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Les obsèques du médecin général Patrice le Nepvou de Carfort se sont déroulées aux Invalides le 25 mars 2010 où les honneurs lui ont été rendus.
Éloge funèbre du général Jean-Claude THOMANN
"Mon général, Cher très grand ancien, Toubib,
En tant que Président du Club des chefs de section parachutiste dont vous étiez un membre éminent, et en tant qu’ancien chef de corps du 8°RPIMa, régiment que vous avez marqué de votre empreinte dans des circonstances tragiques, il me revient de traduire aujourd’hui l’émotion que ressentent tous ceux qui vous ont connu, qu’ils soient présents aujourd’hui aux Invalides dans notre église des soldats ou présents par la pensée pour cet hommage, qui marque à la fois la reconnaissance de nos Armées pour les exceptionnels services que vous lui avez rendus et l’estime toute particulière que vous accordait toute la communauté parachutiste, ainsi que vos frères d’armes de tous les horizons et les personnels du Service de Santé des Armées.
Né le 10 octobre 1925 à Bonen dans les Côtes d’Armor, vous ralliez l’Ecole du Service de Santé Militaire de Lyon en octobre 1945, où vous êtes brillamment reçu docteur en médecine en 1951, avant de rejoindre l’Ecole d’application du Service de Santé des Troupes Coloniales à Marseille.
Dès juin 1952, vous partez en Indochine et êtes confronté d’emblée aux dures réalités des combats. Pendant deux ans, vous faites preuve des plus belles qualités humaines et militaires. Médecin chef de bataillon, vous vous portez avec un remarquable sang-froid et un total mépris du danger dans les zones de combat les plus meurtrières.
« Médecin chef du corps qui est une figure marquante de l’unité, d’un dévouement et d’un courage exceptionnels, très aimé de ses camarades, littéralement adoré par la troupe, qui s’incline devant son abnégation et son dévouement », tel est, selon le capitaine Tourret, commandant le 8e BPC, le portrait du médecin-lieutenant Patrice Le Nepvou de Carfort.
Cité trois fois à l’ordre de l’armée et deux fois à l’ordre de la division, vous êtes promu au feu en raison de votre conduite qui force l’admiration au cours des combats de Dien Bien Phu et êtes nommé, à titre exceptionnel, chevalier de la Légion d’Honneur pour faits de guerre. Fait prisonnier en mai 1954, vous êtes libéré en septembre puis affecté au 8e bataillon parachutiste de choc à Bayonne.
De janvier 1956 à septembre 1959, vous servez en Polynésie où votre engagement et votre dévouement sont à nouveau mis en exergue.
Muté dans le sud-algérien en octobre 1959, vous rejoignez le 8e régiment d’infanterie de marine comme médecin-chef. Jeune officier supérieur, vous vous signalez par votre jugement très sûr, votre pondération et votre dynamisme. Toujours volontaire pour les missions les plus périlleuses, vous donnez une image exemplaire du médecin militaire et vos actions en opération, empreintes de courage et de détermination, vous valent une sixième citation.
De retour en métropole, et après un stage à l’Ecole d’Etat-major, vous êtes nommé en juin 1961 médecin chef de l’annexe du dépôt des isolés des troupes d’outre-mer à Paris où vos immenses qualités, et en particulier votre rayonnement, sont appréciés de tous.
Mon général, vous serez encore, de 1962 à 1965, médecin-chef d’un hôpital aux Nouvelles Hébrides, puis biologiste au service mixte de contrôle biologique à Paris de 1965 à 1973, année qui vous voit à nouveau rejoindre les Hébrides comme chef du service de santé.
Après avoir été président de la commission de réforme de Paris de 1975 à 1978, vous êtes de 1978 à 1980 chef de mission médicale et conseiller technique du ministre de la santé de Djibouti. En 1981, vous êtes nommé inspecteur technique de la médecine de prévention des armées et promu médecin général en 1982.
Vous êtes admis dans la 2e section du cadre des officiers généraux le 1er novembre 1985, avec le rang de médecin chef des services hors classe, au terme de près de 40 années de services durant lesquelles vos connaissance médicales, votre sens de l’opérationnel, vos exceptionnelles qualités humaines et votre dévouement sans pareil ont toujours été soulignés.
Permettez-moi, Mon général, d’ajouter à ces appréciations de vos chefs successifs, trois témoignages qui illustrent parfaitement tout ce que vous avez été pour vos frères d’armes.
En premier lieu, celui du colonel Lemire, dans son livre « Epervier », en légende d’une photo d’Indochine, qui appartient à la légende des parachutistes :
« Patrice de Carfort, son aisance et sa réserve, en un mot sa distinction naturelle, son regard clair et sa blondeur, ne trahissaient pas forcément aux yeux du profane sa qualité de médecin de l'armée coloniale.
Il est ici (sur la photo) à côté du sergent Camille Lambert gravement touché par une mine à MY TRACH. Il n'a pas pu le sauver, mais s'il était sensible à la mort des siens, il ne laissait pas l'émotion le paralyser.
Il avait le contact humain facile et naturel. Son autorité tranquille s'accommodait sans effort d'une grande gentillesse. »
A ce portrait, j’ajouterai celui que fait de vous Madame Geneviève de Galard, « l’ange de Dien Bien Phu », que vous avez bien connue :
"Le souvenir de Patrice de Carfort me replonge dans l'Antenne de Dien Bien Phu.
Malgré sa charge écrasante de médecin du 8ème bataillon de parachutistes coloniaux, sans cesse sur la brèche, il trouvait le moyen d'y venir pour un contact avec le Docteur Grauwin, mais surtout pour voir ses blessés, et pour tous il avait un mot de réconfort.
Patrice mettait de l'âme dans sa vocation et j'ai toujours à l'esprit cette photo déjà célèbre où on le voit, au cours d'une opération, auprès d'un blessé grave ; il y a dans son regard toute la souffrance ressentie devant son impuissance à le sauver, mais j'y vois aussi un regard vers l'ailleurs, une prière peut être.
Patrice aimait les solitudes mais il était profondément humain."
Enfin, permettez-moi de vous citer le témoignage informel que m’a confié le Dr Gindrey, chirurgien à Dien Bien Phu, et qui a fait ses premiers sauts de brevet en même temps que vous :
« Chaleureux et secret, Patrice faisait preuve d’un dévouement extraordinaire. C’est ainsi que, lorsque le 8 revint, à travers la jungle, de son raid sur le Laos en décembre 1953, il n’eut de cesse, quoique épuisé lui-même, d’aller d’un bout à l’autre de la colonne pour réconforter ses camarades. A Dien Bien Phu, sa lucidité frappait beaucoup les autres : elle nourrissait son courage, toujours très remarqué. Superbe combattant, il était aussi extrêmement compétent. Et il était élégant : c’était un SEIGNEUR »
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