puma Modérateur
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| Sujet: L’enfer du JU 342 Ven 22 Mar 2024 - 16:20 | |
| Sergent chef Lucien Ancel : rescapé de l’enfer du JU 342
9 octobre 1947, le 1er bataillon du 1er RCP embarque pour sauter sur Cao Bang. Après l’habituelle attente, à midi la première vague est au-dessus de la ville.Dans le junker numéro 342, le stick du lieutenant Rocolle de la 2e compagnie du bataillon est prêt à l’action. Le largueur l’adjudant-chef Finidori est à sa place à la porte pour trouver la zone de saut. Le sergent chef Lucien Ancel qui suit le régiment depuis la seconde guerre mondiale raconte : « Aussitôt installés (au départ de Gia Lam), dans le Ju 52, le lieutenant Rocolle donne l'ordre au tireur au fusil-mitrailleur de mon groupe d'échanger son arme contre ma mitraillette Thompson, ceci afin que mon jeune gars puisse toucher terre sans trop de charge....Nous décollons, notre avion prendla tête de la formation et vole à une altitude que j'évalue à trois cents mètres. Arrivés sur le site de saut, je vois sur notre droite un Catalina de l'aéronavale qui mitraille le sol à la 12,7 tout le long d'une route. Je me dis que nous n'allons pas tarder à sauter. J'aperçois une agglomération entourée de collines. Le lieutenant Rocolle nous donne l'ordre de nous préparer. Je vérifie bien que chaque mousqueton est bien accroché sur le câble et je reviens vers mon chef avec qui j'ai participé à de nombreuses opérations pour m'apprêter à sauter derrière lui et le chef Commerçon. Juste à ce moment-là, notre avion, qui est passé à environ cinquante mètres au-dessus du sommet des collines qui forment notre objectif, est pris à partie par les rafales d'une mitrailleuse camouflée dans un entonnoir. A partir de cet instant, tout devient « dantesque», le moteur situé du même côté que la porte d'éjection est en feu et les flammes qui lèchent le fuselage pénètrent dans l'ouverture, atteignant le lieutenant Rocolle au visage et aux mains. Je me rue sur mon chef et Commerçon qui ont eu, instinctivement, un mouvement de recul et les pousse dans le vide en hurlant : « En avant!». En un éclair, je réalise que l'homme d'équipage chargé de balancer le container d'un mortier de 80 mm qui est à côté de moi ne possède pas de parachute, j'essaye de l'agripper, mais il se replie en boule sur lui-même et je renonce à l'entraîner dans le vide. Pendant ce temps, l'appareil perd de l'altitude car le pilote ne le maîtrise plus. Je saute enfin dans le vide au travers du rideau de flammes qui envahit l'habitacle et je réalise que j'ai les mains brûlées ainsi que le visage. Mon parachute s'est ouvert normalement, j'entends soudain une explosion sourde, c'est notre Ju 52 qui s'est écrasé. Je lève les yeux avec difficulté vers le ciel dans l'espoir d'apercevoir les parachutes de mes compagnons, mais mes yeux brûlés ne voient défiler que les autres avions de la vague d'assaut qui reprennent de la hauteur pour éviter de se faire tirer dessus par la pièce rebelle. Je regarde vers le sol et j'aperçois enfin deux parachutes, sans doute le lieutenant Rocolle et Commerçon.Le soleil brûlant accentue encore la douleur des blessures de mes mains et, en même temps je ressens une autre morsure douloureuse dans le dos : c'est le sac de mon parachute qui brûle, entamant ma chair et je ne peux rien faire pour l'éteindre. Je réalise soudain que si les flammes entament les suspentes de mon pépin je suis bon pour un plongeon de quarante à cinquante mètres. Une seule solution : me dégrafer! J'accroche mon F.M. à l'un de mes pieds par sa courroie, j'enlève mes sangles et je m'agrippe avec la force du désespoir aux suspentes sans me soucier de l'endroit où je vais tomber. En fait de terre ferme, je tombe en plein dans un cours d'eau.J'abandonne les suspentes et me laisse couler dans cette eau fraîche qui a un effet bienfaisant sur mes brûlures. Je gagne, tant bien que mal, la rive, seulement éloignée de quatre à cinq mètres, je me hisse avec beaucoup de mal sur le sol et dépose le fusil-mitrailleur pour enlever mes vêtements à moitié calcinés. Les autres avions reviennent sur le site et commencent le parachutage. Je repère difficilement l'endroit où j'avais vu les deux parachutes de mes compagnons et je rejoins le lieutenant Rocolle et Commerçon qui essaye de se débarrasser de ses sangles et de son harnais malgré les brûlures de ses mains. Je prends le Colt du lieutenant et le place entre ses mains, puis Commerçon m'aide à le cacher dans une baraque toute proche. Tous les deux, nous partons en direction du sommet de la colline où se trouve la pièce qui nous a abattus. Nous distinguons bientôt quelques hommes dans le soleil, nous pensons que ce sont quelques-uns des rescapés de l'appareil mais nous déchantons vite car, en fait, nous avons devant nous des Viêts-minhs en arme.Oubliant mes douleurs, j'empoigne mon fusil-mitrailleur et j'ouvre le feu en balayage sur tout ce qui bouge tandis que Commerçon fait de même avec sa mitraillette Thompson. Nous courons en slalom entre les éboulis, sans cesser de tirer et nous franchissons ainsi, à découvert, les quelque cinquante mètres qui nous séparent du sommet. Nous plongeons dans l'entonnoir où se terre la pièce et nous lançons nos grenades, tuant ou blessant tous les servants de l'arme établie en D.C.A. D'autres Viêts-minhs, éparpillés sur le versant nous prennent à partie, mais sans nous atteindre. N'ayant plus de munitions pour alimenter mon fusil-mitrailleur, devenu fou de rage, j'empoigne à bras le corps la mitrailleuse ennemie Hotchkiss de 8 mm et envoie des rafales sur les rebelles qui s'enfuient, les abattant comme des lapins. Je ne cesse de tirer que lorsque le capitaine Laffargue, qui vient d'arriver à la rescousse avec quelques paras, me donne l'ordre d'arrêter le carnage. Hébété, je lui obéis. »Le sergent chef Ancel est évacué le lendemain. Son dos et ses mains sont rongés par les brûlures. Il apprend sur son lit d’hôpital que sa femme vient d’accoucher d’un fils né le 9 octobre.Huit parachutistes ont réussi à sauter avant l'écrasement de l'avion en tôles ondulées, parmi lesquels, le lieutenant Rocolle, le sergent-chef Commerçon, le caporal Chevallier, le sergent Batifoulier et le sergent-chef Lucien Ancel. 15 hommes périssent dans l’enfer du Junker 342 :Chef de bataillon Lambert, 4e bureau T.F.I.N.Commandant Viot, commandant le groupe de transport.Sous-lieutenant Floch, pilote.Adjudant Chirouze, mécanicien.Adjudant-chef Finidori, 4e cie, largueur.Caporal-chef Cillard, 4e cie, largueur.Sergent Barbaud, 2e cie.Sergent Boucher, 2e cie.Chasseur Bousquet, 2e cie.Première classe Jolly, 2e cie.Aspirant Barbier, radio.Première classe Eberhard, 2e cie.Deuxième classe Ertzchzid, 2e cie.Caporal partisan Mao, C.B.I.Caporal Pernet-Mugnier, C.B.I. _________________ N° 312 793 - 1er RCP
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