté, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Article Ier
Il pourra être formé dans l'intérieur du royaume une légion d'étrangers, mais elle ne pourra être employée que hors du territoire continental du royaume.
Cette Légion prendra le nom de « Légion étrangère ».







Avec le recul du temps, cet édit de Louis-Philippe peut sembler une innovation. L'armée française enrôle des étrangers.
Impression fallacieuse ! La décision du roi des Français, en 1831, s'inscrit dans une tradition séculaire. Soult, le ministre, secrétaire d'Etat au département de la Guerre, son initiateur, engagé en 1785, promu maréchal par Napoléon, est bien placé pour le savoir. L'armée de l'ancien régime et la célèbre Grande Armée de l'Empereur comprenaient un nombre respectable d'étrangers. Louis-Philippe ne fait que perpétuer de très vieux usages.

A Crécy en 1346, Philippe VI de Valois a 15 000 Génois. En 1445, CharlesVII s'entoure d'une garde de deux compagnies. Cette unité, exclusivement écossaise à sa formation, subsistera jusqu'en 1791. Elle avait la prééminence sur les autres compagnies de gardes du corps. Louis XI, en 1480, enrôle 6000 Suisses, soldats au métier éprouvé.
Au camp de Pont-de-1'Arche, l’année suivante, il en fait même les instructeurs de ses troupes déjà existantes. François Ier, en 1521, confirme ce pacte en « amitié durable et perpétuelle » lui permettant de lever dans les cantons les hommes dont il a besoin. La fidélité des Suisses ne se démentira jamais. Les soldats en habits rouges, le 10 août 1792, seront aux Tuileries les ultimes défenseurs de la monarchie. 26 officiers et 850 hommes sont tués ce jour-là ou massacrés début septembre.

Louis XI a donné l'élan appelée se prolonger sous ses successeurs.
Durant trois siècles, les troupes françaises comprennent en permanence de 25 à 30 % d'éléments non nationaux. Suisses bien sûr, mais aussi Allemands, Hongrois, Italiens, Polonais, Irlandais, Croates, etc… Ils viennent de toute l'Europe se ranger derrière les bannières capétiennes. A la veille de la Révolution, 24 régiments d'infanterie, 14 de cavalerie sont levés à partir de volontaires étrangers. Avec 11 régiments, les Suisses représentent le principal apport.

Bien des régiments ayant participé aux guerres récentes, 1914-1918 notamment, sont les héritiers de ces unités au passé glorieux. Leur dénomination ancienne ne cache pas leurs origines : Salm-Salm (allemandes), Salis-Samade. Ernest, Diesbach (suisses), Dillon, Berwick (irlandaises), Royal-Liégeois (belges), Royal-Pologne (polonaises), Royal-Cravates (croates), Bercheny, Esterhazy (hongroises), Royal-Piémont (italiennes), Schomberg (allemandes, polonaises, valaques)...
A leur tête, souvent de grands noms...



Lire la suite sur le forum