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Le chant militaire... et para en particulier
Comme en toute chose les légendes sont tenaces, il est parfois bon de passer de « radio roulantes » comme on disait en 14, notre « radio caserne » d’aujourd’hui, à une vision plus « historique » de l’histoire.
Nous avons déjà tué sur le forum les « fourragères noires » et autres
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Il est donc maintenant temps de tordre le cou, à cette autre légende qui voudraient que ce soient les transfuges de la Wehrmacht (et de préférence des Waffen SS, tant qu’on y est) engagés dans la légion qui ont apportés leurs chants.
En fait il n’en est rien, et même si certains groupes de légionnaires allemands ont chanté -en allemand- certains chants lors de bivouacs, cela n’en fait pas des chants ni classiques, ni de tradition.
Aujourd’hui la pratique du chant est devenue résiduelle dans la population, les chants de métier ont disparu, il ne reste qu’une tradition de chants grivois ou de chants militaires.
Les soldats, et pour ce qui nous concerne les parachutistes, vont créer de toutes pièces un répertoire de chants nouveaux qu’ils continuent d’enrichir.
Dans l’armée française, si la pratique du chant relève des usages. En Indochine on chante peu, en 40 on connaît des chansons de marche et quelques airs hérités de la guerre précédente.
Le chant militaire et para en particulier va trouver son apogée en Algérie. Voyons comment.
Tout d’abord il faut savoir que pour ce qui est du chant le règlement n’intervient quasiment pas.
On trouve des directives sous la Révolution, d’autres aux changements de régime pour tenter de faire oublier les chansons des régimes précédents, ou encore les tentatives de moralisation pour écarter les chansons grivoises avant la Grande Guerre.
Plus récemment, nous connûmes les années 61/63, le grand « trou noir » des parachutistes, où l’on interdisait tout… Plus tard, dans les années 1980, l’armée prendra peur devant les journalistes de gauche et en même temps que l’interdiction de certains titres, on verra l’édition de deux recueils officiels de chants militaires rapidement oubliés.
En fait les soldats s’occupent seuls de créer et d’adapter des chansons pour leurs besoins, la créativité ne dépassant pas le niveau compagnie, sauf, comme on le verra, quand un chef de corps commande un chant régimentaire.
En effet, la chanson militaire du XXIe siècle correspond à une nécessité. Ses deux rôles principaux sont la cohésion et la communication.
Car si le devoir de réserve s’est imposé, pour la troupe la chanson reste un authentique moyen d’expression, au point que certains chants de protestation sont même devenus des chants de tradition, suivant l’ancien exemple des élèves-officiers avec la Galette.
Les parachutistes arme jeune, vont eux se constituer un répertoire original et abondant.
La source principale sur ce répertoire immatériel est d’abord la transmission orale, ce qui sera chanté par la troupe est ce qu’il en subsiste dans les mémoires des anciens ; ensuite ce sont les sources indirectes que constituent les enregistrements et les carnets de chants…
On retrouve d’abord un titre contemporain de la création des parachutistes, «
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], et sa mélodie empruntée à la bande son d'un film sorti en 1936.
Ensuite des compositions remontant à la IIe Guerre mondiale qui sont toujours chantées
([Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]...) et le cinéma met les paras en vedette, en 1947 le film Bataillon du ciel est un gros succès.
La guerre d’Indochine apporte quelques chants nouveaux (
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], adaptation du chant de la LVF, Contre les rouges), c’est donc surtout la guerre d’Algérie qui va enrichir le répertoire et faire évoluer la pratique.
Les premiers chants de tradition des compagnies, sont, apparus à l’initiative du lieutenant-colonel Bigeard alors qu’il commandait le 3e RPC.
Soignant particulièrement sa communication car il avait aussi perçu l’importance des médias.
C’est donc lui qui généralise l’usage du défilé au pas cadencé en chantant…
En 1957, dans le contexte de la bataille d’Alger, faire défiler des troupes dans les rues en chantant est une prise de pouvoir de l’espace, (Hitler et sa SA en furent les précurseurs. Ce qui nous donnera le chant: La Rue ) une démonstration de pacification et une opération de communication parfaitement perçue de l’adversaire…
… et comprise des autres unités puisque l’usage se généralise au sein de l’armée.
Bigeard innove aussi en enregistrant un 45 tours en 1957, (Chants de marche et de bivouac) il montre ainsi l’importance toute particulière qu’il accorde au chant alors que la priorité est à la sécurisation de la ville d’Alger en proie au terrorisme.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]3e RPC Chants de marche et de bivouac, 45 tours, Pathé, EA 20 En 1958, il prépare aussi l’enregistrement, dans les studios de Radio-Alger, du premier 33 Tours microsillon de chants parachutistes (Les Casquettes sont là) qui sera publié sous le commandement du colonel Trinquier par la société Philips.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]3e RPIMa, Les Casquettes sont là, 25 cm, Philips B 76.480 R Le 25 cm « Les Casquettes sont là », du 3e RPIMa, est le premier disque régimentaire parachutiste, c’est aussi le premier à mentionner des chants de compagnie (Chant de la Compagnie portée et
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], titré Chant de la 2).
Aucun des disques publiés par Decca et Président dans la même période n’évoquent le rôle traditionnel des chants.
L’exemple est rapidement suivi par les firmes Decca et President qui lancent des collections de disques de chants parachutistes. Plusieurs fois réédités, ils vont contribuer à populariser et élargir considérablement l’audience de ce nouveau répertoire au sein de l’armée et de la population civile, le sortant de la transmission militaire traditionnelle par le bouche à oreille.
La bataille d’Alger restera longtemps la seule gagnée par une armée conventionnelle contre le terrorisme et sera enseignée à West Point. Si le rôle du chant dans la conquête de l’ascendant moral au sein de l’opinion publique est rarement souligné, il est reçu « fort et clair » par les professionnels.
Le cinéma est encore une source d’inspiration en1958 quand sort le film Le Pont de la rivière Kwaï, sa musique est reprise pour le
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A suivre.
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