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LA COMMISSION DE DÉFENSE DES FRONTIÈRES
Le 31 décembre 1925, soit un mois à peine avoir été nommé ministre de la Guerre dans le ministère Briand (Cartel des gauches), Paul Painlevé crée la Commission de défense des frontières (CDF) en remplacement de la commission précédente et où il replace le général Guillaumat.
Cette commission, comme le stipule son président, doit passer à la réalisation, selon les décisions prises le 15 décembre.
La première réunion a lieu le 24 février 1926 et moins de neuf mois plus tard, en novembre 1926, la Commission est en mesure de faire connaître le résultat de ses travaux au travers d'un rapport (N° 171F du 6 novembre 1926) que le général Guillaumat présente ainsi: « Inspirée par le souci de donner une grande résistance aux positions proposées sur chacune des frontières, la Commission a étudié des types d'ouvrages entièrement nouveaux et dans les ensembles projetés, elle a incorporé d'anciennes places comme Metz et Belfort qui ont conservé une certaine valeur. Ainsi, elle a conçu un système à la fois solide et profond favorisant une lutte opiniâtre et de longue durée, aux limites mêmes du territoire national.
Si habile que soit le Commandement, si bien organisées et instruites que soient les troupes, la fortification permanente s'impose comme l'un des instruments essentiels de la défense du pays.
Elle seule est capable de jouer certains rôles indispensables dans le cas d'opérations que le commandant en chef serait amené à exécuter dans le voisinage des frontières, pour un motif quelconque.
En cas d'événement grave, elle offre une suprême ressource. Enfin, avec le perfectionnement des armes, elle autorise des économies d'occupation croissantes ...
Ainsi, elle doit être considérée comme un sacrifice pécuniaire à consentir pour compenser la faiblesse de la natalité ".
Ce paragraphe, le premier d'un rapport qui ne comporte pas moins de 105 pages (sans compter les cartes et les plans), résume bien le cadre fixé à la future
ligne fortifiée, simplement et sans excès (compenser la faiblesse de la natalité), et surtout, sans lui prêter des vertus qu'elle n'aura pas.
Dans le chapitre 1, la Commission tire quelques leçons du passé et détermine les considérations générales qui ont guidé ses travaux.
C'est ainsi que la conception trop fragmentaire du général Séré de Rivières doit faire place à une notion de région fortifiée qui englobe fortification et troupes de campagne étroitement unies, ainsi que l'infrastructure logistique nécessaire (routes, voies ferrées, canaux, etc.).
Des parcs mobiles permettront éventuellement aux troupes stationnées le long des frontières de se porter en avant à la rencontre de l'ennemi , la Commission rappelant que la frontière nord est de la France lui a été imposée et qu'elle donne l'avantage à l'adversaire.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Fort type Séré de Rivières
Au chapitre II, la Commission dresse la liste des voies d'invasion traditionnelles qui sont respectivement : - par le nord-ouest de Hunsrück ;
- par le plateau lorrain ;
- entre Vosges et Rhin;
- par la trouée de Belfort (problème du respect ou non de la neutralité suisse).
Pour les barrer, trois régions fortifiées sont nécessaires:
- une région, dite de Metz - Thionville - Longwy ;
- une région dite de la Lauter et des Basses-Vosges ;
- une région dite de Belfort ou de Haute-Alsace.
Ces considérations ne sont pas nouvelles: elles étaient déjà énoncées dans le rapport de mars 1923.
Les autres régions seront couvertes suivant les formes du sol. En pays couverts, des destructions massives et, en zone libre, des tracés de raccordement aux régions fortifiées permettront soit de réaliser un front continu, soit de favoriser des manœuvres en liaison avec les régions fortifiées.
Le chapitre III est consacré à l'organisation défensive des frontières du Nord-Est et s'avère très important.
