Un Texte transmis par notre ami Glard....LE GROUPE DE COMMANDOS D'AFRIQUE
DANS LA LIBERATION
DE LA REGION TOULONNAISE
(15 au 25 août 1944)SOUVENIRS D'UN CHEF DE SECTION - extraits Vous voudrez bien comprendre le problème que je rencontre ce jour après 40 ans passés ; l'âge aidant : avoir à vous narrer les opérations auxquelles j'ai participé sans connaître quelques scrupules, au risque[/b] d'affabuler ou d'exagérer, par exemple, ma propre contribution ou celle de mon unité aux combats des 14-15 au 21 août 1944, dans la région
toulonnaise. Mon projet initial était de limiter l'évocation de ces souvenirs aux premières heures du débarquement, dans la nuit du 14 au 15 août 1944, puisque mon unité avait été choisie, depuis longtemps déjà, pour être la première, avec un commando de Rangers américains à prendre
pied sur le sol français. Mais il était difficile - sans pour autant raconter une nouvelle fois la bataille de Toulon - de ne pas présenter, dans leur ensemble, les journées décisives qui ont précédé cette dernière.
Par ailleurs, dans son numéro tout récent de septembre 1984, le bulletin de l'A.G.P.M., vient de publier un article rédigé par le colonel Rayssen, ex-adjoint du lieutenant-colonel Bouvet lequel commandait en août 44, le Groupe de Commandos d'Afrique auquel j'avais l'honneur d'appartenir.
Cet article apporte une chronologie précise des événements et je me permets de mettre à votre disposition les nombreux exemplaires de ce bulletin que vous voyez sur l'estrade.
Ils vous permettront, avec l'aide de la carte, de mieux suivre mon propre exposé.
Cet exposé comprendra trois panies : 1) Le cadre général des opérations de débarquement de Provence, les forces en présence.
2) La formation, l'entraînement des hommes des commandos d'Afrique
et leurs combats pour le débarquement en Provence (14-15 août),
3) La contribution du G,C.A, à la bataille de Toulon (17-25 août),
Je passerai rapidement sur la première partie qui est bien connue depuis
L'Histoire de la Première Armée française du général de Lattre de Tassigny, jusqu'à des ouvrages, plus récents, qu'ils traitent des opérations militaires ou de la Résistance intérieure.
Ce sont, bien entendu, des premières dont je vous parlerai, à la fois en qualité de combattant, mais aussi ayant eu la chance d'appartenir, il y a quarante ans, à l'Etat-Major du lieutenant-colonel Bouvet - avec une vision assez large, pour l'époque, à la veille du débarquement, du cadre général de ces opérations.
1 - CADRE GENERAL DES PLANS ET DES OPERATIONS
Conçu à l'origine pour être synchronisé avec le débarquement nord (Opération Overlord), le débarquement sud (Opération Anvil, rebaptisé plus tard Dragoon) avait principalement pour objet de fixer une partie des réserves allemandes et de contraindre la Wehrmacht à évacuer le centre et le sud-ouest de la France sous la menace d'un double enveloppement issu des côtes normandes et des côtes méditerranéennes.
Après de nombreuses controverses, l'opération fut enfin fixée au 15 aOût 1944 et la zone d'assaut choisie comme répondant le mieux aux conditions techniques et tactiques du débarquement fut celle se situant entre Cavalaire, Saint-Raphaël, SaintTropez, Le Lavandou, à l'est de Toulon tout spécialement.
A - Les forces en présence1)
Du côté allemand, la 19' armée, aux ordres du général Wiese dont le
poste de commandement se trouvait à Avignon, s'étendait sur un vaste territoire, allant des Alpes à Toulouse et de la Méditerranée à Lyon. A la veille du débarquement, cette armée comprenait huit divisions d'infanterie et une division blindée, plus des réserves générales : soit, en gros, 200 à 250.000 hommes. Là-dessus, sept divisions d'infanterie étaient alignées en cordon sur le littoral de Port-Vendres à Menton.
