Je ne sais pas comment ça se passe pour vous mais avec le printemps on se sent comme envahi.
Les bourgeons montrent le bout du nez, on s’active dans les haies et ça vocalise dans tous les coins. Il y a du monde partout mais bon, c'est agréable de se promener dans le jardin…Conversations dans un jardin…
Au détour du buisson d’asters je le vis.
Il était appuyé sur son pied gauche et son œil me fixait.
Un hochement de tête me fit comprendre qu’il avait quelque chose à me dire.
Un héron qui communique c’est rare. Je me suis approché.
Un petit coup de bec sympa sur ma main tendue et la conversation s’engagea.
Avec un charmant petit accent, il m’expliqua qu’il devenait de plus en plus difficile de trouver un endroit pour faire un nid.
Je l’ai écouté avec intérêt…
Un peu plus loin, au pied d’un vieux pommier, j’ai été interpellé par un couple de corbeaux qui découpait une pomme en rondelles. Découper des tranches avec un bec ce n’est pas facile mais ils y tenaient. Ils étaient de la vieille école. Manger proprement faisait partie de leur éducation.
Entre deux croassements de satisfaction eux aussi me firent part de leurs soucis pour se loger.
Les arbres un peu grands étaient coupés par peur des tempêtes. Les plus petits étaient envahis par les étourneaux et leurs horribles piaillements.
Comment dans ces conditions trouver un endroit pour élever les enfants correctement !
J’étais bien d’accord avec eux...
En poursuivant mon chemin, je suis tombé nez à nez sur un écureuil qui enfouissait laborieusement une noix sous un arbuste.
Une fois de plus, j’entendis quelqu’un se plaindre des difficultés à trouver un logement. Les oiseaux migrateurs s’étaient installés partout. Des tentatives de négociations avaient bien été faites mais personne ne se comprenait. Les traducteurs avaient renoncé car le langage des signes avait entrainé des affrontements. Certains gestes ayant été mal interprétés.
Faute de mieux, les écureuils s’étaient installés dans les tas de feuilles au grand dam des hérissons.
Ces derniers avaient cherché refuge chez les fourmis.
Depuis, les vers de terre creusaient des trous partout à la recherche d’un peu de tranquillité.
Arrivé au fond du jardin, j’ai fait signe au rouge gorge qu’il était inutile de pousser des piaillements de désespoir.
J’avais compris. Encore un qui avait des problèmes d’installation !
Alors, la mésange bleue que je connaissais bien sauta sur mon épaule pour me proposer une graine de tournesol.
J’ai accepté son cadeau et nous avons bavardé un instant.
Nous avons surtout parlé de la couleur du ciel. A la fin de la conversation, au moment de me quitter, elle m’a demandé si elle pouvait s’installer dans la cheminée.
Je n’ai pas répondu. J’ai peut-être eu tort…
Depuis une semaine, je ne sais plus où dormir.
Le héron est dans le salon. Il saute de fauteuil en fauteuil, il est ravi.
Les corbeaux sont dans la cuisine, mais tout est parfaitement rangé et les petits font la vaisselle chacun leur tour.
Les écureuils passent de la chambre à coucher à la salle à manger et cachent leurs noix sous les armoires.
Le rouge gorge s’ébat dans la baignoire et chante à tue-tête dès que je tente de prendre une douche.
Quant à la cave, elle est occupée par le hérisson qui s’est installé dans la réserve à vins. Je bois de l’eau, c’est meilleur pour la santé.
Le garage est devenu le royaume des fourmis et la voiture disparait sous une montagne d’épines de sapins.
Depuis, je prends les transports en commun.
Hier, j’ai téléphoné à mon voisin pour lui demander s’il avait une chambre à louer.
Il y avait beaucoup de bruit chez lui.
Il était navré de ne pas pouvoir me rendre service.
Sa maison était occupée par une bande de colverts…
(
Extrait de : Un jour j’ai rencontré…)