Tout d'abord, la notion de région fortifiée (RF) est précisée: les places fortes de 1885 sont dépassées puisqu'en raison des progrès de ]' artillerie, elles devraient présenter un rayon de 25 km, soit un périmètre de 150 km alors que la RF présentant un front continu, doublé à une trentaine de kilomètres en arrière d'une barrière sommaire, permet d'éviter un investissement par l'ennemi: «Son front doit être d'une longueur notablement supérieure à la double portée du canon adverse, et à cet égard, 60 kilomètres constituent, dans un pays d'aspect général découvert, un extrême minimum. Les bonnes dimensions sont en somme celles des rideaux défensifs du général Séré de Rivières, soit environ 80 kilomètres. »
Ensuite sont précisés les buts des régions fortifiées :
- obliger l'envahisseur à des attaques de forme générale frontale;
- s'il s'étend aux ailes en profitant de la supériorité numérique de sa population, amener la Belgique et la Suisse à entrer dans le conflit à nos côtés ;
- protéger notre concentration ;
- économiser nos forces sur de larges espaces au profit des grandes attaques ou contre-attaques ;
- favoriser la conduite de toute bataille à proximité de la frontière. Enfin, la mission et le tracé de chacune des RF sont définis:
RF DE HAUTE-ALSACE OU BELFORT
Elle doit protéger Belfort, couvrir le flanc droit des Vosges et constituer une menace vis-à-vis d'un adversaire envahissant la Haute-Alsace.
Une première position, économique en argent et en moyens, serait créée à 25 km à l'est de Belfort et traitée en fortification permanente.
Au nord du canal, il s'agira d'une organisation avec ouvrages, au sud, la position de résistance sera jalonnée de fortins appuyés à des ouvrages plus importants aux deux extrémités cependant qu'une zone de surveillance à 1 500 m en avant sur le bord de la Largue, sera constituée par des petits ouvrages bétonnés.
Une seconde position à une douzaine de kilomètres en arrière sera construite à la mobilisation.
La place de Belfort et les forts de Giromagny, du Mont Bart et de la Chaux seront conservés comme position de barrage.
Quant au Jura, même si le système défensif existant apparaît comme incomplet, il peut cependant être considéré comme suffisant dans l'immédiat: les fortifications existantes et la place de Besançon doivent donc être entretenues.
RF DE LAUTER - BASSES-VOSGES
Son rôle est purement défensif : protéger l'Alsace et le flanc droit des armées opérant en Lorraine.
Son tracé s'établit ainsi:
- dans la plaine d'Alsace, elle s'appuie au Rhin, puis englobe le Hochwald ;
- dans les Vosges, seules des destructions sont prévues ;
- entre Lembach et Bitche et à l'ouest des Vosges, un nouveau tronçon interdit le défilé boisé de Lorentzen.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Modernisation d’un fort
• INTERVALLE ENTRE RF HAUTE-ALSACE ET RF LAUTER-VOSGES
Le Rhin, sans être infranchissable, n'apparaît pas, aux yeux de la Commission comme une voie évidente d'invasion en raison des voies d'eau parallèles qui gênent l'assaillant et des Vosges qui empêchent l'exploitation.
Néanmoins, le problème de sa défense est étudié avec soin et trois lignes successives sont prévues :
- la
ligne de résistance sur la berge même du fleuve ;
- les deuxièmes et troisièmes lignes en retrait pour endiguer toute progression ennemie.
Quant à la fortification ex-allemande, elle sera soit remaniée, soit détruite.
La place de Strasbourg devient alors ville ouverte en raison de l'impossibilité de la soustraire aux tirs de l'artillerie allemande.
RF METZ, THIONVILLE, LONGWY
Son rôle est de :
- procurer l'espace voulu pour contre-attaquer un ennemi débouchant de la Sarre ;
- couvrir le bassin lorrain et le flanc gauche des forces françaises ;
- former charnière entre les armées de l'Est et les armées du Nord.
Son tracé suit :
- sur le front est, une
ligne Koenigsmacker - Faulquemont avec, en retrait, la place de Metz et ses fortifications ex-allemandes;
- sur le front nord, une
ligne allant de la Feste Koenigsmacker jusqu'à Longuyon et englobant les ouvrages ex-allemands de Thionville ainsi que la ville de Longwy.
Cette région est à traiter en région fortifiée puissante, cependant que son prolongement plus au nord serait assuré dans la région de Montmédy - Sedan par des destructions.
La place de Verdun et le fort de Génicourt pourraient être conservés, sans toutefois être restaurés
INTERVALLE ENTRE LES RF LAUTER ET METZ, THIONVILLE, LONGWY (Face au territoire de la SARRE)
La trouée entre les deux RF est jugée peu perméable en raison de son étroitesse et des étangs qui y existent. Au cas où l'assaillant s'y engouffrerait, il prêterait le flanc à des contre attaques débouchant de l'une ou l'autre RF.
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