En Provence, le dispositif était le suivant : la 244e division (général
Schaeffer, P.C. Aubagne) entre Port-de-Bouc et Sanary, la 246e division
(général Baessler, P.c. près de Brignoles) entre Sanary et Agay et la 148e
division (général Fretter, P.C. Grasse) entre Agay et Menton. Ces trois
grandes unités étaient coiffées par le 62e corps d'armée (général Neuling, P.c. Draguignan).
Appuyées sur d'importantes organisations défensives et sur les deux môles de Toulon et de Marseille, ces forces ne tenaient le front côtier qu'avec la moitié de leurs moyens, l'autre moitié étant en réserve de secteur.
Les forces aériennes, très faibles, ne comptaient que 250 à 300 chasseurs et bombardiers ; et les forces navales qu'une dizaine de sousmarins et une trentaine de petits bâtiments de surface.
2)
Les forces terrestres d'attaque alliées étaient groupées dans la 7e
armée commandée par le général américain Patch: 11 divisions se
répartissant ainsi : armée française du général de Lattre (dite armée B), 5 divisions d'infanterie et 2 blindées, 6e corps d'armée américain (général Truscott) avec 3 divisions d'infanterie et une division aéroportée anglo-américaine du général Frederick. Le tout représentant, avec réserves et soutiens, 350.000 hommes, dont 230.000 Français.
L'amiral américain Hewitt avait à ses ordres une armada franco-anglo-américaine de 250 navires de guerre (dont 5 cuirassés et 9 porte-avions) et 600 grands bâtiments de transport auxquels venait s'adjoindre une flotte miniature de 1.270 bateaux de débarquement..
Enfin, l'ensemble des forces aériennes, composées de toutes les unités disponibles des forces tactiques et stratégiques du théâtre d'opérations méditerranéen, englobait 2.000 appareils français, anglais et américains.
B - Le plan d'attaque alliéLa mission de la 7' armée (dite, pour l'occasion, force 163) consistait : à
établir une tête de pont qui pût servir de base à l'attaque puis à la prise de Toulon (objectif n° 1) ; à s'emparer de Marseille (objectif n° 2); à exploiter en direction de Lyon et de Vichy, pour tendre la main aux armées du nord.
La tête de pont devait être jalonnée d'ouest en est par la "Ligne
bleue" : cap de Léoube (à l'est des Bormettes), Collobrières, Le Cannet-des Maures, Trans-en-Provence, Bagnols-en-Forêt, Les Adrets, Théoule.
L'établissement de cette tête de pont était à la charge des divisions
américaines, déjà rompues à ce genre d'opérations ; la conquête de Toulon, puis ultérieurement celle de Marseille revenant aux divisions françaises, couvertes sur leur droite, au nord, par les unités américaines, dont une fraction devait progresser sur l'axe Brignoles - Aix-en-Provence - Orange.
Le scénario général du débarquement comportait trois phases :1) Une opération préliminaire de couverture
La couverture devait être assurée, sur les flancs de la zone d'attaque, par des actions de commandos (Groupe de Commandos d'Afrique au cap Nègre, détachement du groupe naval d'assaut de Corse, à la pointe du Trayas, Rangers américains sur les îles d'Hyères) effectuées dans la nuit du 14 au15 août.
Quelques heures plus tard, la division aéroportée du général
Frederick devait atterrir dans la région du Muy pour bloquer la vallée de
l'Argens.
2) Un assaut principal
L'assaut principal était mené par les trois divisions d'infanterie
américaines, renforcées par un «combat-command» de la 1ère D.B.
française, prenant pied le 15 août, à 8 heures du matin, sur les plages de
Cavalaire et Pampelonne (3e division), de la Nartelle, la Garonnette, au nord de Sainte-Maxime (45e division), de Saint-Raphaël, du Dramont et
d'Anthéor (36' division). de Saint-Raphaël (chars de la division blindée
française). La mission était d'atteindre. le lendemain 16 août, la "Ligne bleue"
3) La mise à terre d'une deuxième vague
La deuxième vague comprenait l'échelon de tête de l'armée du général
de Lattre. mise à terre le 16 août : Ière division française libre (Ière D.F.L.. (général Brosset). 3e division d'infanterie algérienne (3' D.I.A., général de Monsabert), Ière division blindée (Ière D.B. , général du Vigier), plus des unités de chars et d'artillerie : au total 37.000 hommes et 5.900 véhicules.
Ce premier échelon était suivi par un deuxième: 9e division
d'infanterie coloniale (9e D.I.C.. général Magnan), trois groupements de
tabors marocains (général Guillaume) équivalant à une division, soit
28.000 hommes et 3.500 véhicules.
Le reste de l'armée française: 2e division d'infanterie marocaine (2e
D.l.M .. général Dody), 4e division marocaine de montagne (4' D.M.M.,
général Sevez) et 5e division blindée (5e D.B., général de Vernejoul) devrait suivre aussitôt que le permettrait la rotation des moyens maritimes.
Dans ce plan d'ensemble, le G.C.A fut chargé de missions spécifiques
qu'il convient de présenter maintenant tant dans leurs objectifs, leur
préparation et leur accomplissement.
Cette action spécifique se déroula en deux temps forts inégaux. l'un très
bref et intense. les 14 et 15 août, l'autre plus étalé (une dizaine de jours), dans la suite des opérations.
II - LE ROLE DU G.C.A. DANS LE DEBARQUEMENT
Il fut conforme. en tout premier lieu, aux objectifs assignés depuis plus
d'un mois à cette formation.
A - Les objectifs
Ils sont énumérés comme suit, par ordre « Top secret» du 13 juillet
1944 :
« Opération ANVIL
« C) « Roméo » Force
1. Commandant: Lieutenant-colonel Bouvet.
2. Moyens: Groupe de Commandos français
3. Missions: a) Débarquer dans le voisinage du Cap Nègre sous
couvert de l'obscurité, durant la nuit du jour D-l au jour D ;
b) Détruire les défenses ennemies du Cap Nègre;
c) Bloquer la route côtière dans le voisinage du Cap Nègre et s'emparer
de la hauteur située à 3,200 km au nord du Cap;
d) Protéger le flanc gauche (du dispositif ami) durant l'assaut.
e) La Roméo Force passera sous le commandement du VI' Corps U.S.
aussitôt que le contact sera établi et passera ensuite à la réserve d'Armée, sur ordre de l'Armée »
En effet, le général de Lattre a décidé de confier à cette unité d'élite un
rôle primordial dans la préparation du débarquement de Provence : elle a
pour mission de créer une tête de pont pour fixer une partie des forces
ennemies, et d'empêcher les renfoIts d'arriver sur Toulon.
Mais la mise au point de ce plan et le rassemblement des énormes
moyens nécessaires exigent une longue période au cours de laquelle le secret doit rester total, sauf pour les commandants des différentes "Forces".
Pour ce qui concerne "La Roméo Force", le colonel Bouvet est autorisé
à habiliter sous serment deux de ses officiers qui le seconderont dans sa tâche de préparation. L'entraînement sera bien entendu «orienté» sur des thèmes voisins des missions à venir et selon le fractionnement arrêté en conséquence.
C'est en Italie que va se dérouler pendant près d'un mois cette dernière mise en condition du G.C.A. qui fera certes travailler les esprits mais ne
permettra pas de percer le secret.
La nature de l'opération, sa localisation et sa date lorsqu'elle sera
arrêtée. ne seront dévoilées que la veille de la mise en route réelle et aux seuls chefs des éléments déjà fractionnés. Quant aux autres cadres et à la troupe, ils ne seront mis au courant qu'en recevant ordres et canes de la zone d'action, une fois embarqués sur la flotte de transport.
Ceci pour le court terme, mais il est évident qu'une telle mission
exigeait aussi une préparation paniculière bien antérieure et un entraînement spécial.